♪♪♪♪ : Je te sauverais
« - Katsuki, c'est l'heure d'aller en cours. »
Grognant dans sa barbe mal-taillée, parce qu'il n'a pas prit le temps de se raser depuis plusieurs jours, il se relève difficilement. Une feuille de papier accroché à la joue, et quelques post-it négligemment collés sur l'avant-bras droit, sur lequel il était assoupit. Il donne l'impression d'être totalement perdu, et d'émerger d'une nuit bien compliqué.
Comme un enfant, le jeune homme se frotte les paupières avec ses paumes de mains, et met quelques instants avant de se replacer dans son environnement. Papillonnant des yeux, pour s'ajuster à la luminosité de la pièce, en raison des volets qui n'ont même pas été baissés la veille, il baille à s'en décrocher la mâchoire.
« - Tu devrais aller prendre une douche. »
Sa mère lui tend une tasse de café fumante, toujours habillée de son uniforme de travail, signe qu'elle vient à peine de débaucher. Le regard emplit d'inquiétude face à l'épuisement de son fils, elle tique quelque peu. Tout en venant passer une main dans sa folle chevelure, il se blottit contre elle tel un chaton à la recherche d'amour. Katsuki en ronronnerait presque, toujours prisonnier de cette phase qui se situe tout juste entre l'endormissement et l'éveil total.
Mitsuki pourrait pratiquement le guider dans son lit, et venir le prendre dans ses bras sans qu'il n'oppose aucune objection. Elle est même certaine qu'il viendrait nicher, de son propre chef, sa tête au creux de son cou, avant de replonger dans les limbes du sommeil, et ce pour plusieurs heures.
« - Tu es malade ?
- Non non... »
Tout en fronçant les sourcils, en venant constater sa température avec sa paume de main, elle jette un œil sur le foutoir qui a prit place sur le bureau. Des piles de livres en tout genre s'entassent, menaçant presque de s'écrouler. À la manière d'une Tour de Pise de connaissances, nettement moins bien solide, qui peut sûrement chuter à la moindre respiration trop brusque.
Le pan de mur face à son meuble de travail est recouvert d'articles, sans doute découpés dans de vieux journaux, ainsi que des multiples feuilles sur lesquelles sont rassemblées une foule d'informations.
« - C'est bon va te coucher, je vais appeler ton école.
- Non maman, je vais y aller. Tu donne ta santé pour que je fasse des études supérieures. Le moins que je puisse faire c'est de me pointer là-bas.
- Va te mettre dans ton lit. Si tu mets un pied en dehors de cette chambre ou de la maison, je viendrais te chercher comme un gamin de cinq ans. Est-ce clair ? Et il va falloir que nous ayons une conversation toi et moi. »
Il déglutit, tout en hochant la tête. Gardant bien pour lui ses petites envies de rébellion, il a conscience que ce n'est pas le meilleur moment pour exprimer son désaccord. Ses raisons ont beau être tout à fait nobles, Katsuki sait qu'il n'est pas en position de force.
Se contentant de revêtir un sweat-shirt, il se glisse dans son lit tout en attendant que sa mère revienne. La connaissant, elle a passé son coup de téléphone, et est déjà dans les escaliers pour venir le voir. Alors, il lutte tant qu'il peut contre cette fatigue, et ses paupières bien trop lourdes.
Conséquences de ses longues semaines à naviguer entre recherches, et sa propre vie.
Jetant un rapide coup d'œil sur la table de chevet, il vient se raccrocher à la raison de son interminable enquête. Depuis cette étrange sensation, ce rêve tout à fait particulier dont il n'a malheureusement que de bribes, il n'arrive plus à réfléchir de façon rationnelle.
La boîte à musique est toujours ici, bien à sa place. Prenant soin de ne pas la manipuler plus que nécessaire, Katsuki se rend compte qu'une fine couche de poussière à eu le temps de se déposer dessus.
