•Chapitre 55• «Some break...»
Un sentiment de puissance s'empara de moi quand je serrai la main de Thomas. Tous les bons souvenirs que nous avions partagés me revinrent en mémoire et effacèrent presque les erreurs du passé. Parfois, il suffit d'un geste pour tout changer et j'étais persuadé que cette poignée de main pouvait tout changer.
«-Regarde, murmura Thomas, me sortant de ma torpeur.»
Il lâcha ma main, laissant la chaleur procurée s'échapper peu à peu. Je suivis des yeux ce qu'il désignait du menton, en tant qu'adolescent bien élevé qui ne pointe pas du doigt. Il s'agissait de deux corps entremêlés : celui de Zélina et celui d'Elsa. Un sourire s'étendit sur mes lèvres devant ce spectacle ; elles avaient finalement accepté de se réconcilier et de tourner la page. Une pensée égoïste me traversa et, l'espace de quelques secondes, je m'imaginais à la place d'Elsa, dans les bras chaleureux de Zélina. Je secouai la tête pour chasser cette envie et me content aide hocher la tête, toujours avec ce sourire béat.
Les filles finirent par nous rejoindre et leur expression finirent à me convaincre que j'avais fait le bon choix en séparant momentanément le couple. Elsa se retrouva bien vite dans les bras de son amoureux et en profita pour plaquer généreusement ses lèvres contre les siennes. Je dévisageai Zélina et ses joues se mirent à rougir. Elle détourna avec empressement son regard et je me rendis compte de l'ambigüité de mon regard. Je me raclai la gorge, comme pour exprimer mon malaise et, à ce son, Thomas se détacha d'Elsa, à regret. Zélina piétinai, les yeux rivés sur les chaussures, mal à l'aise. Il est vrai qu'il y avait quelques temps, nous étions à leur place... Je chassai avidement cette pensée et lançai, comme pour mieux me convaincre que cela ne me touchait pas :
«-Je suppose qu'on va vous laisser, on vous a assez déranger.»
Zélina redressa la tête, assez d'avis à laisser le couple seul, mais Elsa n'était pas d'accord :
«-Vous ne voulez pas qu'on profite un peu tous les quatre ensemble ?»
Thomas approuva avec un sourire. Je m'apprêtai à décliner poliment l'invitation, sachant pertinemment que Zélina n'était pas à l'aise, mais elle fut plus rapide que moi :
«-Si ça vous gêne pas.»
Je voulus l'interroger du regard, mais elle évita soigneusement le mien et se mit en marche, à côté de sa meilleure amie, qui tenait la main de Thomas. Je les regardais s'éloigner un peu, en me demandant si je n'étais pas de trop dans ce tableau.
«-Lylian, tu viens ?»
La voix de Thomas me tira de mes pensées et je remarquai qu'ils étaient maintenant à quelques dizaines de mètres de moi, tous retournés pour voir où j'étais. Thomas me fixait avec un sourire aux lèvres, Elsa me regardait aussi, avec un drôle d'air, tandis que Zélina était la seule à ne pas me regarder, mâchonnant sa lèvre. Je leur emboîtai le pas, sans tarder.
Quelques minutes plus tard, nous étions assis autour d'une table de pique-nique, où nous bavardions gaiement. Enfin, rectification : où Thomas et Elsa bavardaient gaiement. Ils discutaient de tout et de rien et je me contentai de les regarder. Ils avaient tellement l'air heureux. Surtout Thomas. Je ne l'avais jamais vu ainsi : les yeux pétillants de bonheur, s'exprimant librement, sans complexe, le corps entièrement décontracté, le sourire éclatant. Cette image me mit du baume au coeur.
«-Et si on faisait quelque chose ? lança alors Elsa, faisant sursauter Zélina, qui, jusque là, se terrait dans l'expectative.»
Les yeux de Thomas étaient fixés sur moi, attendant sûrement que jelance une idée. C'était vrai que d'habitude (ou du moins il fut un temps), c'était toujours moi qui proposait les ativités, aussi loufoques soient elles. Sentant qu'il comptait sur moi, je m'efforçai à trouver quelque chose à faire à quatre.
«-Un Laser Game ? proposai-je du tac-au-tac, en rendant son regard à Thomas, espérant qu'il se souvienne comme moi, nos parties infinies lorsque nous habitions dans le Nord.»
Le visage de Thomas s'illumina à l'évocation de tant de souvenirs et un sourire trouva son chemin sur ses lèvres.
«-Pourquoi pas ? s'exclama Elsa, tout de suite enthousiasmée par l'idée.»
Je vis cependant que Zélina ne semblait pas vraiment partante. Elsa s'empressa d'essayer de la convaincre, comme elle l'avait si souvent fait.
«-Allez Zéli ! C'est génial tu verras...
-Je n'en ai jamais fait, commença Zélina.
-Et alors ? Allez !! On fera des équipes de deux et je me mettrais avec toi ! S'il te plaît !»
Elle lui lança un regard de chien battu, la tête penchée sur le côté, les sourcils rabattus et les yeux larmoyants. Ce spectacle finit par décider Zélina.
«-Bon, d'accord, concéda-t-elle.»
