Chantage
L'homme qui l'avait interpellé le dévisageait d'un air moqueur. Richard remarqua qu'il portait des habits de bonne facture. À sa posture, le Duc comprit que cet inconnu n'appartenait pas à la classe des travailleurs. Était-ce un gentleman ? Un avocat ? Se pouvait-il qu'il soit noble lui-aussi ?
Et s'il s'agissait de l'un des membres de cette bande d'Irlandais ?
Richard tenta de retrouver une contenance et s'adressa à son interlocuteur avec froideur :
— Je ne vois pas du tout de quoi vous voulez parler. Par ailleurs, puis-je avoir l'honneur de connaitre votre nom ?
— Mais certainement, Mylord. Je suis Sean Kilkavran, le fils aîné du Comte de Rosscahill.
— Je ne connais aucun Comte de Rosscahill.
— Mon père ne vient jamais à Londres.
— Dans ce cas, pourquoi vous croirais-je ?
— Mentionnez le nom de mon père à votre cher ami Oswald Bradenham.
— Oswal n'est pas mon ami ! Maintenant, veuillez me laisser tranquille je vous prie. Je n'ai que faire de vos divagations.
— Mes divagations, vraiment ? Nierez-vous être un client régulier de ce...club ?
— Si c'est de l'argent que vous voulez, je regrette, je n'en ai pas sur moi.
— Je me moque de votre argent, Mabelthorpe.
— Alors pourquoi êtes-vous ici ?
— Je pourrais avoir oublié de vous avoir vu dans ce quartier. Mais à une condition. J'exige que vous m'aidiez à mener à bien un projet qui me tient à cœur.
— Et si je refuse ?
— Je pourrais me rendre au Red's et dévoiler, accidentellement, que le tout nouveau Duc de Lymington participe à d'étranges réceptions organisées dans un charmant hôtel particulier de Harrington Gardens. Les langues se délient facilement, Mylord. Vos ennemis seront ravis d'avoir de quoi détruire votre excellente réputation. Vous savez Richard, je n'ai rien contre vous en réalité. Mais, pour votre malheur vous fréquentez les mauvaises personnes.
Richard n'aimait pas du tout la manière dont ce Sean Kilkavran lui parlait. Et il était coincé. Ce salopard d'Irlandais avait toutes les cartes en main pour lui pourrir la vie. Le Duc n'en doutait pas une seule seconde : l'homme faisait partie de cette bande évoquée la veille par Lord Bradenham.
Richard s'entendit accepter, bien malgré lui, une entrevue le lendemain matin non loin de Hyde Park. Avait-il seulement le choix ?
Lors de la visite de Lord Bradenham et de son épouse en fin de journée, le jeune homme prétexta un malencontreux mal de tête pour justifier son manque d'enthousiasme et de participation aux conversations.
Puis, lorsque le marquis de Glaslyn fut parti, Richard se retira dans ses appartements sous le regard déconcerté de sa mère. Il dormit peu, ressassant sans arrêt les paroles de Sean Kilkavran.
Le lendemain matin, c'est avec une certaine appréhension qu'il rejoignit l'Irlandais. Ils se saluèrent comme deux parfaits gentlemen puis, entamèrent une marche lente dans les allées du parc.
— J'apprécie votre ponctualité Richard.
— Cessez de m'appeler par mon prénom ! Je ne vous connais pas. Que voulez-vous ?
— Lord Bradenham et son père ont ruiné les miens. Ils ont tué ma mère et salit la réputation de notre famille.
— Vous m'en voyez sincèrement navré mais je n'y suis pour rien ! Attendez...
Richard s'arrêta pour dévisager son vis-à-vis. Il avait sans doute mal entendu. Oswald ne pouvait être...un meurtrier ?
