RIVERSIDE - AGNES OBEL


La nuit noire. Le froid. Le silence et l'ombre. L'odeur du bitume mouillé et de l'herbe coupée qui vous emplissait les narines. Il avait plu il y a moins d'une heure et le sol était à peine humide tant la chaleur ambiante était élevée.

Calypso marchait depuis deux heure dans l'espoir de se vider la tête, un espoir qui s'était très vide révélé vain, ce qui ne l'avait pas stoppé pour autant. La promenade solitaire lui permettait de penser à autre chose qu'à ce qui la préoccupait.

Jonathan.

Plus elle y songeait, plus elle se perdait dans les tourbillons de ses pensées noires et tumultueuses. Elle revit alors son visage d'ange à la peau bien trop pâle, ses boucles blondes, ses traits enfantins, la douceur de son regard lorsqu'il s'était posé sur elle. Son coeur se mit à battre plus fort et elle se demanda comment un être d'apparence aussi parfaite pouvait éviscérer des gens innocents.

Une joggeuse arriva en courant vers Calypso. Elle observa sa queue de cheval brune impeccable qui se balançait à chacune de ses foulées puis remarqua la bague dorée à son annulaire et sa gorge se serra en pensant à Alec.
Elle ne lui avait pas parlé depuis le matin précédent à son bureau, ignoré tous ses appels et messages. Elle ne pouvait pas lui parler, pas après ce qu'il s'était passé.

Elle avait lu la peur dans ses yeux, ceux d'Isabelle et de l'inquisitrice Herondale. Ils avaient eu peur d'elle, de ce qu'elle était capable de faire. De leur faire. Et ça elle ne pouvait pas le supporter. L'homme qu'elle aimait le plus au monde avait peur d'elle.

- Tu aimes bien te promener le soir ?, fit soudainement une voix derrière elle, une voix douce comme un morceau de paradis.

Surprise, Calypso se retourna et tomba nez à nez avec Jonathan en train de lui sourire, tranquillement assis sur un banc. Elle écarquilla les yeux, secoua la tête mais rien n'y fit : il était bien là, en chair et en os devant elle et c'est à ce moment-là qu'elle se rendit compte qu'il était sa copie conforme au masculin. Même pomettes hautes, mêmed discrètes taches de son, tout les liait sauf leurs regards. Celui de Jonathan était noir, foncé comme l'obsidienne et, à travers lui, Calypso put presque voir le sang de démon qui coulait dans ses veines.

- Lily ?, dit-il d'une voix inquiète en la voyant bloquée sur lui.

Calypso cligna des yeux ; le lien  brisé. Elle recula de quelques pas, sa poitrine se soulevait et se rabaissait à une vitesse folle.

- Ne m'appelle pas comme ça, articula-t'elle en sentant la haine se distiller en elle comme un poison. Ou je te jure que je te tue.

- Pourquoi tu ne le fais pas alors ?, lui demanda-t'il en se levant pour s'avancer dans sa direction, ses yeux fixés sur elle. Je suis devant toi, sans défense, sans arme. Ce serait si facile de m'achever, n'est-ce pas, soeurette ?

- Tu n'es pas mon frère Jonathan, répliqua-t'elle en serrant les poingts. Tu n'es qu'un putain de démon venu foutre le bordel dans ma vie, tu es un tueur, tu es un psychopathe, mais tu n'es pas mon frère.

- Tu crois vraiment ça ?, s'amusa-t'il. Regarde-nous un peu Lily : nous sommes pareils toi et moi.

- Je n'ai rien à voie av...

- Récapitulons, la coupa-t'il. Physiquement, nous sommes identiques, tu en conviendras. Tu as vécu une enfance plutôt difficile et moi aussi. J'ai tué, je l'admet, mais... toi aussi.

Calypso balança sa main vers son visage pour le gifler, imprimer une marque rouge sur sa peau si blanche. Il récéptionna son bras au vol et serra ses doigts autour de son poignet, jusqu'à lui arracher un cri de douleur, un cri qui le fit sourire. Il s'approcha d'elle encore et encore, jusqu'à ce que leurs visages ne soient plus qu'à quelques centimètres d'écart. Doucement, il lui caressa la joue du bout du doigt.

- Pas de ça entre nous Lily, lui murmura-t'il à l'oreille.

Calypso frémit et leva les yeux vers lui. Elle sentait son souffle s'écraser sur sa peau, ils étaient si proches qu'un mouvement minime aurait pu les faire se frôler.

- C'est fou ce que tu ressembles à maman, ajouta-t'il en secouant légèrement la tête.

Calypso sentit sa tête tourner et, à l'instant où Jonathan écrasa sa main sur son coeur, elle sut que la situation venait de lui échapper.

Elle ressentit aussitôt une douleur intolérable, une douleur comme on n'en ressent qu'une fois dans une vie, avant de mourir. Son corps entier paraissait vibrer au rythme des décharges qui assaillaient tout son être, jusqu'à la plus petite de ses terminaisons nerveuses. Elle hurla de tous ses poumon, ses jambes lâchèrent prise et elle sentit Jonathan la soulever du sol d'une main pour la maintenir droite. Elle serra ses doigts autour de son bras dans l'ultime espoir de lui faire lâcher prise, planta ses ongles dans sa peau jusqu'à faire couler son sang mais il persista et ressera au contraire sa poigne. L'air lui manqua tant la douleur était puissante et elle vit des tâches noires apparaître devant ses yeux.

Finalement, il la lâcha. Elle retomba au sol comme une poupée de chiffon, sa tête heurta violement le bitume. Elle eut une violente quinte de toux et du sang gicla de sa bouche pour arroser la terre en goutellettes rouge foncé.

- ... désolé Lily, dit Jonathan d'une voix rauque et éteinte.

Elle avait déjà perdu connaissance et ne l'entendit pas. Du sang coulait à flot continu de se plaie à la tempe, son coeur pulsait à peine dans sa poitrine.

C'est ainsi qu'une Chasseuse d'Ombres qui effectuait son tour de garde dans le secteur la retrouva une vingtaine de minutes plus tard.

Seule.

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