weird eyes - Hyunin

Yang Jeongin avait deux facultés atypiques rattachées à son apparence : il présente ce que l'on appelle de l'hétérochromie iridienne et un colobome, deux atypies qui touchaient ses yeux et dont il préférerait se cacher. Hors, lorsqu'il rencontre Hyunjin, l'homme qui lui était tant curieusement familier, il se retrouva avec une étrange pensée : cela ne le dérangeait moins de montrer son anomalie, celle qu'il essayait tant de dissimuler auparavant.

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« Yang Jeongin, 19 ans, XXXX, j'ai fait une année de L1 dans une autre uni' mais j'ai décidé de venir ici cette année car c'était plus proche de chez moi. »

Jeongin se rassit à sa place et il entendit quelqu'un ricaner juste derrière lui. Sans aucun doute, il se doutait que c'était lui, Hwang Jihyu. Cela ne faisait pas longtemps qu'il était arrivé dans cette université réputée de New York, et ce mec ne me lâche pas d'une semelle. Jeongin grommela intérieurement. Il ne savait pas vraiment comment tout cela avait commencé. Les cours avaient débutés depuis quatre mois, le premier semestre était déjà passé, et il était déjà persécuté pour aucune raison valable.

Bon, peut-être que gueuler dans tout le dortoir que Jihyu devait faire un effort pour être silencieux n'était pas le moove le plus intelligent...

Mais quand même ! C'était extrêmement fatiguant d'entendre tous les jours des gémissements forts venant de la chambre d'à côté. Jeongin avait fini par saturer, était sorti de sa propre chambre et bourrina à celle de son voisin, les oreilles fumantes et les joues rouges de colère. C'était pas de sa faute si Jihyu avait tant mal pris cet élan de furiosité... Il l'avait bien cherché !

Et depuis, leur relation était purement un champ de bataille. Dès qu'ils se voyaient dans les couloirs, l'un arborait un regard noir et l'autre prononçait des insultes les plus fleuries les unes que les autres ; à chaque intervention pendant les cours —car oui, ils avaient tous leurs TD en commun—, l'un ricanait et l'autre se moquait ; ils se faisaient tour à tour nombreuses vacheries. Et le soir...

Jeongin soupira de frustration. Il n'avait pas pu fermer l'œil de la nuit cette fois encore car son charmant voisin de porte avait décidé d'emmener une charmante conquête dans sa charmante petite chambre pour ravir son charmant lit. Accompagnés de charmants bruits. Et ce, toutes les nuits. Jeongin se demandait presque comment l'autre faisait pour avoir l'air aussi reposé alors qu'il combinait au total pas plus de quatre heures de sommeil.

Comment c'est possible ?!

Mais ce qui le rendait encore plus mal à l'aise était que Jihyu connaissait son secret qu'il désespérait tant à masquer. C'était arriver une nuit, encore une où l'autre avait dépassé les limites de Jeongin, qui était donc parti demander de faire moins de bruit pour sa propre sanité. Sauf qu'il avait oublié une chose : ses lentilles de contact. Au départ, Jeongin n'avait pas vraiment compris pourquoi son pire rival était resté pantois, la bouche semi-ouverte, les sourcils froncés et les yeux plissés.

« c'est Halloween aujourd'hui ? »

Connard. Évidemment, il ne l'avait pas dit à voix haute. Mais il semblerait que sa non réaction eut l'air de donner des réponses aux questions car l'instant d'après, Jihyu arborait un sourire narquois.

De connard.

C'était à prévoir. Ce n'était pas commun d'avoir des yeux qui arboraient deux couleurs différentes avec des pupilles tout aussi différentes. Depuis petit, il présentait dans son apparence ce qu'on appelait de l'hétérochromie doublée d'une colobome. Autant dire qu'il cumulait les atypies, avec un œil gauche, d'un bleu presque glacé, présentant une sorte de "déchirure" verticale partant de la pupille vers le bas, donnant à cette dernière une forme de goutte inversée, comme si elle semblait couler dans l'iris. Très poétique, mais dont il s'en passerait. Son œil droit, quant à lui, contrastait de façon brutale : une iris d'un vert noisette, toujours supplantée d'un colobome mais moins présent, moins marqué, prenant la forme d'une légère échancrure sur le bord inférieur de la pupille, comme si un morceau avait été retiré. Ça aussi, il s'en passerait bien.

Quand il eut l'âge de porter des lentilles, c'est-à-dire plutôt vers ses douze ans s'il s'en rappelait bien, il ne fallut pas le forcer à faire quoi que ce soit. Il avait décidé de son propre chef d'en porter. Cette décision lui a valu un tel soulagement qu'il en a pleuré de nombreuses nuit, et heureusement ce n'était pas des larmes de tristesse.

L'atypie était extrêmement romantisée dans les livres et séries, les personnes qui n'en étaient pas touchées rêvaient d'en avoir, ne sachant probablement pas le poids que cela représentait en réalité. Au quotidien, c'était dur à supporter.

On le prenait pour un monstre, on riait de lui, on disait qu'il se déguisait.

Qu'il fêtait Halloween avant l'heure...

Étrangement, Jihyu n'avait jamais rien dit dessus, du moins frontalement. Évidemment, peste comme il était, il ne pouvait s'empêcher de faire quelques allusions par-ci, par-là, mais ce n'était jamais méchant, jamais foncièrement blessant. Il s'était moqué, certes, mais pas au point de rappeler à Jeongin ses années de primaires et collèges.

Il n'était pas entièrement cruel. Et stupide, mais Jeongin n'avouerait jamais cela. Plutôt mourir, oui.

Tous deux suivaient des études de Lettres, plus précisément en Lettres Modernes. Jeongin nourrissait l'ambition de devenir professeur. Une vocation qui faisait sens pour lui, tant il aimait ses études. Les livres étaient sa passion, la réflexion, son petit plaisir coupable. Pourtant, derrière cette satisfaction intellectuelle se cachait une inquiétude sourde, constante, comme une ombre planant au-dessus de son avenir. À mesure que les jours passaient, cette anxiété prenait de plus en plus de place. Jeongin avait toujours été d'une nature stressée, mais là, c'était comme si chaque cours, malgré tout l'intérêt qu'il y trouvait, devenait un poids, une source d'angoisse qu'il peinait à contenir.

Il avait tenté d'en parler, cherchant du soutien auprès de ses proches, de ses professeurs, de ses parents. Mais les réponses, bien qu'empathiques, lui semblaient décevantes par leur simplicité : "Pense à autre chose. Détends-toi. Essaye une activité, du sport, de l'art, peu importe. Trouve un moyen d'évacuer ce stress." Pourtant, ces conseils ne l'aidaient guère. Il se sentait enfermé dans un cercle vicieux, à accumuler des tensions qu'il ne savait pas libérer. Cette accumulation lui pesait, comme un nœud au creux de l'estomac qui refusait de se défaire, le rendant parfois à bout de souffle. Il aurait aimé trouver une clé, un moyen de lâcher prise, mais pour l'instant, il restait figé dans cette lutte intérieure.

Il savait bien qu'ils avaient tous raison, que ce n'était plus possible, qu'il fallait qu'il évacue tout cela, tout ce qu'il cumulait depuis septembre. Et il avait essayé nombreuses choses : écrire ses pensées, un échec ; s'inscrire à la salle de sport, un double échec ; tenter de prendre des cours d'art, il s'y trouva un talent pour rendre toute chose belle laide, un triple échec cuisant.

Il soupira en posant le haut de son front contre sa table de cours, la fraîcheur de la surface lui faisant un grand bien pour son mal de crâne.

Son voisin de table, un dénommé Soobin, détourna un instant les yeux du tableau pour le regarder. Un regard curieux, presque perçant, et Jeongin pinça les lèvres, interdit. Puis, comme si de rien n'était, Soobin refixa son attention devant lui, se redressant légèrement sur sa chaise et couvrant sa bouche d'une main. Un geste feint, trop calculé pour être naturel, mais sans doute suffisant pour détourner les soupçons. La tension dans l'air était palpable, comme un fil tendu prêt à céder, et le professeur, réputé pour sa tyrannie, ne perdait pas une miette de leur petit manège.

C'était un cours de littérature française, et pas un magistral dans un amphithéâtre où se fondre dans l'anonymat était encore possible. Ici, chaque mouvement était visible, chaque souffle presque audible. Il fallait marcher sur des œufs avec cet enseignant, un homme capable de transformer une simple hésitation en acte de rébellion. Et Jeongin, déjà rongé par le stress, n'avait pas besoin de ça. Subtilement, Soobin s'étira, un geste faussement nonchalant qui le rapprocha de lui. Les yeux du professeur se plissèrent dans leur direction, une menace silencieuse, mais heureusement, il retourna à ses notes. Une trêve précaire.

« Ça va, mec ?  murmura Soobin d'une voix juste assez basse pour ne pas attirer l'attention. Tu soupires comme si t'étais au bord du gouffre. »

Jeongin tourna légèrement la tête, les lèvres serrées.

« Parce que je le suis, répondit-il du même ton, le poids de son anxiété presque tangible. J'ai jamais été aussi stressé de ma vie. »

Soobin haussa un sourcil, incrédule.

