Reflet
Encore une fois,
Encore un jour de plus.
Le miroir.
J'ai peur, si peur...
Il me renvoie toujours le reflet de cette fille, faible, la peau pâle, les cernes chaque fois plus grandissantes...
Il me renvoie cette fille, cette fille de cinq ans, qui sanglote à en mourir, cette fille de sept ans qui se ronge déjà les doigts, cette fille brisée de onze ans qui panique chaque fois qu'elle passe cette marche, cette foutue marche qui la guide vers ce collège, cet enfer, toujours plus grand.
Je suis cette fille, seule, désemparée, qui endosse treize ans, treize ans de séparation, de douleurs, de solitude.
Je suis cette fille détruite par ses amis, deviens cette fille qui porte la douleur des autres, qui supporte, chaque jour, qui pleure, chaque nuit, cette fille qui se regarde maintenant dans le miroir et qui se prend sa vie dans la face, brutalement.
"Grosse."
"Maigre."
"Intello."
"Pute."
"Laide."
Le miroir m'amène trop de complexes, me frappe encore une fois. Il m'obsède, j'en devient folle, me rappelle, me force à dévisager cette fille boutonneuse aux cheveux gras, cette fille qui ne sait pas s'habiller, pas comment se comporter en public.
J'en peux juste plus.
Du miroir.
Des regards.
De la crainte, chaque matin, quand je passe le pas du lycée.
Chaque jour, je me rappelle, encore, qu'il ne reste plus que trois jours avant le weekend, allez, plus que deux, courage, demain tu pourras dormir.
Chaque weekend, je vis comme si j'étais en dehors du temps, essaie d'oublier les cours, mais tout revient systématiquement, le dimanche soir, mes angoisses, mes torts.
Chaque matin, je me lève avec cette foutue impression, cette impression de me priver de ma jeunesse, cette sensation d'impuissance affreuse.
Chaque matin, je me donne le courage de tenir, un jour de plus, un jour de moins.
Chaque matin, j'oublie un peu plus la raison de mon réveil, veux juste m'autoriser à dormir, à conserver ma santé mentale.
Chaque matin, je me lève, fais semblant de dormir, attends, oui, attends encore un peu plus, attends qu'on vienne me réveiller, attendre que personne ne vienne me réveiller, que je loupe les cours, oui, un jour, un seul fichu jour dans cette routine écrasante, cette routine même qui m'enserre, me prive de ma vie, fige mon sourire, mon rire, dans un masque fébrile, qui s'éteint lorsque l'on croise honnêtement mon regard.
Chaque matin, je suis déjà à bout de la journée qui va suivre.
Chaque matin, je me réveille plus épuisée que le soir précédent.
J'en ai marre.
Marre de me montrer si idiote.
Marre d'être si puérile.
Marre d'être si égoïste, si incapable alors que d'autres souffrent tellement plus que moi.
Marre d'en avoir marre.
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