Épilogue.

Felix cambra le dos et évita ainsi habilement la lame qui fendit l'air dans un sifflement. Un petit sourire en coin vint orner ses lèvres alors que l'assaillant se reculait, penaud.

Celui-ci laissa aussitôt échapper un long soupir de frustration en constatant qu'il ne l'avait même pas effleuré.

— Trop prévisible, commenta le blondinet en plantant son regard d'acier dans le sien. Allez, encore.

Les fins cheveux argentés du jeune soldat luisaient sous les puissants rayons du soleil qui était à son zénith. Il passa le dos de sa grande main sur son front afin d'éponger la sueur qui y perlait. Un peu intimidé, il brandit nerveusement sa flamberge en s'efforçant d'afficher un air assuré.

Les lèvres maquillées de rose du Prince s'incurvèrent en un sourire narquois.

— Attaquez-moi, exigea-t-il sur un ton dur.

— O-Oui, commandant ! balbutia le fantassin.

Il fonça sur lui en poussant un cri de guerre. Le Gongdanien l'observa tranquillement venir, avant d'esquiver ses estocades à la dernière seconde.

— Encore, le somma-t-il, intransigeant.

Aussitôt, malgré sa fatigue et les vertiges qui l'assaillaient dus à la chaleur étouffante du climat de Malyeog, le soldat récidiva.

Cette jeune recrue amusait beaucoup Felix. Il parvenait à l'effrayer alors qu'il ne détenait présentement aucune arme susceptible de le blesser. Seule son attitude semait une pointe de peur chez lui.

— Vous vous laissez manipuler par mon comportement, Jeongin. Soyez confiant et vous parviendrez peut-être à me faire reculer.

Le garçon opina vigoureusement du chef et déglutit. Un désagréable sentiment de dépit l'avait submergé, mais il s'empressa de le faire taire afin de se concentrer sur le Prince qui le défiait avec une nonchalance agaçante.

Il s'élança vers lui, le côté tranchant de son épée face à Felix, mais encore une fois, il échoua à le toucher.

— Vous avez peur de me blesser, et c'est cela qui vous retient, exposa alors l'androgyne devant sa mine décontenancée.

Jeongin soupira profondément.

— Comment voulez-vous que j'ose me mesurer à vous, alors que vous n'avez aucune arme ? demanda-t-il d'une toute petite voix.

— C'est cela que j'essaie d'entraîner chez vous, répliqua doucement le blond en repoussant une de ses longues mèches dorées derrière son oreille. Un ennemi est un ennemi, peu importe son rang ou son apparence. Vous n'ignorez sans doute pas que j'ai souvent fait les frais de l'hésitation de mes soldats uniquement parce que je ressemble à une fille.

— Je le sais bien, commandant. Mais vous êtes un Prince.

— Présentement, je ne suis rien d'autre qu'un guerrier désarmé.

D'un air désinvolte, Felix examina brièvement ses ongles embellis de petites étoiles qui scintillaient sous la lumière flavescente du soleil. Ils lui plaisaient beaucoup ainsi, lorsqu'ils étaient courts, mais enjolivés.

Il réprima difficilement un sourire en sentant que Jeongin tentait de profiter de sa prétendue distraction. Il ne semblait pas se douter qu'il avait sciemment abaissé sa garde afin de faire semblant de s'intéresser à quelque chose de trivial.

L'expression du Gongdanien changea brusquement du tout au tout. Son regard s'assombrit, et il se laissa tomber sur le sol pour éviter la lame qui passa à quelques centimètres de sa nuque.

Le jeune soldat, qui avait silencieusement fait le tour afin de l'assaillir par derrière, lui décocha un regard stupéfait.

Mais Felix ne lui laissa pas le temps de recouvrir son sang-froid. Lorsqu'il se releva, ses doigts étaient serrés autour du manche d'une dague richement décorée.

Les yeux exorbités du garçon aux cheveux d'argent firent fleurir un sourire espiègle sur son beau visage.

— Ne sous-estimez jamais un ennemi, Jeongin.

Il se jeta sur le fantassin et le désarma en quelques parades à peine. Il pointa alors sa lame en direction de sa poitrine, sans afficher une seule once de fatigue. Jeongin le fixa avec incrédulité, le souffle court.

— Rappelez-vous bien de cette leçon, fit le blond d'une voix éraillée. Elle vous sauvera la vie, un jour.

Il rengaina son arme et asséna une tape amicale sur l'épaule de Jeongin. Ce dernier leva sur lui un regard brillant d'admiration qui le fit sourire.

— Allez vous reposer. Vous l'avez bien mérité.

— Tout de suite, Votre Grâce.

Felix lui décocha un regard courroucé et lui agita le poignard sous le nez en le menaçant gentiment.

— Trêve de formalités, Jeongin. Je ne suis pas votre Prince, uniquement votre capitaine.

— Oui, commandant ! s'exclama allégrement le soldat. Pardon, commandant. Je ne voulais pas vous offens...

— Vous finirez véritablement par m'offenser si vous ne partez pas maintenant profiter du repos qui vous est offert.

— Oh. À vos ordres, commandant.

Jeongin le salua d'une révérence, ce qui le fit soupirer à nouveau. Mais il ne put réprimer un sourire amusé alors qu'il s'éloignait en gambadant.

Il avait longuement réfléchi à la proposition que Changbin lui avait faite. S'enrôler dans la garde royale... Cela lui avait paru de prime abord impossible. Principalement parce qu'il était de sang royal, mais également parce que les vétérans avaient une fâcheuse tendance à injurier ce qu'ils appelaient...

