•Chapitre 54 (2/2)• «I don't want to lie...»
LYLIAN
«-Bonjour Madame Johnson, Lylian. Prenez place, je vous prie.»
Je m'exécutai en essayant de ne pas avoir l'air impressionné par l'air neutre de l'avocat. Ma mère fit de même, les yeux rivés sur ses mains parfaitement manucurées.
«-Bien, commença l'avocat. J'ai quelques questions à vous poser, puis nous passerons à un échange moins conforme. Déjà Madame Johnson, est-ce que votre mari s'est déjà montré violent envers vous ou votre enfant ?»
La question fut suivie d'un silence le plus total. L'avocat ne semblait pas du tout gêné ou embarrassé par une telle question. Cela devait sûrement être la centième fois qu'il la posait. Comme ma mère ne répondait pas, l'avocat remit en place ses lunettes et joignit ses deux mains avant de relancer :
«-Si vous voulez continuer cet entretien sans votre fils, faîtes le signaler.»
Ma mère sortit enfin de sa torpeur.
«-Non... enfin, non. Je... Tim n'a jamais été violent avec moi. Ni avec Lylian.»
L'avocat écrivit quelques mots sur un carnet, mais il écrivait si mal que je ne parvins pas à les déchiffrer. Il se tourna ensuite vers moi :
«-Le confirmez-vous Lylian ?»
Je repensai au moment où mon père m'avait frappé alors que j'étais à l'hôpital.
«-Non, jamais, dis-je simplement.»
L'homme hocha la tête, prit quelques notes et reprit :
«-Est-ce que Tim Johnson buvait ? Fumait ? Avait n'importe quelle sorte d'addiction ?»
Ma mère nia tout et les questions s'enchaînèrent. Son travail. Ses envies. Son humeur. L'avocat se permit même de demander la fréquence des rapports sexuels de mes parents. Cela me mit extrêmement mal à l'aise
Après chaque question, l'avocat remplissait son carnet et je ne pouvais pas savoir si ce qu'il écrivait était en faveur de mon père ou non. Est-ce que cela allait l'aider ?
ZÉLINA
Ce fut lorsque l'ennui atteignit son paroxysme que je tombai par hasard sur un bout de papier que j'avais laissé traîner sur mon bureau et abandonné voilà quelques semaines. Dix chiffres y avaient été écrits rapidement, d'une écriture masculine. C'était le numéro de Nathanaël. Ayant une soudaine envie de parler à quelqu'un, je composai le numéro et attendis.
LYLIAN
Les questions terminées, l'avocat fit sortir ma mère, afin de s'entretenir uniquement avec moi. Une fois que ma mère était sortie, l'avocat parut se métamorphoser : il desserra sa cravate, retira ses lunettes, s'ébouriffa les cheveux et afficha un grand sourire, avant de s'avachir sur son fauteuil. Il n'avait soudain plus rien de professionnel.
«-Bien, met-toi un peu à l'aise qu'on puisse discuter tranquillement.»
Je m'exécutai maladroitement, surpris par ce brusque changement.
«-Est-ce que tu souhaites revenir sur quelque chose que tu as dit tout à l'heure en présence de ta mère ?»
Je réfléchis quelques instants puis secouai la tête, avant de prendre tout de même la parole :
«-Je vous ai dit que mon père n'a jamais été violent avec moi, c'est en partie vrai, mais...»
J'hésitai. Et si cela le condamnait plus qu'il ne l'étais déjà ? Cependant, c'était déjà trop tard, alors je poursuivis, suivant le conseil de Zélina de dire toujours la vérité :
«-Il y a peu, il a commencé à devenir plus sombre et plus violent. Il n'a pas abusé de moi, ni de ma mère, mais il m'a déjà frappé sans vraiment de raison, alors qu'il ne le faisait pas avant.»
L'avocat ne nota rien dans son carnet, il se contentait de m'écouter attentivement. Je me demandai même s'il m'écoutait. Je me raclai la gorge et précisai :
«-Je pense que ça a voir avec le fait que ma mère lui a appris qu'elle n'était pas sûre qu'il était mon père biologique.»
L'homme en face de moi se gratta la barbe avant de murmurer :
«-Intéressant. Tu peux préciser un peu ?»
Je racontai alors tout ce qu'il s'était passé pour qu'on en arrive là : ma tentative de suicide (j'omis cependant la raison de cette tentative), l'hôpital, la violence de mon père, le doute sur l'identité de mon père, la vérification via le test ADN. Je narrai tout en essayant d'être le plus objectif possible. Pas une seule fois l'avocat écrivit quelque chose. Il se contentait de se faire à lui-même quelques remarques.
Un quart d'heure plus tard, l'avocat affirma en avoir fini avec moi et, après avoir remis droite sa cravate et rechausser ses lunettes, me demanda d'aller chercher ma mère. Juste avant de sortir, la main sur la poignée, je me retournai une dernière fois vers lui et demandai :
«-Vous pensez qu'il sortira de prison ?»
Du désespoir devait se lire dans ma voix, car l'avocat me lança un sourire qui se voulait confiant :
«-Je ne peux rien te promettre, mais je te jure que je vais essayer de faire mon possible pour le défendre, d'accord ?»
