36. SPECTACLE
𝐒𝐘𝐌𝐏𝐇𝐎𝐍𝐈𝐄 𝐃𝐄 𝐍𝐎.𝟖
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chapitre trente-six —— Spectacle
« Aika (prénom féminin) : lamentation, chanson triste. »
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— Alors, ils sont là ?
La petite voix d'Ai vint tirer Aiko de ses pensées.
— Tu penses vraiment qu'ils vont nous regarder ? insista la plus jeune.
Aiko savait qu'elle faisait clairement allusion à leurs parents. Elle n'était pas aller demander à sa professeure s'ils étaient arrivés.
Aiko se tourna face à sa petite sœur. A l'entente de sa voix, elle paraissait à la fois terrorisée et excitée, sûrement dû au stress de jouer pour la première fois devant ses parents. Aiko aussi était effrayée et impatiente. Elle avait hâte de montrer ce qu'elle valait. Et surtout, elle avait une promesse à respecter.
— Bien sûr, il y aura Airi, lui répondit-elle comme si c'était une évidence. Et puis, ils ont acheté leur place vers les premiers rangs.
— Tu... tu penses sérieusement qu'ils vont aimer notre passage ? questionna Ai, la voix tremblante.
Non, Aiko n'en était absolument pas certaine. Elle ne savait pas non plus si elle allait respecter sa promesse avec Airi. Elle n'était sûre de rien et jouait avec la chance et le hasard. Mais elle et sa sœur s'étaient entraînées si dur qu'il serait rageant qu'elles ne montent pas plus dans l'estime de leurs parents après ce spectacle.
Alors, Aiko répondit, un franc sourire aux lèvres :
— Donne tout ce que tu as et je suis sûre qu'ils aimeront. Ne perds pas espoir alors que nous n'avons même pas commencé à jouer !
— Oui, tu as raison ! s'exclama Ai, le regard brillant. Je vais jouer du mieux que je peux, ils verront ce qu'on sait faire et qu'on joue beaucoup mieux qu'Airi !
Aiko continua de sourire, heureuse de revoir sa sœur à nouveau confiante et déterminée. Cependant, malgré le sourire qu'arborait sa cadette, il était évident qu'en vérité, elle était plus qu'inquiète.
Qu'allait-il se passer si elle ne respectait pas sa promesse ? Qu'allait faire Airi ? Et si, malgré tous les efforts d'Aiko et de sa petite sœur, elles ne parvenaient pas à se faire aimer par ses parents ?
Mais ce que la jeune fille redoutait plus que tout, c'était qu'il soit déjà trop tard pour raisonner ses parents. Peut-être que pour continuer de penser qu'Airi était meilleure, ils allaient se voiler la face et taire leur conscience qui leur murmurait qu'Aiko et Ai étaient meilleures.
Peut-être qu'ils feraient les aveugles toute leur vie.
***
— Les fauteuils sont confortables, remarqua le père.
La mère ne dit rien, resta silencieuse, face à la scène. Elle était terriblement impatiente de voir Airi jouer. Les années précédentes, la mère et le père n'avaient jamais put assister au concert, toujours à cause d'un contretemps.
Mais cette année, ils étaient là.
Soudain, les lumières au-dessus des rangés de fauteuils s'éteignirent. Dans un profond silence, les musiciens du septième orchestre prirent place sur scène. Parmi eux, Airi, qui commençait à placer son violon.
Puis, quelques secondes après, la première note. Celle d'un violon.
Les projecteurs s'allumèrent lentement. Avec émerveillement, le père et la mère découvrirent que cette première note était jouée par Airi. Elle était donc celle qui ouvrait le bal.
Mais la mère resta muette de stupeur : la note n'était pas parfaite. La deuxième non plus. Ni la troisième et les autres. Pourquoi ? Pourquoi la mélodie n'était-elle pas aussi parfaite qu'Airi ?
— Qu'est-ce qu'il se passe... murmura la mère, effarée.
— Son violon doit sûrement être abîmé ou un truc du genre, marmonna le père avec agacement. Il ne pouvait pas lui filer le meilleur violon ?!
— Tu as sûrement raison, car je ne peux pas croire que notre fille ne peut pas jouer parfaitement. Surtout que ça n'a pas l'air très compliqué.
