•Chapitre 60• «City of stars...»
Comme si de rien n'était, Zélina nous rejoignis, talonné par un Callum hésitant et visiblement pas à sa place. Alors qu'Elsa complimentait Zélina sur sa tenue, je me contentai de la regarder. Assis un peu à l'écart, je n'étais pas encore entré dans son champ de vision.
Elle portait une robe rouge mi-longue, qui lui moulait joliment la taille. Elle tombait juste en dessous de ses genoux, ce qui n'était ni trop provocateur, ni trop châste. Elle avait laissé ses cheveux lâchés et ceux-ci retombaient joyeusement sur ses épaules découvertes. Comme d'habitude, elle ne s'était pas maquillée, laissant sa beauté naturelle lui offrir ce visage magnifique que j'enviai d'embrasser. Son cou à l'air libre laissait apparaître une peau douce et je ne pus m'empêcher d'avoir envie d'y poser mes lèvres.
«-Lylian ?»
Une voix me tira de ma contemplation. Je me détachai de Zélina, afin delocaliser la source de la parole. Ce fut à ce moment-là que je remarquai que tout le monde du petite groupe que nous avions formés me regardait. Tout le monde sauf Evan qui fixait inlassablement son frère jumeau, en se demandant comment il devait réagir. En l'espace de quelques secondes, je croisai les yeux de Zélina, mais elle les détourna prudemment, tandis que les yeux flamboyants d'Elsa me réprimandaient. Je sentis le rouge me monter aux joues. La discrétion n'était décidemment pas mon fort.
Je fis alors mine de m'intéresser à ce qu'il se passait autour de moi, afin que la dizaine de regards détachent de moi leurs focalisations désagréables. L'attentaion générale du groupe se détacha alors de moi pour se placer sur un autre duo : celui des deux jumeaux.
Callum se dandinait d'un pied sur l'autre, les yeux rivés sur le sol bétonné du gymnase, tandis qu'Evan le fixait comme s'il venait de découvrir sa présence.
Zélina fut la première à prendre la parole, d'une voix étonnamment calme et posée :
«-J'ai appris avec le temps qu'il faut savoir se réconcilier avec le passé.»
Ce fut plus fort que moi et j'emprisonnai de nouveau ses yeux couleur jade. Cette fois-ci, elle ne chercha même pas à se défaire de mon emprise et continuai à parler, tout en me fixant :
«-Il faut que vous fassiez la paix avec votre passé, sinon...»
Elle fut coupée par un Evan furibond, qui, en même temps de détruire l'atmosphère relativement calme, brisa notre contact :
«-Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée !»
En entendant la voix agressive d'Evan, pourtant d'habitude si enjouée, plusieurs élèves se retournèrent. La plupart d'entre eux dévisagèrent par alternance Evan et Callum.
Bientôt la grande majorité de la salle s'était tue et il ne restait plus que la musique pour détrôner le silence pernicieux qui avait infiltré l'ambiance jusque là festive. Je commençai à me demander si emmener Callum ici était une bonne idée et, à mon avis, le blond pensait la même chose que moi. Seule Zélina sembla ne pas se rendre compte que l'attention de la salle entière reposai sur notre petit groupe.
«-Une idée est toujours une bonne idée, du moment qu'elle fait faire quelque chose, proféra doucement Zélina.»
Cela n'eut pas l'effet escompté car Evan, venant de remarquer que l'intégralité des élèves s'était tournée vers nous fit demi-tour, poussant négligemment son frère qui manqua de tomber et, écartant brutalement tout ceux qui se trouvait sur son passage, se dirigea promptement vers la porte du gymnase, qu'il ouvrit en volée. Il s'enfuit dans la nuit.
Zélinase mordit la lèvre et je décela aussitôt un sentiment de culpabilité la ronger. Elle ne s'attendait sûrement pas à ce que leur rencontre se passe ainsi. Elsa s'apprêta à se lever, sûrement dans l'optique de rejoindre son ami, mais je lui fis signe de rester assise. Je ne savais pas pourquoi, mais je sentais que je devais régler le conflit, c'était un peu comme si ce combat touchait une partie de mon âme.
