Chapitre 7
Jamal l'attendait patiemment dans sa chambre et ne put s'empêcher de rire quand elle arriva vêtue d'une simple serviette, à peine cinq minutes plus tard. Elle se dirigea vers son armoire afin d'en sortir de quoi se vêtir pour la nuit, tentant du mieux qu'elle put de ne pas tenir compte de sa présence dans son dos.
« Hum ... Alors ? Que me voulez-vous ?
- Je souhaitais avoir votre point de vue sur ce qu'il s'est passé, cet après-midi. Mais je n'ai pas réfléchi ... Vous aimeriez peut-être d'abord vous reposer ?
- Non, c'est bon, je ne vais pas beaucoup dormir de toute façon. »
Elle farfouilla dans le meuble à la recherche de son pyjama le plus confortable, mais surtout le moins seyant afin de dissimuler un maximum ses formes féminines. Elle disparut derrière un paravent où elle entreprit d'enfiler le vêtement.
« J'étais perdue dans mes pensées quand l'accident est survenu. Du coup, je n'ai pas vraiment vu ce qu'il s'est passé. Un carrosse est arrivé à pleine vitesse alors que la victime traversait la rue. Il devait très certainement appartenir à une famille noble à cause de sa splendeur, mais je n'en suis pas sûre car je n'ai pas eu le temps d'apercevoir les armoiries. »
Elle se sécha les cheveux avec sa serviette avant de les tresser en une longue natte qu'elle laissa retomber sur son épaule.
« Le carrosse ne s'est pas arrêté et a continué sa course quand une voix de femme, je suppose, a ordonné de poursuivre la route pour ne pas être en retard. J'ai demandé à mon cocher de s'arrêter et je suis descendue voir si la victime allait bien ... Et la suite vous la connaissez. »
Elle partit reposer sa serviette dans la salle d'eau et revint auprès du roi. Elle prit le temps de l'observer, sceptique quant à sa réaction.
Il se tenait debout appuyé contre la fenêtre de sa chambre, perdu dans la vue du paysage extérieur. Ses bras musclés étaient croisés sur son torse. Il affichait une mine songeuse, réfléchissant probablement à ce qu'elle venait de lui dire. Ses cheveux étaient mi-longs bouclés de couleur sombre à la lumière de la bougie, qui éclairait faiblement sa chambre, il lui sembla qu'ils étaient noirs mais ils pourraient aussi bien être châtains foncés. Sa peau était mate, brunie par les rayons du soleil qui brillait tous les jours dans le ciel bleu. Il était grand, bien plus qu'elle, car elle lui arrivait au niveau du torse.
Elle le trouvait vraiment beau et une chaleur vint se loger dans le creux de son ventre, lui donnant l'impression d'y avoir des millions de papillons la chatouillant de leurs ailes. Il sentit qu'elle l'observait et reporta son attention sur elle. Elle détourna son regard, les joues rouges, gênée qu'il l'ait remarquée. Il lui offrit un sourire charmeur qui ne fit qu'accentuer sa gêne, déjà bien présente. Elle se racla la gorge avant de poser la première question qui lui vint à l'esprit, espérant dissiper le trouble qui l'habitait.
« Vous allez vraiment chercher à savoir qui est le coupable ?
- Cela vous surprend ?
- Un peu, oui.
- Oui, je veux ouvrir une enquête et je sais également que vous savez pertinemment pourquoi cela m'importe autant de savoir ce qui s'est passé.
- Je m'en doute. S'il s'avère que c'est l'une de vos candidates, elle sera éliminée d'office.
- Et son cocher emprisonné. Trois personnes sont mortes aujourd'hui, je ne peux pas laisser cela impuni.
- Au risque de vous mettre les nobles qui siège aux gouvernement à dos ? »
Sa question le vexa. Il se redressa en une attitude menaçante. Elle le jaugeait le dos droit, les mains sur les hanches, menton relevé, une lueur de défi dans ses yeux. Un combat muet s'installa entre eux durant quelques minutes avant qu'il ne tourne la tête, relâchant son souffle qu'il avait contenu. Il fourragea sa main dans ses cheveux, frustré, ne comprenant pas d'où provenait l'animosité qu'elle nourrissait à son égard. Il la fixa à nouveau avant de reprendre la parole d'une voix rauque.
« Je ne suis pas mon père, vous savez ? »
Elle plissa ses yeux pour mieux l'évaluer. Elle hocha lentement sa tête, admettant ainsi s'être trompée. Elle lui lança un regard énigmatique où s'y mêlait surprise, admiration et scepticisme. C'est avec une voix douce qu'elle parla.
« Je commence à voir ça ... »
La douceur de sa voix ne le calma pas, au contraire, elle ne fit qu'attiser son agacement. Qui était-elle pour le traiter ainsi, lui, le roi de son pays. Curieux d'en connaître la raison il la questionna d'une voix sèche.
« Puis-je connaître l'origine de l'hostilité que vous me portez, mademoiselle Khazar ? »
Elle se tut un instant, comprenant qu'elle était sans doute aller trop loin. Elle avait honte, se sentant soudainement idiote de son comportement. Elle l'avait jugé sur un épisode qui remontait à plus de onze ans. Gênée, elle se frotta la nuque en admirant le plancher, souhaitant se retrouver à des milliers de kilomètres plutôt que de devoir lui avouer la vérité. Elle se racla la gorge plusieurs fois pour reprendre contenance. Elle inspira profondément et trouva le courage de lui répondre.
