Chapitre 15

Voilà, elle l'avait dit. Elle relâcha son souffle et ouvrit un seul œil, observant la réaction de son interlocuteur. Il ne s'attendait pas à cela. Il lui fit face un instant et décida de l'enfoncer dans ses propos, souhaitant lui faire comprendre l'absurdité de sa demande.

« Et comment comptez-vous me donner des héritiers ? Par l'action de l'esprit Saint ? »

Elle n'avait pas réfléchi à la question et elle en fut soudainement honteuse. Elle mordit sa lèvre, encore une fois, signe qu'elle était perturbée. Elle admit qu'il avait raison, mais obtuse, ne voulut pas céder à sa logique et proposa un compromis.

« Il pourrait être envisageable que je partage votre lit jusqu'à la confirmation de ma grossesse. Ensuite, il serait raisonnable de faire chambre à part. »

Elle ne pouvait se permettre de s'attacher trop à lui. Son cœur n'en sortirait pas intact et cela lui coûtait beaucoup. Devant la triste expression qu'elle laissait voir, il céda à sa condition, persuadé qu'il pourrait la faire changer d'avis le moment venu.

« Il serait raisonnable en effet ...

- Je vous remercie, votre Altesse, pour votre sollicitude envers ma personne.

- Mais puis-je supposer que l'idée de m'épouser ne vous est plus aussi détestable que la veille ?

Il la taquinait à propos de la scène qu'elle lui avait fait la nuit dernière. Mais son cœur quémandait une réponse. Il voulait savoir si elle commençait à nourrir des sentiments envers lui ou si la bataille s'avérerait plus difficile qu'il ne l'eut cru.

« Si j'accepte de devenir votre reine, ne suis-je pas obligée de vous épouser ? »

Sa réponse neutre était loin de le satisfaire.

« Une question continue de me tarauder ...

- Qu'elle est-elle ?

- Si je n'étais pas le roi, m'auriez-vous considéré comme un candidat sérieux pour votre main ?

L'expression qu'elle lui offrit suffit à confirmer ses convictions. Il ne la laissait pas indifférente. Soulagé, il se cala au creux de son fauteuil, attendant qu'elle lui réponde.

« Puis-je me montrer honnête ?

- Oui, s'il vous plaît.

- Dans ce cas ... »

Elle avait compris qu'il souhaitait savoir si elle voulait épouser l'homme ou le roi. Elle recommença à entortiller ses doigts, le regard fuyant, peu sûre de la décision qu'elle venait de prendre. Elle était persuadée qu'elle le regretterait. Cependant, elle aimait l'honnêteté et se devait d'être sincère. Elle inspira profondément pour rassembler son courage. Relevant les yeux pour lui faire face, elle lui ouvrit son cœur.

« Vous êtes de loin l'homme le plus beau qu'il m'ait été donné de voir. Votre intelligence me fascine et j'admire le dévouement dont vous faites preuve envers votre peuple. Vous possédez toutes les qualités que je recherche auprès de l'homme que j'imagine épouser. Alors oui, j'aurais sérieusement considéré votre demande. Néanmoins, j'aurais et, pour être tout à fait franche, j'ai toujours du mal à comprendre ce qui vous intrigue chez moi. »

Devant l'absence de réaction de sa part, elle reprit sa contemplation du plancher. Elle avait les joues en feu et se tortillait sur sa chaise, regrettant de lui avoir avoué la vérité. Elle en était encore à se fustiger mentalement quand sa voix lui parvint à ses oreilles.

« Leïla, regardez-moi ! »

L'ordre claqua dans son esprit et elle lui obéit.

« Vous avec fait preuve d'honnêteté et de transparence envers moi et je vous en remercie. À mon tour de me dévoiler un peu. Votre intelligence me fascine également. J'ignore si vous avez pris le temps de vous renseigner sur les détails de mes actions politiques de ces dernières années, mais à l'égard de bon nombre de mes décisions, j'ai très souvent pris exemple sur votre travail. Ce que vous accomplissiez à l'échelle de la ville, j'ai commencé à l'appliquer à l'ensemble du royaume. »

Elle sourit de fierté, honorée de lui servir d'exemple.

« Ce que je souhaite vous dire, en des termes plus claires, c'est que vous possédez énormément de talent et n'importe quel roi serait bien sot de ne pas vous épouser sur le champ. Et si je ne l'ai pas encore fait aujourd'hui, ce n'est pas parce que je ne le veux pas mais parce que je ne le puis pas. »

Il laissa sa phrase en suspens quelques instants, savourant la surprise qu'il lisait dans ses yeux.

