Alors que les images défilaient sur l'écran de l'ordinateur, Alec baissa les yeux vers Calypso. Lovée contre lui, elle dormait profondément, ses lèvres rosées légèrement entrouvertes sur ses dents du bonheur. Ses paupières frémissaient de temps en temps presque imperceptiblement, il n'y avait que la légère onde qui traversait ses cils pour le prouver. Elle avait l'air serein et innocent qu'Alec aurait voulu voir régner en permanence sur son visage. Il se sentait de plus en plus impuissant à la protéger, à prendre soin d'elle et il haïssait cela. Il détestait le fait qu'elle se forçait toujours à affronter ses problèmes seule alors qu'il était à ses côtés, prêt à l'aider. Avant, c'était lui qui prenait soin d'elle, la rassurait mais il savait que les choses avaient changé, que cette période était révolue, que les rôles avaient été inversés. Il avait peur, peur d'avoir plus besoin d'elle qu'elle ne l'avait de lui, ça le terrifiait.

Alec inspira profondément et humecta du bout de la langue ses lèvres sèches. Il tourna légèrement sa tête vers la fenêtre où la lumière du soleil filtrait à travers les rideaux fermés à la va-vite. Brusquement, le générique de fin du film qu'ils regardaient apparut à l'écran. La musique réveilla Calypso qui se redressa en sursaut, manquant de faire tomber l'ordinateur du lit. Alec ne put s'empêcher de s'esclaffer en voyant son expression totalement paniquée.

- Putain j'ai eu trop peur !, s'écria Calypso en se laissant retomber dans les draps.

- Ce n'était que le générique, la prévint Alec en continuant à rire sous cape. En tout cas, ta tête était épique.

- Je te déteste, geint-elle en faisant mine de le frapper avec un oreiller qui traînait au sol.

- Aïe !, fit-il semblant de crier en se tenant le bras. Je vais finir manchot à cause de toi !

- Fragile.

- Même pas.

Calypso secoua la tête, un sourire sur les lèvres et se leva pour se diriger vers la fenêtre dont elle ouvrit en grand les rideaux. La lumière s'imposa dans la pièce, s'immisçant dans chaque recoin, sur chaque meuble, tout les objets furent enveloppés d'un halo doré qui scintillait comme une auréole au-dessus de la tête d'un ange. Calypso observa un moment les va-et-vient et l'habituelle agitation new-yorkaise qui se dépeignait dans la rue remplie de jeunes (l'appartement de la blonde était situé non-loin de plusieurs auditoires de la New York University, et souvent elle se rendait à une des nombreuses conférences qui y étaient organisé) hippies, chics ou plus conventionnels en jean et t-shirt basiques.

Calypso repéra à la terrasse du Cocoa Bar à l'angle de la rue une jeune femme d'une vingtaine d'années, un peu comme elle. Elle observait les étudiants passer devant elle en riant et semblait un rien envieuse en les voyant. Elle baissa la tête vers son verre rempli d'un liquide à la teinte rosée et le prit pour en boire sans cesser d'épier la foule avec une fausse discrétion. La scène fit réellement de la peine à Calypso et lui remémora brièvement la fameuse Sonate Pathétique de Beethoven.

- Je veux sortir Alexander, dit-elle brusquement sans se retourner.

Un silence à la fois surpris et un peu gêné accueillit sa phrase. Dans le reflet de la vitre, elle vit Alec se redresser en position assise et se frotter nerveusement la nuque de la paume de la main.

- Caly, je ne sais pas si c'est vraiment une bonne idée, avoua-t'il d'un ton un peu penaud. Tu devrais te reposer, tu n'es sorti du coma que depuis deux jours...

-Et ça fait deux jours que je n'ai pas quitté l'appartement, le coupa-t'elle en se tournant vers lui. J'en ai marre d'être enfermée ici. J'ai envie de sortir.

- Je sais, soupira Alec en se levant. Mais dehors, il y a...

- Je ne tomberai pas sur Jonathan en pleine rue, répliqua-t'elle d'une voix ferme. Il ne prendrait pas ce risque. Et puis, tu seras avec moi...

Calypso se mordit la lèvre inférieure et retrouva sur le visage d'Alec l'expression de réflection qu'elle lui connaissait si bien. Sourcils légèrement froncés, yeux perdus dans le vague, et elle put même l'imaginer mordiller l'intérieur de sa joue. Il la considéra pensivement pendant quelques secondes, observa l'espoir au fond de ses iris mauves puis céda.

- OK, c'est d'accord, finit-il par dire.

Un sourire de pure joie se dessina sur les lèvres de Calypso. Elle tenta de le réfréner mais ses yeux brillants la trahissaient.

- Tu veux aller où ?, lui demanda Alec, attendri par ses manières d'enfant.

- Au cinéma ?, suggéra-t'elle. Le nouveau Spider-Man est sorti, on pourrait aller le voir. Tu en as besoin, tu manques cruellement d'humour marvélien.

- Merci, s'offusqua Alec, faussement outré.

Calypso l'embrassa sur la joue et sortit de la chambre. Alec la regarda s'en aller pensivement, espérant ne pas avoir fait une énième erreur.
Elle se prépara rapidement, enfilant à la va-vite un top gris à bretelle et un short noir au tissu fluide, idéal pour la chaleur qui régnait sur New-York en été. Elle laissa ses cheveux onduler librement dans son dos et jeta un dernier coup d'oeil à son miroir en essayant de prendre un regard extérieur.

La glace lui renvoyait l'image d'une jeune femme aux mèches d'or et aux iris mauves hypnotisantes. Elle était belle, c'était indéniable, et la plupart des hommes se seraient retournés sur son passage. Mais il y avait quelque chose dans ce visage en forme de coeur au teint trop pâle, dans ces yeux remplis d'une lueur qui les transformait en deux lacs de tristesse, dans ces cernes trop lourdes, quelque chose qui dévoilait son âme fracturée, brisée en mille morceaux. Sa gorge se serra et elle détourna le regard avant de sortir de la pièce pour rejoindre Alec.

Le cinéma se trouvait à deux minutes de marche et, pendant qu'Alec prenait les places, Calypso alla se poser sur un canapé près d'une fenêtre. Elle leva la tête vers la vitre pour observer la rue lorsqu'un souffle s'écrasa soudain dans son cou. Elle se tendit et écarquilla les yeux de surprise.

- Regarde la vitre, lui murmura la voix de Jonathan à l'oreille.

Sans vraiment comprendre pourquoi, elle s'exécuta et fut prise d'une rage folle à l'origine inconnue. Elle se leva en fixant la fenêtre, la vitre ondula, trembla et finit par exploser en mille morceaux. Calypso serra les poingts et les brisures de verre s'élevèrent en l'air soudainement alors que les passants dans la rue criaient et s'écartaient.

- Calypso ?, fit Alec dans son dos et elle sentit une forme de peur dans sa voix.

Les morceaux de verre retombèrent au sol. Elle se retourna vers lui et à ce moment-là, il vit ses yeux et recula d'instinct en arrière, comme pour la fuir.

Ses iris était devenues d'un mauve si foncé qu'elles en étaient presque noires.

NDA : Je viens de publier un petit livre où je publierai toutes les nouvelles que j'écris parallèlement à mes autres fictions. Allez checker et dites moi si ça vous plaît ! :)