Chapitre 33
Ils furent conduits dans la tente qui servait d'hôpital. Leïla observa à nouveau son environnement. Tant de blessés et si peu de gens pour les soigner. Elle savait qu'elle allait avoir besoin d'aide pour sauver un maximum de personne.
« Rayhan ?
- Oui Mayakrub ?
- Tu accepterais de m'aider à soigner tous ses gens ?
- Tant que tu ne me demandes pas d'opérer ou d'amputer quelqu'un, je suis ton homme. »
Elle grimaça face à sa remarque. C'est vrai qu'opérer ou amputer un homme conscient n'a rien d'une expérience agréable. Elle lui donna son accord d'un signe de tête et réfléchit au moyen de rendre cet endroit plus productif et efficace.
Elle remarqua que les blessés étaient emmenés et déposés sur un lit qui se libérait, soit parce que le propriétaire était mort, soit parce qu'il était guéri, et que bien souvent on ne savait plus qui avait été soigné et qui ne l'était pas encore. Elle se fit la réflexion aussi qu'un peu d'ordre ne serait pas de refus.
Elle réfléchit à un système de ruban de couleur qu'on attribuerait aux blessés selon la gravité de leur blessure. Allant du bleu au rouge. Bleu pour les blessures les moins importantes de type entorse ou foulure, rouge pour les urgences vitales. Jaune pour les plaies ouvertes sans urgence vitale et vert pour les os cassés. Cette reconnaissance devait se faire en amont par les infirmiers sur le terrain, cela permettrait un gain de temps énorme et de soigner plus de vie au lieu de perdre du temps sur une bête entorse ou une côte cassée.
Elle fit part de son projet à son ami qui approuva avec force. Ils allèrent voir le chef de la section qui refusa de l'écouter la jugeant insignifiante à ses yeux. Rayhan avait dû lui-même lui expliquer son projet pour qu'il accepte d'en parler au supérieur.
Elle rageait face à son impuissance. Réalisant à quel point son physique lui était par moment préjudiciable. Elle avait rêvé lui hurler dessus en lui disant « Tais-toi et obéis je suis ta reine, stupide macaque! ». Mais elle s'était judicieusement retenue sous les coups d'œil amusé de son ami qui jubilait de la voir ainsi fulminer.
Comme la réponse de leur supérieur tardait à venir, elle entreprit de former son assistant pour la tâche à venir. Elle lui expliqua tout ce qui serait susceptible de l'aider. Ayant l'habitude d'évoluer dans ces conditions, elle lui donna plein de conseils utiles. Si bien que rapidement un attroupement se forma autour d'eux.
Le personnel soignant écoutait ses instructions avec attention. Ils n'avaient jamais pris en compte certaines de ses remarques qui leur auraient permis de sauver bien plus de vie.
Personne n'avait compris l'importance de la stérilisation ou du fait que cela puisse être utile de nettoyer les bandages après utilisation. Dans leur esprit le bandage stoppait l'hémorragie, un point c'est tout. Et à aucun moment, ils ne s'étaient imaginés que faire cela pouvait être à l'origine d'une blessure plus grave pouvant provoquer un décès.
Elle continua à déverser son savoir en montrant comment faire des soins rapidement tout en évitant au maximum la contamination de germes nuisibles à la santé du patient. Ils étaient tous en admiration devant ses connaissances et écoutaient avec attention tout ce qu'elle leur disait.
Le rassemblement attira l'attention du responsable qui vint s'enquérir de ce qu'il se passait. On le lui expliqua et il demanda à parler à Leïla. Rayhan l'accompagna jusqu'à lui et elle eut des sueurs froides en reconnaissant l'homme devant elle.
Il s'appelait Ali bin Mahdi Tabib. Elle s'était bien souvent entretenu avec lui quand elle séjournait au palais. Il était curieux d'entendre ce qu'elle avait à dire notamment sur la façon d'opérer ou de soigner des patients en conditions difficiles. Elle l'appréciait beaucoup car, contrairement à beaucoup d'homme de son époque, son genre ne lui posait pas de problème. Il la respectait et la traitait comme il l'aurait fait s'il s'était trouvé face à un homme.
La grimace qu'elle fit ne passa pas inaperçu chez son ami. Il lui chuchota à l'oreille « Tu le connais ? ». Elle répondit de la tête, grimaçant de plus belle. Il lui serra la main pour lui donner du courage et elle lui offrit un petit sourire reconnaissant.
Lorsqu'ils arrivèrent devant le bureau, le vieil homme releva la tête. Il eut un mouvement de surprise lorsqu'il la vit. Elle fronça les sourcils, comme elle l'aurait fait si elle n'avait effectivement jamais rencontré son interlocuteur.