Je hochai la tête et sortis de la pièce. Ma mère se leva brusquement quand elle me vit sortir et elle me demanda comment ça s'était passé. Je répondis par un simple haussement d'épaules, avant de lui annoncer que l'avocat voulait lui parler. Elle me laissa seul dans le couloir et rejoignit à son tour le bureau de l'avocat.
Pour ma part, je pris place sur une chaise et attendis patiemment que l'entretien se termine.
ZÉLINA
Nathanaël se montra très attentif quand je lui racontai tout ce qu'il s'était passé depuis qu'on s'était quittés. Il fit de mon mieux pour me réconforter quand je lui appris le décès d'Elsa. Il me félicita quand j'annonçai que je sortais avec Lylian. Lorsque j'eus terminé, je me rendis compte que je ne savais presque rien de lui et de sa vie, alors que lui connaissait déjà l'essentiel de mes malheurs.
«-Parle-moi un peu de toi !»
LYLIAN
Je tentai de joindre Zélina, mais sa ligne sonnait occupée. Je soupirai en reposant mon téléphone dans ma poche. Je me promis de me rendre chez Zélina ce soir, même si c'était loin. En attendant de pouvoir la voir, je fermai les yeux en essayant de penser à autre chose qu'à mon cauchemar.
ZÉLINA
«-J'aimerai tellement avoir des frères et sœurs ! m'exclamai-je quand Nathanaël m'apprit qu'il avait pour sa part deux grandes sœurs et un petit frère.
-Crois-moi, ce n'est pas facile tous les jours. Mon petit frère est une véritable terreur et ma grande sœur une peste !
-Pfff, tu dis ça parce que tu les côtoies tous les jours ! Je suis sûre qu'ils ont plein de qualités !
-À part te gerber dessus ou te crier que tu ne sers à rien tu veux dire?»
Je partis dans un éclat de rire et Nathanaël me suivit de l'autre côté du téléphone.
Notre conversation poursuivit et nous évoquâmes de nombreux sujets : le lycée, nos passions, nos meilleurs souvenirs... À vrai dire, je me sentais bien allongée sur mon lit à parler à Nathanaël. Certes, il pourrait presque passer pour un inconnu parce que nous ne nous connaissions par vraiment mais cela rendait notre relation d'autant plus particulière. J'avais l'impression que je pouvais tout lui dire, sans qu'il ne me juge. Tout semblait si simple. Et puis, cela m'empêchait de ressentir ce vide que je ressentais depuis qu'Elsa n'était plus à mes côtés.
J'étais tellement prise dans mon appel que je n'entendis par Erika et Matt rentrer, ni quelqu'un toquer à la porte, ni ma tante aller ouvrir la porte d'entrée, ni Lylian entrer, ni Lylian monter les marches de l'escalier.
Ce fut seulement quand il entrouvrit ma porte que je pris conscience de sa présence.
«-Lylian ! m'exclamai-je, assez fort pour entendre Nathanaël sursauter à l'autre bout du fil.
-Ton copain est rentré ? demanda-t-il.»
Je crus percevoir une pointe de déception dans sa voix, mais j'étais trop heureuse de voir Lylian pour m'y arrêter.
«-Oui, ça te dérange si je te laisse ? Je te rappellerai si tu veux !
-Non, ce n'est pas grave, assura Nathanaël, même si sa voix laissait entendre le contraire. À plus Zélina !
-À plus Nath' !»
Je raccrochai et voulus me précipiter dans les bras de Lylian, mais une lueur dans ses yeux me stoppèrent dans mon élan.
«-C'était qui ?»
Il désigna mon téléphone que je venais de poser sur mon lit.
«-Nathanaël, un ami.
-Un ami ? demanda Lylian d'un ton amer.»
Je pris conscience de sa jalousie et fis un pas en arrière, en fronçant les sourcils.
«-Quoi ? Je n'ai plus le droit d'avoir des amis ?»
Devant mon ton froid, Lylian perdit aussitôt son air de reproches et se prit la tête entre les mains.
«-Je... désolé Zélina. Je ne voulais pas dire ça. Je suis un peu àcran.»
Je perdis mon aussi ma froideur et me rapprochai de lui pour lui demander d'une voix tendre :
«-Ça ne s'est pas bien passé ?»
Lylian haussa les épaules, mais ne voulus pas entrer dans les détails. Puis, il éclata en sanglots, laissant sûrement tomber toute la pression qui s'était accumulée sur ses épaules. Je le pris dans mes bras et le menai jusqu'à mon lit, où nous nous asseyâmes. Je le tins contre moi, sans rien dire, pas très inspirée pour le réconforter. Je lui caressai lentement les cheveux comme une mère le ferait à son enfant pour le rassurer après un cauchemar. Lylian finit par se calmer, mais je me rendis compte à ce moment que c'était simplement parce qu'il venait de s'endormir.
Je l'allongeai sur mon lit le plus doucement possible pour ne pas le réveiller. Après lui avoir retiré son manteau, je le recouvris par une couverture. Puis, me rendant compte que j'étais moi aussi fatiguée, je me glissai à ses côtés et me blottis contre lui. Je ne tardai pas à trouver à mon tour le sommeil.
Et ce fut collés l'un contre l'autre qu'Erika nous trouva ce soir-là quand elle vint nous appeler pour aller manger. Elle se contenta de refermer lentement la porte, un sourire aux lèvres.
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