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Le soleil brille dans le ciel. Aucun nuage n'obscurcit la clarté du jour. Il fait doux malgré la brise qui balaye le sol...

Je marche d'un bon pas à côté de Kieffrey. Pourtant, nous ne sommes pas pressés. Mais le tissu n'attend pas, même si je ne sais même pas à quoi il va bien pouvoir servir... Il ne m'a rien dit.

En passant devant un carrosse, nous entrons dans la petite taillerie, à l'entrée du village, et je me faufile entre les clientes pour trouver la responsable.

- Bonjour ! Il nous faudrait du tissu beige, s'il vous en reste. Mais... vous avez l'air débordée... je remarque en voyant l'énorme boite que la femme portait difficilement dans ses bras. Nous pourrons repasser, si nécessaire...

- Ne vous en faites pas ! Coco va s'occuper de vous... Coco ! appelle-t-elle en se tournant vers l'arrière-porte du magasin. 

Une petite fille, interrompant sa discussion avec l'étranger, tourne la tête en entendant son nom. Je la regarde. 

- Oui, maman ?

- Occupe-toi de ces clients, s'il te plait ! Il faudrait que tu coupes du tissu beige suivant les mesures qu'ils te donneront, répondit l'intéressée en manquant de faire tomber sa boite.

- Tu peux couper du tissu ? demande Kieffrey en regardant Coco.

- Oui !

Elle me semble pourtant bien jeune... 

- Coco est douée pour les découpes.

- Je vois ! dit-il en souriant gentiment.

- Tiens, les mesures, dis-je en tendant un papier à la petite fille, qui s'empresse de s'en saisir et s'attèle à la tâche sans perdre plus de temps.

Elle s'assit à une table, et étale le tissu dessus avant de saisir une craie et une grosse paire de ciseaux. Tout en faisant courir ses doigts sur l'étoffe, elle demande :

- Maman, je pourrais aller voir le carrosse quand j'aurais fini ?

Quel carrosse ? Ah oui. Il y en a un garé devant la boutique.

- Si tu sers correctement la dame et le monsieur, si tu veux. Mais ne l'abîmes pas. On n'a pas de sorciers sous la main pour le réparer, répond sa mère.

- Youpi !

Des étoiles dans les yeux, elle reprend son travail. Ses mains traçent des traits parfaitement droits, sans la moindre hésitation, et ses coups de ciseaux sont nets, précis, sans bavure. Impressionné, Kieffrey s'approche et se penche au-dessus de l'ouvrage pour l'observer plus en détail. Coco relève brusquement la tête et grimaçe en ayant un mouvement de recul. Elle n'apprécie visiblement pas d'être observée de la sorte. Je la comprends.

- Tu es très concentrée, et très habile de tes mains, affirme Kieffrey en examinant le tissu. La découpe est précise et bien droite.

- Oui, tu as un vrai talent ! j'ajoute, enthousiaste. On croirait voir de la magie.

À l'entente de ce simple mot, les joues de Coco se colore en rose vif et elle gesticule en balbutiant :

- Mais pas du tout ! Rien à voir ! La magie...C'est un art mystérieux, chatoyant ! Précieux, et sublime ! C'est...c'est... Comment dire ?

Elle regarde ses mains, légèrement tremblantes, et termine beaucoup plus bas :

- Tellement plus... respectable...

- Tu as l'air d'apprécier énormément la magie. Je peux te demander pourquoi ? s'enquit Kieffrey en souriant.

- Euh... Quand j'étais petite, je m'étais rendue à une fête donnée au château. J'ai acheté un livre tout fin à un sorcier masqué. Il m'a expliqué qu'il était magique, mais je ne savais pas ce que voulais dire ce mot... Alors il m'a dit que les carrosse volants, l'eau des sources toujours propre... C'était ça, la magie. J'étais tellement émerveillée... Après, il m'a donné une baguette, en plus du livre. Mais elle ressemblait plus à une plume. Ensuite, j'ai retrouvé maman et je lui ai raconté, et on est rentrées. Sur le chemin du retour, les pavés s'illuminaient sous mes pas...

Elle marque une pause pour reprendre son souffle, et reprend en fixant ses chaussures :

- Depuis ce jour, c'est devenu ma passion. Mais les pouvoirs viennent à la naissance, et jamais après, d'après maman. Mais je ne peux pas me résoudre à abandonner...

Elle s'accroupit.

- Je pensait que ce livre était une sorte de mode d'emploi, d'introduction à la magie...Or, pas du tout ! termine-t-elle, roulée en boule sur elle-même.

Kieffrey semble vouloir ajouter quelque chose, mais un grand bruit retentit au-dehors et l'empêche de dire quoi que ce soit. Tout le monde se précipite à la fenêtre, et sort.

Le carrosse est effondré par terre, avec un trou béant au fond de sa carcasse. Deux jeunes garçons se disputent à son sujet, mais visiblement, l'un d'eux était entré dedans et avait touché à quelque chose. Les trois jeunes filles qui sont venues avec semblent très en colère, et je fixe le carrosse. Il ne semble pas si endommagé que ça. Nous nous approchons du carrosse, pour l'examiner de plus près.

- Rien qu'on ne puisse pas réparer, je murmure à Kieffrey.

- En effet. Bon !

Il se redresse.

- On va pouvoir le réparer, affirme-t-il. Il n'est pas tellement endommagé.

- Dites-donc ! d'où sortez-vous, tout les deux ? crie une des filles en nous fixant d'un air agressif.

