•Chapitre 56• «A few centimeters...»

«-Lylian ?»

Je m'extirpai difficilement de l'étau qui emprisonnait mon esprit embué. Je clignai plusieurs fois des yeux. Au début, je ne vis rien, mais je finis par ditinguer des spots lumineux qui exaltaient leur lumière artificielle. Ma vision, floue, finit par retrouver sa netteté et mes oreilles plongées dans du coton commencèrent à fonctionner normalement.

«-Lyl' ça va ?»

La personne qui venait de parler était quelqu'un que je ne connaissais pas. Enfin, du moins, sa voix ne me disait rien. Ce n'était ni celle d'Elsa, ni celle de Thomas et encore moins celle de Zélina. Mais alors, comment se fait-il que cette personne m'appelle par mon surnom?

Avec difficulté, je parvins à redresser un peu mon buste, assez pour me retrouver assis. Je me trouvai a priori sur un banc, dans une salle assez petite, qui puait le renfermé. Qu'est-ce que je foutais là ? Petit à petit, je retrouvai mes esprits et mes souvenirs. Le parc, la réconciliation, le Laser Game, ma jambe. Je grommelai et tentai de me lever, mais, aussitôt, une poignée de main m'en empêchai habilement.

«-Hop, hop, hop, Lyl, tu vas rester allongé un petit moment.»

Dans mon brouillage de sens, je finis par reconnaître la voix du stagiaire qui nous avait inscrit tout à l'heure, d'où l'emploi demon sunom.

«-Je vais lui chercher de l'eau.»

Sur ce, il quitta la salle, qui s'avéra en fait être un vestiaire. Je m'appuyai contre le mur, les yeux fermés, une sensation de nausée en moi. Les visages inquiets de mes trois amis me firent chaud au coeur, mais me rappella aussi que je venais de gâcher ce moment de détente.

«-Merde, pestai-je.»

Je passai mes mains sur mon visage dégoulinant de sueur. Je ne devais pas être beau à voir.

«-Tu trouves rien de mieux à dire que "merde" comme premier mot après ton réveil ? se moqua Thomas, avec du soulagement dans la voix.»

Je souris et cela me permit d'oublier mon mal de tête et mon malaise récent. Le jeune stagiaire revint avec plusieurs verres d'eau. Il en offrit à mes amis et me tendis le gobelet en plastique avant de se retirer. Je bus quelques gorgées et cela suffit à me réveiller entièrement.

«-Désolé d'avoir interrompu la partie, m'excusai-je en grimmaçant.

-Arrête, c'est notre faute, on aurait dû savoir que tu ne devais pas faire d'effort physique, après ta...»

Thomas se stoppa net, en se rendant compte de ce qu'il allait dire. Il se mordit la lèvre, installant alors un malaise planant dans la salle. Étrangement, ce fut Zélina qui se chargea de le dissiper :

«-C'était cool quand même. En tout cas, moi je me suis bien éclatée !

-Eclatée contre la grille, oui ! pouffa Elsa, faisant référence à la fois où Zélina avait malencontreusement confondu un espace de passage et une grille.»

Nous partîmes dans un éclat de rire, écartant définitivement ce malaise de nous.

***

Thomas proposa de nous ramener parce que c'était le seul à avoir le permis parmi nous (le seul à en avoir l'âge aussi) et que l'on ne voulait pas déranger Matt encore une fois, même si j'étais certain qu'il se serait empressé de venir nous chercher. Cela me faisait à chaque fois bizarre de me dire que Thomas était dŕjà majeur alors que j'avais encore seize ans. D'ailleurs, en réfléchissant bien, j'étais le plus jeune de la bande. Zélina avait eu dix-sept ans le 14 Février, Thomas dix-huit ans le 12 Janvier et Elsa, il me semblait avoir vu sur Facebook qu'elle était née en Avril.

Cela dit, je commençais à me demander comment Thomas avait eu son permis. Il conduisait, pour tout dire, comme un manche et manqua plusieurs fois de nous faire quitter la route. Je sentis que Zélina était vraiment crispée. Alors qu'il prit un virage en quatrième vitesse, je lançai :

«-Heu... dis moi Thomas, tu l'as eu où ton permis, dans un Kinder Surprise ?»

Au même moment, il vraiment avidement et je manquai de partir en avant. Je fus arrêté par la ceinture de sécurité qui me bloqua momentanément le souffle. Thomas venait de remarquer le feu rouge.