« - Je ne comprend pas pourquoi tu es obnubilé à ce point par cette breloque. »
Il aurait presque pu sursauter, face à cette phrase sortie de nulle part. Il ne l'avait pas entendu revenir, ni même franchir le palier de sa porte de chambre. Il n'avait pas vu qu'elle était appuyée contre le plateau de son bureau, au milieu de tout ce bordel accumulé qu'il devrait sans doute trier pour s'y retrouver un peu, à l'observer.
« - C'est pas une breloque maman. »
À contrario de ce que l'on pourrait croire, Mitsuki n'est pas toujours quelqu'un d'explosif, dont le caractère est facilement invivable. Lorsque c'est nécessaire, elle est tout à fait capable de rester silencieuse, et d'observer les évènements de loin, avec un œil de lynx.
C'est d'ailleurs de cette manière qu'elle a pu tendre une main à son enfant, quand elle a vu les ravages qu'avaient pu causer cette vie bien difficile. Malgré sa tristesse d'avoir perdu son mari, il fut évident que son petit garçon avait conservé sa manie de ne rien lui dire, par peur de lui imposer une charge bien lourde.
Il est vrai qu'elle courrait un peu trop : entre son deuil, et les dettes monstrueuses à rembourser suite aux soins médicaux non-remboursés. Le déménagement, qu'il a fallut organiser rapidement pour faire des économies. Son employeur qui a cru bon de la renvoyer à ce moment-là. L'urgence de trouver un autre emploi, et d'obtenir des fonds pour les études de son fils.
Mais, telle une guerrière, rien n'a pu la faire tomber. Elle s'est appliquée à prendre les problèmes un par un, gardant en tête qu'il ne pouvait y avoir que des solutions. Certes, il est bien compliqué de conserver le moral d'une journée à l'autre. Cependant, il ne s'agissait pas d'une raison pour elle d'abandonner et de se laisser aller.
Prenant longuement le temps de discuter avec Katsuki, elle à veillé à ne rien rater. L'accompagnant dans ses angoisses, dans ses nuits bien difficiles lors de la perte de son père. Et puis, sept mois auparavant, quand son petit-ami a prit la poudre d'escampette afin de ne pas assumer la responsabilité de son adultère, Mitsuki a patiemment écouté son chagrin tout en remballant son envie d'aller détruire celui qui le faisait pleurer.
Alors, même si Katsuki ne lui a pas clairement parlé de cette boîte, ainsi que l'importance qu'elle peut avoir à ses yeux et dans son cœur, elle en a tout de même conscience.
« - Qu'est-ce que c'est dans ce cas ?
- Tu sais qu'elle a une grande valeur ? Regarde comme elle est belle. Tu peux pas dire que c'est une breloque.
- Et ça justifie que tu en sacrifie ton sommeil, tu penses ?
- Je le sacrifie pas.
- Donc... tous ces papiers, sur ce fameux Midoriya ? Tu les as trouvé durant tes cours peut-être ? »
Piqué au vif, sachant pertinemment qu'il a tord, Katsuki détourne le regard. Il n'ose pas l'affronter et planter ses yeux dans les siens. Il a conscience de tout ce qu'il est en train de faire, à accorder son temps libre à cet objet durant le mois qui vient de s'écouler.
Mais cette pauvre boîte fait entièrement partie de lui après tout.
« - Non.
- J'ai rien contre le fait que tu te prenne de passion pour des choses mon cœur... Mais tu devrais te préserver tu ne penses pas ? »
Un air boudeur collé au visage, le blond se recroqueville sur le matelas en essayant de ne rien laisser percevoir. Malheureusement pour lui, sa mère le connaissant absolument par cœur, elle devine sans mal ce qui se dessine dans sa petite tête. Se rapprochant petit à petit, Mitsuki laisse un petit sourire prendre place sur ses joues.
Ces quelques instants, viennent lui rappeler des souvenirs remontant à l'enfance de son petit garçon. Quand il boudait pour une quelconque bêtise, ou simplement parce qu'il n'avait obtenu qu'un refus devant sa demande de plonger une main dans le bocal à sucrerie.
Nostalgique, la mère de famille vient s'allonger derrière lui, tout en replaçant la couette de façon à ce qu'ils soient tout deux recouverts. Sans pour autant ajouter un mot, le jeune homme se retourne tandis qu'elle lui ouvre ses bras.