« À cause du deuxième semestre ? On n'a même pas encore eu une période d'exams. Mec, t'as fini deuxième de la promo au premier, t'es un monstre. Sérieux, détends-toi, ou tu vas crever sur ta chaise. Et franchement, je refuse qu'on écrive sur ta pierre tombale : Rat de bibliothèque mort en cours, dévoué jusqu'au bout. »

Jeongin le fixa, visiblement dépassé.

« Tu sais que tu me donnes envie de me déscolariser, là ? 

— Ouch. Je le prends personnellement. Soobin mit ses deux mains sur sa poitrine dans un geste dramatique avant de baisser un peu la voix, soudain plus sérieux. C'est à cause de l'autre teubé de Jihyu ? »

À ces mots, un halètement outré résonna derrière eux, suffisamment strident pour faire tressaillir Jeongin. Il n'avait même pas besoin de se retourner pour savoir qui c'était. La voix haut perchée de Jihyu retentit aussitôt, avec toute l'énergie de quelqu'un qui se sentait insulté en plein cœur.

« Je vais porter plainte pour diffamation, Choi. C'est pas ma faute si Yang a enfin compris qu'il n'avait rien à faire ici. 

— Va te faire foutre, gros porc. Jeongin répondit aussitôt, sa voix dégoulinant de sarcasme.

— Insulte de CP, bravo. T'es juste jaloux parce que t'as aucun succès. Mais t'inquiète, Husky, c'est pas grave d'être puceau à vingt piges. 

— faudra vraiment m'expliquer cette histoire de husky un jour...

— tu retiens que ça ?! C'est la seule chose qui te choque ?! »

Soobin haussa les épaules, faussement innocent.

« Il te traite de chien et tu dis rien ? »

Évidemment, comme pour ajouter à l'humiliation générale, Soobin avait parlé bien trop fort, et presque toute la classe s'était arrêtée pour les regarder. Sauf le professeur, heureusement absorbé par ses notes. Une chance.

Mais dans la salle, les sourires en coin et les gloussements retenus étaient suffisants pour rappeler à Jeongin pourquoi il n'aimait pas se retrouver au centre de ce genre de scènes. Parce que, bien sûr, entre lui et Jihyu, les disputes n'étaient jamais discrètes, ni rares. Et ils se retrouvaient bien trop de fois au centre de cette attention non désirée.

Pour la énième fois depuis le début de ce cours qu'il qualifierait d'enfer, Jeongin soupira, la mort aux bords des lèvres. Soobin souffla du nez, un rire se bloquant dans sa gorge. Il tapota doucement le dos de son compère dans une démonstration de soutien.

Un second soupir profond s'échappa une fois de plus des lèvres de Jeongin, attirant cette fois l'attention de toute la rangée derrière lui. Soobin lança un regard de travers à son voisin, les lèvres pincées —il semblerait que se retenir de rire était plus difficile que jamais, mais ce fut Jihyu qui, déjà à bout de patience, brisa le silence avec une irritation palpable.

« Sérieusement, Yang, si tu respires encore une fois comme si tu portais le poids du monde sur tes épaules, je te jure que je te fais changer de place moi-même. «

Jeongin tourna la tête vers lui, les sourcils haussés, semblant goguenard. C'était plus fort que lui, plus il était épuisé mentalement et physiquement, plus il avait envie d'embêter celui qu'il haïssait le plus dans cette salle. Quoi que, le professeur avait aussi une haute place dans le classement. Franchement, entre choisir entre l'un et l'autre, le rapport était serré.

« Désolé de t'importuner avec ma simple existence, Jihyu. Je savais pas que mes soupirs te dérangeaient autant, je savais pas également que ta concentration était si inexistante que tu te retrouve à être dérangé pour si peu.

— Ce n'est pas que ça me dérange ''autant'', il mima des guillemets avec ses doigts, c'est juste insupportable, rétorqua Jihyu, les bras croisés. D'ailleurs, si t'as autant besoin d'évacuer ton stress, pourquoi tu prends pas un cours de danse ? Je suis sûr que ça te fera du bien...

— De danse ?! répondit Jeongin, incrédule. Il serra les dents, évidemment, encore une façon de se moquer de lui. Encore.

— Oui, confirma Jihyu avec un sourire narquois. Et puis, franchement, vu ta façon de te tenir, ça pourrait pas te faire de mal. Qui sait, peut-être qu'avec un peu d'entraînement, tu arriveras à ne pas ressembler à un arbre tordu à chaque fois que tu t'assois. »

Soobin, qui buvait à petites gorgées dans sa bouteille, manqua de s'étouffer de rire en entendant la remarque. Pari perdu pour le participant Jeongin, le plus grand n'avait même pas tenu trente minutes pour se retenir. Il mentirait s'il disait qu'il n'était pas déçu. À dix minutes près...

« Wow, Jihyu, t'as été nourri au vitriol ce matin ou quoi ? Ricana le plus grand en taille.

— Oh, pardon, s'exclama Jihyu en levant les mains avec un air faussement désolé. Je voulais juste lui donner un vrai conseil. Après tout, il aime bien réfléchir, non ? Peut-être qu'un peu de mouvement lui permettra de connecter ses neurones pour qu'il arrête de se plaindre.

— aïe, coup dur pour le joueur Jeongin... murmura Soobin, la tête basse. »

Jeongin plissa les yeux, clairement à bout de patience.

« Je note, Jihyu. La prochaine fois que je cherche des conseils pour ma santé mentale, je t'ignorerai royalement.

— C'est déjà ce que tu devrais faire depuis longtemps, répondit Jihyu avec un sourire satisfait, avant de retourner à ses notes. »

Et, malgré lui, Jeongin se mit à réfléchir, et à cogiter. Habituellement, il aurait complètement ignoré les paroles de son opposant, ce dernier débordant tellement de sottises qu'il valait mieux ne plus lui accorder la moindre attention pour qu'il cesse enfin de parler. Mais là, c'était...

Plutôt une bonne idée en fait. Même si la suggestion était basée sur une insulte et moquerie, il ne pouvait mentir en disant que ce n'était pas envisageable. Il n'avait jamais testé la danse, jamais pratiqué, jamais essayé, jamais pensé à la pratiquer. Évidemment, le cliché de penser que cette activité et ce sport était totalement féminin était hors de propos pour lui. Tout loisir n'avait pas de genre, et ce n'était pas parce qu'il était un homme qu'il n'avait jamais pensé à faire de la danse. Mais plus parce qu'il n'y avait juste jamais songé sérieusement.

Cela l'intriguait tellement qu'il a même fait des recherches sur son téléphone, des recherches sur les biens-faits, sur les pratiques et positions. Et inévitablement, il tomba sur de nombreuses affiches de cours, publiés sur divers sites internet. Bien-sûr, certaines ne payaient pas de mine et semblaient sur le point de faire faillite, mais d'autres avaient l'air tout-à-fait respectables et donnaient même envie d'en savoir plus, d'en voir plus. Et peut-être même lui donnaient-elles envie d'y participer, à ces cours de danse.

Il trouva plusieurs cours sur différents thèmes de la danse, comme de la danse classique, contemporaine, hip-hop, flamenco et... Tango et salsa. Ces deux derniers cours étaient on ne peut plus alléchants, il devait bien l'avouer. Et s'il était tout-à-fait honnête, il se sentait intrigué par ces danses qui nécessitaient d'être en duo, et d'être extrêmement coordonnés pour faire les bons pas et les rendre beaux.

Pourquoi pas après tout ?

Surtout qu'internet lui disait que la danse lui permettrait de se concentrer sur l'instant présent, oubliant un peu les préoccupations liées aux examens ou aux devoirs, puisque la danse est une forme d'exercice physique qui libère des endorphines, les hormones du bien-être. Donc cela réduirait considérablement son stress, améliorera son humeur, et cela pourra même l'aider à détendre sa posture et à prendre confiance en lui. Que demander de plus ?

Un partenaire peut-être...

Il secoua la tête. Ce n'était qu'un détail. Peut-être que Soobin serait d'accord ?

« absolument pas, non. »

Jeongin fronça les sourcils.

« allé, pourquoi pas ?

— si ma meuf me voit danser avec quelqu'un d'autre, meuf ou pas, hétéro ou pas, je me fais couper les balls. C'est ça tu veux qu'il m'arrive ?

— parle bien, utilise ta syntaxe par pitié, on est en lettres je te rappelle. Fait nous honneur. Au lieu d'avoir l'air d'un illettré.

— alors il faut sacher que...

— ô non mais ferme ta gueule, arrête toi là... Abrège mes souffrances, pitié... Mais bref, j'comprends. Mais t'aurais pas quelqu'un à me recommander ?

— vas-y avec Jihyu, l'homme de ta vie, lol.

— regarde moi bien. Ja-Mais. De la vie. Jamais. Je ne le touche même pas avec un bâton. Je grimace rien qu'en le regardant. Alors danser avec lui ? Oh je vais vomir... »

Soobin le regarda, n'ayant pas l'air impressionné mais plus excédé.

« faut vraiment que vous enteriez cette haine.

— Soobin. Il fait exprès de ken pour m'embêter. Comment veux-tu que j'enterre quoi que ce soit hormis son cadavre, avec un énergumène pareil ? Qui fait ça même ?! Faut être complètement inconscient et ne pas avoir d'âme ! »

Il se frotta les yeux, fatigué, avant de le regretter aussitôt. Il râla en baissant brusquement les mains, les balançant dans les vides, les yeux fermés. Et son homologue le regarda faire, complètement perdu.