Vijokshima ! fit une voix derrière lui qui crissa comme si l'on frottait deux pierres l'une contre l'autre.

Felix leva les yeux au ciel. Il lui était impossible de répéter ce mot tant le dialecte de Malyeog avait des phonèmes complexes.

Il inspira profondément et se retourna. Le groupe de soldats qui le dévisageaient avec des grimaces dédaigneuses se tenaient assez loin de sa position, ce qui attesta ce qu'il avait imaginé : ils avaient sciemment crié pour qu'il entende cet outrage.

En voyant qu'il les observait, un des fantassins décocha un sourire moqueur au Prince. Il enroula une mèche de ses cheveux autour de son doigt afin de mimer le mouvement gracieux d'une femme. Sous les éclats de rire goguenards de ses amis, il entreprit de marcher de long en large en se dandinant exagérément, une main calée sur la hanche.

Le blond exhala un soupir, las de leurs simagrées. Il les fixa un instant pour être certain qu'il se souviendrait de leurs noms quand viendra le temps des tournois, puis détourna le regard.

Ces gardes appartenaient aux plus âgés d'entre eux, ceux qui avaient aveuglément obéi aux ordres de Lucas toute leur vie durant. Et apparemment, ils avaient également subi sa mauvaise influence. Ils refusaient obstinément d'être sous ses ordres, mais il ne s'en inquiétait pas outre mesure.

— Eh, vijokshima ! Sympa le nouveau rouge à lèvres !

Felix ignorait la signification exacte de ce mot. Tout ce qu'il savait sur le dialecte populaire de Malyeog, il le tenait de Changbin. Mais puisque celui-ci était né à Gongdan, il ne maîtrisait pas encore toutes les notions complexes de ce langage parlé.

— Vous n'avez pas mis de p'tite jupe, aujourd'hui ?

Le blondinet avait encore fort à faire pour que ses hommes lui témoignent le respect dû à un capitaine de garde. Mais il n'était pas pressé. Le simple fait qu'il soit leur commandant était déjà la preuve qu'un changement était possible.

— Ne faites pas attention à eux, Altesse. Ils sont simplement jaloux du pouvoir que vous avez acquis au sein de la garde royale.

Le Gongdanien se retourna et avisa la présence d'un grand soldat aux épaules musclées. Sa stature élancée et ses longs cheveux blond vénitien en catogan avaient pour habitude d'attiser le désir des demoiselles qui séjournaient au palais. Et au vu des regards obliques que lui lançaient certains jeunes soldats, sa beauté exotique ne faisait pas seulement de l'œil aux femmes.

La mère de Hyunjin était en effet originaire d'une province lointaine dont il refusait de parler. Mais il lui avait un jour révélé qu'il avait hérité d'elle ses grands yeux charbonneux, ses lèvres pulpeuses et l'aura de charmeur qui l'enrobait comme une seconde peau.

— Il n'y a pas d'« Altesse » qui tienne, bougonna Felix en faisant la moue.

Un petit sourire narquois sur les lèvres, le fantassin fit de mine de s'incliner.

— Pardonnez-moi, commandant. Je peine encore à me déshabituer de la période où vous étiez encore Princesse.

Le blond roula des yeux. Décidément, tout le monde prenait un malin plaisir à le taquiner, aujourd'hui.

Il donna un coup de tête en direction du groupe de soldats qui ne cessaient de s'esclaffer bêtement. Enfin, s'il partait du principe que les sons sifflants et hachés qui provenaient de leur gorge étaient bien un rire.

— Que signifie vijo-truc ? demanda-t-il du bout des lèvres.

Hyunjin arqua un sourcil d'un air pincé.

— Ne préféreriez-vous pas vous enquérir auprès de votre époux plutôt qu'auprès de moi ?

— Non. Il s'inquiéterait bien trop pour moi si je le lui disais.

— Êtes-vous bien certain de vouloir le savoir ? insista le garde, des réticences dans la voix.

— Non, mais dites-le-moi quand même.

— Hmm... Il s'agit d'un terme vulgaire qui indique quelque chose comme « garçon ayant égaré ses boules ».

Felix pouffa momentanément.

— Merveilleux.

— Ne vous en faites pas. Je suis sûr que vous parviendrez très vite à les rappeler à l'ordre.

— Espérons, soupira le blond. Cela m'ennuierait de devoir sévir et de les humilier devant leurs compatriotes.

Hyunjin opina du chef sans relever sa plaisanterie. Il semblait tellement perdu dans ses pensées que le Prince pencha la tête sur le côté d'un air intrigué.

— Vous êtes venu vers moi pour une raison bien précise. Je me trompe ?

— Non, vous avez raison.

— Et moi qui croyais que vous vouliez simplement bavarder avec moi, ironisa le Gongdanien. Dommage. Allez, cessez de faire cette tête de six pieds de long et dites-moi.

— J'aurais une requête à formuler, commandant, souffla le fantassin en jouant distraitement avec le bracelet en argent ciselé qu'il portait au poignet.

Son geste attira l'attention de Felix.

— En voilà une belle preuve d'amour, commenta-t-il, un soupçon de raillerie habitant sa voix. Est-ce lié à votre requête ?

Hyunjin leva vivement les yeux vers lui. Ses joues virèrent au cramoisi sous le regard suggestif du blondinet. Il prit une profonde inspiration pour se donner du courage.