Sean Kilkavran observa le Duc d'un air narquois et ricana :
— Les apparences sont trompeuses, très cher. N'en êtes-vous pas un exemple parfait ? Si vous doutez de ma parole, je peux vous fournir le rapport qui détaille les circonstances de la mort de ma mère. Si votre ami et son père ont échappé à la justice, c'est grâce à leur fortune et la corruption. Je suis parvenu à rassembler toutes les preuves nécessaires pour les faire tomber. Et c'est là que vous intervenez. La parole d'un Duc vaut bien plus que celle d'un illustre inconnu.
— Vous...vous me demandez de livrer le marquis de Glaslyn à Scotland Yard ?
— En effet. Je vous laisse deux semaines. Sinon, je crains que de désagréables rumeurs ne commencent à circuler à votre sujet.
— Je ne cèderai pas à cet ignoble chantage !
— Seriez-vous donc prêt à ruiner l'avenir de vos sœurs, Richard ?
— Je...
— Nous discuterons des modalités dans trois jours. Je vous ferai parvenir un billet fixant notre prochain rendez-vous.
— Un instant. Je dois savoir. Vous...vous faites partie de cette odieuse bande n'est-ce pas ?
— Ai-je l'air d'un criminel ? Je peux cependant m'assurer qu'il ne vous arrive rien.
— Uniquement si j'accepte de vous aider.
— Vous ferez le bon choix, j'en suis convaincu.
— Pourquoi moi ?
— Je vous l'ai dit, vous êtes un Duc. Croyez-moi, il me déplait fortement d'user de manières aussi cavalières à votre égard. Mais je crois savoir que vous êtes un homme d'honneur Richard. Vous ne supportez ni la corruption, ni le mensonge et encore moins de voir votre nom associé à des crapules de la pire espèce.
Avant même d'avoir pu réagir, Richard Mabelthorpe se retrouva seul, au milieu de la foule qui profitait des températures clémentes de ce début de printemps.
Le jeune homme rentra chez lui et s'enferma dans son bureau en exigeant de ne pas être dérangé.
Il y passa les trois jours suivants. Lorsque le billet de Sean Kilkavran arriva, il le brûla sans même prendre connaissance de son contenu. Il le savait, il n'avait aucun moyen d'échapper à cet indésirable.
Il devait parler à Oswald, de toute urgence. Tirer cette affaire au clair. Après tout, ce dernier n'avait-il pas mentionner de lui-même avoir rencontré quelques problèmes avec des politiciens irlandais ?
Décidé, Richard appela l'un de ses domestique et demanda à ce qu'on lui prépare sa voiture.
Une demi-heure plus tard, il descendait du véhicule et contemplait l'élégante façade qui abritait les locaux du Red's. Tout ceci était absurde. Le marquis de Glaslyn et son père n'étaient pas des meurtriers.
Par précaution, il renonça à boire. Il devait garder l'esprit clair.
Il demanda à un employé de le conduire dans le salon privé de Lord Bradenham. Une conversation s'imposait. De plus, s'il s'avérait qu'Oswald lui avait délibérément menti...non, il ne pouvait envisager cette option !
Richard fut contraint de patienter quelques minutes dans le couloir du deuxième étage, avant d'être introduit auprès de l'ami de son défunt père.
Ce dernier interrompit sa discussion avec un homme qui n'était autre que le Duc d'Eldenbridge, la plus grosse fortune d'Angleterre. Son influence s'étendait jusqu'aux sphères les plus intimes de Buckingham Palace. On chuchotait même qu'il imposait ses décisions à William Lamb, le premier ministre.
— Je crois que vous nous devez quelques explications, Lord Mabelthorpe.
La voix grave du Duc d'Eldenbridge vint troubler le silence de la pièce. Un journal atterrit aux pieds de Richard. Le jeune homme s'en saisit et blêmit à la lecture du titre qui s'étalait sur la première page.
Sean Kilkavran avait-il mis ses menaces à exécution ?
------------------
Merci de me donner votre avis, c'est super important ! J'aimerais savoir si mon texte fonctionne avant de poster les chapitres sur fyctia, car une fois posté là, ils ne sont plus modifiables. Donc n'hésitez pas à me faire part de vos remarques !
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top