Chapitre 30 : Catabase et illusion.
C'est le deuxième chapitre que je publie aujourd'hui, le premier étant un extra vraiment court. Veillez à bien lire le premier avant celui-ci ^^
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Akihiko passa devant moi et posa ses mains sur mes épaules et me dit doucement :
« Je vais te plonger dans un monde onirique, pour que le passage du portail jusqu’aux enfers te soit plus supportable, surtout du point de vue de la séparation avec Tÿas. Pour cela, je veux que tu te détendes et que tu penses à quelque chose de positif. Une fois aux Enfers, l’illusion s’évanouira et ça te fera surement un choc auquel je veux que tu te prépares dès maintenant. Tu seras désorienté et tu souffriras surement beaucoup. Mais il faudra impérativement que tu reprennes le dessus sur tes émotions avant d’être allé trop profondément dans les abysses de l’Enfer, sans quoi tu te retrouvais coinsé pour l’éternité. Tu es prêt ? »
Je hochais positivement la tête. Et c’était un mensonge. Bien sûr que je ne l’étais pas.
Comment l’aurais-je pu ? Qui est préparé pour cela ?
Néanmoins, personne ne sembla remarquer mon trouble, ou peut-être ont-ils eux aussi fait semblant de ne pas voir, fait semblant d’y croire. Et je ne sais pas si cette idée me rassurait ou au contraire m’angoissait.
« Bien. Alors bois ceci et allonge toi. »
Il me tendit un verre contenant un liquide assez épais at translucide, possédant une légère coloration pourpre. Je regardais cette substance à la texture étrange avant de me décider à l’avaler. Je me couchais en suite à même le sol, comme il me l’avait demandé et sombrait dans l’inconscience avant même d’avoir pu sentir le gout acre de la boisson sur ma langue.
L’espace d’un instant, tout était sombre autour de moi, puis des taches de couleurs commencèrent à se matérialiser, se fondant entre elles, comme de l’encre tombant dans de l’eau, formant de douces volutes qui finirent par former des arbres vert brillant, un ciel bleu éclatant et un soleil lumineux. Le cadre était idyllique, je pourrais m’y plaire et y rester, c’est une bonne idée. Une silhouette se matérialisa et vint s’assoir à mes côtés, sous un vieux chêne liège. Je ne savais pas de qui il s’agissait mais j’eu le besoin inexplicable de lui sourire, c’était beau et j’étais bien.
La jeune femme assise à mes côtés me sourit en retour et elle sorti un livre de son sac en cuir, commençant silencieusement la lecture, un chat ronronnant paisiblement perché sur une branche de l’arbre au-dessus de nous. Les oiseaux chantaient gaiement, c’était beau et j’étais bien.
Une légère brise s’installa, portant jusqu’à nous les embruns du parfum des fleurs alentour, faisant doucement voler mes boucles brunes. J’inspirais à pleins poumons toutes ses odeurs, ni moi ni la jeune femme ne parlions, nous n’en ressentions pas le besoin, c’était beau et j’étais bien.
Puis la brise forcit, le vent devint comme menaçant, les oiseaux bâtirent des ailes, s’envolant loin d’ici, un lapin blanc se faufila dans un terrier, terrifié, le chat feula et cracha, ouvrant une gueule pleine de dents, comme un trou béant. La jeune fille à mes côtés s’évanouit dans cette immensité, ne laissant derrière elle que son livre aux pages ouvertes, volant au grès du vent maintenant violent. Le ciel était assombri de nuages noirs et toute la paix du lieu semblait avoir disparu en un claquement de doigt. Je ramassais le livre, et voulus de nouveau m’adosser au vieil arbre au large tronc mais à la place de cela, je ne fis que dégringoler dans le noir, tourbillonnant sur moi-même dans une chute qui semblait sans fin. Puis je posais les yeux sur la couverture du livre et je pu avec peine en lire le titre dans l’obscurité ambiante : Alice au pays des merveilles.
Je compris alors, ceci n’est qu’un rêve, il ne faut pas que je panique, ma chute ne me tuera pas, elle ne fera que me réveiller, ça doit être parce que Nolahn m’a descendu aux Enfers, voilà pourquoi je chutais. Et cette simple idée suffit à me faire paniquer, vraiment. Saisis d’une immense terreur, je clos mes paupières le plus fort que je pouvais, comme si ce simple geste pouvait me prémunir de ce qui allait inéluctablement arriver.
Et quand je les ouvris de nouveau, j’étais aux cotés de Nolahn, dans un endroit inconnu et un hurlement atroce me déchira les entrailles tandis que ma vision se flouta. La marque sur ma hanche me brûla, irradiant mon corps de douleur et tout au fond de moi, comme un écho lointain, je perçus que Tÿas était traversé d’une douleur jumelle. Je m’en voulu à ce moment-là de lui infliger cela. Il ne savait surement pas à quoi s’attendre -comme aucun d’entre nous- quand il a accepté de m’aider. Si faible soit-il, je ressentais le lien qui nous unissait désormais, même si c’était à cause de la douleur, et cela me donna la force d’avancer, de me relever pour achever ce que j’avais à faire, pour Tÿas, et surtout, pour Orphée.