« beh, qu'est-ce qui t'arrive encore ?

— rien, j'ai un truc dans l'oeil. »

Soobin ne savait pas qu'il portait des lentilles. Personne ne le savait hormis sa famille et... Jihyu, à son plus grand regret malheureusement. Et il espérait que plus personne ne soit au courant. Il essayerait un maximum de garder son secret le plus longtemps possible. Il savait que son ami ne dirait rien sur ses yeux, il le savait pertinemment, mais c'était plus fort que lui. Il ne pouvait pas le dire, mettre des mots dessus. Rien que de penser à toutes ces remarques qu'il avait dû endurer quand il était enfant, il ne voulait pas le revivre une seconde fois. Pas quand il a réussi à trouver un semblant de paix pendant toutes ces années.

Alors il vit dans le silence, complètement caché du monde extérieur, dissimulant ce qui le rendait si unique par peur d'être vu. Parfois, il avait honte de penser comme tel, il savait que c'était totalement ridicule et qu'il devait prendre confiance en lui. Mais quand il reprenait un tant soi peu de cette dite confiance, ses vieux démons d'enfance, aux allures enfantines, avec des sourires aussi noirs qu'une ombre, prirent forment sous ses yeux et lui dirent des choses atroces qu'il avait l'habitude d'entendre lorsqu'il était plus jeune. Cela le terrorisait, et il reprenait cette boîte qui qui contenait son masque.

Lorsqu'il avait reçu pour la première fois ses lentilles, il avait pleuré une nuit entière. Il avait pleuré en pensant à tous ces problèmes qui allaient être réglés grâce à ces petites choses, toutes ces moqueries cesseront, tous ces regards allaient changer. Il allait mieux vivre. Et ce fut terriblement vrai. Dès qu'il avait eut des lentilles à la couleur brune, assorties à ses cheveux, il était devenu normal, banal, basique. Il ne retenait plus l'attention. Et dès lors, il fut intégré comme si de rien n'était.

Comme si rien ne s'était passé.

Et les enfants passent vite à autre chose. Alors sa transformation n'alarma personne. Il a suffit qu'il attende les grande vacances, et le tour était joué. Tout le monde avait oublié. Et Jeongin avait décidé de faire de même. Il ne voulait pas vivre dans le passé.

Si seulement il savait que ce masque ne le déchaînera jamais de ses liens.

« ça va mieux ? T'as l'air vachement irrité...

— t'en fais pas, ce n'est rien. Mes yeux sont sensibles. »

Soobin le regarda quelques secondes sans cligner des yeux, ne semblant pas adhérer au mensonge clairement apparent. Puis il haussa finalement les épaules. Après tout, si son ami ne voulait pas cracher le morceau, il n'était pas du genre à lui mettre deux doigts dans le gosier...

« du coup, tu vas vraiment t'inscrire à un cours de danse ?

— Jihyu est un imbécile complet mais il a, pour une fois, dit quelque chose d'intérréssant. Note ça dans le calendrier, je risque pas de le redire de si tôt... Je ne pense pas que j'ai vraiment besoin de la danse en particulier, mais juste d'un domaine qui m'aide à me détendre. Et je pense qu'en ce moment, ce dont j'ai le plus besoin, c'est de lâcher prise et de ne plus être celui qui contrôle les gestes de mon corps. Quoi de mieux qu'un cours de danse où c'est l'autre qui dirige mes pas, hm ?

— vu comme ça... Mais si t'as personne avec qui aller ? Tu vas y aller tout seul ?

— je, il soupira en pinçant les lèvres, c'est vrai que ça fait vachement looser d'y aller en solitaire mais écoutes, j'ai pas vraiment le choix... Pis ça m'aidera à sociabiliser au moins, donc c'est gagnant-gagnant. Et puis je ne pense pas être le seul pélo paumé à venir seul, donc au pire... On pleura ensemble entre introverti...

— toi, introverti ? La bonne blague !

— je suis ambivert ! Jeongin insista sur le dernier mot, prononçant chaque syllabe de façon distinct. Contrairement aux autres, quand je suis face aux introverti, j'le suis aussi, et quand je suis face aux extra, j'le suis aussi ! C'pas ma faute si la moitié de ma sociabilisation comporte des hommes cis extravertis ! Quelle vie d'ailleurs... je veux plus de gays dans mon side, la vie est rude en noir et blanc...

— tu viens vraiment de faire une blague sur le drapeau hétéro ?

— et donc ? Vous nous appelez les licornes j'te rappel, c'est juste un retour de médaille bien mérité.

— attend, Soobin plissa les yeux en replaçant ses mèches blondes hors de sa vue, t'es gay ? Since when ?

— oui bon, je suis pan, mais c'est la même chose !

— l'inverse aurait fait polimique.

— c'est polémique espèce de dyslexique.

— oh le gros psychophobe oh my god, faut trop te cancel Jeongin, faire ce genre de réflexion en big 20XX sérieux, c'est chaud... Jouer sur les problèmes des gens, c'est pas sérieux... »

Soobin avait l'air de s'amuser comme un gamin. C'était assez drôle à voir. Il avait commencé à écrire des bêtises sur le cahier de son compère — non sans faire au moins une faute toute les deux phrases. Le blond était réellement dyslexique, et cela avait été un réel handicap pour lui. C'était d'ailleurs à cause de ce problème qu'ils s'étaient tous les deux rencontrés. À cause de son trouble, Soobin avait été incapable d'écrire des notes correctes, elles étaient pleines de rayures, avec pleins d'espaces blancs qui représentaient des bouts de phrases non entendues ou non comprises, des commentaires sur ses notes éparpillées ça et là car il ne savait absolument pas se concentrer, et donc rajoutant des informations un quart d'heure après avoir écrit. Et tout cela, avec de nombreuses fautes qu'il ne corrigeait jamais car il n'arrivait pas à les voir. Cette manière de suivre les cours étaient devenue handicapante, à tel point que cela se retranscrivait sur ses devoirs sur table.

Il avait donc demandé à sa référente de sa licence s'il pouvait avoir une personne qui était payée pour prendre des notes sur ses cours. C'était un système établi par son établissement il ya quelques années, et cela avait sauvé la scolarité de plusieurs. Et Jeongin, qui avait cruellement besoin de rémunération pour payer ses frais de scolarité plus son logement, avait sauté sur l'occasion. Ses notes avaient le mérite d'être claires, concises et structurées. Soobin avait eut de larges meilleures notes depuis qu'ils étaient en contact. Au début, cela s'est fait petit à petit. Ils avaient pu récupérer les informations de contact de l'autre, et s'étaient donc envoyé chacun leur tour des messages, essentiellement pour donner le cours et pour remercier bénéficiant. Et puis ils avaient commencés à parler d'autre chose, jusqu'à ce que Soobin lui demande s'ils pouvaient se mettre à côtés dans un cours.

Depuis, ils ne se lâchaient pas.

Cela leur arrivait donc souvent de plaisanter sur la dyslexie de Soobin, mais celui-ci savait toujours que ce n'était que des plaisanteries, et que ce n'était jamais pour se moquer et pour être méchant.

Il n'y avait aucun tabou pour eux.

C'est pour cela que parfois, Jeongin culpabilisait beaucoup de cacher son hétérochromie et son colobome à l'une des personnes avec qui il était le plus proche.

« bref, je pense que ce soir, je m'inscris.

— ah oui, tu déconnes même pas ! Et donc, salsa ou... ?

— tango.

— tu va faire du...

— tango.

— il faut pas genre... des années d'entraînements pour danser ça ?

— et ils commencent comment du con ? Je vais m'inscrire à un cours pour débutant imbécile. Pas pour une compet'.

make sens. Make sens.

— mais pourquoi tu cases de l'anglais à chaque phrase ?! E-campus t'as matrixé bro, c'est une folie.

not my fault, je suis plus à l'aise en anglais que toi, c'est la dure réalité de la vie...

— dixit le mec qui rigole comme un bouffon quand il doit réciter le prétérit de mordre.

— giga contre son camp mec, tu rigoles aussi comme un attardé quand tu dois conjuguer 'pouvoir' à la deuxième personne du pluriel au passé simple, avec ton rire de débile. »

Et la journée passa dans cette atmosphère. Quand il rentra chez lui, Jeongin était tout simplement épuisé. Heureusement, le voisinage était assez calme. Il semblerait que ni Jihyu ni personne d'autres n'avait la folle idée de tenter quoi que ce soit de plus que dormir ou réviser.

En même temps... C'était normal, ils étaient en pleine rentrée après les vacances de Noël, et surtout après les partiels et rattrapages. Ils étaient complètement exténués, probablement à l'article de la mort. C'était même sans aucun doute. Le semestre trois a été une véritable épreuve pour eux tous, beaucoup ne l'avaient pas eu, ou alors étaient passés aux ras des pâquerettes. Jeongin avait passé des semaines et des semaines à réviser, ses vacances n'ont pas été utilisées pour faire la fête et profiter de ses proches pour Noël et le nouvel an, mais utilisées pour réviser d'arrache-pied.

Ses capacités de réflexion, son domaine de prédilection, l'avait sauvé in extremis de beaucoup de situations complexes. Et heureusement, il était passé. Mais il stressait toujours autant, voir plus. Car maintenant, il ne lui restait que la dernière ligne droite, qui décidera de son avenir entier en seulement trois mois. S'il ne réussissait pas ce quatrième semestre de façon exemplaire, alors adieu à la licence 3 en enseignement, et donc adieu à la carrière dont il rêvait tant.