— Comme vous le savez sûrement, j'ai toujours aimé la séduction.

— Oh oui. Votre réputation vous précède.

— Eh bien, j'en ai longuement réfléchi, et... j'ai décidé que c'était terminé. Après les nombreuses lettres que j'ai reçues, je me suis rendu compte que j'étais définitivement tombé amoureux.

Le sourire attendri de l'androgyne ne lui échappa pas. Cela lui fit comprendre qu'il n'ignorait pas le pouvoir de ce sentiment.

— Vous désirez prendre congé de l'armée et vous établir à Daeyang dans l'espoir de conquérir votre princesse, n'est-ce pas ? devina-t-il.

Hyunjin planta ses yeux brûlant d'un espoir salvateur dans les siens.

— Oui, fit-il simplement.

Felix hocha la tête. Cela le chagrinait de devoir se départir d'un aussi bon ami et guerrier, mais il savait mieux que quiconque que la destinée ne semblait pas toujours être de son côté.

— Vous ne restez pas pour la cérémonie ? demanda-t-il alors.

— Non. Je ne suis pas en faction, ce soir. Et puis, cela me permettra de m'éclipser avant que les convives n'affluent vers la cour.

— Alors qu'attendez-vous pour partir ? Vous vous faites désirer, soldat.

Hyunjin rit doucement, une once de gratitude se faufilant derrière son regard fuligineux.

— Merci.

Le blond agita le bras d'un air vague.

— Inutile de me remercier. Je vous souhaite de conquérir la sympathie des souverains de Daeyang et le cœur de votre dulcinée, Hyunjin. En espérant vous revoir un jour.

Le garde esquissa un sourire. Il serra la main de son vis-à-vis dans la sienne avec amitié.

— Si je puis me permettre...

Il se rapprocha et prit le petit blond dans ses bras. Celui-ci l'enlaça aussitôt en retour, bien qu'il doive se hisser sur la pointe des pieds.

— J'admire votre âme intrépide, sire, souffla Hyunjin. C'est en suivant votre exemple que j'ai puisé le courage nécessaire pour décider de quitter la vie que je m'étais bâti ici.

Felix grommela des mots inintelligibles, mais sans se départir de l'éclat d'allégresse qui étincelait dans son regard violet. Il se sentait étrangement ému.

— Cessez donc vos inepties, ronchonna-t-il.

Hyunjin lâcha un petit rire en s'écartant.

— Ce fut un honneur de servir sous vos ordres. Adieu, sire.

Sans un regard en arrière, il parcourut la cour d'un pas déterminé et s'enfonça dans l'antre de l'aile des fantassins afin d'aller préparer ses affaires.

L'androgyne sentit la fierté déferler en lui et le parcourir tout entier. Plus le temps passait, plus il se rendait compte qu'il était parvenu à forger sa place dans ce Royaume où il vivait depuis maintenant cinq mois.

Vijokshima !

« Enfin, à quelques détails près », soupira-t-il en repoussant les mèches rebelles de ses cheveux derrière son oreille.

Bien décidé à montrer qu'il ne plaisantait pas, il se redressa et releva sèchement le menton. Tout en s'efforçant de museler son irritation, il s'avança en direction des insubordonnés qui le conspuaient depuis l'autre bout de la cour.

— Eh, vous, les apostropha Felix d'un ton sans appel. Cessez immédiatement vos âneries et allez vous entraîner.

Les fantassins le dévisagèrent en ricanant.

— Faites attention, commandant, se moqua l'un d'eux en prononçant son titre de façon irrévérencieuse. Votre maquillage pourrait bien se faner si vous passez trop de temps au soleil.

Ses amis gloussèrent, un peu comme ces dindons que les commerçants étaient venus vendre il y avait quelques jours de cela. Le Prince leva les yeux au ciel avec exaspération.

Les insultes concernant son apparence ne l'atteignaient plus depuis que Chan avait digéré qui il était. En fait, il n'accordait plus autant d'importance au regard des autres. Il avait compris depuis longtemps que tenter de plaire à autrui n'en valait pas la peine.

Le visage de Felix ne trahissait aucune émotion, telle une eau tranquille et sans ondoiement. Il promena posément son regard lilas sur les gardes qui tentaient d'imiter la raucité de sa voix.

Il se souvenait très bien des cris infernaux que les dindons avaient poussés lorsque les marchands avaient fini par les égorger.

À bout de patience, il dégaina vivement sa dague dans un crissement métallique. Aucun des soldats n'eut le temps de réagir ; elle vint se ficher contre le mur du palais derrière eux en emportant avec elle le garde effronté qui s'était adressé à l'androgyne.

L'homme poussa un grondement de douleur en dégageant sèchement la lame de son épaule. Le sang qui s'écoulait de sa plaie avait déjà imbibé une grande partie de son brassard.

— Je ne vous le répéterai pas deux fois, prévint calmement Felix devant leurs airs hostiles.

Les fantassins le fusillèrent de leurs regards où se mêlaient peur et menaces silencieuses.

— Exécution ! ordonna le blond en haussant le ton.

Ses yeux se firent plus froids. Certains soldats jugèrent alors plus prudents d'obéir et tirèrent leurs compagnons plus réticents avec eux.

Le soldat que le Gongdanien avait blessé le poignarda d'un regard incendiaire. Il cracha par terre et suivit les autres.