Comme ils en ont prit l'habitude depuis plusieurs années, Katsuki vient s'installer au creux de cette étreinte, tandis qu'elle l'enferme dans un cocon d'amour et de bienveillance. Le visage placé dans son cou, comme elle l'avait prédit, il vient caler sa respiration contre la sienne.
« - J'ai l'impression de te revoir, quand tu avais quoi ? Huit ans ? Tu venais prendre la main de ton père, et tu le tirais dans le jardin parce que tu avais trouvé une pierre étrange. Tu avais prétendu avoir trouvé une ancienne civilisation. Et c'est là que tu as commencé à dévorer tous les livres d'histoire qui passaient sous ton nez. »
Incapable d'ouvrir la bouche devant cette horde de souvenirs, le garçon se contente d'écouter attentivement les paroles de sa mère. C'est toujours aussi délicat de repenser à cette période. Il a l'impression que rien n'étais plus simple que ces instants, où leur famille était réunie et capable de déplacer des montagnes.
Aujourd'hui, il se contente d'observer sa mère tenter de faire glisser les roches une à une, en se sentant bien inutile.
« - Vous avez été si proches tous les deux... Tu semblais épanoui, et heureux.
- Je l'étais.
- Et maintenant ? »
Sans qu'il ne parvienne à comprendre réellement, Katsuki fond en larmes. Cette question, aux allures pourtant si banale, porte finalement bien plus de poids qu'il ne le pensait.
Il a été heureux, un jour, il y a si longtemps. Mais qu'en est-il d'aujourd'hui ?
Au centre de ses préoccupations. Sept interminables mois après une rupture bien douloureuse, découlant d'une histoire qui ne l'a peut-être pas autant comblé qu'il n'a pu le croire. À se chercher dans tant de choses, pour trouver cette petite vibration. Et face à cette œuvre d'art, qui persiste à lui résister. Devant ces étranges souvenirs, qui le marquent profondément.
Il n'est pas heureux.
Il se sent... Incomplet.
« - Je n'imaginais pas que ça allait jusque-là. Pourquoi tu ne viens pas me parler Katsuki, je suis ta mère. Je suis là pour toi.
- Parce que...je sais pas ! J'arrive pas à savoir. J'arrive pas à réfléchir et comprendre maman ! C'est si difficile de parler, et de dire. Si compliqué de penser.
- Calme-toi, je suis là. Moi je suis ici, auprès de toi d'accord ? Je ne t'abandonne pas. »
Dans un réflexe, lui provenant sans doute de son instinct maternel qui se met à crier au fond d'elle, elle resserre cette étreinte. S'assurant de venir essuyer chaque petite larme qui se fraye son chemin, Mitsuki prend garde à ses agissement.
Son enfant a beau avoir une carrure qui impose la crainte et le respect, elle sait mieux que quiconque qu'il possède un caractère d'une grande sensibilité.
« - C'est pour ça que tu t'es plongé à corps perdu dans ces recherches ? Parce que tu voulais t'éloigner de la réalité ?
- Peut-être.
- Fuir n'est pas une solution, tu le sais.
- Bien sûr que j'en ai conscience maman. C'est juste... Il y a quelque chose. Je peux pas te l'expliquer, moi-même j'arrive pas à en saisir le sens.
- Alors laisse-moi t'aider. »
Lui adressant un regard emplit de douceur et de bienveillance, Katsuki prend le temps d'inverser les rôles, pour une fois. Se replaçant dans un costume d'homme, qui dirige sa vie d'une main de fer, sans pour autant laisser qui que ce soit l'atteindre. Ce même masque qu'il porte depuis le lycée, imposant le respect et la distance. Celui qui lui a valu une notoriété incomprise, dont il n'a jamais réellement voulu.
Il observe sa mère, et sa fatigue constante. Il la voit telle qu'elle est, cette héroïne qui porte son existence sur son dos, tel le plus lourd des fagots de bois que l'on ai pu construire. À diriger sa famille et n'importe quel évènement d'une seule main, tandis que l'autre rattrape ce qu'il s'écroule en chemin pour en perdre le moins de miette possible.
