Chapitre 32 : Rédemption.

Le diable revint bientôt, une liasse de papiers en main, un sourire goguenard aux lèvres.

« Voilà, tu peux signer, n’oublie pas de parafer chaque page et surtout, lit bien les petites lignes. »

L’ange déchu soupira et entama la lecture fastidieuse de ce contrat sans queue ni tête.

« Attendez, les petites lignes ne sont pas censées me faire, genre regretter d’avoir signé, être le truc qui va pourrir ma vie et m’accabler de remords ? Non parce que là ça parle juste de votre droit à dévaliser les usine pomme pot’ sur terre et clairement, que vous le fassiez ou pas, ça ne changera pas ma vie. Et de toute façon, pourquoi vous demandez mon accord, de toute façon vous le ferez. »

« Pour avoir bonne conscience, simplement. » Répondit le diable en un haussement d’épaule nonchalant.

Et dès que l’ange eut signé de son sang, il lui arracha le contrat et se mit à courir dans tout le palais, scandant :

« Je vais aller sur terre ! »

Puis, lasse de ses cris incompréhensibles, son épouse Perséphone sorti de sa chambre, un joint à la main et commença à l’entreprendre.

« C’est pas bientôt fini tout ce bordel ? J’aimerais bien fumer tranquille ! »

Le diable sursauta puis se tourna vers sa douce un sourire gouailleur peint sur le visage.

« Chérie, prépare tes bagages, nous partons en vacances pour une durée indéterminée. »

« C’est pas vrai qu’il recommence… Je t’ai déjà dit qu’une croisière sur le Styx avec Charon ce n’était pas de vacances et encore moins semblable à Venise et ses gondoles. » Se lamenta la jolie femme.

« Non, non, rien de semblable, ce coup-ci on va sur terre. Où tu veux ma belle, Venise, la muraille de chine la lune même si tu veux. » Sourit le diable heureux comme un enfant.

Perséphone marqua un instant d’arrêt, assimilant doucement ce que son époux venait de lui dire puis se mit à crier, euphorique, courant de droite à gauche pour rassembler ses affaires. Puis elle stoppa toute sa frénésie et interrogea Satan, suspicieuse :

« Et combien d’innocents as-tu immondement torturé pour obtenir ça ? »

Le malin sembla se renfrogner, lassé que tout le monde le pense d’emblais repoussant et cruel alors que tout ce qu’il voulait étai l’amour de sa demoiselle et des gourdes de compote pour enfant à profusion. Alors il répondit, en grimaçant puérilement :

« J’ai torturé personne. C’est un contrat que cet ange a signé avec moi de son plein gré, m’offrant son trésor sacré, il est d’ailleurs celui qui est venu me trouver. »

« Bon, dans ce cas… » Souffla Perséphone, puis elle reprit : « Et puis-je savoir ce que tu lui as donné en échange. »

« Renvoyer son petit protégé qui attends au salon dans le monde des hommes et veiller à ce qu’il ne se rappelle de rien le concernant. Ah et aussi empêcher les démons de l’atteindre pendant l’entièreté sa misérable vie humaine. »

La reine des enfers se mit à rire, troublant grandement Orphée ainsi que son conjoint visiblement.

« Et tu vas lui faire croire que c’est une contrepartie suffisante ?  Tu te plein que le monde ait une mauvaise image de toi mais t’es pas foutu d’être honnête cinq minutes avec ces gamins. »

Orphée tiqua à l’appellation mais ne dit rien, continuant d’écouter la demoiselle qui semblait avoir des informations qui pourraient aller en son sens.

« Tu n’as aucun droit de garder ce garçon ici et c’est déjà étrange que le ciel n’ait pas encore envoyer de délégation pour le ramener puisqu’il n’a plus la marque depuis qu’il a passé le portail. »

Quoi, il n’a plus la marque ? Pensa Orphée, estomaqué.

« Mais… Pourquoi es-tu aussi méchante ? »

Lucifer en avait marre, tout le monde pensait que c’était lui le monstre des enfers mais la vérité était bien différente, il était une sorte d’homme battu, même si l’admettre foutait un coup dans sa fierté, contrairement aux idées reçues c’était elle qui portait la culotte. Et pourquoi manquait-il aussi terriblement d’arguments ? Pourquoi son épouse ne pouvait pas simplement se réjouir d’aller sur terre comme elle l’a toujours voulu ? Vraiment, il ne comprendrait jamais les femmes… Pourquoi n’avait-il pas épousé un hermaphrodite ? Tout ça aurait peut-être été plus simple…

