08
Il détacha le garrot, les doigts tremblants, et une perle rouge vif dévala son avant-bras de tout son long. Il laissa retomber ses mains sur ses cuisses, puis bascula la tête en avant, menton contre son torse. Son souffle était lent et profond, et je ne voyais que ses cheveux masquant son visage.
- Eh ... Est-ce que ça va ? Murmurai-je, en posant timidement une main sur son épaule.
Et bien sûr que ça n'allait pas. Il venait de s'injecter une dose d'Héroïne sous mes yeux. Comment cela aurait-il pu aller, après ça ?
- Non... Souffla-t-il, presque imperceptiblement.
- T'as pris quelque chose avant ça ?
Il ne me répondit pas. Ses bras se mirent à trembler, d'abord doucement, puis de plus en plus violemment. Je me mettais face à lui, et saisissais ses épaules fermement.
- Oh ! Réponds ! Qu'est-ce que t'as pris d'autre ?!
Je criais presque. Je lâchai ses épaules pour venir relever son menton. Il avait les yeux clos, les lèvres sèches et entrouvertes.
Soudainement, il se laissa tomber en arrière, et s'écroula sur le matelas. Je me redressai, et me penchai au-dessus de son corps. C'est à ce moment que je compris que ça n'allait vraiment pas. Et je n'avais pas besoin de connaître le milieu, ni ces pratiques, pour m'en rendre compte.
Ses yeux désormais blancs se révulsaient, je ne parvenais plus à respirer. Il était saisi de spasmes incontrôlables, j'étais en train de perdre le peu de couleurs qu'il me restait. Une sorte d'écume blanchâtre dégoulinait du coin de ses lèvres. J'étais complètement paniqué, et quelques secondes, je ne su quoi faire. Le sang affluait à mes tempes, laissant un bourdonnement insupportable. Par un incroyable instant de lucidité, je le fis basculer sur le flanc. Affolé, je balayai la pièce sombre de mes yeux hagards. Je ne savais pas ce que je cherchais, mais il me fallait agir, et vite. Son corps était complètement crispé par ses convulsions qui se densifiaient, mais surtout, il semblait sur le point d'étouffer. Ses veines violacées enflaient au niveau de son cou, et par peur qu'il suffoque, je maintenais sa tête sur le côté.
Mon regard tomba sur mon mobile sur la table de chevet, et j'hésita quelques microsecondes. Malgré la panique omniprésente, j'étais conscient que cet appel aurait un impact considérable sur sa vie. Peut-être même, et sûrement, sur la mienne. Mais je n'avais pas le temps de m'attarder sur les éventualités, ni même d'y penser, persuadé qu'il allait y laisser la vie. Là, devant moi, sur les draps de mon lit.
Je tendais le bras et attrapai l'objet. D'une main fébrile, je composai le numéro, on me répondit presque instantanément. J'expliquai rapidement l'urgence, et aussitôt que le mot "overdose" eut franchi mes lèvres, on m'annonça qu'ils arrivaient au plus vite.
Je me rhabillai distraitement avec peine, ne parvenant pas à m'éloigner, puis entourai son corps qui ne se calmait pas d'une des couvertures.
L'attente fut insupportable. Les minutes, insoutenables. Et davantage quand son corps redevint parfaitement immobile.
Je cru qu'il était parti.
J'avais alors eu cette impression, que tout se passait trop vite, ou trop lentement. Comme si j'étais hors de mon propre corps, mon esprit parti loin de cette scène horrifique.
Je tâtonnai sur sa peau glaciale, cherchant un signe, un pouls, un souffle, n'importe quoi pour démentir cette effroyable finalité.
Je sentais la fraîcheur sur mes joues, due aux larmes qui avaient coulé sans même que je m'en sois aperçu.
Et enfin, tenant son fragile poignet entre mes doigts tremblants, je perçu des pulsations.
Terriblement lentes, affreusement faibles.
Si sa peau n'avait pas été si blême, si son visage n'avait pas paru si maladif, si ses joues n'avaient pas semblé si émaciées, on aurait pu croire qu'il dormait. Paisiblement, sans douleur.
Mais tout en lui suintait la souffrance, et la mienne s'écoulait en moi tel un fleuve gelé.
Je soulevai sa tête délicatement de mes deux mains, et la laissai reposer sur mes genoux.
Ses cheveux glissaient entre mes doigts, que j'effleurais avec la piètre douceur dont je pouvais faire preuve au cœur de cette affliction.
Ma main libre enveloppa les siennes, tentant de maintenir entre nos deux êtres ce lien invisible et absurde qui m'y encordait.
Le son strident des sirènes finit par retentir par-delà les murs, et quelques instants plus tard, des coups sourds martelèrent la porte.
Il fallait qu'ils le sortent de cet enfer. Qu'ils réussissent à préserver ce qui me guérissait. Égoïstement, je le voulais plus que tout autre chose.
Qu'ils le maintiennent ici, pour lui, pour sa vie qui m'était devenu mystérieusement et inexplicablement inéluctable.
Pour me donner une seconde chance de pouvoir l'ériger.
Car moi, j'avais lamentablement échoué.
~
Comme l'épine
appartient
à la rose.
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