- Pardonnez-nous. Nous ne portons pas notre signe distinctif... s'excuse Kieffrey en fouillant dans sa cape. Je l'imite, mais ressort les mains vides. Évidement. Je devais l'oublier. Un petit sourire exaspéré étire mes lèvres et je regarde Kieffrey, qui pose sur sa tête un chapeau gris clair, de la même couleur que celle de ses vêtements.

- Je m'appelle Kieffrey, et je suis un sorcier, déclare-t-il à la cantonnade.

- Euh, Kieffrey... Je crois que j'ai oublié le mien, je chuchote sans baisser les yeux.

- Quelle tête en l'air ! Tant pis, ce n'est pas indispensable.

- Quand même... Bon, je m'appelle Olyna, et je suis une sorcière, moi aussi. Même si j'ai oublié mon chapeau... je bafouille en penchant la tête. Désolée...

- Nous allons devoir ensorceler la roue et la planche sous le carrosse pour les remettre en place. Mais nous ne pouvons pas le faire en extérieur, explique Kieffrey.

- Vous pouvez aller dans notre remise, si vous voulez ! propose Coco. je la regarde : ses yeux brillent d'admiration. Dommage qu'on ne puisse pas la prendre comme apprentie. Elle à vraiment l'air d'adorer la magie.

- Voyons, Coco... la reprend sa mère.

- Dis oui, maman !

- Tu me fais peur, avec cette tête...

- Mais ce sont des vrais sorciers ! En chair et en os ! Je n'en croiserai peut-être plus jamais de ma vie !

La pauvre mère inspire longuement.

- C'est ma seule chance de voir un sort être lancé de mes propres yeux...

Elle semble un instant pensive, mais son excitation reprend rapidement le dessus, et elle se mit à gigoter dans tous les sens. J'ai presque un mouvement de recul.

- Aaaah, j'en peux plus ! C'est trop beau pour être vraiiiii ! J'arrive pas à m'empêcher de sourire bêtement !

- Euh, Coco ? risque Kieffrey en penchant la tête. C'est bien ça, Coco ?

L'intéressée se fige dans son mouvement, et se tourne vers le sorcier.

- Merci. Pouvoir nous isoler nous arrangerait. Et si je peux abuser, je te demanderai bien un petit coup de main... dit-il.

Je crus un instant que la petite allait avoir une attaque. Je m'apprêtais à me précipiter vers elle mais Kieffrey ajoute, faisant disparaitre d'un coup toute son excitation :

- Il faudrait que tu montes la garde devant la porte, car personne ne doit nous voir pratiquer la magie. Quoi qu'il arrive, ne laisse personne entrer !

Après avoir demandé ce service, nous entrons entrons dans la remise en y trainant le carrosse, étonnement léger pour sa taille. Je ferme les rideaux de toutes les lucarnes pour dissuader les curieux de venir voir et Kieffrey verrouille la porte.

- On n'y voit plus rien, maintenant... dit Olyna en clignant des yeux pour s'habituer à l'obscurité.

Elle fouilla dans sa cape et en sortit un petit carnet rond, qu'elle ouvrit. Puis, elle saisit une plume, sélectionna une page sur laquelle un pentacle de feu à demi-fermé était dessiné, et ferma le cercle avec son encre. Immédiatement, une flamme s'éleva au-dessus du papier, projetant une lueur orangée sur les murs rugueux de la remise.

- C'est mieux comme ça, dit Kieffrey. Bon, je vais m'occuper de la planche.

- Je vais faire la roue, alors.

Olyna déposa sa flamme près du carrosse, et sortit un papier beaucoup plus grand que son petit carnet de sa cape. Elle l'étala sur le sol, jeta un oeil à Kieffrey pour s'assurer qu'il l'imitait, et trempa sa plume dans son encrier. Avec des gestes rapides et précis, ils tracèrent habilement sur le papier un grand pentacle, à la faible lueur de la petite flamme. Quelques minutes plus tard, Olyna avait fini le sien, et regarda Kieffrey.

- C'est bon pour moi aussi, dit-il en sentant son regard.

Ils fermèrent leur cercle, et le sort s'activa. Ils ne se doutaient pas que le regard émerveillé de Coco les observait entre les planches du plafond.

Le carrosse réparé, Olyna ramassa sa flamme et s'approcha de la porte.

- Coco ? appela-t-elle.

Elle attendit trois secondes, puis frappa à la porte.

- C'est bon, on a fini...

Elle tourna la clé et l'ouvrit, pour tomber sur une Coco essoufflée et penchée sur ses genoux pour reprendre sa respiration.

- Bah ? C'était si fatiguant ? demanda Kieffrey, par-dessus l'épaule d'Olyna. Pas très difficile à dépasser, il a presque une tête de plus qu'elle.

Un peu plus tard, le carrosse s'envolait dans le ciel en emportant avec lui ses passagères, sous les yeux étonnés des villageois, qui le pointaient du doigts en s'exclamant : "Oh, un chariot volant !"

La mère de Coco regardait sa fille, légèrement étonnée.

- Tu n'es pas trop déçue ? Toi qui voulais le voir de plus près...

- Non, non...

- Tu es bizarre, d'habitude tu sautes partout quand il s'agit de magie... s'inquiéta sa mère.

- Bon, nous allons y aller, déclara Kieffrey en hissant son sac sur son dos. Olyna rangea ses longs cheveux blonds derrière elle et mit le sien.

- Peut-être qu'on se recroisera à l'avenir... dit-elle en tournant les talons sur le chemin, suivie par Kieffrey.

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J'ai eu la flemme de relire ;-;

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