Chapitre 17 : Je sais ce que tu caches.

J’avais été contraint par ma mère de quitter mon petit appartement pour rejoindre l’internat. Et au prochain faux pas, je recommençais les séances hebdomadaires chez un psychologue, chose que je voulais à tout prix éviter. C’est pourquoi je passais un peu moins de temps à aider Lyës et le reste du groupe dans la recherche d’un procédé d’initiation et d’acceptation pour notre futur clan et un peu plus de temps en cours. Orphée avait compris que si je me retrouvais à l’internat c’était à cause de lui et il ne faisait que s’excuser, mais je ne lui en voulais pas. Pas plus qu’à ma mère qui voulait seulement me protéger et à qui j’avais donné par le passé toutes les raisons du monde de ne plus me faire confiance. Pourtant, si elle voulait me protéger, elle ne pouvait pas s’y prendre plus mal. En effet, en me contraignant à vivre à l’internat, là où les brimades étaient fréquentes, que ce soit pour rire ou non, me replongeait dans mes vieux démons, me rappelant pourquoi j’avais commencé à me détruire la santé à grand renfort de drogue à la fin de mes années collège, fuyant une réalité que je ne pouvais plus supporter en enchainant soirées sur soirées, avec des personnes que très peu fréquentables qui avaient tout de suite vu en moi une proie facile à cerner et à faire tomber dans les abysses de l’addiction, j’étais allé jusqu’à fuguer, errant solitaire et perdu pendant près d’un mois, vendant, un soir de débauche, ma virginité et surtout ma dignité au plus offrant, qui, en y repensant ne l’était pas tellement, si bien que dès que son coup fut tiré, il me chassa, me laissent rentrer chez moi, brisé, meurtri jusque dans ma chair et en larmes, poussant ma mère, qui était morte d’inquiétude en voyant mon état mais aussi soulagée de me retrouver, à prendre des mesures drastiques concernant mon avenir, durcissant mon éducation déjà fort sévère pour s’assurer de ne plus me voir récidiver dans de telles extrêmes. Mais j’avais compris par moi-même, ce pan de ma vie, si douloureux soit-il, m’avait permis d’avancer, de comprendre certaines choses essentielles, comme le besoin puissant et permanant d’amour que l’on pouvait ressentir quand tout semblait se casser la gueule autour de nous. L’amour et la famille sont des points de repère qu’il ne faut jamais égarer, ils sont le phare nous guidant sur la mère houleuse de la vie, pour ne pas sombrer dans les méandres de l’existence, seuls et désabusés. Je crois que présentement, quotidiennement, le phare le plus brillant de ma vie est Orphée, c’est lui qui me motive à avancer, à garder la tête hors de l’eau, prendre le dessus sur les vagues dévastatrices qui cherchent par tous les moyens à me fracasser contre les rochers aiguisés de mon passé que je tente de laisser derrière moi mais sur lesquels je suis perpétuellement repoussé, comme par un châtiment divin.

« Mahé ? » La voix douce au timbre clair d’Orphée me tira de mes pensées.

Je tournais la tête vers lui, le regard interrogateur.

« Je voulais juste te demander si tu allais bien, tu es bizarre en ce moment, distant. » Il se grata la nuque, comme gêné puis continua « Tu es tout le temps dans tes pensées et je les entends plus, ‘fin si, je les entends mais tout est confus. »

« Ouais, comme tu le dis, tout est confus. Je… Je suis perdu entre mon passé et le présent, comme rattrapé par le passé, dégouté du présent et effrayé de l’avenir, c’est étrange comme sentiment, comme si je n’avais plus ma place ici, ni nulle part ailleurs. »

Je senti la main d’Orphée passer dans mes cheveux, puis sur ma nuque et enfin mes épaules, s’échouant sur mes clavicules, répandant une douce chaleur en moi.

« Je ne peux rien pour change ton passé mais je peux t’aider à accepter le présent, ne plus en être dégouté, te le rendre agréable, et te montrer comment faire face au futur, ne plus l’appréhender avec méfiance. »

Je senti les muscles de mon dos se détendre sous ses caresses, puis ses lèvres se poser sur ma nuque, traçant une ligne de baiser dans mon cou. C’est vrai que de cette manière, il arrive très bien à rendre le présent agréable. Je lâchais un soupir discret avant de poser ma tête sur son épaule.

« Comment tu as été au courant de mon passé ? » M’enquis-je soudain, curieux de savoir.

« Je me suis renseigné, je voulais apprendre à mieux te connaitre. »

« Mais tu t’es renseigné auprès de qui, personne ne sait cela a part ma famille et encore, ils n’ont pas tous les détails, certaines choses étaient trop dégradantes, trop honteuses pour que je leur dise. »

« J’ai demandé à personne, j’ai lu en toi, c’est tout. »

« Tu n’avais pas le droit de faire ça. » Me renfrognais-je, m’écartant de lui.