Mitsuki est si fatiguée. Dans son uniforme, aux couleurs qui arrachent les yeux, et ne la mettent que peu en valeurs. Ses cheveux deviennent peu à peu si ternes, tout en s'accompagnant de mèches qui blanchissent. La peau de ses mains est devenue calleuse et si rêche.
Il la voit étouffer des bâillements tout en s'accrochant à la machine à café, en enchaînant deux services dans une enseigne différente. Revenir avec les yeux rouges, trahissant ses pleurs, de ses rendez-vous avez le banquier. Et l'inquiétude qui marque ses traits, alors qu'elle ne cherche qu'à faire le bien.
« - Non. Je refuse ton aide maman. »
- Quoi ?
- Laisse-moi te rendre ce service. Tu travailles comme une acharnée. Je sais tout ce que tu fais pour nous, et tu ne m'as jamais laissé y prendre part. Je t'aime tu sais ? Je t'aime vraiment plus que tout. Et jamais je ne pourrais assez te remercier, te rendre la pareille. Tu ne le veux pas j'en ai conscience. Mais moi j'aimerais te le rendre. Alors s'il te plaît épargne-toi cette histoire.
- Je t'aime aussi Katsuki. »
Ils ont beau s'aimer de toute leur âme, et en avoir conscience, ce ne sont pas là des mots qu'ils viennent prononcer très souvent. Alors, l'entendre dire cette phrase de façon aussi franche, aussi nette, cela ne peut que l'atteindre, et la toucher profondément.
Et le jeune homme le sait, parce qu'au fond de ses yeux brillent quelques larmes de joie. Quelques larmes qui sont synonymes de bonheur, et surtout d'un amour d'une puissance incalculable. Ce sont les seules coulées d'eau qu'il peut à la rigueur tolérer sur le visage de sa mère.
« - Très bien, tu ne veux pas de mon aide. Mais dis-moi au moins ce que tu cherches, et comment tu compte procéder.
- Je vais retourner voir l'antiquaire. Pour le reste, t'en préoccupe pas, c'est mon affaire. »
Sortant subitement d'entre les draps pour prendre, encore une fois, le chemin de cette fichue boutique, il se presse. Katsuki ne voit pas comment il aurait pu expliquer rationnellement à sa mère qu'une légende le hante, et qu'il se demande activement comment briser un maléfice.
« - Donc, tu ne vas pas en cours, et je dois te laisser aller crapahuter dans une boutique ? »
Il s'arrête dans son geste, alors qu'il était en train de boutonner son jeans. Se remémorant ce petit détail, il se tourne dans sa direction, se heurtant à un regard interrogateur ainsi qu'un sourcil légèrement haussé.
Le blond n'avait clairement pas pensé à cela, et trop prit dans sa fougue habituelle, il s'est emballé comme toujours, oubliant que sa mère à tout de même le dernier mot. Une minuscule pointe d'appréhension le gagne, alors qu'elle se relève du lit pour se planter devant sa personne. Replaçant le col de sa veste, tout en venant la refermer comme il se doit, Mitsuki lui plante un baiser sur la joue en glissant sa main dans sa chevelure, affectueusement.
« - Fais attention à toi, et prends tes revues de journaux. On sait jamais, ça peut servir. »
Soulagé, il la prend une dernière fois contre lui, tout en lui soufflant un léger « merci » au creux de l'oreille. Attrapant à la volée la paperasse qui paraît contenir les informations les plus importantes à ses yeux, il prend la direction de ce magasin, pour la troisième fois depuis l'acquisition de cette boîte.
Le vent frais de ce début du mois de janvier lui écorche un peu les joues, qui sont déjà rougies alors qu'il n'a fait que dix pas dans cet empire polaire. Pressant le pas, afin de parcourir la distance voulue le plus rapidement possible, il gagne sa destination en une dizaine de minutes.