« Je ne suis pas méchante Lucy’ c’est toi qui est irrécupérable. Tu sais ce que représente les ailes d’un ange alors la protection et la confection d’un prisme de mémoire est un bien maigre tribut pour l’échange. »

« Un prisme de mémoire est un sortilège complexe pour enfermer des souvenirs. »

« Et tu as eu plus d’une vingtaine de siècle pour t’y entrainer. Tout cela n’est que formalité. Je veux que tu renvoie le déchu sur terre avec son amant. Tu sais très bien que je déteste les cœurs brisés et je ne veux surtout pas devoir supporter ses lamentations ici quand nous rentrerons de notre voyage. »

Le diable ouvrit la bouche puis la referma plusieurs fois sans savoir quoi dire. D’ailleurs Orphée aussi était tout aussi bouche bée. Se pourrait-il que lui aussi ait droit à son Happy end ?

« Et bien quoi, tu as toujours voulu que l’on te regarde d’un autre œil, que l’on arrête de te considérer comme le pire des connards alors commence par faire preuve de clémence, même si au fond c’est juste par intérêt que tu le fais. En plus, je te ferai remarquer que cet ange, en te proposant ce marché a fait preuve de la plus haute expression de l’abnégation, offrant son trésor sacré en échange du simple bonheur d’un humain alors tôt ou tard, il méritera le pardon divin et sera sorti d’ici, l’éternel brisant encore tes plans et passant outre ton contrat lui rendra ses ailes alors si tu veux mon avis, et tu n’as pas d’autres choix que de le vouloir, en faisant preuve de clémence et en lui accordant une vie humaine auprès de celui qu’il semble aimer, tu devancera l’éternel pour une fois et peut-être qu’en voyant que par générosité tu as réunis deux âmes qui t’avaient été promises, il nous laissera poursuivre nos vacances en nous offrant un petit moment de répit. »

Le diable se tourna vers l’ange et lâcha soudain :

« La dame a parlé, qu’il en soit ainsi… »

Et Orphée n’en croyait pas ses oreilles si bien qu’il dû se faire violence pour ne pas leur sauter au cou, ce qui aurait été incongru. Pourtant son sourire éblouissant parlait pour lui.

Visiblement, ce que l’on pensait était vrai, derrière chaque grand homme se trouvait une femme d’idée. Une femme forte qui savait manier le gouvernail pour mener leur barque là où elle doit aller, évitant les récifs sans s’échouer sur les éperons rocheux et menaçants.
Perséphone, Lucifer et Orphée revinrent dans le salon où je me trouvais, seul depuis près d’une demi-heure à m’apitoyer sur mon sort, imaginant le pire. Le sourire radieux sur les lèvres d’Orphée me surprit. Mais avant que je n’eusse pu esquisser qu’un simple froncement de sourcils que la jolie femme nous surprit d’un cri aigu :

« Le voilà ! le petit humain qui a fait tomber un ange, littéralement. Il est absolument a-do-ra-ble. »

Je ne comprenais rien de ce qu’il se passait.

Orphée accouru vers moi et me pris dans ses bars, me serrant du plus fort qu’il put. Puis il murmura contre mon cou :

« Crevette, tout est arrangé, on va rentrer chez nous. »

Chez nous ?

Ouais, chez nous.

Comment…Comment a-t-il pu faire entendre raison à cet énergumène ?

Je soupirais de soulagement m’abandonnant à l’étreinte d’Orphée.

Je ne savais ni pourquoi le diable avait subitement changé le plan qu’il avait pour nous, ni comment Orphée avait pu réussir à changer la donne mais tout ce qui comptait était que nous allions enfin pouvoir enterrer cette histoire alors je lui rendis son étreinte.

« Et voilà, on retourne au mortellement ennuyeux et définitivement barbant. Ces lapalissades billevesées… » Se lamenta le diable.

« Mais qu’est-ce que tu racontes encore ? » S’enquit Perséphone.

« Mais ça, tu ne vois donc pas ? » Il balaya la scène de ses mains. « C’est diaboliquement écœurant, débordant d’amour, dégoulinant de coulis de guimauve flasque et… sucré ! » Acheva-t-il avec un dégout évident.

« Ne joue pas les rabat joie parce qu’actuellement, le plus prévisible ici, c’est toi avec tes remarques acerbes. Toujours à te plaindre de tout et cracher à la gueule du monde entier. » S’écria la maitresse des lieux, la voix aussi tranchante qu’un couteau, à bout de nerfs.

« Mais c’est pas vrai ! »

« Si c’est vrai ! »

« Non ! »

« Si ! »

Nous les dévisageons, avant de se lancer mutuellement un regard perplexe, Orphée et moi. Puis, prenant conscience de leur attitude puérile et surtout du fait que nous les regardions, ils se tournèrent vers nous en un petit rire nerveux, en une totale synchronisation.

