29 - LOÏC NOTTET

Jonathan se regardait dans le miroir d'un oeil impassible, comme détaché. Il venait de sortir de sa douche, un simple short retombant sur ses hanches camouflait sa nudité. Son torse blanc comme neige aux côtes saillantes et aux muscles finement dessinés était constellé de cicatrices et de plaies refermées depuis longtemps, mais il se souvenait de chacune d'entre elles, de la douleur qu'elles lui avaient causées. Il inspira profondément et bloqua sa respiration quelques secondes avant d'expirer. Il releva les yeux et eut un mouvement de recul en voyant Calypso à l'embrasure de la porte, bras croisés sur sa poitrine. Il tourna la tête vers elle dans le miroir et ils restèrent ainsi à s'observer sans rien dire. Elle détailla chacune de ses cicatrices sur son torse et son dos d'un oeil choqué et intrigué et s'avança vers lui, doucement.
Il ne dit rien en la voyant arriver, il ne dit rien quand elle s'approcha de ses cicatrices. Elle tenta de les toucher mais il se retourna et saisit ses poignets pour l'en empêcher.

- Comment tu t'es fais ça ?, lui demanda-t'elle en se dégageant de son emprise.

- À Edom,  répondit-il, les yeux dans le vague.

Il planta ses iris dans les siennes et reprit ses poignets dans ses mains, d'une prise plus douce cette fois-ci. Elle se laissa faire alors qu'il fermait les yeux et lui fit promener ses doigts sur son torse imberbe. Elle caressa ses plaies, traça les contours de ses cicatrices et sentit sa peau se hérisser de chair de poule. Le ventre de Jonathan se soulevait et se rabaissait de plus en plus vite, Calypso finit par s'écarter et reculer de quelques pas, troublée à l'extrême.

- Au début, je t'en ai voulu tu sais, confessa Jonathan en se laissant mollement tomber sur le lit. Je t'en ai vraiment voulu.

- Je ne t'ai jamais rien fait Jonathan, dit Calypso, les bras croisés sur la poitrine.

- Ce n'était pas ta faute, souffla-t'il. Tu étais la fille parfaite, belle, puissante, j'étais le fils mal-aimé, celui dont on avait honte et ça a été comme ça toute ma vie. Les gens me voyaient comme un monstre sans même chercher à me connaître vraiment. J'étais devenu la paria de la famille.

- Comment tu es arrivé à Edom ?, lui demanda doucement Calypso.

- J'ai été appelé, répondit-il simplement en se levant. L'appel du sang de démon est plus fort que tout Calypso, et rien ne pourra jamais rien y changer.

Il se passa nerveusement la main dans les cheveux et sortit un t-shirt gris clair de son armoire. Il prit son temps pour l'enfiler avant de se tourner vers Calypso. Son regard avait changé, il était plus sombre, plus trouble. Il resta un moment silencieux puis ses iris s'éclaircirent brusquement.

- Maman et papa ne voulaient pas, déclara-t'il à la grande surprise de Calypso. Ils voulaient que je reste près d'eux, en espérant qu'un jour le sang d'ange prenne le dessus. Mais il est arrivé et m'a prit avec lui. Il a dit... il a dit que c'était la meilleure chose à faire. Et c'est lui qui a effacé ta mémoire pour que tu ne te souvienne plus de moi.

- Qui ça ?

Jonathan fronça les sourcils, étonné.

- Notre grand-père, répondit-il sur le ton de l'évidence. Asmodée, un des grands princes d'Edom.

- Le... le père de maman ?, insista Calypso en s'approchant de lui.

- Oui, acquiesça-t'il. Tu n'avais jamais entendu parler de lui ?

Calypso fit signe que non en s'asseyant au bord du lit.

- Il s'est occupé de moi pendant 8 ans, murmura Jonathan. 8 longues et interminables années. 8 années à Edom tu sais ce que ça peut faire à un enfant de 9 ans ? ( Calypso ne dit rien ) Ça le détruit. Ça te détruit de l'intérieur comme une maladie ou un poison. Au début, tu ne t'en rends pas compte, tu te dis que tout finira par s'arranger mais rien ne s'arrange, rien du tout. C'est même pire après.

Les paupières closes, Jonathan serra les dents et prit une profonde inspiration. Il bloqua sa respiration quelques secondes avant d'expirer lentement et d'ouvrir les yeux. Calypso l'observait et sentait se distiller en elle une vague de rage, lentement mais sûrement. Son frère, sa chair, son sang avait du subir cette horreur alors qu'il n'était qu'un enfant innocent qui n'avait rien demandé. Il a été enlevé à ses parents, à sa famille, aux personnes qui l'aimaient le plus au monde par un monstre. Elle repensa aux cicatrices qui défiguraient son corps et ses poingts se serrèrent, jusqu'à enfoncer ses ongles dans ses paumes.

- Où se trouve Asmodée maintenant ?, demanda-t'elle aussi calmement que possible.

Jonathan resta silencieux, le dos tourné. Il ne dit rien pendant plusieurs dizaines de secondes et quand il se retourna, un énorme sourire éclairait son visage, un sourire de fou, semblable à celui du chat de Cheshire des contes de fées de son enfance.

- Perdu dans les limbes entre deux portails, déclara-t'il avec une fierté non-dissimulée. Grâce à moi.

Il vint vers Calypso, assise sur le lit, et s'agenouilla devant elle en lui prenant les mains qu'il serra dans les siennes.

- Tout cela n'a plus d'importance, dit-il en la regardant intensément. Parce que tu es avec moi et que rien d'autre ne compte plus que toi Lily.

Elle hocha la tête et lui sourit. Pourquoi s'inquiéter ? Jonathan était avec elle, il ne pouvait rien lui arriver. Il prenait soin d'elle, lui donnait tout l'amour dont elle avait besoin.

Jonathan était devenu son univers, pourquoi demander plus ?

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