« Je sais. » Confessa-t-il en me rattrapant par le bras, me recollant à lui durement. « Et c’est parce que je redoutais ta réaction que je ne t’ai jamais rien dit. Tu me pardonne ? »

« Tu m’énerve Orphée, j’espère que tu le sais ça. » Dis-je seulement, incapable de lui en vouloir car comme je l’ai dit plus tôt, aujourd’hui, c’est lui mon point d’encrage et je redoute par-dessus tout de le perdre. Je me demande encore comment il a pu prendre autant d’importance en si peu de temps. C’est irréel.

La sonnerie de mon téléphone me fit sursauter. Je me levais pour aller le chercher dans la poche de ma veste, décrochant sans même regarder le numéro.

« Allo ? »

Seule une respiration lourde me répondit. Fronçant mes sourcils je réitérais mon ‘’Allo‘’, un peu plus fort cette fois-ci.

« Mahé, quel plaisir de t’entendre. » Susurra une voix inconnue aux intonations caverneuses.

« Qui est-ce ? » demandais-je, incertain.

« Tu le saura bien assez tôt. » souffla mon correspondant une certaine malice se ressentant dans ses mots.

« Je… Je suis désolé, vous devez vous tromper de numéro, je vais raccrocher maintenant. » Essayais-je piteusement, pourtant conscient qu’il m’avait appelé par mon prénom et que par conséquent il savait très bien à qui il s’adressait.

Au moment où, après un léger silence, j’allais raccrocher, il ajouta :

« Je ne ferais pas ça si j’étais toi. »

Mon pouce resta en suspend au-dessus de la touche rouge.

« Et pourquoi ? » Articulais-je difficilement.

« Parce que je sais des choses. »

« Quel genre de choses ? »

« Le genre qui peut détruire une réputation, et même une vie. »

« Qu’est-ce que vous voulez ? » Questionnais-je, agressif.

« C’est simple, je veux que tu disparaisses. Tu es damné, condamné et je sais ce que tu caches. »

« J’ai peur de ne pas comprendre. »

« Le déchu. Il n’a rien à faire ici et c’est toi qui l’a amené, voilà pourquoi tu as été damné. Maintenant il est de mon devoir de vous chasser, vous n’êtes plus les bienvenus dans ce monde, il vous faut descendre. »

Par descendre, je comprends qu’il entend rejoindre un quelconque enfer.

C’est quoi encore ce malade, comme si je n’avais pas assez de problèmes en ce moment !

« Je vous ai à l’œil, j’ai déjà failli réussir à vous écarter avec quelques joints mais cela n’a pas suffi, la prochaine fois je frapperais plus fort, tenez-vous prêts. »

Un bip sonore répétitif me fit prendre conscience qu’il avait raccroché.

Voyant mon regard perdu, Orphée s’avança vers moi et posa une main sur ma joue.

« Qui était-ce ? »

« J’en ai aucune idée mais cette personne ne nous veux pas du bien c’est certain. »

« Encore des menaces ? »

« Plus ou moins. C’est de sa faute si l’histoire du cannabis s’est sue. Je crois même que c’est lui qui te l’a fourni. Tu te rappelles du visage de celui à qui tu l’a acheté ? »

« Pas le moins du monde, pour dire vrai, je ne l’ai qu’entre aperçut, sa capuche le masquant presque entièrement. »

« Merde. Il faut qu’on retrouve ce mec. »

« Mahé, petit chat, ne te prend pas la tête avec ça, des bouffons comme ça il y en a partout. »

« Non, tu ne comprends pas, il sait ce que tu es, il sait que j’ai été damné, il sait tout. Et quand je dis tout c’est tout. »

« Un émissaire. »

« Quoi ? »

« C’est un émissaire, il est chargé de ramener les âmes à son créateur. »

« Dieu ? »

« Non, le diable. Il veut que nous descendions avec lui car je suis déchu et tu es damné. »

« En gros son job est de choper tous ceux qui ne sont pas à leur place sur terre et de les y conduire ? »