Autant dire que c'était énormément de pression.

Oui, il avait grandement besoin de souffler, ne serai-ce que quelques heures par semaines.

Il ouvrit son pc portable et lâcha un soupir. Il ne savait même pas par où commencer. En cliquant sur un moteur de recherche au hasard — il en avait trois —, il fixa la barre de recherche quelques minutes, complètement interdit. Comme s'il avait planté, tout comme un ordinateur. Cela lui arrivait beaucoup lorsqu'il avait beaucoup de choses en tête et qu'il ne savait pas par où commencer. Parfois, il se retrouvait à freezer complètement pendant quelques secondes voir minutes, à fixer le vide, les mains souvent suspendues en l'air au dessus de quelque chose — un livre, un ordinateur, un téléphone —, et cela pouvait durer très longtemps et se répéter de nombreuses fois.

Il se tapa les joues en essayant de se concentrer. Ce n'était pas en regardant le vide qu'il allait trouver chaussure à son pied.

Cours de danse Tango débutant [insérer n'importe quelle ville]

Ça devrait faire l'affaire, non ?

« de toute façon, il n'y a qu'un moyen de le savoir. »

Plus de 500 résultats. Sans déconner...

Il se retrouva à grimacer. Évidemment, cela n'allait pas être gratuit, il ne fallait pas rêver. Cela coûtait de faire venir un professionnel pour donner des cours. Mais certains abusaient beaucoup du prix...

Mais bien sûr, je vais payer 150 la séance... Et ils arrivent à avoir des élèves, sérieux ?!

Et puis, en cherchant quelques minutes parmi ces trentaines de sites web, il trouva la perle rare.

''District nine''... Original, pour un cours de Tango.

La plupart arborait des noms comme El recoco Tango, Rezza Tango, ou tout simplement Tango argentin. Ce qui était, il devait avouer, assez redondant. Celui qu'il avait sous les yeux, au contraire, était assez intriguant. Pas beaucoup d'artifices, un fond neutre et sombre, une seule petite photo qui semblait représenter un ancien cours avec plusieurs élèves qui paraissaient s'amuser. L'écriture du site était tout aussi sobre, et très minimaliste. Tout était regroupé sur une page, avec toutes les informations importantes. Sur un même pavé, Jeongin trouva le prix, les différentes formes de séances — atelier fondamentaux, atelier approfondissement et stage technique solo précis —, les heures, qui étaient autours des vingt heures du soir, et qui animait. Parfois, il y avait trois professeurs, parfois deux, parfois il n'y en avait qu'un ou une.

« Viens découvrir et apprendre le Tango Argentin... Lu Jeongin en fronçant les sourcils. Que tu sois expérimenté ou débutant absolu, l'équipe propose de nombreuses initiations, des cours réguliers, des stages, mais aussi des pratiques et des soirées pour partager, échanger et s'amuser. Pour ne rien rater et être au rendez-vous, inscris-toi à la newsletter ou envoie-nous un message... »

Intéressant.

Il regarda et lu le petit encadré sur l'atelier fondamentaux.

« Un cours de tango, hein ? Ils disent que c'est pour tout le monde, même les débutants, sans distinction de niveau... Je pourrais peut-être essayer. Renforcer les bases, apprendre des figures adaptées pour un bal... Ça a l'air sympa, non ? Et si c'est ludique, je ne vais pas trop me ridiculiser. En plus, pratiquer direct pendant l'atelier, c'est pas mal... Ça pourrait être une bonne façon de rencontrer du monde et de me défouler un peu. »

Sans se laisser le temps d'y réfléchir, car il savait que s'il s'en laissait encore il allait y renoncer par honte, il cliqua sur S'inscrire. Ce n'était que 10 euros par séance, et 220 pour 30 ateliers, ce qui était pas cher. Il avait même la possibilité de payer en plusieurs mois ou de prendre un abonnement. Tout d'abord, il faudrait faire un cours pour voir ce qu'il allait faire et il avisera ensuite. Il espérait juste que le sport n'altérait pas le confort des lentilles.

Comme pour tout problème dont il faisait face, il envoya un message à sa mère, qui lui répondit aussitôt.

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Mam's

Coucou mon amour

C'est une vraie question... ? Mon ange, je fais du sport avec mes lentilles depuis avant ta naissance, bien sûr que ça ne fait rien !

Des cours de tango tu dis ? Quelle bonne idée ! Je veux des vidéos, sinon j'appuie sur le bouton « bloquer ».

Des bisous.

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Il se mit à sourire devant son écran d'un air niais. Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas vu sa mère mine de rien. Elle était la seule à s'être occupée de lui quand il était jeune et adolescent, son père ayant miraculeusement disparu.

Sûrement entrain d'acheter du lait encore aujourd'hui...

Même âgé de vingt-ans, celui lui arrivait encore d'appeler celle qui l'a mis au monde pour des raisons enfantines comme ''Quel bouton pour allumer le sèche linge''. Depuis qu'il avait ouvert les yeux pour la première fois, Madame Yang était un véritable modèle pour son fils, qui lui vouait une admiration sans faille. Elle était son monde, et inversement.

Oui, Jeongin était un véritable fils à maman.

Soobin en riait parfois.

Une fenêtre noire s'afficha sur le haut de l'écran de son ordinateur. Une notification, venant de sa boîte mail. On lui avait déjà répondu pour le cours de danse, et Jeongin écarquilla les yeux.

Ils sont sacrément rapides.

C'était un dénommé Lee Minho, un nom qui était signé en bas du mail. Apparemment, de ce que Jeongin comprenait, c'était lui qui gérait tout ce qui était administration, et qui organisait l'autre cours de danse pour les habitués. Il avait vu ce même nom dans la liste des personnages méritants sur le site. Aux côtés d'un certain Hwang Hyunjin.

En bref, le message lui disait simplement que le cours était les mardi et vendredi soirs, rappelant l'heure, et le tarif. En pièce jointe, à faire imprimer, se trouvait un formulaire à remplir, un classique. Il avait également le choix de payer maintenant, donc par carte, ou en présentiel, avec n'importe quel moyen. Les deux choix devaient se faire de toute façon avant d'assister au cours. Classique également.

Il décida de tout faire en même temps. Et en quelques minutes, le formulaire reposait sagement sur sa table et sa banque lui avait envoyé un message de confirmation pour son virement. Il avait déjà fait énormément de dépenses depuis le début de l'année, avec son abonnement aux moyens de transport de sa ville, son loyer, son électricité et ses courses, qu'il avait peur de voir le petit moins devant ses économies....

Ce sera un problème pour le moi du futur.

Le cours était dans deux jours. Et il mentirait s'il disait qu'il n'était pas un tout petit peu intrigué. En réalité, il n'avait jamais fait de sport en équipe, que ce soit du sport comme le football, ou le volley, et encore moins de la danse. Il ne savait même pas s'il avait ne serais-ce qu'un peu le sens du rythme... Si ça se trouve, il allait découvrir que son corps a la grâce d'un manche à balais. Et aussi tendu que l'arbre dont Jihyu faisait mention.

Si c'était vraiment le cas, il le vivrait très très mal.

Il n'avait pas vraiment d'espérance quant à ce cours, il voulait juste se détendre et oublier pendant quelques heures. D'ailleurs, il se rendit compte qu'il allait finir assez tard, comme le cours de danse commençait à huit heures du soir, et se terminait une heure trente plus tard. Ce n'était pas que son quartier n'était pas fréquentable mais il serait mentir de dire que c'était totalement sécuritaire d'y être tout seul aussi tard le soir.

Il soupira. Cela aussi, ça allait être le problème du Jeongin du futur.

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Il soupira.

Peut-être souffrait-il d'une étrange maladie qui l'obligeait à expirer son âme par petites doses régulières. Ou alors, c'était un mécanisme de survie : pas de soupir, pas de vie. Donc, il soupirait pour rester en vie. Beaucoup. Peut-être un peu trop. Peut-être Beaucoup trop.

C'était sa marque de fabrique après tout.

Il eut un petit mouvement du bras, comme s'il allait se pincer l'arrête du nez, mais il arrêta son geste avant même qu'il ne débute. Il prit une grande inspiration et poussa les portes. Ils étaient beaucoup à l'intérieur du hall, dans cet énorme bâtiment. Il avait suivi son Maps une bonne trentaine de minutes, de sa fac jusqu'à l'adresse qu'on lui avait passé. La bâtisse était haute d'une trentaine de mètres au moins. Il devait lever la tête, l'arrière de son crâne touchant sa nuque, pour pouvoir voir le haut du toit. Le bâtiment était moderne mais chaleureux. Ses larges baies vitrées permettaient d'apercevoir les mouvements fluides des danseurs à l'intérieur, comme un spectacle perpétuel offert aux passants. Une enseigne lumineuse, ornée de silhouettes dansantes, scintillait au-dessus de l'entrée, attirant l'œil. On pouvait y lire, en très jolies lettres néons, District Nine. Le mur extérieur était partiellement couvert de fresques représentant des figures de danse classiques et contemporaines, mêlant tutu et sneakers, sous la forme de graffitis artistiques. Devant l'entrée, un parvis proprement pavé offrait un espace où des élèves échangeaient, des bouteilles d'eau à la main, entre deux cours. Quelques vélos étaient accrochés au rack à côté, et on entendait parfois des éclats de rire ou la rythmique d'une musique amplifiée s'échapper des murs. C'était... à la fois clichée, et à la fois inspirait.

