•Chapitre 22• «I have nothing to tell...»
Je sentis mon estomac se retourner dans mon ventre en l'entendant prononcer ces mots, avec cette à couper le souffle. Je m'y attendais un peu, mais la hargne avec laquelle il venait de les prononcer me figea sur place. Je fermai les yeux, prêt à recevoir les coups de l'homme, prêt à enfin recevoir mon jugement...
Mais il ne se passa rien.
Après quelques quelques secondes, j'entrouvris mes yeux, m'attendant presque à trouver mon bourreau en face de moi, un couteau sous ma gorge, mais, à nouveau, rien de tel ne se déroula. Aaron Evans était encore assis sur sa chaise, juste en face de moi. Il n'avait pas bougé, mis à part ses poings qui se contractaient dangereusement. Karoff, d'une voix monocorde, demanda, un air curieux affiché sur son visage de psy.
«-Qu'est ce qui vous fait dire cela Monsieur Evans ?»
Quoi ?! Attendez... Avait-on entendu la même chose ? Il avait bien dit qu'il voulait me tuer ? En tout cas, en vue de la réaction de Karoff, on pouvait croire qu'il venait de dire qu'il sentait que le printemps arrivait. Malgré ma folle envie de me révolter, je demeurai les yeux rivés sur mes mains, posées sur mes cuisses. Il valait mieux que j'essaye de rester effacé.
J'aperçus quand même un rictus horrible qui tordit la bouche d'Evans. Ce dernier se mit à rigoler, d'un rire à en glacer plus d'un. Sentant mes poils de ma nuque s'hérisser, je me mis à frissonner, frisson qui n'avait rien d'un frisson de plaisir. Tous les regards étaient braqués sur lui, mais certains alternaient entre lui et moi. Ces regards mouvants créaient un lien tragique entre moi et Evans. J'avais et je gardais les yeux figés sur mon jean beaucoup plus intéressant que la scène qui se déroulait autour de moi.
«-Expliquez-vous Monsieur Evans.»
Le calme du psy était vraiment déconcertant. J'eus soudain une envie de me lever et de le secouer aussi fort que je pus afin de lui faire ouvrir les yeux sur la gravité de la situation.
Enfin calme de son rire hystérique, Aaron retrouva sa mine sombre et dépressive. Je ne trouva pas assez de courage pour affronter son regard si bien que je me pris à compter le nombre de petites rayures qui ornaient mon jean. 1, 2, 3, 4,...
«-Ce garçon est un tueur !»
Les regards se fixèrent d'un coup sur moi. Ils étaient brûlants et douloureux. Je me concentrai sur ma tâche. 8, 9, 10,...
«-Il a tué un couple. IL A TUE MON FRERE !»
L'espace de quelques secondes, je crus qu'il allait se jeter sur moi, tellement la colère faisait vibrer ses muscles, mais il n'en fit rien, comme si une force supérieure le contraignait à attendre. Les regards étaient plus nombreux, plus intenses. C'était tellement douloureux de sentir tous ces regards figés sur une seule personne (en l'occurence, moi) que j'en eus les larmes aux yeux. 12, 13, 14,15, 16,...
«-Et vous savez ce qu'il a fait après ? Vous savez ce qu'il a osé faire ?»
Ses questions restèrent purement rhétoriques, les autres personnes étant trop concentrées à me dévisager, comme si j'étais une entité malveillante. Je détestais leurs regards, je les détestais tous. 20, 21, 22, 23,...
«-Il a approché leur fille. Leur fille ! Vous vous rendez compte ? Il s'en est pris à leur fille !!»
Regards. Douleur. 27, 28, 29,...
«-Il l'a faite tomber amoureux de lui...»
Dévisagements. Souffrance. 34, 35, 36, 37, 38, 39,...
«-Et quand il la tenait, emprisonnée par l'amour. Il l'a détruite.»
J'inspirai douloureusement. Je manquai d'air. Je n'arrivai plus à respirer calmement. Il fallait que je compte ces rayures. 43, 44, 45, 46,...
«-Il l'a brisée, il a éparpillé ses morceaux...»
Cette fois, je ne pus empêcher mes larmes de couleur. Je baissai encore plus la tête, pour que personne puisse me voir, en vain. Leurs regards continuaient à m'emprisonner sans aucune pitié. 50, 51,52,...