« Oui, plus ou moins sauf que les émissaires sont prêts à tout pour arriver à leur fin, et plus ils font de mal mieux c’est, ils se repaissent des émotions négatives des damnés qu’ils renvoient en bas. Enfin théoriquement, ils ne prennent pas parti pourtant en réalité on distingue deux types d’émissaires, les émissaires de dieu et les émissaires du diable. Les premiers sont chargés d’emmener les âmes perdues au paradis après leur mort, les secondes, de rechercher les âmes errantes promises aux seigneurs des enfer. Mais que ce soit les uns ou les autres, ils se repaissent de leur haine contre la race humaine, ils aspirent tous les mauvais sentiments hors du corps mais ne crois pas que ce faisant ils laissent que du bon en chaque individu non, ils laissent des êtres meurtri, vidés, la seule chose qui peut soigner quelqu’un après sa rencontre avec un émissaire, c’est le baiser d’un ange, autrement dit chose que l’on ne peut trouver en enfer ; c’est en partie pour ça que l’enfer est si terrible. Parce qu’avant d’y aller, on est déjà en vrac. »

« Il faut que l’on sache qui c’est. »

« Non, il faut que tu comprennes, c’est une créature très dangereuse, il ne faut surtout pas que tu l’approches. Il a dû trouver ma trace quand je t’ai remis mon talisman de protection. »

« Je t’avais dit de le garder ! » M’exclamais-je en retirant le collier.

« Non, garde-le, je maintiens ce que j’ai dit, tu en as plus besoin que moi. De plus, maintenant qu’ils ont retrouvé ma trace il ne serait d’aucune utilité. »

« Tu es sûr ? »

« Absolument. »

Je remis le collier autour de mon cou, posant ma main dessus, quelque part soulagé qu’il me le laisse.

« Mahé tu dois me promettre que tu n’essayeras pas de trouver de qui il s’agit et que tu restes le plus loin possible de ces histoires. »

« Mais oui, pourquoi tu t’inquiètes ! »

Il se rapprocha de moi, passant son bras autour de mes épaules, et son visage dans mon cou.

« Parce que. Si tu venais à disparaitre, je ne pourrais plus apprécier ton visage endormis le matin, sentir ta chaleur contre moi, ton souffle résonnant comme un merveilleux chant à mes oreilles et surtout je ne pourrais plus me plonger dans ton magnifique regard ambré duquel je discerne maintenant toutes les nuances. »

« Oh mon dieu, Orphée je crois que j’ai compris ! »

« Compris quoi ? »

« Tu sais, le truc des couleurs, que tu deviens peu à peu humain et tout, je crois que c’est depuis que tu m’as passé ce collier, il te protégeait, il t’empêchait de devenir… humain. »

« C’est possible, mais… »

« C’est pour cela qu’il faut que je te le rende. »

« Non Mahé. »

« Si, écoutes… »

« J’ai dit non ! »

Son haussement de ton me fis sursauter.

« Hey ne me crie pas dessus ! »

« Pardon bébé, je ne voulais pas, c’est juste que… »

Bébé ? Il y a réellement quelque chose qui cloche entre nous, ce jeu de séduction perpétuel est malsain. Vraiment.

« Je me fais du souci pour toi, je te l’ai déjà dit mais peut-être que si je devenais humain, ceux responsables de ma déchéance cesseraient d’être une menace pour toi, il n’y aurait plus que le problème de l’émissaire et de ta marque, si on supprime la marque on supprime l’émissaire, l’important pour l’instant est donc de se débarrasser de la marque, ainsi tu ne serais plus en danger et tout sera réglé, tout sera réglé à l’instant même où tu ne seras plus en danger. »

« Non, rien ne sera réglé, Orphée selon ton plan, tu finirais humain. »

« Et alors ? »

« Alors j’ai promis de t’aider à récupérer tes ailes, pas de me mettre en danger pour que tu sois obligé de me protéger et donc de me filer ce collier puis que tu deviennes humain, perdant tout ce à quoi tu aspires à cause de moi, le type minable qui avait cru pouvoir t’aider dans une quête qui me dépasse entièrement, faisant de moi un poids mort, même pire encore, une cible facile pour tous ceux qui veulent t’atteindre. » Expliquais-je, finissant essoufflé à la fin de ma tirade.

« Tu avais enfin arrêté de toujours de dénigrer, tu ne vas pas recommencer. Ma priorité maintenant n’est plus de retrouver quelque chose que j’ai perdu mais de préserver ce que j’ai acquis. Ce ne sont plus mais ailes qui m’importent et que je souhaite avoir auprès de moi, le plus important pour moi aujourd’hui, c’est toi. Je pensais que tu l’aurais remarqué. »

Ma mâchoire se décrocha choqué par ce qu’il venait de dire. Comment pouvait-il penser que j’étais plus important que sa rédemption, cela n’a pas de sens.

Et si ce n’était finalement plus un simple jeu de séduction ?

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Voilà le chapitre 17. Que je devais publier hier... mais j'ai comme qui dirait oublié. Oups 🙊😶

Prochain update : demain ^^

Avec amour et dévotion,

ParadoxalementParadoxale.

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