« Bon et bien tu peux aller préparer tes chevaux nuits. J’ai encore quelques bagages à faire oh et sert à manger et à boire à nos invités avant qu’ils ne meurent de soif et tu les guideras jusqu’au sources chaudes, qu’ils puissent se délasser un instant. »

« Non ! » M’écriais-je précipitamment avant de me reprendre. « C’est bon. On va attendre ici. Vraiment, on n’a pas faim. »

« Mais… » Réfuta Orphée.

« On n’a pas faim. » Insistais-je pour clore la discussion.

Perséphone haussa les épaules et disparut dans une des pièces adjacentes et Hadès la suivit.

« Pourquoi tu as refusé de prendre à manger, je meurs de faim et puis nous voilà tirés d’affaire alors nous pouvons nous détendre. »

« Non, je ne préfère pas crier victoire trop tôt, toutes les tentatives -ou presque- d’échapper aux enfers dans la mythologie ont mal tourné. En allant chercher Eurydice, Orphée s’est retourné et l’a donc condamné, Perséphone, qui aurait pu revenir sur terre avait mangé sept graines de grenade fut obligée de rester aux enfers après en avoir goûté la nourriture… Donc tu comprendras que je ne veuille rien manger, rien toucher et si je le pouvais, j’arrêterais même de respirer. »

« Tu n’exagères pas un peu là ? » Questionna l’ange déchu.

« A peine, mais vraiment trois fois rien. Je veux juste que cela s’arrête alors pas la peine de se replonger dans cette galère pour deux pépins de grenades se battant en duel. »

« Bon bah on va s’assoir là et attendre qu’ils daignent revenir nous voir et nous indiquer la sortie. En attendant, je peux… t’embrasser ? »

Sa question me prit au dépourvu, qu’étais-je censé répondre à cela ?

Je choisi de ne rien répondre, lui offrant simplement un sourire timide. Qu’il interprète cela comme bon lui semble.

Il s’approcha et vint embrasser ma joue, effleurant le coin de mes lèvres de ses croissants de chair. Puis il murmura à mon oreille :

« Je peux encore attendre si tu n’es pas prêt, ne t’en fait pas. »

Prêt à quoi je n’en sais rien mais étrangement, ces quelques mots me firent du bien, me rassurant. Après un certain temps, le maître des lieux revint, accompagné de sa douce et nous tendit une petite boite de velours pourpre. Orphée me regarda, comme pour me demander s’il pouvait la prendre et en un imperceptible mouvement de tête qu’il intercepta tout de même, je l’y autorisais. Il saisit la boite et l’ouvrit. Elle ne contenait que deux vielles pièces attaquées par la rouille et creuses en leur centre. Sur le pourtour ce celles-ci, nous pouvions lire, avec difficulté néanmoins, ultra infernum volo ire qui signifie, si je me rappelle bien de mes semblant de cours de latin : Par-delà les enfers je voudrais aller.

« Ce sont des oboles diaboliques. Pour faire le chemin inverse et repartir. Donnez-la à Charon, il vous conduira. Et surtout, ne revenez pas. On peut réussir à sortir des enfers une fois, mais pas deux. Maintenant partez avant que je ne change d’avis. Je ne veux pas de vous dans mes pattes pendant que je me prépare pour mon départ. J’ai un sortilège à base d’ailes d’anges à mettre en place. »

La grimace d’Orphée à ses mots me passa inaperçue et je ne me posais pas plus de question sur le sens de cette phrase, pressé de partir d’ici. Je pris donc la boîte contenant les deux pièces et tirais Orphée par le bras. Lucifer ajouta :

« Avoir ces pièces sur vous bloquera aussi les illusions, vous atteindrez donc rapidement le Styx. Vous n’aurez qu’à aller tout droit en sortant du palais, ne me remerciez pas, ce n’est rien, maintenant au revoir, je ne veux plus vous voir, aller oust. »

De sa main, il nous fit signe de déguerpir et il ne m’en faut pas plus pour sortir promptement. En fermant la porte de l’immense palais j’aperçut Perséphone se jeter au cou d’Hadès en criant :

« J’ai toujours aimé les histoires d’amour qui finissent bien. Ça m’f’rait chialer putain ! »

Et c’est main dans la main qu’Orphée et moi marchions jusqu’au Styx. Charon qui se trouvait là nous dit :

« Si c’est pour repartir, je vous conseille de prendre ce sentier, il vous mènera à un moyen de transport plus rapide et moderne que ma vieille barque. N’ayez crainte, il ne s’agit pas d’un piège, juste d’un conseil d’un humble vieillard qui aimerait finir sa sieste. »

De son bâton tortueux il frappa le sol à trois reprises et les roches et la végétation s’écartèrent pour nous laisser le passage.