Quand il entra dans ce qui serait peut-être son nouveau quotidien, il fut instantanément aveuglé pour un rayon de soleil, droit dans ses yeux. L'espace était baigné de lumière naturelle grâce aux grandes fenêtres. Les murs étaient peints en blanc et en pastel, parsemés de miroirs qui donnaient l'illusion d'un espace infini. Une barre d'échauffement en bois s'étalaient le long d'un côté de chaque salle, les entourant complètement. Le parquet, en bois clair, portait les marques subtiles d'innombrables pas de danse. Une douce odeur de résine et de sueur flottait dans l'air, familière mais pas désagréable, plutôt même apaisante. Elle le rendait serein et reposé.

Le hall d'entrée était accueillant, avec un comptoir en bois derrière lequel une réceptionniste souriait aux nouveaux venus. Sur un tableau d'affichage, on trouvait les horaires des cours, des annonces d'auditions et des flyers pour des spectacles et festivités locaux. Un coin fut aménagé avec des fauteuils, un distributeur d'eau et des casiers pour les affaires personnelles. Les salles sont équipées de systèmes audio modernes, et on peut entendre, selon la pièce, une valse classique ou des beats énergiques de hip-hop. Les élèves s'étiraient sur des tapis juste en face de lui, échangent des blagues ou concentraient leurs regards sur leurs mouvements, ajustant chaque geste avec précision. Une énergie vibrante, presque palpable, emplissait les lieux.

Et lui se retrouvait face à tout cela, ne sachant pas vraiment où se mettre. Il se rendit compte avec appréhension qu'en réalité, il était pratiquement le seul à être venu seul. Certains l'étaient, près de leur espace casier, entrain de ranger leurs sacs de sport. Mais il semblait qu'il était le seul à ne pas être habitué, et à ne pas savoir quoi faire, où, comment et avec qui. On aurait dit une petite tâche sombre sur une peinture couverte de couleur. Un beau et mignon petit mouton noir.

La réceptionniste, qui ne l'avait pas quitté des yeux depuis son arrivée, lui offrit un léger sourire empreint de compassion. Bien qu'il soit le seul égaré aujourd'hui, elle devait certainement croiser souvent des personnes dans sa situation. Elle avait sur sa poitrine un petit badge couleur or, où l'on pouvait y lire le nom de Yeji. Hwang Yeji.

Décidément, il croisait beaucoup de fois ce nom de famille. Il devrait peut-être se poser des questions.

« Bienvenu, souhaitez-vous des renseignements ?

— heu... Il la regarda, clignant plusieurs fois des yeux, comme un poisson qui se rendrait compte qu'il tournait en rond depuis trente minutes. ''Yeji'' souffla du nez, clairement amusée.

— avez-vous été inscrit à nos cours ?

— oui... Je- j'ai payé il y a deux jours, via XXX. J'ai- J'ai même la preuve si vous voulez... ? J'avoue ne pas trop savoir quoi faire...

— pas de soucis, ils ont tous été dans le même cas que vous, vous pouvez vous détendre. Allez-vous être accompagné par une connaissance pendant cette séance ? Jeongin secoua la tête. Bien, pas de panique alors, on vous trouvera un partenaire très rapidement. Il semblerait que vous soyez arrivé un peu en avance, notre intervenant arrivera d'ici une petite dizaine de minutes. En attendant, je vous suggère de vous rendre vers un quelconque casier avec cette clé, elle les ouvre tous. Elle montra d'un geste gracieux de la main les divers casier collés au fond de la salle de danse, puis zieuta la dite preuve sur le téléphone de Jeongin. Je vois que vous avez pris une seule séance. Si celle-ci vous plaît et que vous souhaitez revenir avec un abonnement, vous pourrez revenir ici-même à la fin pour que l'on en signe un ensemble. Avec cela, vous pourrez garder votre clé et un casier personnel vous sera désigné parmi ceux attribués aux membres adhérents, elle désigna la ligne de compartiments qui étaient dans une autre salle derrière elle. »

Le brun hocha simplement la tête au flot d'informations qui lui étaient tombé dessus. Il en avait compris le plus important, et en jetant un dernier regard à la jeune femme, se détourna d'elle et parti vers les casiers qui étaient pour les non-adhérents. Ils étaient d'une couleur bleue unie, et assez petits, de quoi mettre seulement un vêtement et un sac. Il sortit une bouteille d'eau et une serviette, deux objets qui ont été recommandés d'apporter, et fourra le reste dans le support de rangement. Il était déjà en tenue de sport, qui consistait à un jogging et à un débardeur, mais il avait prit également un sweater, au cas où il aurait trop froid. C'était la saison de l'hiver après tout. Dans son sac se trouvaient des vêtements de rechanges, même s'il doutait avoir le courage de se changer parmi tous ces inconnus.

Il y avait beaucoup de bruits, les conversations s'échangeaient ça et là de partout, et le jeune homme se surprit à tendre l'oreille à quelques moments. Notamment quand les discussions tournaient sur le fameux intervenant. Apparemment, ce Hwang Hyunjin était très reconnu dans le milieu de la danse et du tango, et était assez populaire. ''Beau'', ''charmant'', ''grand'', ''musclé'' et tout simplement très attirant.

Il était plus qu'intrigué maintenant.

Jeongin s'était déplacé vers les barres, près du miroir. Barres qui servaient en l'occurrence qu'à s'échauffer et s'étirer. Il n'était pas très souple de base, alors il se contentait d'étirer ses bras, ses poignets et chevilles, les roulant sur eux-mêmes dans des gestes circulaires, imitant les personnes autour de lui. Il n'avait pas la foi de pousser l'exercice jusqu'au mouvement du dos, qui consistait à se pencher pour toucher ses pieds. Il avait de la peine pour sa pauvre colonne vertébrale. Pendant qu'il crochetait ses bras dans son dos en essayant de tendre le plus loin possible ses épaules vers l'arrière, quelqu'un le bouscula.

Des cheveux blonds passèrent devant sa vision.

Un homme, très grand, svelte et élégant se retourna vers lui, les yeux ronds. Les deux semblèrent étonnés, se jaugeant l'un et l'autre, la bouche ouverte. Le grand blond se pencha en avant, débitant des excuses, semblant pantois.

Jeongin secoua les bras devant lui, s'excusant lui aussi avant d'éclater de rire. La situation était un peu bizarre, s'il devait donner son avis.

L'homme se mit à sourire, lui aussi amusé, avant de s'excuser en s'avancer vers la salle du fond, là où se trouvaient les casiers des adhérents. Était-il un élève ? C'était l'homme le plus beau qu'il n'avait jamais vu. Et il semblait que l'attirance était réciproque un tant soit peu au vu du regard qu'il s'était échangé après que l'autre avait arrêté de s'excuser. Rien que d'y penser, Jeongin en avait des frissons dans le dos.

Il était déjà sorti avec des hommes, des femmes, ou toute sorte de personnes. Et des belles personnes. Même s'il était humble, Jeongin n'était du genre à se dénigrer : il était mignon, parfois beau, parfois charmant. Il plaisait facilement, et a été en couple de nombreuses fois. En couple, ou juste des relations sans lendemain. Mais ce blond était quelque chose d'autre, quelque chose dont il n'avait pas l'habitude de croiser. Il avait envie de l'approcher plus longtemps, d'avoir une vraie conversation avec lui, pour voir si le caractère dépassait le physique.

Était-il beau et intelligent ?

Il entendit des femmes derrière lui glousser.

Hwang Hyunjin était arrivé.

Et il percuta. Le blond était Hwang Hyunjin. Le beau et élégant professeur de danse. Qui allait leur enseigner des pas. Corriger leur posture. Guider leur mouvement.

Il regarda autour de lui. Un amas de personne l'entourait, attendant manifestement que le professionnel revienne. Toutes semblaient avoir trouvé binôme.

Merde.

Il se mordra l'intérieur de la joue. Il n'allait pas soupirer, non, non.

Le grand blond revint. Il s'était manifestement débarrassé des vêtements encombrants qu'il portait, comme son long manteau beige. Ou son pull ; ses bras, et surtout biceps, étant à la vue de tous et toutes.

Encore une fois, Jeongin regarda autour de lui. Il était vraiment le seul paumé à ne pas avoir de duo. Il croisa le regard de Yeji, qui leva le pouce en l'air.

Ouais, donc en gros, elle me dit de me démerder...

Puis, lorsqu'il détacha son regard des prunelles de la jeune femme, il croisa celles du fameux Hyunjin. Il était entrain de faire un petit speech pour présenter ce qu'ils allaient tous faire pour cette séance. Et quand son regard croisa celui de Jeongin, il se mit à sourire. Comme s'il avait eu une très brillante idée, et qu'il l'aimait particulièrement.

À ce moment précis, les pensées de Jeongin tournèrent vers une image, comme un pressentiment : il se rendit compte qu'il espérait que cet intervenant fasse quelque chose de très cliché mais qui le ferait réagir comme une écolière s'il le faisait vraiment. Le choisir pour danser avec lui, comme dans les films.

Une Dirty dancing deux points zéro.