Une fois qu'ils furent hors de sa vue, Felix lâcha un soupir en ramassant son arme.

— Qu'est-ce qu'il ne faut pas faire pour acquérir un semblant de révérence...

— Je trouve que tu t'es remarquablement bien débrouillé, Princesse, souffla une voix dans le creux de son oreille.

Une myriade de frissons remonta le long de son échine alors que des lèvres se posaient dans son cou. Puis, de grandes mains où serpentaient des veines bleutées atterrirent sur ses hanches et le firent se retourner.

Le blondinet se retrouva face à un Chan qui l'observait sous toutes ses coutures avec un regard désireux, ce qui le fit ricaner.

Car Felix portait un pantalon serré, ainsi qu'une ample tunique qui lui arrivait jusqu'à mi-cuisses et dont le décolleté plongeant attirait fortement l'attention du nouvel arrivant.

Celui-ci l'attira alors contre lui et l'embrassa sans aucune réserve. Ses doigts caressèrent doucement la peau soyeuse de son cadet.

— As-tu choisi ton costume pour la cérémonie ? demanda l'androgyne dans un souffle.

— Non, pas encore. Je dois avouer qu'un peu d'aide ne serait pas de refus, minauda Chan avec un charmant sourire.

— Tu sais pourtant que mon champ d'expertise n'est pas très étendu concernant les vêtements masculins.

— Mais je veux que tu choisisses. Ainsi, je serai certain que cela te plaira.

Le Gongdanien pouffa face à tant de mièvreries.

— C'est à l'assemblée que tu dois plaire, pas à moi. Et puis, de toute façon...

Il enroula ses bras autour de la nuque de son aîné en lui adressant son sourire le plus candide.

— Tu me plais tous les jours.

— On est d'humeur joueuse aujourd'hui, Princesse ? souffla Chan en lui adressant un sourire en coin. J'adore ça.

Ces trois mots lui avaient échappé tellement naturellement que Felix sentit une bouffée de chaleur l'envahir.

Le Prince de Malyeog s'empara à nouveau de sa bouche en y laissant la marque de sa passion.

— Je dois également avouer que je brûle d'envie de connaître ton choix vestimentaire..., susurra-t-il avec ce sourire taquin qui revenait perpétuellement sur ses lèvres.

L'androgyne se contenta de rire doucement, un son rauque qui possédait l'étrange pouvoir de charmer quiconque l'entendait.

Felix s'écarta légèrement de Chan et dénoua la lanière qui retenait ses cheveux. Une fois libérés, ils coulèrent en une cascade de petites vagues jusqu'à ses omoplates. Le Prince y passa aussitôt ses doigts avec un sourire.

— Ils ont tellement poussé en quelques mois à peine, fit-il remarquer.

— Ce n'est pas pour te déplaire, n'est-ce pas ? railla le blond.

— Oh que non.

L'aîné porta sa main au visage de son amant et caressa tendrement ses joues semées de dizaines de taches de rousseur. Felix lui décocha aussitôt une œillade pénétrante qui lui fit perdre toute contenance.

Chan se pencha pour l'embrasser, mais l'androgyne posa ses doigts sur ses lèvres pour l'en empêcher.

— Allons choisir ton costume maintenant, ou nous risquerons bien de ne pas être prêts à temps.

Et, sans lui laisser le temps de répliquer, le blond entremêla leurs doigts et le tira en direction du palais.

L'aîné suivit celui qui avait ravi son cœur en jubilant intérieurement de sa victoire. Lorsqu'ils pénétrèrent dans leurs appartements, Yuqi y était déjà présente, occupée à déposer des linges propres sur leur lit. Elle les salua d'une révérence, et Felix y répondit par un sourire.

— Je suis venu aider à choisir un costume pour Chan, répondit-il à l'interrogation qu'il décelait dans ses yeux.

Elle hocha la tête avec un sourire.

— Ils sont ici, indiqua-t-elle en pointant les bergères.

Felix suivit son doigt du regard. Un léger rire lui échappa.

— Tu n'arrives pas à choisir entre deux costumes ? railla-t-il.

— C'est très difficile, se défendit le Prince à la chevelure cinabre.

Le blond secoua la tête avec un sourire en coin. Il étudia un instant les tenues posées sur les dossiers capitonnés.

— Le blanc.

— Quoi, comme ça ? Sans essayer ? fit Chan, surpris.

— Oui, le blanc.

— Je pense qu'il a raison, intervint alors la servante qui semblait se retenir de rire. Le bleu est certes très beau, mais il ne se marie pas très bien avec la robe que sire Felix a choisie.

La brune et le Gongdanien s'esclaffèrent devant les yeux exorbités du Prince.

— Par ailleurs, sire Felix, je pense qu'il serait raisonnable de commencer à vous préparer maintenant, déclara alors Yuqi.

— Mais la cérémonie ne se déroulera pas avant trois heures...

— C'est vrai, mais je dois m'assurer que tout soit bien en ordre. Et puis, cela vous donnera le temps de prendre un bain.

L'androgyne hocha la tête en acceptant les linges et les tuniques que lui tendait la domestique. Il agrippa la main de Chan.

— Tu viens ?

— Bien sûr, répondit celui-ci en recouvrant l'usage de ses cordes vocales.

Il emprisonna ses doigts entre les siens, et ils rejoignirent le couloir. Leurs lèvres ne manquèrent pas de se retrouver sur le chemin.

— Aïe.