«-Et il ne va pas s'arrêter là, il va la tuer...»
Je contractai douloureusement mes poings, en essayant de penser à autre chose que ses mots, comme à ses rayures sur mon jean. 54, 55, 56,57,...
«-Il va définitivement la détruire morceaux par morceaux. Vous savez pourquoi il fait ça ?»
Inspiration. Expiration. 59, 60,...
«-Vous savez POURQUOI ?!»
Personne ne disait rien. Pourquoi Karoff ne disait-il rien ? Pour unefois, j'aurais aimé entendre ses paroles dénuées de sens et ses questions débiles.
«-Parce qu'il aime la voir souffrir. Il aime quand...
-FERMEZ-LA !»
Si les regards n'étaient pas déjà rivés sur moi, ils se seraient sûrement tous retournés vers moi. J'avais relevé involontairement la tête. Mes poings (que j'avais levés) retombèrent brusquement. Mes joues étaient mouillées. Je faisais sûrement peine à voir.
Evans afficha un sourire visiblement satisfait. Il venait de toucher un de mes points sensibles et il savait désormais comment me faire mal. Je lui avais tendu le bâton pour me battre.
«-Très bien, vous allez redescendre d'un ton et vous allez vous expliquer calmement.»
Ce qu'il pouvait m'énerver des fois, ce Karoff ! Son calme à toute épreuve ne faisait qu'agrémenter ma colère et je ne comprenais pas comment il pouvait afficher une telle sérénité.
Cependant, Aaron ne devait pas se poser ce genre de questions car il s'empressa de poursuivre, l'air triomphant :
«-Alors petit, qu'est ce que tu as à dire pour ta défense ?»
Rien. Je n'ai rien à vous dire.
«-Rien, hein ?»
Un ricanement sinistre sortit de sa bouche, tandis que je baissai à nouveau la tête. Je repris mon compte presque calmement. 61, 62,63,...
«-Il ne te reste rien petit. C'est simplement dommage que tes plansn'aient pas fonctionné.»
Cette fois, je relevai la tête, affrontant son regard satisfait et dominateur.
«-Je suis d'accord avec vous.»
Toujours avec son calme déroutant, Karoff entreprit :
«-Qu'est ce que tu sous-entends par ceci ?»
Que vous m'avez ramené pour rien.
«-Qu'il y a des choses que je regrette.
-Comme ?»
Tout en parlant, il griffonai sur son carnet à spirale, parfaitement détendu.
«-Je ne crois pas que cela intéresse tout le monde, rétorquai-je, en essayant d'ignorer le regard flambant que me lançait Evans.
-Au contraire petit, tout le monde peut apprendre des erreurs des autres.»
Donc en plus de m'appeler 'petit' (visiblement, faire un mètre soixante-dix-neuf devait être 'petit' pour eux), vous affirmez que je racontes des conneries. Sympa.
«-Je n'ai rien à dire.»
Ma tentative de voix froide fit s'esclaffer Aaron. Je l'ignorai, le coeur battant.
«-Bien.»
À la surprise générale, il n'insista pas.
La discussion reprit sur une autre question perchée de notre cher psy. Tout le long de la séance, les yeux brûlants d'Evans ne me lâchèrent pas.
***
De retour dans mon lit, je poussai un soupir de soulagement. Cette séance avait été un véritable supplice. Une fois allongé, je pus entreprendre de calmer les palpitations de mon coeur et de réguler ma respiration sifflante. Je me sentais relativement mieux.
J'essayai de ne pas trop penser à demain ou aux jours à suivre et me concentrai sur ce qu'il venait de se passer. Sans aucun doute, je venais de me créer un nouvel ennemi. Ennemi qui me voulait du mal. Je repensai à cette phrase qu'il avait prononcée pour se présenter. Y pensait-il vraiment ? Pensait-il déjà à passer à l'acte ? Rien qu'en y pensant, je me sentis vaseux.
Je fus arraché de mes sombres pensées par l'arrivée soudaine de ma mère, dans ma chambre, dont la première question fut :
«-Alors ? Comment ça s'est passé ?»
Tandis que mes yeux dérivèrent loin de cette scène, vers la fenêtre ouverte, je m'entendis prononcer une phrase que j'avais employée quelques minutes auparavant en d'autres circonstances :
«-Je n'ai rien à dire.»
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En média : Aaron Evans (Ryan Gosling)
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