" L'habit ne fait pas le moine "

"L'habit ne fait pas le moine"

Proverbe français

Isobel dormait toujours quand Sevastian se réveilla. Il se rendit dans la douche, se lava rapidement avant de s'habiller. Voyant sa protégée ancrée dans les bras de Morphée, il descendit de l'avion pour aller à la rencontre de ses hommes qui n'allaient pas tarder à arriver.

Quand les vérifications d'usages furent effectuées et que l'équipage ait embarqué au grand complet, l'avion décolla pour Gorod, la capitale de l'Empire de Strania. Le décollage et le bruit des moteurs ne parvinrent pas à sortir Isobel de son sommeil profond.

Sevastian sourit tendrement devant le spectacle de la belle endormie. Elle s'était enterrée sous la couette ne laissant sortir que le bout de son nez. Elle avait retiré sa perruque, la veille, et ses cheveux naturels dépassaient du drap dans une rivière rougeoyante.

Une des premières choses qui l'avait marquée lors de sa première rencontre avec elle, c'était la couleur de sa chevelure. Il l'avait trouvé splendide. Elle lui donnait des airs d'amazone quand elle s'illuminait au soleil en un halo enflammé.

Il fut interrompu dans sa rêverie par le raclement de gorge de Sacha, qui le surveillait du regard. Quand il eut capté son attention, son homme de main leva un sourcil interrogateur à son intention. Ne voyant pas la passagère clandestine, il ne comprenait pas le comportement de son supérieur.

« Isobel dort dans la chambre.

- Je vois ... Une raison particulière à sa présence ?

- Elle prend la fuite et a besoin d'un endroit où se réfugier.

- Et quoi ? Tu t'es dit que l'emmener avec nous c'était la définition même d'un endroit sûr ? C'est ça ? Nous qui passons la plupart de nos semaines à nous défendre contre des attaques ennemies. Nous qui devenons paranoïaque à force de frôler la mort à chaque instant. Nous qui ...

- C'est bon j'ai compris !

- Non, Sevastian ! Tu ne dois pas oublier que nous sommes des pirates, notre vie n'a rien de paisible ! Que t'est-il donc passé par la tête pour l'emmener avec nous ?

- Ce n'est pas moi qui lui ait dit de venir, d'accord ! C'est elle qui s'est invitée. »

Il lui raconta les événements de la veille faisant sourire son ami.

« Elle a du cran cette petite ! Cependant, je doute fort que tu l'aies suffisamment mise en garde contre les risques de son escapade.

- Peu m'importe, je serais à ses côtés pour la protéger.

- Fais attention à ne pas trop t'attacher à elle, Sevastian, l'amour n'a pas sa place dans notre univers.

- Je le sais bien, Sacha ! Et ce qu'il y a entre nous n'est pas de cette nature. Je conviens que je me suis attaché à elle de façon peu habituelle, mais cela reste tout ce qu'il y a de plus platonique. Tu l'as dit toi-même, elle n'a pas sa place dans notre monde. »

Sacha ne dit rien mais l'expression de son visage témoignait de son scepticisme face aux affirmations de son ami. Il allait surveiller leur relation de loin. Il comprenait en quoi Isobel le charmait. Son sourire, sa joie de vivre, sa manière d'appréhender le monde, tout cela leur faisait une bouffée d'air frais. Elle était l'oasis dans le désert aride, le rayon de soleil dans la nuit noire. Mais dans leur métier, ce genre de relation se soldait trop souvent par la mort de l'un des protagonistes.

Le bruit de la douche mit fin à leur échange. D'un commun accord, ils rejoignirent chacun leur siège. Le chef de l'équipe briefa ses hommes sur la jeune femme à bord de l'avion. Il leur expliqua en quelques phrases la raison de sa présence et la menace que représentait son fiancé pour elle et ses proches.

Ils étaient à nouveau tous occupés avec leurs occupations propre quand elle sortit de la chambre. Sevastian fronça les sourcils à la vue de ses vêtements peu adapté au climat de son pays.

« Tu n'as rien de plus chaud ?

- Non ... Mais c'est du thermorégulateur ! »

Les membres de l'équipage éclatèrent d'un rire franc. Ne comprenant pas l'origine de cette hilarité, un pli se forma entre ses yeux et elle se renfrogna quelque peu.

« Ne le prend pas mal Isobel ! Mais ce n'est pas cela qui va te protéger efficacement du froid stranien. Moins de dix minutes suffiront pour que tu finisses en glaçon.

- Je peux toujours superposer plusieurs couches de vêtements...

- Si mes soupçons sont justes, et je ne pense pas me tromper, tu n'as pas ce qu'il faut dans ta valise pour résister au charme de notre climat.

