La fuite

Richard détestait ces réceptions mais il adopta un sourire de convenance. Cependant, il craignait de recevoir des remarques désobligeantes au sujet de l'incident du Red's. Comme convenu, il ignora Sean mais il ne put aborder Lady Swinsdale qu'une heure et demie après son arrivée. Il salua galamment l'hôtesse de la soirée :

— Lady Swinsdale. Vos réceptions sont toujours aussi fastueuses.

— Et vous les détestez, Lord Mabelthorpe. Richard, je vous conjure d'être prudent. Le marquis de Glaslyn peut être imprévisible. J'ai trouvé certains de mes invités très nerveux. J'en ai informé notre ami commun. Invitez-moi à danser à présent.

— Hum...vous croyez ?

— Chercheriez-vous toujours une prétendante ?

— Pas vraiment.

— Vous avez bien raison. Allons, venez.

Richard suivit la veuve au milieu de la foule. Il nota quelques regards désobligeants mais ne s'en formalisa pas. Tandis qu'ils évoluaient avec grâce, Lady Swinsdale poursuivit leur conversation, comme s'ils n'étaient pas entourés de dizaines de personnes.

— Notre ami a toute ma confiance. Ne le craignez pas.

— Je ne...

— Vous avez peur de lui.

— Non !

— Je dois vous remercier pour la prévenance dont vous avez fait preuve avec l'un de mes protégés. Oh, bien entendu David ignore votre nom mais lorsqu'il m'a décrit l'homme avec lequel il avait passé quelques heures, j'ai tout de suite pensé à vous. Cessez de rougir, Richard ! Oui, je connais vos inclinations. Et je m'en moque éperdument. Il se trouve que David sera votre allié contre Lord Bradenham.

— Oh ! Serait-ce celui dont...dont...

— Dont notre ami commun vous a parlé, oui. Il fera un brillant avocat, je n'en doute pas. Quant à vous, je crains fort qu'il vous soit nécessaire d'envisager une retraite loin de Londres.

— Je dois me marier pour perpétuer mon nom.

— Vous ne le souhaitez pas. Votre âme est pure, Richard. Vous refuserez de faire le malheur d'une femme. N'oubliez pas que votre frère pourra fort bien s'acquitter de cette tâche. Et, tant que cette maudite affaire n'est pas terminée, votre place n'est plus ici. Je pense également que vous devriez songer à votre propre bonheur et à votre avenir.

— Vous suggérez que...

— J'ai cru comprendre que les vallées irlandaises sont des plus charmantes.

La danse prit fin et Richard dévisagea Lady Swinsdale avec stupéfaction. Décidemment, il allait de surprise en surprise. Jamais il n'aurait songé à fuir. Est-ce cela que Kilkavran avait prévu ? Quitter Londres pour se rendre dans un endroit perdu d'Irlande ? à bien y réfléchir, l'idée n'était pas si mauvaise. Sa famille en sécurité, il devait également songer à sa survie.

Richard offrit un rafraichissement à son hôtesse et contempla la salle de bal. Il n'avait jamais aimé le monde dans lequel il évoluait. Il observa un groupe de quatre jeunes femmes, des débutantes, qui se pâmaient devant les deux fils d'un comte. Richard les connaissait. Les deux garçons accumulaient de nombreuses dettes de jeu, fréquentaient les bordels les plus sordides avec assiduité et espéraient réussir un beau mariage pour sauver leurs finances.

Tout à coup, un murmure parcourut la salle. Plusieurs personnes se mirent à chuchoter entre elles. Le duc remarqua que de nombreux regards étaient posés sur lui. Dieu du ciel, que se passait-il encore ?

Sean apparut alors devant lui :

— Sortez par l'arrière de la maison, immédiatement !

— Que se passe-t-il ?

— Je vous expliquerai plus tard. Nous devons fuir.