— Excusez-moi, marmotta Yuqi sans pour autant cesser de tirer sur sa chevelure.

Felix observa son minois maquillé dans le miroir et avisa ainsi la mine mécontente de la jeune femme à ses côtés.

— Vous êtes contrariée car nous avons beaucoup trop tardé, devina-t-il sans parvenir à réprimer un sourire amusé.

— Je ne saurais être contrariée contre vous, sire, rétorqua la servante en se saisissant de longs fils argentés.

— Je suis désolé. Je n'aurais pas...

— Ne vous excusez pas pour cela, sire. Ce n'est rien.

L'androgyne adressa son plus beau sourire au reflet de la domestique, ce qui la fit se radoucir quelque peu.

— Au moins, vous ne sentez plus le métal et la sueur, maintenant, fit Yuqi avec un air sourcilleux.

Felix ne rétorqua pas face à sa remarque cinglante. Il savait qu'elle tenait énormément à lui et qu'elle craignait qu'il ne finisse par se blesser depuis qu'il s'était enrôlé dans l'armée.

— Tenez, déclara alors posément la servante. Un héraut est arrivé avec cette lettre pendant que vous barbotiez.

Intrigué, le blond s'en saisit et la décacheta, avant de la dérouler face à lui.

« Mon très cher frère,

J'espère que tu te portes bien et que tu es heureux dans ce Royaume qui est désormais tien. Mère m'a dit que tu avais remporté les épreuves et épousé le Prince Chan. Je suis si fière de toi !

Par pitié, dis-moi qu'il n'est pas aussi rétif et intraitable que le disent les rumeurs colportées par les domestiques... Si c'est le cas, je viendrai moi-même le défier en duel à l'épée et je lui donnerai une raclée qui, crois-moi, réveillera ses neurones.

Rien n'a changé depuis ton départ, si ce n'est que tu me manques beaucoup. D'ailleurs, les cris que poussaient les servantes lorsqu'elles apercevaient l'héritier du trône en train d'utiliser ma coiffeuse et mon maquillage me manquent aussi...

Je mène toujours la vie dure à ma gouvernante. La pauvre est au bord de l'évanouissement lorsque je me présente à elle, les cheveux collés par la sueur, l'épée à la main et la robe en lambeaux. Elle qui a toujours insisté pour que je porte des robes, elle a pourtant fini par se résigner à me laisser revêtir des braies et des tuniques quand je sors m'entraîner. Si tu savais le nombre de robes que j'ai saccagé, tu te pâmerais d'horreur...

Je sais que tu manques à Seungmin. Même s'il ne l'admet pas et qu'il s'affiche tout le temps comme quelqu'un de sérieux, le rayon de soleil que tu étais pour lui a disparu, et cela le rend morose. Je m'inquiète un peu pour lui, à vrai dire. Il a le nez plongé dans la diplomatie. Il a même épluché tous les ouvrages de la bibliothèque en à peine trois jours !

D'ailleurs je t'écris cette lettre pour une raison bien précise, mon frère. Mère va abdiquer sa couronne dans quelques semaines et la remettre à Seungmin. Elle a décrété qu'elle était fatiguée de régner et qu'elle n'avait plus aucune véritable influence sur ses sujets. Elle espère que Seungmin saura changer la manière conservatrice de penser du Conseil des Nobles.

Seungmin s'efforce de se montrer confiant par rapport à sa décision, mais je vois bien dans ses yeux qu'il a peur. Alors mon frère, je t'en prie, quand le moment sera venu pour lui de monter sur le trône de Gongdan, viens l'assister et accepte son hospitalité pendant les premières semaines de son règne. Je sais que ta présence l'apaisera et lui donnera suffisamment de courage pour qu'il se mette à croire en lui.

Mère dit que père serait fier de nous. Personnellement, j'en doute. Mais je la laisse à ses illusions. Elle a l'air sincèrement heureuse pour toi, mon frère. Elle qui paraissait si dure et austère, elle se rit des aristocrates qui la gratifient sans cesse de commentaires désobligeants à ton propos. D'ailleurs, personne ne peut véritablement lui tenir rigueur de sa décision. Le Roi de Malyeog est satisfait, et les Gongdaniens aussi, puisque Seungmin est désormais le dauphin.

Je suis vraiment navrée que tant de gens se soient opposés à ta nature, Lix. J'aurais tant voulu qu'ils sondent ton cœur comme je l'ai fait et qu'ils voient la personne que tu es réellement derrière cet air espiègle que tu te donnes. Je sais que toutes ces remarques t'ont touché, même si tu ne l'admettras sans doute jamais, par fierté.

Ah, la fierté masculine... Une grande histoire, n'est-ce pas ?

Mais trêve de bavardages. Ma gouvernante vient d'entrer dans mes quartiers, et au vu de son expression réprobatrice, je vais passer un sale quart d'heure.

Au plaisir de te revoir bientôt, mon cher frère. N'oublie pas que nous t'aimons.
Laïa. »

Felix souffla avec un sourire mi-amusé mi-attendri. Sa sœur le connaissait bien mieux qu'il ne l'avait cru.

Il reposa la lettre sur la coiffeuse, perdu dans ses pensées concernant Seungmin. Il était très jeune, bien trop pour qu'il se fasse engloutir par le poids des responsabilités royales. Il se promit qu'il se rendrait dans son Royaume natal pour le conseiller dès qu'il le pourrait.