Je me levai du tabouret sur lequel je venais de passer la première heure du bal et, tout en ignorant les regards inquisiteurs et curieux des autres élèves, je me dirigeai tout d'abord vers le DJ qui observait la scène depuis son estrade. Je grimpai un peu maladroitement sur la petite scène, en prenant garde de ne pas m'appuyer sur ma jambe blessée. Arrivé à hauteur du DJ, je lui glissai à l'oreille de mettre la musique qui bougeait le plus, afin de raviver l'atmosphère perdue. Il hocha la tête et lança à fond une des musiques les plus dansantes. D'une voix professionnelle, ilinvita les élèves à se rendre sur la piste de danse, afin de montrer "ce qu'ils avaient dans le ventre". Oubliant presque l'altercation qui venait d'avoit lieu, les lycéens reprirent leur conversation où ils s'étaient arrêtés et les plus courageux d'entre eux vinrent se frotter à l'énergie débordante de Soprano sur la piste.
Pour ma part, je partis rejoindre Evan qui était sorti, en espérant qu'il ne lui soit pas venu à l'idée de rentrer chez lui. Lorsque je sortis dehors, la fraîcheur de la nuit me rappela qu'il devait être presque 22h. Les nuages qui avaient menacé d'emporter avec eux le beau temps étaient définitivement partis et le ciel était dégagé, dévoilant la galaxie d'étoiles dans toute sa splendeur.
J'avais toujours trouvé cela magnifique, un ciel étoilé, parce que je me disais que, quoi qu'il arrive, les étoiles continuaient de briller. Même si la vie, elle, décidait brutalement de te mettre à terre, les étoiles étaient toujours là, continuant à briller, même si certaines étaient déjà mortes depuis plusieurs années. Le ciel reflétait un passé qu'on ne pouvait pas atteindre, une vision inaccessible, lointaine et pourtant si proche. C'était aussi la seule chose qui nous reliait tous entre nous, êtres humains, la seule chose qui garantissait une certaine égalité entre tous, la seule chose qu'on avait en commun, la seule chose qui n'appartenait à personne.
Un sanglot me ramena brutalement sur Terre. Un mouvement vers ma gauche attira mon attention. Evan était assis contre le mur du gymnase, la tête rentrée dans ses genoux fermés l'un contre l'autre. Dans cette position, il avait l'air vulnérable et complètement dépassé par la situation. Toute colère qu'il avait montrée dans le gymnase avait disparu, laissant paraître une simple incompétence à gérer ce qui lui tombait dessus. Lentement, je vins m'asseoir à côté de lui, sans rien dire. Il m'avait raconté ce qu'il avait vécu avec son frère qu'il n'avait jamais considérer comme son jumeau, mais plutôt comme un inconnu. Comme beaucoup d'entre nous, derrière ce masque souriant, il cachait un terrible mal être.
«-Qui que ce soit, barrez-vous.»
Sa voix se voulait dure et sans pitié, mais elle ressortit brisée et fébrile.
«-Evan, laisse-moi t'aider.
-Personne ne peut m'aider, renifla Evan, sans même relever la tête.»
Je basculai ma tête en arrière, jusqu'à ce qu'elle touche la surface dure et froide du mur et regardai l'étendue bleue nuit qui nous écrasait. En regardant les étoiles, je pensai que j'aurais aimé connaître le nom de chaque constellation, non pas pour les nommer, mais juste pour avoir l'impression de maîtriser un peu plus ce ciel qui nous narguait par sa splendeur et son inaccessibilité.
Devant sentir que je ne partirai pas, Evan finit par relever timidement la tête. Il se plaça dans la même position que moi et finit par lâcher, comme s'il avait lu dans mes pensées.
«-Tu vois les étoiles qui forment une casserole, c'est la constellationde la Grande Ourse.»
Il tendit la bras vers la constellation, comme pour espérer s'en approcher. Je suivis son geste et repérai ce qu'il m'indiquait. Son bras se déplaça et il désigna une autre partie du ciel étoilée, qui s'obscurcissait de minutes en minutes, nous laissant vulnérables et incroyablement petits :
«-Celles qui forment un "W", tu les vois ?»
Je hochai la tête quand mes yeux se posèrent sur cette forme particulière.
«-C'est la constellation Cassiopée.»