Fuir ? Richard détailla l'Irlandais avec attention. Il était tendu, crispé. Alors, sans plus poser de questions, il obéit. Il se rappela les consignes que Sean lui avait détaillées un peu avant son départ. Quitter la demeure par la porte de service avec un domestique et rejoindre le fiacre qui les attendait quelques rues plus loin. Simple, en apparence.

Lorsqu'il se retrouva sur le trottoir, le jeune homme jeta un coup d'œil derrière lui. L'Irlandais était censé le rejoindre. Pourquoi était-il en retard ?

Enfin, il apparut, essoufflé.

— Vite !

Ils se mirent à courir mais un homme sorti de nulle part agrippa Sean par le bras. Horrifié, Richard découvrit qu'il pointait un couteau vers la gorge de l'Irlandais. Sans réfléchir, le duc se précipita vers l'assaillant. Il le bouscula et l'assomma d'un coup de poing bien placé.

Puis, il entraîna Sean vers leur fiacre.

Lorsqu'ils furent en sécurité dans le véhicule, Richard poussa un profond soupir en se tournant vers son compagnon de voyage :

— Je n'imaginais pas une telle fin de soirée ! Vous n'êtes pas blessé ?

— Non, grâce à vous.

— Nous partons en Irlande, n'est-ce pas ? Lady Swinsdale m'a fait quelques confidences...

— J'ai songé que c'était le mieux. Je dispose de nombreux soutiens là-bas. Ne vous inquiétez pas, mes domestiques ont amené plusieurs malles de Berkeley Street. Je me doutais que cette réception serait dangereuse.

— Que s'est-il passé ?

— Quelqu'un a annoncé que la comtesse de Talsarm, une ancienne dame de compagnie de la Reine Victoria, et grande amie de votre mère, a été retrouvée assassinée dans sa demeure de Kensington. Je vous laisse deviner qui est suspecté de ce meurtre.

— Ce n'est quand même pas moi ?

— Quatre domestiques ont tous, séparément, décris un homme qu'ils ont vu s'enfuir de la propriété. Le portrait qu'ils ont dressé ont conduit la police à vous incriminer. Vous rendiez souvent visite à la comtesse avec Lady Catherine. Son personnel vous connaissait bien. La seule personne qui puisse vous innocenter, c'est moi.

— Mais fuir, c'est comme avouer ce crime, non ?

— Certains ne réfléchiront pas et vous condamneront, c'est évident. Cependant, la plupart de vos connaissances risquent de remettre en doute les soupçons qui pèsent sur vous.

— Je ne vois pas comment.

— Richard, tout le monde sait que vous détestez la violence. Être complice de vols et assassiner une dame respectable, que vous appréciez si j'en crois mes sources, cela fait beaucoup pour un homme comme vous. Lord Brandenham est allé trop loin. Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, j'ai demandé au cocher de nous mener le plus loin possible de Londres. Ensuite, nous changerons de véhicule. Nous ne dormirons pas à l'auberge cette nuit. En attendant, si vous avez des questions, j'ai tout le temps pour y répondre...

Richard toussota. Il y avait un premier point à éclaircir :

— Lady Swinsdale m'a parlé de ce jeune avocat. Hum...

— David.

— Oui. Et, hum...elle...

— Elle sait. Pour lui, vous et moi. Lady Swinsdale a toujours aimé bouleverser l'étiquette. Elle compte de nombreux originaux dans son cercle d'amis. Et elle tient plus que tout à protéger les hommes comme nous.

— Pourquoi ? Elle risque beaucoup si cela s'apprenait.

— L'un de ses fils s'est pendu il y a cinq ans. C'était un inverti.

— Oh mon dieu, je ne savais pas. 

 — Elle l'ignorait. C'est l'un de ses amants qui lui a écrit une lettre pour l'informer. Lady Swinsdale s'est estimée responsable. Elle a souhaité apporter son aide discrète à d'autres hommes.

— Mais comment a-t-elle fait ?

— En ouvrant Harrigton Gardens par exemple.


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Oups, Richard et Sean sont contraints de fuir...


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