- Oh ...

- Ne t'en fais pas, je te prêterai mon manteau, ça devrait suffire pour le trajet jusqu'à la voiture, ensuite on tâchera de te confectionner une garde robe plus adéquat !

- Mais ... Et toi ? Tu n'auras pas froid ? »

Une nouvelle vague de gloussements contamina les hommes autour d'elle. Elle n'aimait vraiment pas du tout leur comportement. Cela faisait remonter en elle de mauvais souvenirs. D'horrible souvenirs qu'elle préférait oublier. Elle avait assez de problèmes à gérer sans avoir besoin de se remémorer les jours où elle avait été victime de harcèlement.

Voyant la mine de son amie se décomposer, Sevastian eut pitié d'elle. Il lui prit la main, il l'invita à prendre place à ses côtés.

« Isy jolie, ne fait pas une tête aussi sombre. Mes hommes ne souhaitaient pas se moquer de toi. Nous rigolons parce que cela fait partie des évidences de notre quotidien. Nous ne craignons pas autant le froid que les étrangers. Et l'entraînement que nous avons subi nous permet d'y être très résistant. En d'autres mots, tu peux prendre mon manteau, je survivrais. Toi, en revanche, je n'en suis pas aussi sûr...

- Tu oublies que j'ai de l'embonpoint. Il me rend plus résistante que le commun des mortels...

- Possible, mais je n'ai pas envie de prendre le risque d'en faire l'expérience. Je tiens suffisamment à toi pour que l'idée de devoir te décongeler au coin de la cheminée ne m'enchante pas spécialement !

- Vous exagérez ! Il ne peut pas faire aussi froid !

- Tu verras Isy jolie, tu verras ... »

Elle s'adossa de tout son poids sur le dossier de son siège et croisa ses bras dans une intense réflexion. Décidément, ce voyage lui réservait beaucoup de surprises. Elle avait l'impression de ne plus rien contrôler. Se retrouver complètement dépendante de son compagnon ne l'enchentait pas non plus. Elle qui avait pris l'habitude de diriger, s'en trouvait rapidement désarçonnée. Le nouveau surnom que Sevastian lui avait donné était aussi très étrange.

Elle ne comprenait plus rien. Etait-ce commun entre ami de se donner des surnoms ? Dans ses livres, c'était les amoureux qui le faisait. Mais son ami lui avait clairement précisé qu'il n'y avait rien de tel entre eux. Alors pourquoi se comportait-il ainsi ? Elle était une duchesse, bon sang ! Elle était capable de tenir tête aux dirigeants du monde entier. Elle avait appris à affronter des situation de crises majeures.

Mais au milieu de ses gens, elle se retrouvait complètement démunie. Les interractions humaines n'étaient vraiment sont fort. Elle avait l'impression de redevenir la jeune adolescente mal dans sa peau qui avait fait son entrée à Galloway house. Oui, vraiment, tout cela ne lui plaisait pas du tout. Il était temps qu'elle se reprenne en main !

Se levant pour retourner dans la cabine, elle fouilla dans sa valise à la recherche de son guide touristique de Gorod. Depuis qu'elle avait fait la connaissance de Sevastian, elle l'avait constamment sur elle. Quand elle retourna à sa place, ils étaient tous concentrés sur une liasse de papier, leurs ordinateurs à porté de main. La frénésie qui les habitait lui fit comprendre qu'un problème avait lieu. En les écoutant d'une oreille indiscrète, elle comprit qu'ils enquêtaient sur un vol de marchandise.

Qui pouvait être assez fou pour voler une des mafia les plus puissante du monde ? pensa-t-elle. Elle feuilleta le livre tout le reste du trajet, s'imprégnant de la culture et de ses environs. Elle demandait de temps en temps à son voisin quelques renseignements supplémentaires sur des monuments ou sujets qui l'intéressaient particulièrement.

Quand l'appareil se posa sur le macadam, une montée de stress l'envahit. Sevastian posa son épais blouson sur ses épaules et vissa un bonnet sur sa tête. L'attrapant par la main, il lui offrit un sourire encourageant avant de la traîner à sa suite dans l'escalier. Dans son autre main, il portait sa valise fushia, qui offrait un contraste saisissant avec le personnage.

Une grosse berline noir les attendait. Ils s'y engouffrèrent rapidement et le chauffeur repartit sans attendre. La nuit était tombée depuis longtemps mais les lumières de la capitale illuminaient la neige qui tombait, offrant un spectacle féerique. La tête collée sur la vitre, elle observait son nouvel environnement. L'excitation pétilla dans ses veines et un sourire béat éclaira son visage. C'était magnifique !