Je ne me demandai pas comment il connaissait tout cela, je me contentai juste de regarder, avec les yeux brillants, comme un enfant devant un spectacle de clown.
«-Ensuite, il y a Orion.»
Son bras se dirigea vers une troisième partie du corps céleste.
«-On distingue cette constellation en commençant par repérer trois étoiles très brillantes, qui sont quasiment alignées. On les appelle "les trois rois", elles forment la ceinture d'Orion. La tête et le corps d'Orion sont formés par des triangles d'étoiles légèrement moins lumineuses que les trois rois.»
J'acquiesçai d'un signe de tête, bien que je ne puisse pas être certain qu'Evan le remarque dans la pénombre environnante.
«-Comment tu connais tout cela ? demandai-je doucement, comme si je ne voulais pas briser ce moment presque solennel.»
Evan hésita et je lui laissai le temps de me répondre, ne voulant pas le brusquer. Grâce aux étoiles, j'avais réussi à créer un lien avec Evan et je ne voulais pas le briser ; déjà parce que je percevais que cela pourrait aider à reconstruire sa relation avec Callum et ensuite parce que je sentais que ce lien me stabilisait, m'aidait moi-même à mieux me trouver.
«-Quand ils ont ramené... Callum à la maison, j'ai fugué.»
Evan buta quelques instants sur le nom de son frère, mais je ne relevai pas. La seule chose qui importait était que c'était la première fois qu'il prononçait son nom et c'était déjà un énorme progrès.
«-Ouais, j'avais dix ans, et j'ai fugué. La seule chose que j'ai emporté avec moi, c'était un cadeau que ma grand-mère m'avait fait le jour de mes sept ans, "l'âge de raison" d'après elle.»
Malgré l'obscurité presque totale, je pus distinguer un sourire s'étendre sur son visage. Ses yeux bleus s'illuminèrent devant ses souvenirs et se noyèrent dans l'étendue bleue nuit.
«-C'était un livre pour reconnaître et mieux comprendre les constellations. La couverture était magnifique, tellement que je n'avais jamais osé l'ouvrir. Pendant trois ans, le livre était resté fermé et, chaque jour, je passai un coup de chiffon dessus pour empêcher la poussière de s'installer.»
Je le laissai ressasser ses souvenirs tandis que je jetai un coup d'oeil au ciel, pour repérer les trois constellations qu'Evan m'avait montré. La casserole, c'est la Grande Ourse, le "W", c'est Cassiopée et les trois étoiles alignées forment la ceinture d'Orion.
«-Je me suis réfugié dans le parc du village. Quand la nuit est tombée, j'ai ouvert le livre et j'ai commencé à regarder le ciel. C'est vite devenue une passion.»
Il marqua une petite pause.
«-Une passion qui me permettait d'oublier que j'avais un frère jumeau.»
Sa voix perdit son éclat passionné quand il prononça ces mots. Au fond, je savais qu'il regrettait que leur relation se soit autant détériorée.
Alors, je me levai et mes pas me guidèrent instatanément vers Callum. Il était un peu à l'écart du groupe qui bavardait activement, comme pour oublier la dispute qui avait eu lieu. Quand je revins parmi eux, leur discussion se tut et leurs regards se braquèrent sur moi. Avec soulagement, je constatai que les autres lycéens faisaient la fête joyeusement et avait complètement mis de côté cette altercation. Ils s'attendaient sûrement à ce que je revienne avec Evan et je m'empressai de les rassurer :
«-Il va bien, il est dehors.»
Zélina se mordit la lèvre et je lui souris pour lui assurer que tout allait bien. Ses joues s'échauffèrent et elle détourna le regard. Je sentis mon coeur s'emballer un peu trop vite dans ma poitrine. Je m'assis à côté de Callum, dont le visage exprimait déception ettristesse. Je me penchai vers lui pour que ce soit le seul à m'entendre et chuchotai :
«-Va le voir et demande lui de te montrer où se situe la Grande Ourse.»
Même s'il était surpris, Callum ne le montra pas. Il me gratifia d'un sourire reconnaissant et parcourut la salle d'un bout à l'autre, pour finir par sortir dehors. Au même moment, comme en signe de prémonition, la chanson "City of Stars" se mit à siffler dans l'air.
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