Alors que Yuqi finissait de coiffer son épaisse chevelure aux reflets d'or, le Prince de Malyeog pénétra dans la pièce, ce qui le tira de la nostalgie qui avait commencé à le submerger.

Le blond roula des yeux.

— Incapable de museler son impatience, pas vrai ?

Chan se contenta de sourire d'un air indéchiffrable. Felix jeta un œil critique à sa tenue au travers du miroir, avant d'approuver d'un hochement sec de tête.

Il avait revêtu un pantalon, une chemise d'un blanc crémeux et une redingote sombre qui lui descendait jusqu'aux genoux. Ses bottes en cuir étaient lustrées, et sa chevelure rouge soigneusement coiffée vers l'arrière.

Le Prince passa distraitement son doigt sur une bague en argent gravée d'un entrelacs de fines lignes où de minuscules diamants étaient enchâssés : son alliance, celle qu'il avait fini par accepter de porter après avoir digéré le fait que son épouse soit un homme.

Felix vint lui faire face et, avec un fin sourire, agrippa les pans de sa robe en fléchissant les genoux dans une gracieuse révérence.

Il s'était paré d'une robe vert impérial qui dévoilait ses bras graciles, le haut de son buste et ses épaules mouchetées de taches mordorées. Des fils d'argent ténus étaient brodés sur la jupe en formant un entrelacement de fleurs, et des petites perles opalines étaient cousues sur son bustier. Ses cheveux blonds mi-longs et ondulés étaient retenus par un bandeau mauve où avait été glissé un jasmin blanc qui dégageait un parfum grisant. Deux mèches dorées tressées de fils ivoirins encadraient son doux visage. À ses oreilles brillaient des bijoux en forme de fleurs pourpres. Et au milieu de tout cela, ses yeux violets rehaussés de fard lilas offraient un contraste plus que saisissant avec la couleur jade de sa robe.

Chan le saisit par la taille et l'attira contre lui pour l'embrasser passionnément. Felix lui rendit aussitôt son baiser avec ferveur.

Les doigts de l'aîné se refermèrent sur les siens. Il les porta à ses lèvres et les embrassa sans cesser de le dévisager avec une insistance redoublée. Il baissa lentement les yeux pour admirer à loisir le vêtement qu'il avait choisi. Ses sourcils s'arquèrent lorsqu'il remarqua ses escarpins immaculés qui présentaient les mêmes motifs floraux que la jupe.

— Es-tu certain que tu parviendras à marcher avec ça ? demanda-t-il en indiquant les talons bien plus hauts que ceux qu'il portait à l'accoutumée.

Felix lui décocha un regard faussement offensé. Il glissa ses doigts dans la chevelure de feu de son amant.

— Tu me mets au défi, c'est ça ? souffla-t-il avec un demi-sourire taquin.

— Oh non, je n'oserais pas provoquer le capitaine de la garde royale.

L'androgyne opina du chef avec un regard qui en disait long. Il se détacha de Chan et se saisit de la bague ciselée que lui tendait Yuqi avec un sourire enchanté, avant de la glisser sur son annulaire gauche.

— Vous êtes vraiment splendide pour une fausse princesse, ironisa le jeune Prince de Malyeog.

— Vous êtes vraiment séduisant pour un insurgé, riposta aussitôt le blond.

— Tu vois ? J'avais raison quand je disais que tu étais d'humeur jou...

Le Gongdanien le fit taire en plantant un bref baiser sur sa bouche.

— Viens, nous sommes en retard, souffla-t-il contre ses lèvres.

Il effleura sa mâchoire marquée du bout des doigts. Incapable de faire taire ses pulsions, Chan se pencha pour l'embrasser, mais Felix s'esquiva avec un sourire espiègle.

— Plus tard, beau prince.

Devant la mine boudeuse de son époux, il éclata de rire avant de renchérir :

— Le mariage de ton frère avec la paysanne dont il s'est épris est une cérémonie importante. Il faut que tu y sois présent, afin qu'il se sente soutenu.

— Je sais, mais...

— Je serai tout à toi dès que le banquet sera terminé, promit le blond.

Les iris aux différentes nuances de bleu de Chan étincelèrent d'un sentiment plus qu'explicite.

— Dépêchons-nous, dit-il alors. Nous allons être en retard.

Le plus jeune pouffa en secouant la tête. Les Princes saluèrent Yuqi et quittèrent leurs quartiers en direction du grand hall. Ils s'installèrent sur les chaises capitonnées aux côtés de Son Altesse.

— Fils, fit ce dernier en inclinant la tête pour le saluer.

Il agrippa délicatement les doigts du blond et lui fit un baisemain.

— Felix, cette robe vous sied à merveille. Vous êtes vraiment ravissant, ce soir.

Le concerné le remercia d'un sourire, les pommettes légèrement érubescentes.

— Vous continuez d'embrasser sa main alors même que vous savez qu'il n'est point une fille, lui fit remarquer Chan en croisant les jambes devant lui.

Le Roi haussa les épaules.

— On ne perd pas les bonnes habitudes.

Les nobles du Conseil étaient également présents dans les rangs derrière eux, ainsi que les domestiques du palais. Des gardes en faction se tenaient contre les murs agrémentés de tapisseries. Felix reconnut aussitôt Changbin, occupé à réconforter Jisung.

Le départ de Hyunjin semblait l'avoir attristé. Le cœur du blondinet se serra face au spectacle de ses yeux gonflés et rougis par les larmes. Il se leva aussitôt et s'approcha des deux soldats avec une profonde inquiétude. Il prit le jeune homme sanglotant entre ses bras et le serra longuement contre lui.