« Votre majesté ? »
Il avait bredouillé sa question, indécis.
« - Non, je suis son frère jumeau, Leith. »
Son visage s'éclaira d'un sourire rayonnant.
« Le Tout-puissant soit loué ! Vous allez pouvoir faire des miracles, ici. »
Elle lui rendit son sourire.
« Me permettez-vous de vous faire part de mes conclusions afin de rendre cet endroit plus productif ? »
Il la regarda soulager. Une lueur d'espoir se peignit sur ses traits.
« Je vous en prie. »
Elle lui expliqua tout ce à quoi elle avait réfléchis plus tôt. Le système des rubans, séparer la tente en différentes parties pour qu'il y ait des zones stériles, laver les bandages et stériliser au feu ou à l'eau bouillante tout instrument susceptible d'être utilisé.
Il écouta ses recommandations tout en prenant des notes. Elle lui exposa ses idées au fur et à mesure qu'elles lui vinrent à l'esprit. Au bout d'un moment, il la regarda songeur.
« On croirait entendre votre sœur. »
Elle rougit et se reprit juste à temps avant de détourner ses yeux avouant ainsi sa culpabilité.
« C'est qu'on se ressemble beaucoup vous savez. Et puis, à force de la côtoyer, j'ai appris beaucoup de choses. »
Elle espérait que cela suffise à le convaincre mais face à son regard scrutateur, elle en doutait. Il n'était pas dupe. Il savait que son frère ne l'avait jamais accompagnée et qu'il était très nul en médecine. Il le savait parce qu'il avait déjà eut l'occasion de discuter avec lui. Et si les jumeaux se ressemblaient indéniablement, elle était plus petite et plus frêle que lui.
Toute personne les ayant déjà côtoyés était capable de les différencier. Il comprit qu'elle était là sans l'accord de son mari et il pouvait bien comprendre pourquoi. Il posa ses yeux sur l'homme qui l'accompagnait. Le regard qu'il lui réservait était inquiet et protecteur. Il sut qu'il savait aussi qui elle était. Il prit donc sa décision.
« Votre majesté, et si nous arrêtions de faire semblant. Nous savons tous qui vous êtes. »
Elle rougit honteuse d'avoir été si facilement démasquée.
« Allez-vous le dire à Jamal ?
Il la regarda songeur, passant sa main sur sa longue barbe grise. Il enleva ses petites lunettes qu'il portait sur le nez pour prendre l'une des branches dans sa bouche. Il la scruta de son regard sévère avant de retirer l'objet de sa bouche.
« Non. »
Elle soupira de soulagement et il lui sourit.
« Je pense que vous avez vos raisons d'être ici. Même si je suis d'accord avec mon roi et qu'il aurait été, en effet, préférable que vous soyez restée à Siloé, je ne peux m'empêcher de penser que votre présence ici est une véritable bénédiction.
- C'est pour cela que j'ai décidé de venir. Je savais que cela pourrait faire la différence.
- Mais je ne peux vous laisser prendre de risques inutiles. Vous serez toujours accompagnée.
- Je ne la quitterai pas d'une semelle soyez en rassuré, je donnerai ma vie pour elle. »
Rayhan avait pris la parole pour la première fois depuis le début de l'entretien, rappelant ainsi sa présence parmi eux. Le vieil homme lui lança un regard inquisiteur.
« Et vous êtes ?
- Je suis Rayhan bin Malik Muharib. »
Sa réponse l'intrigua.
« Le fils de Malik ?
- Oui, monsieur.
- Je vois, alors je pense qu'il n'existe pas meilleure escorte dans ce cas. Je me dois tout de même de prévenir votre père. »
Rayhan grimaça.
« Je ne pense pas que cela soit une bonne idée. Ne dites rien pour le moment, s'il vous plaît. Moins de gens le savent mieux cela sera. Nous nous mettons le roi à dos en suivant la reine dans son plan. Je ne veux pas lui causer de problèmes d'autant que mon père choisira de lui révéler sa présence. Il lui voue une allégeance sans borne. Nous lui dirons seulement si cela s'avérait nécessaire pour assurer sa protection.
- Bien, faisons ainsi. »
Ils se quittèrent sur une poignée de mains et reprirent leurs activités. Leïla et Rayhan soignèrent et pensèrent les blessés, elle opéra, il rassura ses patients toute la nuit.
Ce n'est qu'aux premières lueurs du jour qu'on leur donna l'ordre d'aller se reposer. Après s'être nourrit, ils dormirent durant six heures d'affilées avant de reprendre leur travail. On leur apportait à manger et à boire de temps en temps pour qu'ils ne s'effondrent pas.
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