•Chapitre 43• «Forgivness is the most difficult thing you can give...»

N'ayant pas vraiment d'autres choix, je vins me placer dans la rangée de siège juste devant eux, au moment où le car s'ébranla pour démarrer. Dès que Zélina me vit, elle se tut, et, même si je ne voyais pas son visage, je pouvais bien l'imaginer se refermer totalement. Je sentis ma gorge se serrer. Callum, ne se doutant pas une seule seconde de notre "lien" crut bon de se charger des présentations :

«-Zélina, c'est Lylian, il...

-Je le connais, coupa-t-elle, froidement.»

Je me retournai sur mon siège et, tout en ignorant le regard incendiaire que me lançait Zélina, je répondis à Callum, jugeant bon de rattraper le niveau de politesse de la conversation :

«-On est dans la même classe.»

Callum hocha la tête sans rien ajouter, même s'il avait bien senti que quelque chose n'allait pas entre nous deux. L'ambiance entre nous était électrique et, d'ailleurs, plusieurs élèves avaient cessé leur conversation pour nous regarder et cela commençait à me chauffer sur les nerfs. Je lançai un regard haineux à la plupart d'entre eux, qui détournèrent leur regard, devant me prendre pour un fou bipolaire.

Le trajet passa étonnament vite, étant donné que Zélina n'ouvrit pas une seule fois la bouche, malgré les incessantes sollicitations de Callum pour la faire parler. Ce fut donc moi qui me chargea de la conversation, essayant d'avoir l'air le plus naturel possible. Malheureusement, le moment gênant arriva, c'est-à-dire, quand le bus s'arrêta à l'arrêt de bus de Callum, qui fut obligé de descendre nous laissant seuls, tous les deux. Vu le regard de Zélina, elle n'était vraiment pas enchantée de partager la fin du trajet avec moi. Du soulagement se lut sur son visage, lorsqu'elle reconnut mon arrêt, soulagement aussitôt effacé lorsqu'elle se rendit compte que je n'étais pas descendu.

«-Qu'est-ce que tu fous ? grommela-t-elle, cette situation lui rappelant bien trop la première fois où j'avais fait cela.»

De la manière la plus décontractée possible, je répondis, sans même me retourner :

«-Je vais chez toi.

-QUOI ?! s'exclama mon hâte, de plus en plus énervée par moncomportement.

-Aaron m'a invité.»

Alors qu'elle cherchait une réplique, j'envoyai un message à ma mère, lui annonçant que je passai l'après-midi chez Anaïs et qu'elle n'avait pas à s'inquiéter si elle ne me voyait pas rentrer tout de suite.

«-Pourquoi il aurait fait cela ?»

Toute rage avait disparu et il ne restait plus qu'une once de perplexité dans sa voix.

«-Parce qu'on a beaucoup de choses à se dire.»

***

«-Tu étais au courant ? vociféra Zélina, prostrée devant Erika, qui affichait une mine plutôt calme, malgré ma présence.»

Cette dernière posa une main sur la joue de sa nièce et murmura :

«-Zélina, il faut que tu avances, ça fait maintenant plusieurs jours que tu passes enfermée dans ta chambre et...»

Sentant bien que j'étais de trop, je me glissai dans la cuisine, un peu mal à l'aise. J'avais l'impression d'être en totale effraction, ce qui était peut-être le cas. Après tout, ma venue ici ne faisait pas l'unanimité.

«-Elle finira par t'écouter.»

Une voix masculine proche de moi me fit sursauter. Je fis volte-face et me retrouva nez-à-nez avec Aaron Evans, qui sirotait un verre de vin accoudé au comptoir de la cuisine. Dans ma précipitation, je n'avais même pas pensé à regarder si personne ne se trouvait dans la pièce. Un peu embarrassé et me sentant vraiment de trop dans cette maison, je me passai la main dans les cheveux, avant de le questionner :

«-Vous êtes sûr ? Parce que je n'ai pas l'impression qu'elle soit prête à m'écouter, je pense qu'il faudrait mieux reporter...

-Reporter à quand ?»

Le trentenaire posa sa coupe de vin sur le comptoir et vint poser ses deux mains sur l'îlot central. Il me regarda fixement.

«-Tu crois vraiment qu'un jour elle sera prête ? Elle ne fera pas le premier pas alors si tu veux arranger quelque chose, c'est à toi de le faire.»