Lorsqu'il se détacha de Jisung, il ébouriffa ses cheveux châtains avec affection. Changbin adressa un regard soulagé à l'androgyne en constatant que ses pleurs avaient cessé. Il prit la main de son amant et l'embrassa doucement pour le faire sourire.

Felix les laissa entre eux et se faufila entre les quelques convives qui s'échangeaient des banalités.

Il s'agissait d'une cérémonie sans trop d'effervescence, selon le souhait de Seoho.

— Quand comptez-vous abdiquer votre trône et couronner mon frère ? demanda Chan à son père.

Le vieil homme lui jeta un regard de côté.

— Lorsqu'il sera prêt, répondit-il simplement.

Le Prince cadet se tourna à sa droite pour trouver le regard violet du blond, mais celui-ci avait été traîné à l'écart par les épouses des comtes et des ducs invités. Il dut se retenir de rire devant la situation : elles jacassaient comme des poules en bombardant l'androgyne de questions et de compliments. Felix leur souriait, mais il put déceler une pointe de malaise dans ses yeux féeriques.

— Tu ne comptes pas aller l'aider ? demanda le souverain avec une once d'humour dans la voix.

— Bien sûr que non, ricana Chan. Le capitaine de la garde royale sait fort bien se débrouiller tout seul.

Comme s'il l'avait entendu, le Gongdanien lui lança un regard noir auquel il répondit par son sourire le plus charmeur.

Au bout d'une dizaine de minutes, le blond revint s'asseoir à ses côtés avec un soupir excédé.

— Je les aime bien, ces bonnes femmes, mais qu'est-ce qu'elles m'épuisent...

— Elles t'ont laissé partir ? fit Chan, étonné.

— Pas pour longtemps, grommela son vis-à-vis. Elles reviendront assurément à la charge.

— C'est difficile d'être une princesse, Lix.

— C'est bien pour cela que je n'en suis pas une, malgré les apparences.

— Mais tu aimes que je te surnomme « Princesse ».

— Oui.

Le Prince secoua la tête sans parvenir à réprimer un sourire amusé.

Enfin, la cérémonie débuta. Seoho s'avança sur l'estrade, main dans la main avec une jeune femme dont les longs cheveux d'un brun tirant sur le roux étaient relâchés en une cascade de boucles. Sa robe bleue était brodée de dentelles, mais gardait une simplicité que Chan se surprit à apprécier. Peut-être parce que cela signifiait qu'elle continuait d'exhiber son statut de paysanne.

Son beau visage était rehaussé d'un léger maquillage, et un sourire timide s'étirait sur ses lèvres. Le jeune homme se souvint néanmoins de ce que son frère lui avait confié : malgré son air angélique, Shuhua avait beaucoup de caractère.

Le Roi alla à leur rencontre et leur tint le même discours guindé que celui qu'il avait fait à son fils cadet et à Felix quelques mois auparavant.

Mais Chan n'écouta pas un seul traître mot de sa litanie, bien trop occupé à dévisager le beau visage du blondinet à ses côtés. Un léger mascara embellissait ses cils et un lustre rose pâle avait été appliqué sur ses lèvres. Lèvres qu'il rêvait de goûter à nouveau, en cet instant.

Il était véritablement subjugué par sa beauté enchanteresse.

En se retournant discrètement, le jeune Prince aperçut la répréhension sur les visages des nobles. À vrai dire, le contraire l'aurait étonné. Mais il ne s'en inquiéta pas outre mesure, sachant que son père ne se laissait pas influencer par l'esprit conservateur de certains aristocrates. D'ailleurs, il n'avait pas manifesté le moindre intérêt à leurs réprimandes quant au fait que Chan ait épousé l'ancien héritier du trône de Gongdan.

Les applaudissements de l'assemblée arrachèrent le jeune homme à sa rêverie momentanée. Les nobles se levèrent féliciter les jeunes mariés, même ceux qui n'approuvaient pas une telle union.

Felix et son aîné attendirent que tout le monde ait terminé avant de s'avancer à leur tour. Alors que le blond adressait ses vœux, Chan remarqua avec plaisir que Shuhua ne lui manifestait aucun dégoût. Au contraire, son sourire rayonnant était plus que sincère.

— Vos traits me disent quelque chose, fit alors l'androgyne. Nous sommes-nous déjà rencontrés auparavant ?

— Non, je ne crois pas, réfuta la jeune femme, sinon je me serais rappelée de vous.

Felix fronça les sourcils en l'examinant de plus belle.

— Mais oui ! s'exclama-t-il alors. Vous êtes la sœur de Yuqi, n'est-ce pas ?

Shuhua parut agréablement surprise.

— Vous connaissez ma sœur ?

— Bien sûr ! C'est une amie qui m'est chère.

Quelques phrases échangées suffirent pour que le blond ravisse la jeune femme à Seoho, qui se retrouva seul avec son frère.

— Je suis fier de toi, dit simplement Chan.

Le jeune homme aux cheveux couleur de miel opina avec un sourire.

— Merci.

— Viens, allons profiter de festoyer avant que Shuhua ne revienne et ne réclame ton attention.

— Disons plutôt avant que Felix ne revienne et que tu succombes à son charme.

Chan s'esclaffa de bon cœur.

— C'est bien trop tard pour cela, mon frère. J'y ai déjà succombé.