Et il se mit à espérer, se rendant compte qu'il souriait, à moitié entrain de pouffer de rire face à ces pensées. Ouais, il était clairement et complètement attiré par lui, et ça l'amusait grandement. Les histoires de crush à son âge le faisaient glousser, surtout quand il racontait tout cela à Soobin. Ses réactions étaient assez drôles à chaque fois.

Il se rappelait notamment le jour où il lui avait dit qu'une certaine Lee Ji-eun l'attirait énormément. Soobin s'était étouffé avec l'eau qu'il buvait.

Sacré moment qui le faisait rire à chaque fois.

« très bien, nous allons donc reprendre là où on en était la semaine dernière. Veuillez s'il vous plaît vous regroupez par deux, les uns éloignés des autres pour ne pas se foncer dedans. »

Son regard croisa une seconde fois celui de Hyunjin, qui lui fit un petit signe de la main. Comme s'il lui disait de le rejoindre, comme s'il le défiait. Il regarda derrière lui pour être sûr que c'était bien au brun que le blond désignait, mais il semblerait qu'il n'y avait que Jeongin qui lui portait de l'attention en ce moment même, les autres trop occupés à se rappeler de la séance précédente.

C'était à lui qu'il faisait signe, bel et bien.

Il se mit à sourire, goguenard. Finalement, ce cours était bien plus intéressant qu'il ne le pensait.

Dans une démarche assez lente, il se dirigea vers le plus grand. Il semblait également plus âgé.

Double smash. Décidément...

« et tu es... ? Fut la première chose que ce Hyunjin lui demanda.

— nouveau, visiblement, il répondit, en suivant les mouvements de l'autre, qui se dirigeait librement à travers la pièce, vers le fond. Son regard était fixé à différents spot aléatoires, pour surveiller un instant ses élèves. Il gloussa en croisant son regard.

— et comique, on dirait.

est-ce que ça marche ? »

Hyunjin le fixa une micro-seconde avant de détourner le regard, les yeux pétillants et un sourire amusé dévorant ses lèvres.

« jouerons-nous la carte de l'honnêteté ?

— toujours. »

Son sourire s'agrandit.

« alors oui. Beaucoup. Je m'appelle Hyunjin. »

Il tendit la main, et Jeongin comprit que c'était une demande silencieuse pour la poser sur sa taille. Il initia le rapprochement en déplaçant la dite main sur sa hanche, comme il voyait certaines personnes le faire. Étonnement, cela ne le dérangeait pas d'avoir ce rôle-ci. Même si c'était vu comme un rôle « féminin », il trouvait cela ridicule de genrer une danse. Si on ne genrait pas les vêtements, pourquoi genrer une danse ? C'était absurde. Surtout en sachant que ce n'était que des pas, et des placements de mains.

Il n'allait pas en mourir.

Du moins, pas comme tout le monde le pensait, et pas pour la même raison.

La main de Hyunjin était chaude et chaleureuse. Cela le rendait un peu nerveux, ou enthousiaste, ou tout autre adjectif qui irait bien avec cette situation.

« Jeongin. »

Lentement, ils se placèrent en position, sous le contrôle total de Hyunjin. Jeongin était totalement lésé, et préféra donc laisser le pouvoir à l'autre, qui était un habitué contrairement à lui. C'était, après tout, ce pourquoi il était là : ne plus avoir le contrôle de rien. Et puis, cela ne le dérangeait aucunement. Au contraire...

Jeongin baissa la tête vers ses pieds mais Hyunjin fit immédiatement un bruit de langue, mécontent.

« ne jamais baisser le regard, toujours avoir la tête droite, le regard fixé devant soi. Règle d'or. Regarde moi dans les yeux. »

Sa voix était douce mais strict, ses mouvements précis.

Jeongin sourit tout en le regardant, suivant les ordres à la lettre. Il essaya de recopier la posture droite de son compagnon, redressant son dos, et Hyunjin haussa un sourcil.

« tu as loupé seulement le premier cours, donc ça devrait aller. La semaine dernière, on a vu la caminata. La marche. »

Même son accent était sexy...

Jeongin cligna des yeux, souriant innocemment.

« suis moi seulement. Je suis Leader et tu es Follower, tu n'as pas a faire grand-chose hormis me suivre. Relâche ton corps lentement, comme si tu flottait. »

La main qui était auparavant sur sa hanche remonta progressivement et subtilement vers le milieu du dos. Et à travers le fin vêtement qui couvrait son dos, les doigts de Hyunjin pincèrent la peau fine à proximité. Jeongin sursauta et le regarda, les yeux écarquillés.

« ce n'est pas en étant aussi tendu que l'on arrivera à quoi que ce soit. Il faut que tu ressentes tous les muscles de ton corps, et qu'ils soient tous utilisés, pas un seul laissé de côté. »

Leurs mains qui étaient jointes s'entremêlèrent un instant pour prouver les dires du blond, et Jeongin frissonna une nouvelle fois. Il essaya de se détendre, mais sentir cette seconde main s'aplatir sur toute la surface de son dos était... Exaltant. C'en était pratiquement sensuel, et il avait le cœur qui battait la chamade dans sa cage thoracique, il en avait même presque du mal à prendre des respirations. C'était puissant. Il n'avait jamais ressenti de telles sensations.

Évidemment, il a déjà été proche de quelqu'un. Mais ici, c'était différent car rien n'était sexuel. À la limite, l'on pouvait voir une touche de sensualité attitrée du tango, mais cela n'allait pas plus loin. Ce qu'il ressentait était une pure sensation de bien être. Peut-être était-ce la présence de Hyunjin, ou le simple fait de savoir qu'il pouvait se reposer sur quelqu'un d'autre. Il aurait presque envie de reposer sa tête sur une surface moelleuse, dormir et laisser l'autre utiliser son corps, le contrôler ; ne plus se soucier de rien était une idée alléchante.

Peut-être qu'il pourrait utiliser le pectoral de Hyunjin...

« la caminata est le mouvement de base dans la danse, Hyunjin amorça un pas lent vers la droite, sa main étant de retour sur la hanche de Jeongin, l'autre fermement ancrée dans celle de son compère. Contente toi de me suivre, lentement, doucement. Suavemente.

— tu parles espagnol ? Demanda faiblement Jeongin, le regard fixé sur les pupilles de l'autre. Viens-tu d'Argentine ?

— mon père. Je suis né ici, dans cette même ville, et j'y vis depuis mon enfance. Mais mon père a vécu la sienne à Ushuaïa. Il se déplaça vers la droite, se rapprochant par ce fait de son duo. Ils étaient maintenant torse contre torse, collés. Place ta jambe entre les miennes, et dès que l'on se déplacera dans un nouveau pas, il accompagna les gestes à la parole, il faudra que tu écartes un peu plus les jambes. Quand un jeu est fini, il tendit la pointe de ses chaussures verticalement derrière lui, il faut que ta jambe soit tendue le plus loin possible. Hm, comme ça, Perfecto. »

Ça allait être difficile. S'il finissait chacune de ses phrases par un mot espagnol, Jeongin allait finir par complètement disjoncté.

« no, no, no. Doucement. Le Tango est une danse lente, jamais dans la précipitation. Regarde autour de toi, il fit un geste circulaire de la tête pour désigner les couples qui les entouraient. »

Autour des deux protagonistes, le cours pour débutants se transforme en un kaléidoscope de couples maladroits mais pleins d'intentions, de lenteur et de douceur. Un homme grisonnant, vêtu d'un costume un peu trop grand, tient avec une douceur tremblante la main de sa partenaire, une femme aux cheveux roux éclatants, vêtue d'une robe fleurie vintage, tous deux oscillant avec une lenteur prudente. Plus loin, un jeune couple, visiblement amoureux, rit en s'emmêlant les pieds ; lui en chemise à carreaux et jeans, elle en jupe plissée et t-shirt, la maladresse de leurs mouvements compensée par leurs regards complices. Une femme d'âge mûr, seule, fait équipe avec un homme au visage fermé, ses chaussures à talons rouges contrastant avec son allure stricte en pantalon noir et chemisier blanc ; leur danse est méthodique, presque distante, comme s'ils tentaient d'apprivoiser l'espace entre eux. Enfin, un duo d'amis éclate de rire à chaque faux pas : elle, habillée d'un pantalon fluide et d'un haut jaune vif, joue l'experte en exagérant ses mouvements, tandis qu'il, dans un sweat décontracté, improvise des gestes absurdes pour cacher son manque d'équilibre. L'ambiance vacille entre concentration, gêne et éclats de rire, mais un frisson commun traverse la salle à chaque tentative de pas glissé dans la sensualité naissante du tango. Ils étaient lents, joviales, presque apaisés.

« tu es là pour t'amuser. Relajarse.

aide moi, alors.

— je suis là pour ça, après tout. »

Ils continuèrent ainsi à marcher de façon sinueuses, avec des courbes, des ondulations, des méandres. Jeongin avait l'impression d'être un serpent qui glissait pour la première fois. C'était vraiment différent de ce à quoi il avait l'habitude. Surtout quand Hyunjin le regardait à chaque fois, observant chacun de ses faits et gestes. Cela le rendait à la fois nerveux et agité. Pour une fois, avoir un regard autant dirigé sur lui ne le dérangeait pas tant que cela. Lui qui fuyait l'attention se voyait l'attendre avec impatience. Peut-être était-ce l'effet Hyunjin, avoir cette grande perche devant lui, à le regarder avec autant d'attention, lui remontait l'égo de façon drastique.