La voix de l'oncle de Zélina avait quelque chose de doux, presque volatile. Je me demandai si c'était vraiment le même homme qui avait pénétré chez Evan lors de sa soirée, ivre et suicidaire ou encore si c'était celui qui m'avait menacé de mort il y avait quelques semaines.

Je retrouvai un peu de mon sang froid et finis par lâcher :

«-Elle ne me pardonnera jamais.»

Aaron plissa des yeux, comme pour mieux visualiser ce que je venais de dire. Il finit par philosopher, avec clairvoyance :

«-Le pardon est la chose la plus dure que l'on puisse accorder à quelqu'un. Pourtant, pour avancer, il faut savoir pardonner.»

Alors que je méditais cette maxime, Erika fit son entrée dans la cuisine.

«-On passe à table ?»

Aaron acquiesça et suivit la propriétaire de la maison. Je n'eus pas d'autre choix que de faire de même, tout en me questionnant sur les liens familiaux qui liaient Erika et Aaron. Si j'avais bien compris, Erika était la soeur de Noémie, la mère de Zélina et Aaron étaitle frère d'Edward, le père. Ainsi, Erika était la belle soeur d'Aaron.

Mes pensées généalogiques furent interrompues lorsque j'arrivai dans la salle à manger. La table était bien dressée et comportai quatre couverts. Apparemment, Erika avait bien prévu que je vienne manger à midi. Zélina n'était pas là, elle avait dû monter dans sa chambre. Des remords m'assaillirent, malgré les mises en garde d'Aaron. Je n'aurais peut-être pas dû me pointer ici comme si nous étions de bons copains.

«-Tu as prévenu tes parents que tu mangeais ici ?»

Je mis cinq secondes pour me rendre compte qu'Erika s'adressait à moi et cinq autres pour saisir ce qu'elle me demandait.

«-Oui, mentis-je.»

Nous passâmes à table et Erika, telle une parfaite hôtesse de maison, servit l'entrée en privilégiant l'invité en premier, comme il se devait. Un peu gêné par cette attention, je la remerciai gauchement. Sentant mon malaise perceptible, Erika lança :

«-Zélina va arriver, elle voulait juste poser ses affaires.»

Et m'éviter aussi, complétai-je intérieurement.

Comme si la prononciation de son nom avait eu pour effet de la forcer à venir, Zélina apparut sur le seuil des escaliers, puis vint s'asseoir à la dernière place non occupée, sans me lancer un regard. L'ambiance de ce début de repas étant électrique, les deux adultes se mirent alors à parler de tout et de n'importe quoi, essayant de détendre un peu l'atmosphère tendue. Zélina garda le visage fixé sur son assiette, tout le long du repas, ce qui ne fit qu'augmenter mon malaise. Je me promis de partir si elle me le demandait.

"Le pardon est la chose la plus dure que l'on puisse accorder à quelqu'un.". Les mots d'Aaron résonnaient dans ma tête, alors que je mangeais le plat d'endives qu'avait préparé brillament et délicieusement Erika. Cette phrase ne m'avait pas laissé indifférent et plus je la tournais et retournais dans ma tête, plus j'en comprenais le vrai sens. C'est tellement plus facile d'ignorer que de pardonner. Mon expérience me l'avait confirmé.

Le repas s'acheva sur un gâteaux aux fruits, réalisé bien évidemment par Erika elle-même. Il était délicieux, si on omettait le fait qu'il y avait des bananes dedans (je détestais les bananes), chose que je me gardai bien de prononcer tout haut. Une fois les affaires rapatriées dans la cuisine et la table lavée, Erika attrapa une veste le porte-manteau et Aaron ne tarda pas à l'imiter. Zélina s'empressa de clamer :

«-Vous allez où ?»

Sa tante ajusta sa tenue et s'empara de ses clés de voiture déposées sur le meuble d'entrée.

«-On a deux-trois courses à faire, on revient.»

Sur ce, elle ouvrit la porte et sortit dehors, talonnée par Aaron. Juste avant que la porte se ferme et que Zélina ait le temps de répliquer, je vis que ce dernier me lançait un regard significatif, l'air de dire "ne bousille pas cette chance".

La porte claqua. Nous nous retrouvâmes seuls.

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