— Je me disais bien.

Le plus jeune passa un bras autour des épaules de Seoho, et ils sortirent dans la cour, là où les festivités prenaient place.

Une grande table y trônait, recouverte de victuailles en tout genre. Des convives n'appartenant pas à la noblesse y étaient déjà installés, probablement des personnes de la famille de la future Reine.

Un groupe de musiciens se mirent alors à jouer une musique entraînante. Pas moins d'une minute plus tard, Shuhua avait emporté son époux dans la ronde des danseurs.

Chan réprima difficilement un sourire amusé en le voyant remuer dans tous les sens pour tenter d'imiter la danseuse extravagante qu'était son épouse.

Il accepta la coupe de vin que lui tendait un serviteur et but une gorgée en promenant son regard sur les festivités.

Une chaleur familière se nicha soudainement dans sa paume.

— M'accorderiez-vous une danse, Channie ? souffla une voix rauque.

Le concerné frissonna. Sa présence à ses côtés était un véritable délice.

— Je peux concevoir que marcher ne soit pas un véritable problème, mais tu comptes vraiment danser avec de pareils escarpins ? le questionna-t-il, préoccupé par le bien-être du Gongdanien.

— Défi accepté.

— Lix...

Trop tard, l'androgyne l'avait déjà tiré dans la ronde. Et Chan comprit bien vite son erreur. Felix dansait divinement bien, et ce en dépit de ses talons qui ne semblaient d'aucune façon entraver ses mouvements. En fait, le Prince eut toutes les peines du monde à le suivre.

La musique qui suivit lui rappela immédiatement la première fois qu'ils avaient dansé ensemble.

— Une valse..., murmura l'androgyne en se rapprochant de lui. Tiens donc, quelle coïncidence...

Chan n'en pouvait plus de ces frissons qui parcouraient sans cesse son échine à chaque fois qu'il ouvrait la bouche.

Il but son vin sucré à grandes lampées et posa distraitement la coupe sur la table. Il cala alors ses mains sur les hanches légèrement rondes du blond, alors qu'ils entamaient la danse. Ses pulsions menaçaient de reprendre le dessus, et il s'empressa de les faire taire en se concentrant sur ses pas.

Felix ne manqua pas de remarquer l'effet qu'il lui faisait. Il cessa brusquement de danser et vissa son regard violet dans le sien. Il posa une de ses petites mains sur son torse et le caressa doucement. Malgré sa chemise, Chan avait l'impression de la sentir sur sa chair, comme une délicieuse brûlure.

— Quelqu'un est impatient, on dirait, s'amusa le plus jeune en feignant l'innocence.

Le Prince gronda.

— Ce n'est pas ma faute... Cette robe est vraiment magnifique sur toi...

L'androgyne lui décocha un sourire mutin. Il se rapprocha davantage et enlaça sa taille.

— Encore quelques heures... Et tu pourras dénouer les lacets pour la retirer très, très lentement...

— C'est un véritable supplice... Tais-toi, je t'en supplie, où je vais me sentir obligé de t'enlever.

Les doigts de Felix se baladèrent sur le visage de Chan.

— Je t'avoue que ça ne me déplairait pas...

Le Prince vint happer ses lèvres en un baiser langoureux. Le blond l'embrassa en retour, ses bras venant entourer sa nuque. Il sourit contre sa bouche alors qu'ils se dévisageaient avec luxure.

— Je t'aime, souffla-t-il alors.

— Moi aussi, Lix, répondit aussitôt Chan en venant caresser sa joue étoilée. Je t'aime tellement fort...

La musique avait changé, mais aucun d'entre eux ne s'en préoccupait.

L'aîné souleva Felix et l'installa dans ses bras.

— Tu crois que quelqu'un remarquera que nous n'avons même pas goûté aux plats ? demanda-t-il soudainement.

Le Gongdanien ricana avec un sourire espiègle. Alors qu'il dégageait le jasmin de son bandeau, ses yeux de velours violet plongèrent dans ceux de son vis-à-vis. Il glissa délicatement la fleur blanche dans la chevelure écarlate de son amant, ce qui ne manqua pas de le faire frissonner.

— Cela m'étonnerait. Allez, enlève-moi, beau prince.

— À tes ordres, Princesse.

Chan quitta alors la cour en se faufilant dans les recoins qui n'étaient pas éclairés par la lumière vacillante des flambeaux, sa belle princesse tout contre lui. À l'entrée du palais, leurs lèvres se retrouvèrent avec douceur, une douceur vaporeuse exprimée par leurs sentiments. Ce baiser éthéré recelait toute la promesse d'un avenir radieux, main dans la main.

La promesse d'un amour qui ne fanerait jamais.

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This is the end of the road ~ *pleure*

Voilà la fin de cette fic :) j'espère sincèrement que ça vous aura plu 🥺

Ça va tellement me manquer de l'écrire ;-;

Merci beaucoup à vous tous d'avoir lu ! Je suis tellement heureuse ahhhh 😭💙

Elle a vraiment duré longtemps 😂 elle était censée faire cinq chapitres à la base jpp

Et pour ceux qui se poseraient la question, ne paniquez pas, je compte bien écrire d'autres fics avec du cross-dressing 🙃😂 je ne sais pas si c'est une bonne ou une mauvaise nouvelle pour vous, mais voilà x)

Je vous souhaite une très bonne année 2021, les gars !

À la prochaine krkr
Merci encore ✨🏵💛

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