Toujours aussi usée et empreinte d'un petit quelque chose qui lui échappe, Katsuki pousse la porte de cet antiquaire, et vient immédiatement se poster devant le comptoir, totalement à bout de souffle.
Se retournant, avec son éternel sourire dessiné sur son visage et ses lunettes qui lui offrent un air sympathique, le vieillard l'avise doucement. Il prend le temps de reposer l'objet qu'il tenait en main, afin de laisser son attention pleine et entière à la conversation qui est sur le point d'avoir lieu.
« - Bonjour jeune homme. De quoi avez-vous besoin aujourd'hui ?
- Vous voulez pas me tutoyer pour changer ? En plus j'ai l'impression d'être le seul client à chaque fois. »
Vaguement habitué à la fougue de Katsuki, le marchand étouffe un petit rire tout en essuyant les carreaux de ses lunettes. Sa dentition est totalement blanche, et sa voix plutôt douce. Il dégage quelque chose d'inspirant, et surtout donne l'envie de se confier, et de lui faire une confiance aveugle.
« - Très bien, si tu y tiens tant que ça, je vais te tutoyer. Et toi ?
- Vous pourriez être mon grand-père.
- Est-ce un argument valable ?
- Pour vous peut-être que non, mais même si j'en ai pas l'air comme ça, j'ai des valeurs.
- Je tiens à te rappeler, que l'âge n'est qu'un chiffre. Ce qui est important, c'est la force de notre esprit, et ce que nous en faisons. Et, je n'ai jamais douté de tes valeurs mon garçon.
- Je vois...
- Je suppose que tu viens à nouveau me parler de la boîte ? »
L'homme approuve, tout en hochant positivement la tête.
Il pose ses quelques découpes d'articles sur le comptoir, parlant toutes sans exception du danseur prodige qu'était Izuku Midoriya. Ainsi que quelques autres, dans des magazines un peu moins connus, qui relataient l'histoire de cette fameuse légende, à laquelle il est visiblement lié, d'une façon ou d'une autre.
« - J'ai cherché partout vous savez. Sur internet, à la bibliothèque... Mais je n'arrive pas à saisir.
- Tu es à ce point obnubilé par cette histoire ?
- Arrêtez de tous me dire ça ! J'ai mes raisons de faire une fixette dessus. Y a un mec dans cette putain de boîte qui attend après moi !
- Ne t'énerve pas. Je sais ce que représente la boîte à musique jeune homme. Et je connais cette légende sur le bout des doigts également. Seulement, tu l'imagine, je n'ai pas la solution. »
À bout de force, le garçon se laisse tomber la tête sur le comptoir, visiblement découragé que la seule piste à peu près valable qui lui restait soit en train de tomber à l'eau.
Il marmonne, exprimant clairement son mécontentement et le désespoir qui s'immisce peu à peu dans tout son être. Il aimerait sincèrement trouver un brin de positif dans cette situation qui semble ne plus en finir, et dont il ignore de toute façon comment se dépêtrer.
Katsuki a la légère l'impression d'être prit dans une marre de boue, ou un marécage qui le happe progressivement. Il s'agit tout bonnement des sables mouvants de son existence.
La seule solution, celle qui pourrait s'offrir à lui pour le libérer de cet étau bien douloureux qui l'étouffe, est ironiquement prisonnière également. Comment s'atteindre mutuellement, quand les verrous de l'âme sont fusionnés si profondément ensembles. Que malgré leurs efforts, il n'existe aucun moyen de s'atteindre, pour ne serait-ce que se tenir la main à travers leurs cages dorées.
« - Allons dans l'arrière boutique. Nous serons plus tranquille pour discuter. »
Tiraillé par ses souvenirs, l'esprit en pleine perdition, il n'a même pas remarqué que le vieil homme avait abaissé le rideau de la boutique. Il se tient à ses côtés, le soutenant d'une poigne délicate, l'intimant d'avancer à son rythme jusqu'à la porte du fond.
Venant solliciter ses membres, leur intimant de ne pas le trahir, le blond s'avance jusqu'à l'endroit indiqué. Quelque peu anxieux, il tâche de laisser ses angoisses de côté, et ce grondement un peu terrifiant qui lui parcourt l'échine.