«-Hein ? Pourquoi tu dis ça ?»

Il accéléra dès que le feu passa au vert, ce qui fit rugir dangereusement le moteur.

«-Peut-être parce que tu... PROPRIÉTÉ À DROITE !»

Je criai la dernière partie de ma phrase, mais cela n'eut aucun effet sur notre chauffeur qui grilla sans même un regard la priorité à une voiture. Alors qu'Elsa s'empressa de prendre ma relève et asséner à son copain une leçon de conduite, je tournai mon attention vers Zélina. Elle n'avait vraiment pas l'air bien. Son teint était pâle et ses yeux figés sur la route. Elle tremblait légèrement. Soudain, je compris la raison de son mal être et me sentis mal à mon tour. Comment avais-je pu oublier ?

«-Thomas, tu peux ralentir un peu et essayer de faire au moins semblant de respecter les limitations de vitesse et le code de la route ?»

Sentant que je ne rigolais pas, Thomas acquiesça, mais il eut bien du mal à ne pas accélérer sur une zone trente. Zélina souffla, de façon presque inaudible :

«-Merci.»

Je la gratifiai d'un sourire, alors qu'elle commençait à reprendre des couleurs. Je ne pouvais pas imaginer à quel point cela avait du être dur pour elle de remonter dans une voiture après l'accident qui avait détruit sa vie. En pensant que j'en étais l'origine, je sentis mon estomac se contracter et je perdis mon sourire.

Alors que je détournai la tête vers l'extérieur, sentant la culpabilité me ronger, une main se posa sur la mienne. Je n'eus pas besoin de me retourner pour en connaître l'origine, mais je le fis quand même. Je croisai le regard de Zélina et cette dernière rougit légèrement. C'était comme cela que tout avait commencé ; par un simple regard, une simple connexion.

Thomas s'arrêta au début de l'allée qui menait chez moi. Je détachai ma ceinture, qui m'avait été bien utile. Alors que je m'apprêtai à remercier Thomas, je vis que Zélina se détachait aussi. Elle recroisa mon regard et s'éclaircit la gorge :

«-Je... je descends là aussi. Je n'habite pas loin et je ne vais pas déranger plus longtemps...

-Tu ne déranges pas, s'empressa de confier Thomas. Mais comme tu veux.»

Nous sortîmes dehors, sous le soleil qui pointait timidement son nez derrière une épaisse couche de nuages. Je remerciai Thomas et je vis Elsa échanger quelques mots avec Zélina. Mon ami finit par démarrer en trombe et il quitta l'allée, en faisant gronder le moteur.

Un malaise s'installa, comme à chaque fois que je me trouvai seul en compagnie de Zélina. Je détestais cette sensation de malaise et je détestais le fait que je ne trouve pas le courage de briser cette barrière qui nous sépare. J'aurais tellement aimé être aussi proche d'elle qu'avant, mais je savais bien que plus rien ne sera jamais comme avant. Je lâchai un soupir avant de lancer :

«-Bon, je suppose que notre chemin s'arrête ici.

-Ça te dérange si je t'accompagne jusqu'à chez toi, je... je n'ai pas envie qu'il t'arrive quelque chose comme tout à l'heure.»

Elle rougit à ses mots, mais je ne pus m'empêcher de sentir mes joues s'échauffer aussi. À nous deux, on aurait pu faire un barbecue pourtout le quartier !

Nous parcourûmes la route qui me séparait de la maison en silence, laissant la nature prendre le dessus. Comme toujours, tout était désert ici et, malgré les vacances scolaires et le relatif beau temps, personne n'était dehors. Nous marchâmes en laissant une distance raisonnable entre nous deux, quelques centimètres qui prouvaient que beaucoup trop de choses s'étaient passées, quelques centimètres pour me rappeler que j'avais tout gâché.

Une fois devant la porte de ma maison, je fis face à Zélina pour lui dire au revoir. Elle semblait un peu gênée et se contenta d'un simple "au revoir". La boule au ventre après cet au revoir précipité, j'ouvris la porte doucement, encore un peu engourdi par mes émotions.

Je regrettai aussitôt mon geste parce que, à peine avais-je fait un pas dans le salon, que je vis quelque chose qui me stoppa net. Quelque chose qui fit rappliquer aussitôt Zélina. Quelque chose qui m'arracha un sourire.

Deux corps entrelacés en train de s'embrasser avec passion. Erika et Matt.

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