« Quand la question de prendre une épouse s'est posée, mon choix s'était porté sur vous avant de devoir affronter l'opposition de mes ministres. Cette sélection est réellement une mascarade. Elle n'a été conçue que dans un seul et unique but, vous donner la légitimité pour régner à mes côtés malgré l'absence d'aristocratie dans votre ascendance. Mon bras droit a eu l'idée de tester chacune des candidates proposées par mon conseil et moi-même, pour que la question de la noblesse ne soit plus un critère de choix mais que seules les compétences et la capacité à travailler à mes côtés entrent en compte. Heureusement pour moi, le vote a été unanime.De ce fait, très chère, je vous prie de ne plus vous dévaloriser de la sorte. Vous avez réellement votre place ici, plus qu'aucune autre, et je suis sincèrement heureux que vous ayez accepté mon invitation. »

Elle était surprise et choqué de ses aveux. Elle lui rendit son sourire, malgré la douleur qui comprimait son cœur. Il lui avait dit qu'il l'avait choisie en raison de ses compétences et son talent inné pour la gestion du pays sans jamais faire allusion à sa personne. Il ne lui avait pas dit qu'il la désirait simplement pour ce qu'elle était. Elle se rassura, toutefois, de savoir qu'il la trouvait belle et se promit qu'à défaut de conquérir son cœur elle gagnerait au moins son affection.

Quant à lui, il arborait une mine radieuse, ravi de ce qu'il venait d'apprendre grâce à cet entretien, inconscient de la peine qu'il lui avait causé.

« Au fait ! Appelez-moi par mon prénom lorsque nous sommes seuls, voulez-vous ? Après tout, vous serez bientôt ma femme, je n'en doute pas une seconde !

Il lui adressa un clin d'œil et elle fut scandalisée de l'assurance dont il faisait preuve. Une chape de plomb s'abattit sur son moral. Elle avait une pression énorme sur les épaules et l'impression que la moindre erreur, le moindre faux pas lui serait fatal.

« Vous avez bien foi en mes capacités, votre majesté.

- Jamal !

- Excusez-moi ... Vous avez bien foi en mes capacités Jamal ! Est-ce mieux ?

Il affichait un petit sourire en coin, ravi qu'elle cède à ses exigences. Il était heureux d'entendre son prénom sortir de sa bouche, cela lui donnait une petite touche sensuelle qui ne le laissait pas indifférent.

« J'ai vu de quoi vous étiez capable quand il s'agissait de protéger les miens. Je sais que vous ferez tout pour réussir. Maintenant allez-y, vos professeurs vous attendent. Mais avant, je tenais à vous remercier pour l'aide que vous m'avez apportée hier soir.

- Ce fut un plaisir. Je suis toutefois désolée de m'être endormie, à cause de moi vous n'avez sans doute pas pu dormir ...

- Qu'est-ce qui vous fait dire cela ?

Il était surpris qu'elle le sache. Hormis Zayed, personne n'était au courant et il savait que son ami n'avait rien dit.

« Votre visage est très révélateur. Vous devriez vous reposer un peu ... Votre corps ne tiendra pas longtemps ainsi et vous risquez de vous effondrer quand vous vous y attendrez le moins.

- Je ne peux me permettre de dormir alors qu'il y a tant à faire ! »

Il était frustré de son impuissance et cela le rongeait à petit feu.

« Alors, laissez-moi vous aider ! »

Sa spontanéité et son inquiétude lui firent chaud au cœur.

« Ainsi, vous tenez à moi suffisamment pour vous soucier de ma santé.

- Bien sûr que non ! »

Elle avait scandé sa réponse d'une voix forte, paniquée qu'il découvre que son charme ne la laissait pas indifférente.

« Et, bien c'est à dire que ... Je ne suis pas un monstre voyez-vous, évidement que je m'inquiète de la santé d'autrui ! Et puis je veux dire ... C'est juste que ... Si vous vous effondrez, le peuple en souffrira.

- Le peuple, vraiment ? »

Il n'était pas dupe. Il avait parfaitement compris qu'il lui faisait de l'effet et cela le mit de très bonne humeur.

« Et bien oui, le peuple, qui d'autre ?

Il sourit face à son déni et préféra la laisser s'en sortir ainsi.

- Parfait ! Alors faisons ainsi. Vous me rejoindrez ici, tous les soirs, après le repas pour me seconder dans mon travail, cela vous fera un bon entraînement pour ce qui vous attendra. Maintenant allez-y ! Vous allez finir par être en retard.

- Oui, votre Maj ... Euh non, je veux dire... À ce soir, Jamal !

Elle tourna les talons et s'enfuit précipitamment de la pièce, le feu aux fesses. Il se cala contre le dossier de son siège et laissa libre cours à son hilarité. Il avait hâte de sa prochaine confrontation avec elle. Il ignorait si elle se rendait compte de combien elle était transparente, ce qui lui allait parfaitement car ainsi il pouvait décrypter ses pensées. Et ça, c'était un atout qu'il ne comptait pas se priver d'utiliser.

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