01
Jungkook.
C'est maintenant qu'il faut narrer cette histoire. Quand les sentiments sont à leur absolu. Parce qu'il faut qu'ils traversent le temps, que rien ne s'efface.
Il y eut cet appel au beau milieu d'une nuit. Celui qui annonce une nouvelle que l'on n'attend jamais. Une annonce brève, tranchante. On m'annonçait sans plus de cérémonie que la seule personne qu'il me restait venait de disparaître à tout jamais.
Je n'avais pas pu y croire. Je m'étais levé, fébrile. J'avais rapidement quitté mon petit logis, pour me précipiter là où on m'avait dit de me rendre. Je n'avais pas réfléchi, je ne le pouvais plus.
Ma figure maternelle était immobile, blanche comme l'albâtre. Les mains jointes sur sa poitrine, elle avait semblé dormir.
Je ne saurais décrire quels sentiments m'avaient submergé, mais quels mots assez conséquents l'auraient pu ?
Je m'étais alors difficilement occupé de toute cette paperasse, de ses derniers souhaits couchés sur le papier.
Il m'avait fallu affronter le regard faussement compatissant de cette famille que je connaissais peu. Leur expliquer pourquoi je n'avais pu être assez fort pour empêcher qu'elle ne prenne cette tragique décision.
Leurs regards alors accusateurs m'avaient accablé, ils avaient terminé de briser le peu d'estime qu'il me restait.
J'avais alors quitté cette funeste réunion après mes derniers adieux. Je n'étais pas rentré tout de suite, je ne le pouvais pas. Il fallait avant cela que j'atténue mes douleurs brûlantes, que j'ankylose cette souffrance prête à m'engouffrer dans ses limbes.
J'avais arpenté les rues sans réel but, attendant de me faire happer par ces desseins omniprésents.
De vieux néons avaient grésillé sur mon passage. Certaines lettres sur l'écriteau ne brillaient plus. C'était petit, sombre, un peu délabré.
C'était ce qu'il me fallait.
Je ne voulais pas de luxe, je ne voulais pas de clinquant, ni de bourgeoisie. Je voulais juste des gens un peu comme moi. Des âmes atrophiées, des gars un peu bancals.
La pièce unique était si étriquée, si surpeuplée. Je me noyais dans la foule, ajoutais mon fardeau à ceux qui stagnaient autour de moi. La fumée épaisse des dizaines de cigarettes qui se consumaient formait un plafond brumeux et opaque.
La gorge me piquait, mais je n'en avais rien à faire. C'était même plus supportable, ça remplaçait cet étau qui semblait vouloir m'étouffer.
Le comptoir était si crasseux, que personne n'aurait su dire de quoi il était fait. Peu m'importait, je m'y étais accoudé. J'avais fait signe au barman un peu douteux, il m'avait servi un breuvage dont j'ignorais le nom. Je voulais juste quelque chose de fort, il s'était contenté de me le donner.
Les gorgées s'enchaînaient, je me sentais délesté.
Ma vue s'était un peu brouillée, mes mouvements devenaient plus lents, peut-être plus légers.
Mes quelques verres avaient fait effet, obstruant partiellement ma misère refoulée.
Les basses de cette musique indéfinissable avaient tapé à mes oreilles, assourdissant les pensées insoutenables qui n'avaient plus eu le temps de naître.
J'avais scruté les silhouettes mouvantes qui se dessinaient sur la faible lumière bleu tamisée.
Au fond de la pièce, dans un des coins les plus sombres, un visage avait contrasté.
Il avait ce visage qu'on ne peut pas oublier. Ce regard brûlant, et cette figure Angélique qui se détachait de tout le reste.
Il avait cette infinie tristesse dans ces obscures prunelles. J'avais eu l'impression d'y croiser mon reflet.
Il renvoyait ma peine, je l'avais absorbé.
Ce regard, je n'avais pu l'ignorer.
~
C'était comme
soigner le mal par le mal.
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