Quand ma vue se stabilisa, je reconnu le décor de ma chambre d’internat.
Qu’est-ce que je fais là ?
Nolahn arriva à mes côtés en souriant. Tout était si semblable à la fois où il m’avait annoncé être Pan, à la seule différence que je n’avais pas d’entaille au poignet ou de marque à la hanche.
Comment est-ce possible ?
Je soulevais le bas de mon sweat pour découvrir ma peau propre et lisse, comme si tout cela n’avait jamais existé.
Nolahn fronça les sourcils et demanda :
« Tout va bien ? Tu as crié dans ton sommeil, je crois que tu faisais un cauchemar. »
Un cauchemar ? Non, à moins que… Et si c’était le cas, juste un cauchemar étrange ?
« Où est Orphée ? » M’informais-je, ne comprenant pas ce qu’il m’arrivait.
« Et bien il est dans sa chambre je suppose, tu passes beaucoup de temps avec lui dernièrement non ? »
« Je… Oui ? C’est un bon ami, ou quelque chose du genre. »
« C’est bizarre qu’un élève arrive comme ça à quatre mois de la fin de l’année. »
Quoi ? C’est quoi ce bordel ? Je ne comprends rien !
« Tu peux m’amener à sa chambre s’il te plait ? »
« Mais Mahé, tu n’as pas besoin de moi pour y aller. »
« S’il te plait. » Suppliais-je sachant que je serais incapable de m’y rendre seul, ignorant son emplacement.
« T’es vraiment chiant comme frère, parfois j’aurais préféré ne jamais te rencontrer. »
Ses mots étaient dits avec haine et dégouts, sans une once de plaisanterie. Et même si je ne dis rien, ils me blessèrent.
Une fois seul devant la porte de ce que l’on m’avait indiqué comme la chambre d’Orphée, j’hésitais encore à frapper. Peut-être que tout ce dont je me rappelé n’est jamais advenu…
Puis prenant mon courage à deux mains, je frappais contre le battant de bois et Orphée mouvrait. Pourtant, tandis que je lui offrais mon plus beau sourire, il se contenta de me dire dédaigneusement :
« Encore toi… Je croyais pourtant t’avoir dit que je ne voulais plus te voir. »
« Mais... » Tentais-je piteusement.
« Y’a pas de mais, tu dégages, je veux plus te voir, d’ailleurs tu ferais aussi bien de mourir, personne ne veut de toi, tu n’es qu’un fardeau. C’est de ta faute si ton père s’est barré, il ne supportait plus de te voir. Et ce faisant, tu as privé tes frère et sœur d’un père aimant et dévoué. Tu es égoïste et minable. C’est de ta faute aussi si je suis obligé de vivre parmi les hommes. »
Ses mots me percèrent le cœur, comme une lance effilée.
Alors comme cela, tout n’était qu’un rêve, un stupide rêve pour échapper à un quotidien où je n’avais pas ma place ?
Je ne voulais pas le croire mais au fond de moi, je me faisais doucement à l’idée que rien de ce que je croyais avoir vécu ‘était vrai.
Je reparti vers ma chambre les larmes aux yeux quand je croissais Alphy’, Adryen et Lyës au détour d’un couloir. Je voulu m’avancer vers eux mais ils me jetèrent eux aussi des regards noirs, m’intimant de passer mon chemin.
« Ah na mais je rêve, cet idiot a cru qu’on allait l’intégrer dans notre groupe, mais quel bougre ! » Se moqua sournoisement Alphonse.
« Il est vraiment bête, je vous l’avais dit. » Rit à son tour Adryen.
« Et puis il laisse toujours tout tomber à la première difficulté, abandonnant ses amis. Même si nous ne l’avons jamais considéré comme tel. » Assena Lyës comme un dernier coup de couteau dans le cœur.
Et tandis que je me perdais dans mes plus grandes craintes, l’humiliation, le rejet et l’isolement, une voix lointaine tentait de me raisonner, de ma montrer que cela n’était qu’une illusion, mais l’esprit brouillé par la tristesse, je ne l’écoutais guère.
Je retournais dans ma chambre, m’asseyant devant mon miroir pour contempler ma solitude. Et la voix se fit plus insistante, hurlant au fin fond de mon esprit que je devais briser l’illusion et rejoindre Nolahn qui m’attendait. Mais je savais que Nolahn ne m’attendait pas, tout cela était simplement le fruit des élucubrations de mon esprit torturé et de mon cœur brisé. Alors la voix se fit plus insistante, me murmurant avec force de ne pas croire à tout cela.