L'œphorie du moment lui fit oublié un instant la mission suicide qu'elle s'apprêtait à accomplir. Mais quand la voiture s'arrêta devant les grilles d'un grand manoir, son souvenir revint à sa mémoire. Elle déglutit difficilement mais refusa de se laisser envahir par la peur. Maîtrisant les tremblements dont elle n'avait pas encore eu conscience d'exprimer, elle se saisit de la poignée de sa portière et sortit dans le froid.

La morsure qu'elle ressentit à son contact lui fit mal. Elle avait l'impression que son sang allait gelée dans ses veines. À la descente de l'avion, elle n'en avait pas eut conscience, trop préoccupé par ses pensées. Mais maintenant, elle prenait conscience de ce qu'on lui avait expliqué dans l'appareil. Elle avait eu tort et les gens de Sevastian ne s'étaient pas trompés. À cet instant précis, elle ignorait ce qu'elle devait craindre le plus : la froidure de l'hiver ou Adam la Bête monstrueuse ?

Voyant Isobel frissonner, Sevastian l'attrapa à nouveau par la main. La chaleur qu'il lui transmis grâce à ce simple geste suffit à lui donner l'énergie nécessaire pour avancer un pas après l'autre. La promesse du feu dont elle voyait la fumée s'échapper par la cheminée lui donnait l'impulsion nécessaire pour suivre l'homme qui la traînait d'un bon pas vers le manoir.

À peine furent-ils arrivés que la porte s'ouvrit sur l'homme le plus effrayant qu'elle n'ait jamais vue.

Il était grand, immense même à côté de sa petite taille. Elle devait se dévisser le cou pour voir son visage. Quand elle le vit, elle le regretta immédiatement. Dans la pénombre de l'entrée, il était horrifiant, sa peau était entièrement brûlée et ses yeux globuleux sortaient quelque peu de leurs orbites, lui donnant un aspect repoussant. À cet instant précis, elle eut l'impression de pénétrer dans l'antre d'un monstre.

Elle se reprit bien vite et s'en voulut immédiatement du jugement hâtif qu'elle venait de faire. L'observant avec attention et aussi discrètement que la bienséance lui imposait, elle le trouva finalement très élégant et soigné. Ses manières et son maintien lui rappelait Finn, son propre majordome. Elle lui offrit un petit sourire de politesse en guise de "bonjour".

L'objet de son étude, qui n'avait cessé de l'observer à son tour, hocha la tête en réponse. Son geste semblait valider une sorte de test qu'elle venait de passer. Portant enfin toute son attention sur son supérieur qui se tenait toujours à ses côtés, il s'adressa à lui d'une voix forte et aux accents très distingués.

« Monsieur Sevastian, avez-vous fait bon voyage ?

- Oui Chasy, merci.

- Je suppose que la demoiselle qui vous accompagne est la duchesse ?

- En effet !

- Monsieur est dans son bureau, mais je crains qu'il ne soit d'une humeur peut encline à la négociation. Je suggérerais que mademoiselle se rafraîchisse dans une des chambres pendant que vous vous entretenez d'abord avec lui ? »

Sevastian qui savait qu'Isobel écoutait lui adressa un coup d'œil interrogateur. Elle haussa les épaules, lui faisant comprendre qu'elle lui faisait confiance et le laissait prendre la meilleure décision. Il hocha la tête lui assurant ainsi qu'il avait saisi le message et pris le temps de réfléchir.

« Nous allons le voir maintenant. Plus tôt cet entretien aura lieu, mieux cela sera. Demande à Garderobe de préparer une chambre pour Isobel. Qu'on lui fasse couler un bain et qu'on lui trouve des habits plus chauds, en attendant qu'elle s'en achète de nouveau.

- Bien, Monsieur. Le dîner sera servi à l'heure habituelle.

- Parfait.»

Tirant Isobel par la main qu'il n'avait pas lâché, il la conduisit avec assurance jusqu'au cabinet de travail du maître de la maisonnée. Inspirant profondément, il adressa un petit coup d'œil à sa protégée pour avoir son aval avant de toquer vigoureusement sur le battant face à lui. Quand on lui donna l'ordre d'entrée, il lui serra la main pour lui donner du courage avant de pénétrer dans la pièce.

Fermant les yeux, elle inspira profondément pour se donner la force d'affronter l'homme dont la réputation avait fait couler tellement d'encre que plus personne ne savait si ce que l'ont disait faisait partie du mythe ou de la réalité. Rouvrant ses paupières, elle se prépara à entrer dans l'entre de la Bête.

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