"Il faut que tu saches, Jungkook."
"Jungkook,
À ce moment-là tu ne savais pas ce que tu faisais. Je le savais, j'avais fini par te connaître. Tu semblais perdu face à mes propres démons, face à ce monstre répugnant qui rampait sur ma vie, qui détenait mon âme, mon être tout entier. Lentement, il m'éloignait de toi, et moi je luttais pour venir à toi. Si empoisonné par mes besoins destructeurs, je ne saurais même plus dire si je ressentais ta détresse, ni même si tu savais que je t'aimais déjà. Ce n'était pas un simple soutien, tu étais devenu inconsciemment un besoin absolu. Mais je suis certain qu'à l'époque, tu ne l'avais pas compris. Tu me voyais peut-être comme un malade impossible à soigner, ton prisonnier, ton fardeau brisé par trop de douleur. Et pourtant tu n'as pas cédé à cette facilité, celle de me laisser, qui peut-être aurait tout changé. Tu as accepté ma dépendance envers toi, malgré mon état pitoyable, malgré mes crises et mes mots blessants.
Te souviens-tu Jungkook ?
Ces sensations de froid, partout, les nausées, les maux de ventre, les maux de tête, la panique, les crises de larmes, l'insomnie. Et l'envie la plus extrême, ce moment où j'aurais tout fait pour consommer. Pour avoir une seule petite gélule, un seul rail, ou une seule seringue. Ces moments de fantasme où je rêvais de ressentir le liquide dans mes veines, la poudre dans mon nez, la brûlure dans l'arrière-gorge, le calme absolu, la chaleur orgasmique, la plénitude que m'offrait ce délectable poison. Je me souviens encore parfaitement de ces sensations dont j'étais accro. J'étais en transe pendant ces quelques minutes de rêve, puis je me rendais compte que ce n'était pas réel, et je finissais en pleurs, couché sur le lit, frappant le matelas de toutes mes forces en me retenant de hurler à la mort.
Tout ça, tu ne le ressentais pas, mais tu le vivais avec moi. C'était mes seules pensées, malgré toi. Malgré tout ce que tu as pu faire, tout ça m'éloignait de toi.
Et pourtant, lueur lointaine, et aussi faible qu'elle soit, tu étais là. Je la sentais parfois, cette boule de chaleur près du cœur, dans quelques-uns de tes gestes ou de tes mots tremblants. Cette chaleur venait de toi, elle émanait de tout ton être, comme si elle se densifiait pour parvenir à m'atteindre.
Mais mes souffrances t'empoisonnaient, doucement, sournoisement. Tu étais plus pâle, plus maigre, plus faible plus les jours passaient. Tu avais cessé de penser pour deux, tu ne pensais qu'à moi.
Tu étais fort, Jungkook, et je t'amoindrissais.
J'ai fini par comprendre, un de ces jours pluvieux et maussades que nous ne connaissions que trop bien.
Tu as fini par tomber, tu t'es écroulé sous mes peines. Tu les as absorbé tel du papier buvard.
Je me souviens t'avoir soulevé de ce parquet brun qui grinçait, et d'avoir durement pleuré en te serrant fort contre moi.
Nos souffrances avaient fini par fusionner, par se confondre, se mêler. Ou bien les avais-tu simplement porté sur tes épaules accablées.
J'avais compris que je te détruisais, que tu avais été fort, si fort pour moi. Tu avais tout sacrifié pour le pauvre gars brisé que j'étais. Tu m'as tout donné, toi tout entier.
Il fallait que je te le rende au centuple, que le monde s'inverse, que je te porte au sommet, toi, nous.
Je te voulais, Jungkook. L'homme solide que je connaissais, et non l'ombre que tu étais devenu.
Et il avait fallu que tu tombes, pour que je comprenne.
Pour que je réalise qu'au fond, tu surpassais mes addictions les plus ancrées.
Jungkook, il faut que saches, tes efforts n'étaient pas vains, et tu m'as tiré de tout ça. Tu es entré dans cet enfer pour m'en sauver, tu as mis les pieds là où personne d'autre n'aurait osé aller, et j'aurais voulu que tu t'en sortes indemne.
J'aurais voulu garder ce mal lancinant pour moi seul, le subir et non l'infliger, t'épargner ces angoisses et ces inquiétudes que tu as durement supporté à cause de moi.
Jungkook, regarde tout ce que nous avons traversé, regarde là où tu nous as mené. Grâce à toi, à la force dont tu as fait preuve pour deux.
La mort ne nous prendra pas, ce soir. Je la combattrais avec la même avidité, toujours, pour le simple fait de te voir vivre et sourire.
Jungkook, je sais que tu m'aimes. Et tu auras beau me le répéter maintes et maintes fois, j'estime avoir le droit de dire que je t'aime davantage."
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