Quelques minutes plus tard, la chanson était terminée. Les applaudissement résonnèrent dans les lieux.
Ce fut au tour au groupe d'Aiko et d'Ai de passer. La boule au ventre, elles montèrent ensemble sur scène, main dans la main. La petite main de la benjamine tremblait, alors Aiko la serra plus fort dans la sienne, comme pour lui transmettre son courage.
— Merci d'être venus à ce concert de fin d'année, annonça soudainement une voix grave. Vous venez d'entendre le septième orchestre. Maintenant, passons au huitième orchestre pour clore ce spectacle. Ces jeunes enfants vont vous jouer The Greatest d'une très célèbre chanteuse. Une jeune fille va notamment vous interpréter cette chanson avec son violon et sa voix.
Une fois tous les musiciens en position, le concert débuta. Aiko chanta doucement au début, prise d'une timidité soudaine. Même si elle était aveugle, elle pouvait aisément sentir tous les regards la fixer de la tête aux pieds.
Puis, elle donna tout ce qu'elle avait, comme si elle était seule sur scène. Que ce soit par les notes de son violon ou sa voix, tout était maîtrisés et joués parfaitement. Tout comme sa grande sœur, Ai gérait chaque son de violon avec perfection.
Ce moment dura jusqu'à la fin du concert, et si avec ça, les parents d'Aiko ne voulaient toujours pas aimer leurs deux autres filles comme Airi, alors c'était impossible qu'elles changent ça.
Un tonnerre d'applaudissement et des acclamations résonnèrent dans toute la salle. Aiko se sentait terriblement soulagée, tout c'était passé comme elle l'avait espéré.
Mais ses parents, eux, n'applaudissaient pas.
***
— Je suis désolée ! s'excusa une nouvelle fois Aiko, au bord des larmes. Je t'en prie, calme-toi !
Mais malheureusement pour elle, sa grande sœur n'écoutait déjà plus. Elle poussa un énième hurlement déchirant, qui glaça instantanément le sang des deux plus jeunes. Comment faire ? Comment pouvaient-elles se sortir de ce pétrin ?
— C'est de ma faute... murmura Aiko d'une voix étranglée par le chagrin. Je n'aurais jamais dû te promettre une telle chose. J'aurais dû me douter que la vie serait toujours ainsi !
— Tu m'as donnée tellement de faux espoirs ! hurla Airi, furieuse. Tu dois être heureuse, hein ? De me voir souffrir comme ça ! Les parents ont juste pensé que j'avais un mauvais violon !
— Aiko a tout fait pour respecté sa promesse et est si douée que tu ne pourras jamais la surpasser ! coupa Ai avec rage. C'est juste qu'il n'y a plus aucun espoir de raisonner les parents ! Tu seras toujours leur préférée, que tu le veuilles ou non !
A cet instant, Aiko ne savait pas réellement ce qui se passait. Elle entendit des pas furieux contre le plancher de la scène, un objet de bois traîner au sol. Puis un bruit, comme si une lame s'enfonçait dans un corps.
Ce même corps tomba au sol. Une odeur étrange, un liquide au sol. Quelques pas en arrière, les murmures désolés d'Airi, la rage d'Aiko.
Elle venait de comprendre ce qui venait de se passer.
Ai venait de se faire tuer par Airi.
La petite fille se laissa tomber au sol, envahie par une colère noire que jamais encore elle n'avait ressenti. Elle essaya de retrouver le corps de sa petite sœur. Pendant de longues minutes, elle tâta les environs, mais n'arrivait pas à le retrouver.
A la place, elle tomba sur un archet de violon.
L'idée lui vint presque instantanément.
Sans un mot, Aiko se releva, fit face à sa sœur. Celle-ci pleurait, en essayant d'étrangler ses sanglots du mieux qu'elle le pouvait.
— Aiko... murmura l'aînée d'une voix tremblante. Je ne voulais pas... Vraiment, je voulais juste...
— Une vie ne peut pas revenir, interrompit sèchement la petite blonde.
Et dans le silence le plus glaçant, elle se jeta sur sa grande sœur.
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CHAPITRE 36 TERMINÉ
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