Un aussi bel homme qui le regardait avec convoitise, et qui semblait être l'image même de l'élégance était très, très flatteur.

Et puis, sans qu'il ne puisse s'en empêcher, une pensée indésirable prit possession de ses réflexions. Pour l'instant, il plaisait à Hyunjin parce qu'il était normal. Parce qu'il ne possédait rien qui le distinguait des autres visuellement, anomalies parlant. Si l'autre voyait son hétérochromie, comment allait-il réagir ? Est-ce qu'il serait perplexe ? Dégoûté ? Étonné ? Oui, forcément. Ce n'était évidemment pas quelque chose que l'on voyait tous les jours. En fait, Jeongin ne connaissait personne qui avait le même problème que lui.

Peut-être que Hyunjin le trouverait un peu plus beau ?

Peu probable.

« ouh non, ça ne va pas. Relajarse, tu te souviens ? Tu t'es tendu brusquement, regarde le positionnement de ton pas. Il pouffa à ces paroles et Jeongin se rendit compte de la situation, c'était presque s'il faisait le grand écart entre les jambes de Hyunjin. Se détendre, oui, ne plus faire attention, non. »

Dit-il avec un grand sourire.

« ton nom est Hwang ? »

Hyunjin cligna des yeux, plusieurs fois. Changement de sujet qui sembla le surprendre. Jeongin se félicita.

« oui. J'ai un frère et une sœur. Je suis l'aîné. Mon père est argentin et ma mère était coréenne. »

Si Jeongin entendit le « était », il choisit de ne pas relever.

Le regard du grand blond se détacha de lui pour regarder aux alentours. Puis il se racla la gorge de façon audible, et tous les paires d'yeux se concentrèrent sur leur couple.

« il nous reste environ trente minutes pour voir ce que nous avons commencé à aborder la semaine dernière. Je vois que la caminata vous est dorénavant familière. Nous allons donc nous concentrer sur les giros. »

Il fit un léger signe de tête à Yeji, qui était restée dans un coin de la salle. Celle-ci s'avança devant eux, pile au milieu, accompagnée d'un homme aux cheveux noirs de jais. Et c'était à cet instant précis qu'il se rappela : les noms des intervenants, de ceux qui s'occupaient de cette séance. Il n'y avait pas que Hwang Hyunjin, mais également Hwang Yeji et Kwon Soon-young. La jeune femme n'était pas seulement la réceptionniste, mais la gérante du bâtiment, en entier.

Une vraie girl boss.

« je vous aurai bien tous montrés mais, la voix du blond chuchota à l'oreille de Jeongin. Je suis limité dans mes mouvements, son regard montra explicitement leurs mains toujours liées, même s'ils n'étaient plus en position. »

Les lèvres de Jeongin s'étirèrent dans le coin de leur commissures.

Devant eux, Yeji et ce Soon-young avaient commencés à montrer, ou remontrer, les mouvements de ces fameux giros. Le mouvement était à la fois simple et compliqué, et l'air grave, Jeongin se retourna vers son compère, qui se contenta d'hausser les épaules, complètement détendu. Comme s'il faisait cela tous les matins pour s'étirer.

Ce qui était peut-être le cas, finalement...

C'était le follower qui bougeait le plus dans ce mouvement, le leader se contentant de tourner sur lui même. Les pas étaient rapides, fluides. Et même répétée plusieurs fois, Jeongin n'arrivait pas trop à comprendre la position.

« ce sont des pivots. Tout ce que tu auras à faire est de tourner autour de moi, d'abord vers l'arrière, puis vers l'avant, une jambe devant l'autre et les pieds croisés en diagonal. Suis simplement le mouvement de mon corps, je te guiderai. Yeji et Soon-young sont habitués, dansent depuis bébés ; tu es débutant. Le résultat ne sera pas le même, et tu ne seras pas le seul dans ce cas-là. Sólo intenta disfrutar. »

La façon dont chaque syllabe était prononcée avec un fort accent argentin était... incroyable. D'ordinaire, Jeongin ne s'attardait pas sur ce genre de détails, surtout lorsqu'il venait de rencontrer une personne. Soit le feeling et la relation avançaient lentement et longtemps, soit c'était le temps d'une soirée, pour un baiser ou une relation charnelle. Ici, c'était instantané, comme s'ils se connaissaient depuis des années. La tension était palpable, la danse et sa proximité attendue renforçaient la sensation de complicité. Ils venaient de se rencontrer il y a une heure, mais le ressenti étaient des mois. C'était une sensation bienvenue, et Jeongin donnerait presque tout pour la ressentir des millions de fois encore.

« Sígueme. »

Le pied de Hyunjin prit appui sur sa droite, et d'un mouvement de buste, il fit pivoter le corps de Jeongin. Lentement, toujours face à face, ils tournèrent sur eux-mêmes. Au départ, le corps du brun bougeait de façon très maladroite, ses pas se mélangeant, Jeongin était sûr que ce n'était pas très fluide ni joli à voir. Mais il s'amusait.

À la fin du cours, le plus jeune arborait un sourire radieux. Il avait adoré. Et pas uniquement grâce au grand blond qui fut un partenaire agréable. La danse était elle-même agréable. Voir autant de monde s'amuser car ils bougeaient dans un espace assez restreint était beau à voir, et un très beau spectacle également. Il avait besoin de voir autant de bonne humeur, qui, pour sûr, changera la sienne au sens positif. Ce n'était pas non plus trop physique, il avait sué quelques fois, notamment lorsqu'ils avaient accélérés leurs giros, mais cela n'avait jamais été épuisant comme il s'y attendait. Jamais éprouvant. Juste agréable.

Malheureusement, tout avait une fin. Et il dût se séparer de Hyunjin. Il regarda, interdit, l'autre glisser vers l'arrière, à quelques mètres de lui, pour se ranger aux côtés de ses collègues. Encore une fois, tous arboraient des sourires jusqu'aux oreilles, que ce soit les professeurs ou les élèves.

Sans aucun doute ; le sport rapprochait les gens entre eux.

Agréable. Trop agréable.

Il croisa une dernière fois le regard de Hyunjin, qui lui fit un geste de la main. Puis, lentement, comme s'il ne voulait plus reprendre un rythme dit « normal », comme s'il voulait rester coincer dans une cadence propre au tango, il se dirigea vers les casiers au fond de la salle, là où se trouvaient ses affaires. Hyunjin et Soon-young avaient disparus, et Yeji était de retour au guichet.

On aurait dit qu'elle savait la décision qu'allait prendre le brun, puisqu'elle avait dors et déjà un formulaire préparé pour lui. Dès qu'il fut à proximité, elle lui tendit, un grand sourire aux lèvres. Arborant le même qu'elle, Jeongin renseigna toutes ses informations. Il écrivit même en gros chiffres visibles son numéro, entendant le sifflement de Yeji. Elle n'était pas dupe, évidemment.

« contente de te compter parmi nous, Roméo. »

Jeongin lui fit un signe de main avant de quitter le bâtiment.

Il faisait froid dehors. Il resserra ses bras autour de lui, se les frottant pour éloigner la fraîcheur qui lui picorait la peau. Il se sentit soudain très fatigué, voir épuisé. Il avait envie de dormir. De prendre une douche et de dormir. Se mettre sous les couettes et plaide, avec un oreiller confortable, prêt pour une bonne nuit de sommeil. Une nuit réparatrice qu'il attendait depuis des jours et des mois.

Et puis soudainement, ses pensées ont été brusquement coupées par... un manteau beige ?

Dans un sursaut, il se retourna brutalement vers la personne qui était à sa droite et qui avait ses deux mains sur ses épaules.

C'était Hyunjin, évidemment.

« oh... tu peux plus te passer de moi, cariño ? »

Le regard de Hyunjin se fit vide un instant.

Bien joué Jeongin. Hehe.

« je... trouvait cela dommage. De te laisser prendre le bus tout seul. Sachant que j'ai une voiture, alors...

— est-ce le moment où tu me révèles que t'es un dangereux psychopathe, qui prévoit de me découper en rondelle dans une ruelle pour vendre mes organes ? Si c'est cela, je suis désolé, mais je serai dans l'obligation de crier. Et je crie très, très fort.

— ça reste à prouver, ça. »

Okay, c'est de la drague. Une drague pure et dure.

« d'ailleurs bravo le cliché hein, ajouta Hyunjin dans un sourire, mafia d'Argentine, quel préjugé...

— et c'est maintenant que tu me dis que tu fais parti de la Casa Nostra.

— oh mais tu cumules, dis moi ! Il éclata de rire. T'as une bonne culture, j'approuve. »

Jeongin le regarda en biais, clairement amusé.

« où est ta voiture ? »

D'un petit mouvement sur le bas de son dos, l'autre le guida vers ce qu'il semblait être un parking payant, mais dont il devait avoir l'accès gratuit vu qu'il travaillait sur les lieux. Pratique. La voiture était... Simple. Noire, brillante, des jantes argentées, et un coffre spacieux. Il se retrouva à pouffer dans son coin, ce que Hyunjin entendit directement.

« si tu fais une vanne sur le kidnapping, je vais finir par penser que c'est de l'acharnement.