« Suivez-ce chemin. Il sera plus rapide pour vous de regagner la surface. »

Sans vraiment savoir pourquoi, je choisi de faire confiance à ce vieillard, m’engageant dans ce chemin nouvellement apparu bientôt suivit d’Orphée. Le trajet fut court, et nous parvinrent rapidement à une sorte de clairière au fond de laquelle se trouvait un vieil…ascenseur ?

Ils sont sérieux, un ascenseur ?

Je m’approchais de la cabine au grilles métalliques rouillée par endroit et envahie de végétation. D’un coup sec, je tirais sur les lianes qui obstruaient la grille forgée. Orphée m’y aida et nous pénétrons dans cette machine délabrée qui avait tout l’air d’être délabrée, comme si elle était tombée là il y a déjà de cela plusieurs dizaines d’années. A l’intérieur, il n’y avait que trois boutons avec les inscriptions : Ouranos, Gaïa, Tartare. Soit le Ciel, la Terre et l’Enfer.

« Sérieusement, il a un ascenseur qui relie le paradis, l’enfer et la terre ? »

« Il faut croire, espérons seulement qu’il fonctionne encore. Parce que c’est toujours comme ça la technologie, c’est mieux au début puis une fois que ça tombe en panne, on retourne aux anciennes méthodes. On aurait dû prendre la barque… » Bougonna l’ange.

Je passais ma main sur la paroi avant de prendre une inspiration et d’appuyer sur Gaïa. J’attendis un instant, croisant les doigts mais rien ne se passa.

Super…

« Mahé, passe les pièces. »

« Quoi ? » Demandais-je en me tournant vers Orphée.

« Là, il y a une fente. »

Il me désigna la perforation dans la paroi et je m’en approchais. Je passais ma main sur la poussière et vit une inscription dessus. Une fois celle-ci sommairement époussetée, je pu lire : insérez votre obole de sortie ici avec une flèche pour désigner la fente.

« C’est du délire… » Murmurais-je hébété.

« Je ne vais pas te dire le contraire… »

Orphée prit une des oboles et la glissa dans la fente prévue à cet effet. C’est alors qu’un bruit assourdissant retentis, comme un ignoble grincement, si puissant qu’il me propulsa au sol, les mains sur les oreilles. J’avais les larmes aux yeux. Orphée me prit dans ses bras et sincèrement, à ce moment-là, je crus que c’était la fin. Mais il en fut tout autrement, quand je rouvris les yeux, je n’étais plus dans la vieille cabine mais dans un luxurieux ascenseur plein de dorures avec un sol en moquette rouge brodée de fils d’or. Une voix métallique et artificielle sorti d’un petit haut-parleur et nous fit sursauter.

« Bonjours et bienvenue dans le Transiteur Express qui effectue la liaison entre les trois grandes strates de vie sur cette planète. Veillez choisir une destination. Si vous voulez écouter ce menu en une autre langue terranienne, appuyer sur la touche bis. »

J’appuyais de nouveau sur la touche Gaïa mais la machine ne démarra toujours pas.

« Erreur. Le montant incéré n’est pas suffisant pour le voyage jusqu’à cette destination. Une obole a été insérée et vous êtes deux personnes. Incérez une obole supplémentaire. »

Je relâchais mon souffle quand je vis Orphée incérer la seconde pièce.

« Gardez bien la tête à bord du véhicule si vous ne voulez pas la perdre, il est conseillé de voyager assis. Merci et bon voyage de la part de toute la compagnie du Transiteur Express. »

Nous échangions un regard avec Orphée, quelque peu paniqué, quand tout à coup la cabine fut expédiée dans les airs, tournoyant sur elle-même, nous projetant au sol puis vers les murs.

Je ne suis plus très sûr de vouloir utiliser cet engin…

Je lâchais une plainte aigue due à la surprise avant de saisir la main d’Orphée dans la mienne puis ma vision se brouilla, tout devint blanc, immaculé, comme dans un rêve et la seconde d’après, je heurtais une étendue froide en un grand fracas.

De l’eau !

Je poussais sur mes bras pour remonter à la surface et pris une grande inspiration. J’étais de nouveau sur terre. Au milieu d’un lac glacé mais sur terre.

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On sent comme une petite odeur de fin non ? Eh oui, il ne reste qu'un Chapitre, un extra et l'épilogue avec la fin. En soit, seulement trois parties...

Avec amour et dévotion,

ParadoxalementParadoxale.

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