Alors je mis mes mains dans mes poches, en secouant la tête dans l’espoir de faire fuir cette voix mais quelque chose de froid contre ma main me fit lever le regard de mon reflet. Je sorti la main de ma poche tenant quelque chose entre les doigts, du moins la sensation était présente car en posant le regard sur ma main, je constatais avec effarement qu’elle était vide. Mais mon reflet lui, tenait bel et bien quelque chose.
Une boule à neige.
Je mis quelques secondes avant de me rappeler des paroles que m’avait dite Tÿas : ‘’ Les enfers sont une imitation casi parfaite de notre monde -si bien qu’on en oublie où on se trouve- cherchant à vous rendre fous.‘’
Alors je me levais, sans réellement réfléchir d’avantage, comprenant que ce miroir était le reflet de la réalité, comme une fenêtre sur ce qui est vrai dans ce monde fait de toute pièce à partir de mes peurs, et je traversais le miroir. Il vola en éclats, me blessant au passage. J’atterris en un fracas dans une nouvelle dimension, la vraie, où Nolahn attendait désespérément que je revienne à moi.
J’avais enfin compris le rôle de cet objet que m’avait dit d’emporter Tÿas et pourquoi je devais être le seul à le connaitre. C’est pour que je sache quand je suis dans une illusion de l’enfer car si parfaites peuvent elle être, cet objet, je suis seul à connaitre son existence et jamais il ne sera recréé dans ses illusions tant que je garde son existence secrète. Je rangeais donc discrètement la boule à neige dans ma poche.
« Dieu merci Mahé tu es enfin réveillé. J’ai cru que la douleur causée par l’élongation de ton lien avec Tÿas avait eu raison de toi. » Souffla mon frère, visiblement soulagé que je ne sois pas encore mort.
Et en voyant l’inquiétude peinte sur son visage, je me demandais comment j’avais pu croire une seule seconde qu’il ait pu penser ce qu’il m’avait dit dans ma vision horrifique de tantôt.
« Aller, lève-toi frérot, on a rendez-vous avec Satan en personne et au plus vite on le trouve, au plus vite on quitte cet endroit. »
Il m’aida à me lever et nous nous miment en route, dans les dédales de souvenirs effrayants de de phobies angoissantes qui formaient celui de douleur et perdition. Nolahn m’enjoint bien de ne rien toucher, de peur que je ne sois de nouveau happé dans une illusion.
Je fis ce qu’il me dit, n’ayant aucune envie de ressentir cette douleur et ce vide émotionnel qui m’avait assailli un peu plus tôt.
Nous marchons en silence pendant ce qui me parut être des heures, à moins que ce ne soit des mois où des années, je n’en savais rien, toute notion du temps m’avait déserté et plus nous avancions, pire cela devenait.
Akihiko m’avait prévenu que cela risquait d’arriver, il m’avait aussi dit que le temps en enfer ne suivait aucune loi et que pour cela il faudrait que je sois vigilant et que je ne me laisse pas berner par les impressions. Et que si tout se passait sans encombre, cela ne durerait à peine quelques heures dans la réalité.
La silhouette d’un immense palais se dessina face à nous et Nolahn m’informa avec soulagement que c’est là-bas que nous nous rendions. J’accélérais alors le pas mais plus nous avancions, plus le palais semblait lointain, à en devenir fou. Mais je continuais de m’accrocher et d’y croire et au bout d’un moment, nous fûmes à ses portes.
Nolahn passa devant moi, le pas un peu lourd, comme bourru, exténué, et se saisit d’une dague qui se trouvait sur la margelle d’une petite cuve en pierre noire. Il prit la lame dans sa paume et y laissa une entaille profonde, puis fit couler quelques gouttes de sang dans l’eau que contenait le petit bassin. Alors la porte, lourde et imposante, s’ouvrit, sans faire un bruit ce qui semblait un peu trop irréel.
Nolahn me fit signe d’avancer, me suivant de près. Et dès que nous fûmes au sein de ce palais, toute la pesanteur et la lourdeur de l’air sembla s’évanouir. Le couloir dans lequel nous marchions déboucha sur une coure intérieur, au centre de laquelle se trouvait un bassin où nageaient quelques carpes koï au milieu de nénuphars fleurit, autour duquel paradait tranquillement un paon. Et tout cela ne collait pas avec l’image que l’on se faisait de la demeure de Satan pourtant, c’est bien lui qui vint nous accueillir, en peignoir de bain avec une pomme pot’ à la main.
« Ah, vous voilà enfin, je commençais à m’impatienter. »
Mais c’est quoi encore ce délire ?
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J'aime beaucoup ce chapitre, pourtant, j'ai eu beaucoup de mal à l'écrire.
Avec amour et dévotion,
ParadoxalementParadoxale.
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