Une dizaine de minutes plus tard, nous étions tous devant l'accueil du Laser Game le plus proche. Tandis que j'envoyai un texto à Matt pour l'aviser de nos activités de l'après-midi, Elsa nous inscrivit rapidement.
«-Il me faut vos quatre noms, lança celui qui était à l'accueil, un ado en stage à peine plus âgé que nous. Vous pouvez choisir des surnoms.
-Tom, Zéli, Lyl' et... Zaza ! débita Elsa sans réfléchir.»
J'échangeai un regard avec Zélina quand Elsa lança inconsciemment mon surnom, mais elle ne dit rien. Je décidai de laisser passer. J'entendis Thomas pouffer, tandis que le jeune allait chercher le matériel :
«-T'es consciente que tu viens de trouver le surnom de ton surnom ?
-Elsa est mon prénom, riposta la concernée.»
Apparemment, elle ne portai pas vraiment dans son coeur son véritable prénom. J'allais lui en demander la raison, quand le jeunot roux revint, affublé avec quatre gilets protecteurs. Mes yeux se posèrent sur ce matériel qui m'étaient si familiers et les souvenirs remontèrent avec vivacité. Thomas et moi échangèrent un regard entendu, prêts à revivre ne serait-ce que l'espace de quelques heures notre complicité d'autrefois.
Nous nous équipâmes rapidement et le jeune homme roux expliqua brièvement les règles du jeu pour les deux filles. Je pourrais presque les réciter par coeur, tant je les avais entendues. Un rapide coup d'oeil vers Thomas m'apprit qu'il en était de même pour lui. Il avait déjà empoigné son pistolet, prêt à en découdre.
Comme l'avait suggéré Elsa précédemment, nous formâmes deux équipes de deux : les filles contre les garçons. Zélina ne semblait pas vraiment à l'aise, mais elle ne dit rien quand le stagière nous demanda si nous étions prêts. Devant son expression fermée, je me demandai si c'était une bonne idée que j'avais eue de l'emmener ici. Mais je n'eus pas vraiment le temps de réfléchir plus à cela, car la porte s'ouvrit et Thomas déguerpit aussitôt à l'intérieur. Le connaissant, la première chose qu'il allait faire, c'était repérer les bombes, sa spécialité. Je laissai Elsa traîner Zélina derrière elle et m'engouffra à mon tour, dans la salle sombre et assourdissante de musique.
Mes yeux mirent quelques secondes à s'habituer à l'obscurité parsemée de lumière fluorescentes qui marquaient les murs. J'observai mon environnement, un véritable labyrinthe. De l'adrénaline provoquée par les nombreux souvenirs coula dans mes veines et tout me revint en quelques secondes. J'empoignai mon pistolet, comme un habitué et me mis à arpenter les couloirs, cherchant ma première victime. Un petit bip sonore, qui m'était familier, m'apprit rapidement que Thomas avait trouvé et activé une bombe. Je la repérai et m'écartai juste assez pour ne pas être dans son champ d'action. Quelques secondes plus tard, je fus rejoint par Thomas, qui cria pourque je l'entende par dessus la musique :
«-Quel plan ?»
Je réfléchis, analysant les alentours et nos adversaires.
«-2.»
D'un hochement de tête, Thomas me fit comprendre qu'il avait saisi. Au même moment, son pistolet vibra et il pesta. J'entendis un rire derrière lui et je me dépêchai de me cacher derrière un mur, pour éviter une Elsa déchaînée.
Thomas déguerpit sans demander son reste, le plan n°2 en tête. Lors de nos multiples visites au Laser Game, Thomas et moi avions établi près de quatorze plan d'action, qui dépendaient de l'environnement et de nos adversaires. Le deuxième consistait à rester cacher leplus possible et tirer que lorsque nos adversaires ne se doutaient pas de notre présence. Surprise garantie !
Je me mis donc à courir parmi le dédale de couloirs sinueux et tous semblables. Je me repérai cependant assez bien dans la salle, les Laser Game se ressemblant tous relativement. Dix minutes après le début de notre action, notre équipe comptait mille points, contre six-cents pour les filles, qui se débrouillaient plutôt pas mal, malgré leur manque cruel de discrétion. Pour tout dire, je m'éclatais vraiment, comme je ne m'étais pas éclaté depuis... depuis ma tentative de suicide. Là, dans cette salle, elle remontait à loin et je me sentais bien. Je n'avais pas cette impression de crouler sous les émotions et la culpabilité, je n'avais pas le poids de la vérité du lien qui me liait à Zélina qui m'opressait. J'étais libre.
Soudain, alors que la partie touchait à sa fin, je sentis une douleur intense provenant de ma jambe gauche me traverser tout le corps, me forçant à me stopper dans ma course effrénée. Je gémis de douleur, ayant totalement oublié cette foutue jambe qui n'était pas encore vraiment d'aplomb. La musique me parut d'un coup trop assourdissante et désagréable. L'obscurité perclue de lumières vives me trouaient les pupilles. Un mal de tête indécent s'empara de moi et je sentis mes jambes lâcher sous mon poids. Je m'effondrai sur le sol.
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