« Il y a onze ans, je vous ai rencontré dans votre jardin, au pied d'un cerisier en fleurs. La présence de l'arbre avait suffi à faire remonter en moi des souvenirs de ma mère récemment décédée. Alors que j'étais en train d'y épancher ma peine, vous avez fait votre apparition. Vous m'avez déclaré, avec hauteur : « Dégage, mocheté, on ne veut pas des pleurnicheuses ici ». Je dois vous confesser que je vous avais tellement idéalisé que vos paroles m'ont alors profondément blessée, tuant le peu d'estime que j'avais pour vous. Mais avec le recul, je pense que j'avais honte que vous m'ayez surprise dans un moment de faiblesse et vexée que vous me trouviez moche. »
Il l'observa avec attention, elle semblait terriblement gênée de ses aveux. Il fut touché qu'elle ne lui fasse pas porter tout le blâme et qu'elle cherche a lui expliquer son comportement, contribuant à le calmer immédiatement. Il regrettait cet épisode. Il s'en rappelait parfaitement.
Sa cousine l'avait tellement agacé toute la journée qu'il en était venu à maudire toute la gente féminine. Quand il l'avait vue, au pied de son arbre préféré, il avait déversé sa colère et sa frustration dans cette simple phrase. Ravi de la voir décamper, il s'en était même félicité. Ignorant que onze ans plus tard, son comportement lui coûterait son estime qu'il désespérait d'acquérir. Il était abattu.
« Je suis sincèrement désolé pour les propos que je vous ai adressés ce jour-là. Je n'ai aucune excuse pour mon horrible comportement. J'espère que vous me pardonnerez. Sachez que je n'ai jamais cru un mot de ce que je vous ai dit et les années vous ont rendue encore plus belle que vous ne l'étiez déjà à cette époque. »
Elle s'empourpra à ses paroles. Cela le fit sourire. Il prenait grand plaisir à voir ses rougeurs teintées ses joues, la rendant encore plus délicieuse.
« Y aurait-il un moyen pour reconquérir votre estime ? »
Elle reprit difficilement contenance, encore sous l'emprise de l'effet que ses paroles lui avaient procuré. Elle se racla la gorge et planta son regard dans le sien.
« Je vous dirais bien qu'une fois que vous l'avez perdue, cela reste définitif. Mais ce serait faire preuve d'étroitesse d'esprit.
- Ce que vous n'êtes pas.
- Quoi donc ?
- Étroite d'esprit.
- Non, en effet. C'est pourquoi je suis prête à mettre ce malheureux incident sur le compte de votre jeunesse, Sire.
- Et qu'attendez-vous en échange ?
- Puis-je demander ce que je veux?
- Tout à fait. Cela ne veut pas dire que je l'exaucerai.
-Dans ce cas ... »
Elle prit quelque seconde pour réfléchir à ce qu'elle souhaitait.
« Je voudrais avoir l'autorisation d'accéder au savoir contenu dans votre bibliothèque. Ainsi que, si cela n'est pas trop vous demander, la possibilité d'aller et venir à l'extérieur comme bon me semble. »
Il sourit de sa demande. Pas de doute, cette femme était unique. Elle aurait pu lui demander de l'or et des bijoux, mais elle avait choisi de faire un vœu plus altruiste. Il était admiratif devant sa générosité.
« Je vous donne la permission de consulter les livres que je possède, vous pourrez même demander à des spécialistes si vous avez des questions. Cependant, pour le deuxième point, j'ai le regret de devoir vous opposer un refus. »
Il vit la déception imprimer son visage, lui occasionnant un petit pincement au cœur. Il était triste de lui refuser ceci, mais c'était malheureusement impossible.
« Croyez-moi, vous n'êtes en rien ma prisonnière, mais c'est une simple mesure de précaution afin d'assurer votre sécurité. Je n'ai malheureusement pas les moyens de vous assigner un garde du corps pour vous chaperonner dans vos escapades. Toutefois, je vous autorise à établir des lignes de communications directes entre ici et les murailles au pied de la colline. Vous vous situez en plein centre de la ville. Vous ne devriez pas avoir trop de mal pour assurer la gestion de votre ancien travail depuis ici. Je vous laisse, néanmoins, le soin de décider de la manière dont vous souhaitez mettre cela en place. Ainsi vous pourrez vous tenir informée de ce qu'il s'y passe. Et en cas d'extrême urgence, je vous autoriserai à y aller, à condition de vous y faire accompagner, bien évidemment. »
Elle réfléchit un instant à sa réponse. Comprenant ainsi que son père et Aïla avaient raison sur le fait qu'il avait connaissance depuis le début de son implication auprès des gens défavorisés. Elle hocha la tête en signe d'assentiment.
« Cela me paraît acceptable, bien que cela ne m'enchante pas beaucoup. Mais permettez-moi une réflexion, votre réponse me pousse à croire que vous avez eu vent de mes actions dans la ville, est-ce exact ?
- Évidemment, je suis le roi de ce pays, mon rôle est de savoir tout ce qu'il se passe dans mon royaume et surtout dans ma propre capitale.
- Je vois ... »
Elle fut plonger un instant dans un moment de réflexion.
- « Et pardonnez l'impertinence de ma question, mais ... Est-ce uniquement pour cela que j'ai été choisie, ou y a-t-il d'autres intérêts derrière ?
- Un bon joueur ne dévoile jamais son jeu, mademoiselle Khazar. »
Il lui offrit un sourire énigmatique, plein de promesses et de secrets. Il se redressa et prit la direction de la sortie. Il serra la poignée de la porte avant de se retourner pour lui faire à nouveau face.
« Je vous souhaite une bonne nuit, très chère, j'ai encore des affaires à régler, je vais devoir me retirer. »
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