— mieux vaut que je me taise alors. »

il s'engouffra sur le siège passager, et attendit. Avec appréhension, il devait bien l'avouer. Car il avait, évidemment, un plan bien précis en tête. Et il espérait grandement que Hyunjin soit sur la mêle longueur d'onde que lui. Exactement. Pas trop loin, mais trop devant non plus. Il souffla un peu, et tourna la tête pour apercevoir un mouvement sur sa gauche. Hyunjin était entrain de taper furieusement sur son téléphone, la mine concentrée, avant qu'il ne le range dans sa poche de son pull. Par la suite, il ouvrit la portière et s'essaya sur le siège conducteur.

Jeongin le regarda faire, en silence. Il l'observa minutieusement et religieusement. C'était à son tour de le contempler sous tous les angles, ce qui ne le déplaisait absolument pas. Hyunjin prit une grande inspiration. Il ne bougeait plus, ne faisait pas de gestes pour allumer le moteur ou pour sortir ses clés de quelque part — son manteau ou sa poche de survêtement, Jeongin n'en avait aucune idée. Le blond restait juste sagement à sa place, complètement immobile, semblant réfléchir très sérieusement à quelque chose de très important.

Et Jeongin savait exactement à quoi il pensait. Car il avait exactement les mêmes, de pensées.

Alors, doucement, suavemente comme le disait l'autre, il prit le menton de Hyunjin et approcha son visage. Puis il s'immobilisa à quelques centimètres de ses lèvres, les yeux plantés dans le regard du blond, attendant visiblement que l'autre face le reste.

Ce qu'il fini par faire, poussant un soupir de satisfaction contre cette bouche qu'il avait lorgné pendant une heure trente.

C'était... Bon. Vraiment bon. Jeongin avait déjà embrassé des hommes dans sa vie, et ça avait toujours été bon. Mais maintenant, c'était... Autre chose. Et s'il devait être honnête, il ne savait pas comment le décrire. C'était comme si des années de tension venaient d'être rompues en seulement un seul geste, libérateur pour eux deux. Ce n'était pas précipité, tout était dans la douceur, dans la sensualité, dans les gestes lent et détendus. Peut-être étaient-ils encore dans l'esprit du cours de danse, peut-être que leur corps étaient encore trop endormis et relaxés pour être brutaux et passionnés. Mais c'était très bien comme cela. Pas de feu d'artifice, pas de papillons, juste un bien être croissant, qui allait du creux de sa nuque jusqu'aux extrémités de ses orteils.

Et c'était divinement bon.

Pas de langue, pas de salive, juste des lèvres qui se touchaient, qui se rencontraient pour la première fois et qui s'habituaient les unes aux autres ; et ils ne leur fallait rien de plus, rien de moins.

Puis, quelques instants plus tard, ils se séparèrent.

« novice en danse, mais professeur en baisers, hm ?

— veux-tu des cours particuliers ? Minauda Jeongin, éclatant de rire en voyant le regard de son compère devenir presque coquin.

— comment veux-tu que je refuse une telle proposition ? »

Et puis, comme si de rien n'était, Hyunjin alluma le moteur, sortant des clés d'on ne sait où, et Jeongin s'en fichait complètement.

Il se sentait putain de bien.

L'atmosphère resta comme tel pendant les dix minutes de route qu'ils partagèrent, Jeongin donnant les informations pour se rendre dans la rue à proximité de son dortoir. Il préférait ne pas déjà donner son adresse à l'autre, voulant garder un peu d'intimité avant de passer aux choses sérieuses. Il n'avait pas vraiment de raison, mais il avait juste l'envie de faire les choses petit à petit, étape par étape.

Même si, bon... le bisou à la première rencontre n'était pas spécialement ce qu'il avait prévu pour un début de relation. Mais pourquoi pas, après tout ? Étaient-ils comme les autres ? Absolument pas.

« merci. De m'avoir épargné le trajet en bus.

siempre. »

Et même s'il ne parlait pas vraiment, Jeongin comprenait parfaitement ce que voulait dire Hyunjin. Il lui sourit et sortit de la voiture. Et sans se retourner, il traversa sa rue, contourna un mur, et s'éloigna de la voiture vers son dortoir.

Il se sentait putain de bien.

Arrivé chez lui, il enleva ses chaussures, sauta dans son lit et soupira en regardant son plafond. Quelle soirée. Il n'arrivait pas à se rendre compte de ce qu'il venait de lui arriver. Cela lui ressemblait d'embrasser des personnes comme ça, qu'il venait à peine de rencontrer. Mais de ressentir autant de choses pendant qu'il le faisait ? Jamais. Et c'était une sensation addictive, qu'il voulait déjà ressentir une nouvelle fois. Car une fois n'était jamais assez, il lui en fallait toujours plus. Il espérait vraiment que le grand blond trouve son formulaire, voit son numéro et comprenne le message. En tout cas, s'il ne le faisait pas, il y en aurait une qui se ferait une joie de le lui faire remarquer. Il n'avait pas beaucoup parlé à Yeji, mais il l'aimait bien étrangement.

Prenant son courage à deux mains, il se dirigea vers sa petite salle de bain, se positionnant face à son miroir. Il avait les cheveux en batailles, sûrement à cause des mains baladeuses de Hyunjin, les lèvres roses et les joues rougies, à cause du baiser ou du froid — personne ne le saura jamais, et des petites tâches de rousseurs qui ont commencé à apparaître sur ses joues à cause de la chaleur qu'il ressentaient sur celles-ci. Il avait également les yeux extrêmement irrités, et il ne pensait qu'à une chose : enlever ses lentilles. Elles le démangeaient extrêmement.

Soupirant de soulagement, il les reposa dans leur boîte en les aspergeant de liquide pour les nettoyer, et rangea la dite boîte dans un placard au dessus de sa tête.

Il allait pour se coucher dans son lit et sous ses couvertures quand il entendit, épuisé, son cher voisin — Hwang Jihyu, si le mémo vous aurez échappé —, faire du bruit.

Et même son état mental qui lui criait qu'il allait bien ne pouvait rien faire contre son agacement qui augmentait de minutes en minutes. Les décibels montaient chez son ennemi, et Jeongin satura.

Furieux, fatigué, épuisé, il ouvrit brutalement sa porte de dortoir pour se diriger vers celle de son très cher voisin. Et frappa bruyamment. Et peut-être pas qu'une ou deux ou trois fois. Peut-être dix fois.

Oui, bon, il n'en pouvait plus. Il ne faut pas le juger.

« je vais commettre un meurtre. Il n'y aura plus de Hwang sur cette terre, je l'annonce. Putain de Hwang Jihyu de mes deux, tu peux pas te la fermer juste un putain de soir, merde ?

— vas-y, ouvre cette putain de porte, moi j'me lève pas putain.

— quel langage fleuri frérot. »

La porte s'ouvrit doucement.

Jeongin ouvrit la bouche, encore énervé, voir plus maintenant qu'il avait entendu la voix très nette de son ennemi. Mais il se fit devancer par les excuses sincères portées par des cheveux étrangement familiers.

« je suis vraiment déso- oh.

— bordel de merde, c'est quoi ce bordel ?

— Yang ? Putain encore toi ?

— Jeongin ? »

Jihyu était derrière Hyunjin, l'un arborant une mine renfrognée, tandis que l'autre était abasourdi.

Abasourdi ?

Merde.

Les lentilles.

Jeongin ouvrit la bouche, la referma, et répéta les mêmes gestes plusieurs fois. Hyunjin fit de même, sûrement pas pour les mêmes raisons. Ils rougissaient tous les deux. Et Jihyu, derrière, les regardait, extrêmement dégoûté. Peut-être avait-il entendu de la bouche de son... frère (????) l'histoire du cours de danse.

Hyunjin avait l'air d'avoir frôlé une voiture, près de la mort, et en même temps d'avoir vu la plus belle nymphes sur terre.

Jeongin soupira.

Bon sang, maintenant il n'y avait pas qu'un Hwang qui connaissait son secret, mais deux ! Des frères !

.

.

.

11800 mots.

Hi :D It's been a while, et j'ai l'impression de dire ça à CHAQUE FIN D'OS mdrrr mais c'est vrai qu'à chaque fois, ça fait vraiment longtemps que je n'avais pas réapparu ici lmaoo #guilty je dois bien l'avouer.

Mais eh look, je reviens avec un hyunin (ça va en ravir plus d'un, je le sais pertinemment) et en plus qui mêle romance et cours de tango, si c'est pas beau. Avouez, je vous régale hein !! Je l'ai écrit en, genre, huit heures non stop, et j'avoue que je suis épuisée (comme Jeongin MDR). J'espère qu'il vous plaira, perso je l'adore.

Il y a sans doute des petites fautes glissées par-ci par-là car je l'ai écrit vraiment le plus vite que j'ai pu pour rentrer dans les temps. Car oui, encore un, cet os est inscrit et a vu le jour pour un défi d'os et d'écriture, cette fois-ci celui de KImgold !! J'ai fait ce que j'ai pu pour respecter les consignes : j'ai pris le shot de brother's best ennemy, et je pense m'être bien débrouillée, même si le plot twist se révèle à la fin MDR (pov c'était supra drôle à écrire)

Bref, j'espère que la personne qui recevra l'os sera contente de mon travail, giga love sur toi eheh <3

Et j'espère également que tout va bien pour vous ! N'hésitez pas à laisser un ptit com pour raconter votre vie, je le dis jamais assez mais : j'adore vous lire !!

Prenez soin de vous, hydratez vous bien, c'est important car vous êtes important. <3

See you soon~

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