« - Ne crains rien mon garçon, je n'ai aucune mauvaise intention. Mais je pense qu'une tasse de thé te fera du bien, tu es tout pâle.
- Z'avez sûrement raison...
- Installe-toi. »
S'installant dans cet endroit des plus lumineux, cette petite pointe de stress laisse finalement place à un bien-être déconcertant. Les meubles sont à l'effigie du reste de la boutique, un peu vieillots mais très bien conservés. De multiples plantes envahissent poétiquement les lieux, comme si l'on évoluait au sein d'un environnement naturel.
Et plusieurs attrapes-soleils fabriqués avec diverses cristaux, offrent un cadre presque fantastique ou féerique, avec ces défilés de couleurs sur les murs. Dans un coin de la pièce se situe une immense bibliothèque, bourrée de livres en tout genre. En un petit coup d'œil, Katsuki aperçoit des romans, quelques encyclopédies, des autobiographies, mais aussi, et c'est sans doute le plus surprenant, de nombreux ouvrages portant sur la magie.
« - Vous habitez ici depuis longtemps ?
- Cette boutique appartient à notre famille depuis des générations. Certains n'y ont pas accordé le temps et l'énergie nécessaire. Un de mes ancêtres, à préféré se consacrer à des activités moins glorieuses entre autre. Je l'ai récupéré il y a soixante ans je dirais, dès que j'ai été en âge de faire quelque chose de mes mains. Et j'en ai fait ce petit endroit de paradis.
- C'est dingue...
- Oui, c'est...dingue. Comme tu peux le dire mon garçon, poursuit-il en lui donnant une tasse fumante.
- Et vous avez pas de femme, ou d'enfant ?
- Non. Ma lignée s'éteindra avec moi ! Je me contente de guider quelques âmes ici et là. De partager mon savoir, mes œuvres, et quelques bibelots. Mes plantes et mes objets que je peux chérir, sont les centres de mon existence. »
Katsuki écoute attentivement. Il ne peut s'empêcher d'émettre un léger sourire face à ce drôle de bonhomme qui s'agite avec passion. Il lui parle de ses biens les plus précieux, des rencontres folles qu'il a pu faire, et de ces expériences qui l'ont marqué. Sans s'étendre, juste deux ou trois mots par-ci, par-là.
Mais le jeune homme a conscience du bien que cela peut lui faire de discuter de la sorte. Il n'a pas l'air de croiser foule dans cet endroit, malgré la beauté de ce lieu. Déblatérant jusqu'à en être essoufflé, il baisse subitement les bras, reprenant une mine calme, pour s'adresser au plus jeune.
« - Pardonne ma fougue, je n'avais pas discuté ainsi depuis si longtemps.
- Je comprends.
- Alors, que se passe-t-il avec cette fameuse boîte. »
Il aimerait sincèrement le savoir. En fait, dans son esprit, il y a encore quelques traces d'un rêve bien étrange qu'il pense avoir fait. Il y a ce surnom qui est scandé fièrement dans toute sa mémoire, ce fameux « Deku ».
Et il y a tellement d'autres choses encore qui se précipitent en lui, comme un fleuve sans fin de mots et de sensations. Il y a aussi cette cascade, celle qui s'échoue à un endroit de sa conscience. Et dans cette oasis si calme et belle, Katsuki y retrouve tant d'autres choses.
Une voix, une odeur, un sourire...un geste, une caresse, un effleurement. Un baiser aussi peut-être, il n'en est plus certains. Mais son être lui crie de s'accrocher, que la clé de la libération est quelque part, et qu'il ne peut plus attendre avant d'élucider ce mystère.
« - J'ai fait un rêve, et...il s'est adressé à moi. Le danseur. Et vous aviez raison je crois, tout ça est réel et me concerne.
- Bien sûr que j'ai raison. Je ne suis pas encore gâteux, mon petit.
- Je fais au moins quinze centimètres de plus que vous.
