06
Je me réveillai difficilement, alors que le jour baignait la chambre de toute sa clarté.
La place à côté de moi était, comme je m'y attendais, vide.
Vide de lui.
Vide, comme moi.
Il était parti comme un voleur, ne laissant rien d'autre qu'un peu de son parfum musqué sur les draps froissés.
Il avait emmené quelque chose avec lui. Quelque chose qui m'appartenait, mais que je ne pouvais fondamentalement pas définir. Ce dont j'étais certain, c'est que ça me manquait.
Et ce gouffre dans ma poitrine, déjà profond, grandissait.
Je me levai, et parcourais l'appartement de long en large, épris d'un espoir irrationnel.
Il était réellement parti, bien que j'eusse espéré l'apercevoir à ma table, sirotant simplement un café.
De plus en plus absurde, de plus en plus aberrant.
Je n'étais pas allé travailler, je n'en avais pas la force. Aucun visage joyeux ne m'aurait apaisé, le monde entier m'aurait agacé, chaque voix compatissante m'aurait répugné.
Je voulais me complaire dans ma douleur, la laisser envahir mon âme toute entière, l'accepter, m'y soumettre.
Et je le voulais, lui.
Je voulais que sa souffrance me caresse du regard, je voulais son chagrin sur le bout de ses doigts, et son désespoir dans le pli de ses lèvres.
Je voulais envelopper sa peine, et qu'il recouvre la mienne.
[...]
Cette obsession s'aggrava dans les jours qui suivirent.
Je ne me levai que la nuit tombée, me couvrais de vêtements choisis sans grande attention, et me rendais dans ce bar. Celui où tout avait commencé. Et peut-être aurait-il fallu que rien ne commence.
J'étais mal. Affreusement mal. L'ombre de moi-même, fantôme de ma piètre vie.
Et au fond, même avec lui, je l'étais.
Mais cette douleur était moindre, une fois mêlée à la sienne. C'était ce qu'il avait fait naître en moi, et ce que je cherchais à retrouver.
Les soirs défilaient et rien ne se passait. Il avait déserté les lieux. Et par la même occasion, il amplifiait malgré lui ma frénésie à le retrouver.
Et mon opiniâtreté finit par payer.
Un énième soir de déambulations nocturnes, je l'aperçu à cette même place. Dans ce coin sombre et insalubre, et dans lequel j'avais eu la témérité de plonger.
Encore une fois il paraissait planer, dans ces vêtements deux fois trop grand pour sa frêle silhouette.
Encore une fois je m'approchais, et à nouveau il m'était impossible de me détacher.
J'avais retrouvé ma douce obsession, et ce même visage Angélique qui me fascinait.
Et la même brûlure consumait mes veines, ma chair, et toute ma lucidité.
Cette incroyable adrénaline dissolvait ce monde flou et brouillait toutes les certitudes.
Je l'avais devant moi, il suffisait que je tende la main.
Je le touchai, et sentais la chaleur sous mes doigts. Ma main sur son épaule, il se tourna vers moi.
Et sans que je m'y attende, sans que je ne prédisse quoi que ce soit, il se leva, plantait son regard dans le mien.
- Je connais le chemin, allons-y. Murmura-t-il contre mon oreille.
C'était l'explosion, oui, mon cœur avait semblé éclater, littéralement, indescriptiblement.
Et je m'éparpillai autour de lui, gravitant par l'incandescence de ces mots à peine murmurés.
~
Il en était
irrémédiablement
épris.
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