- Il me semble qu'il n'est pas très indiqué de remballer celui vers qui tu es venu chercher de l'aide. »
Le vendeur le menace tout en agitant un muffin sous son nez, toujours un air mutin sur le visage. Katsuki ignore comment l'on peut être toujours de si bonne humeur, et se tourner face au monde de cette manière. Lui qui est si déprimé, si sombre, a l'impression de rencontrer un alter ego avec ce vieillard souriant de toutes ses dents, et tellement lumineux.
« - Mmh...J'ai fait une petite découverte, en me re-penchant sur le livre que je t'avais précédemment montré. »
Déblatérant tout en partant à la recherche du précieux mentionné, le vieil homme marmonne un peu. Glissé entre deux autres livres dans la bibliothèque, il s'en saisit rapidement, visiblement satisfait de l'avoir retrouvé.
« - Vous l'avez changé de place ?
- Je l'ai en deux exemplaires en fait.
- Forcément... »
Tout en tournant les pages efficacement, l'antiquaire retrouve sans peine l'histoire tant recherchée et les gravures qui relatent cette fable d'amour maudit. Katsuki sent son cœur se serrer devant l'image d'Izuku, qui porte toujours ce sourire étincelant.
Un frisson le fait trembler, alors qu'il tente désespérément de diriger sa concentration sur son interlocuteur. Mais tout le ramène à ce garçon, bien malgré lui.
Il le sait, il le sent.
Il est tombé amoureux d'une légende, d'un mirage.
Et maintenant le voilà ici, à chercher parmi des mots, à lire entre les lignes. À espérer du plus profond de son cœur que cela dépasse une simple image et une pauvre boîte. Que ce n'est pas juste un rêve.
« - Concentre-toi mon garçon !
- Mmh ? Ouais, je suis là pardon.
- J'étais donc en train de t'expliquer que quelque chose est inscrit sur les gravures.
- Quoi ?
- Regarde juste ici, dit-il en lui donnant une loupe. Tu vois les tableaux au fond ? Je pensais qu'il ne s'agissait qu'un défaut de l'image, mais en y regardant de plus près, j'y ai décodé des phrases. »
Katsuki approuve silencieusement, tout en s'esquintant les yeux sur les minuscules dessins. Mais, venant visiblement à son secours, le marchand pose à ses côté une feuille sur laquelle sont inscrits les mots. D'une écriture très délicate, les arabesques de ses lettres sont à l'image de ce personnage. D'une douceur indescriptible, et aussi superbe que sa boutique.
Lisant le petit poème, le garçon fronce les sourcils, un peu sceptique.
« - C'est censé m'aider ? Braille-t-il, en reposant le papier.
- Je suppose que la réponse est dans ce texte.
- Je suis pas doué pour les énigmes, vous avez bien du le remarquer non ? Merde. C'est un enfer... Deku putain...
- Ne perds pas espoir. »
Relisant encore et encore, il cherche. Il essaye de comprendre si quelque chose viendra lui sauter aux yeux, et se démarquer parmi ce qui semble être une prophétie. Cependant, malgré ses efforts, il n'y a que l'énervement pour venir couler dans ses veines. Pas une once de joie.
Même si il avance, juste de quelques millimètres, il n'est pas encore sortie de ce bourbier sans fin.
« Lors de ce jour dénué de beauté,
Où les deux âmes entremêlées,
Imagineront que le cœur est la clé.
Au bord du ravin,
L'esprit si proche du déclin,
L'histoire touchant à sa fin.
Le bonheur se faufilera,
Le destin frappera,
Le temps s'achèvera.
Aux portes du sacrifice, l'inéluctable se produira. »
Un enchaînement de termes si vides de sens. Rien de clair n'en ressort, mais il se doute qu'il ne pouvait en aucun cas s'attendre à un mode d'emploi précis sur ce beau bordel.
La fatigue le terrasse, encore et toujours. Aucun dénouement n'a l'air de prendre place.
Alors il se raccroche tant qu'il peut à cette petite phrase, qui tourne encore et toujours dans son esprit. Se promettant de tout faire pour l'entendre un jour, prononcée de vive voix.
« - Je suis profondément éprit de toi également, Katchan. »
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