Switching

Lors de l'année du passage des 18 ans, dans la nuit du 1er au 2 avril, chaque jeune « switch » avec une autre personne sur Terre. Nous sommes le 1er avril 2019 et cette nuit, le switch de Cynthia, une jeune adolescente aimée de tous dans son établissement, aura lieu. Avec qui cela va-t-il se passer ? Sera-t-il positif ou négatif ?

Informations : Les parties écrites en italique correspondent au pensée de la Cynthia dans le corps de la personne avec qui elle switch. Les parties en gras sont des paroles de chansons résonnant dans le lieu. 

OoOoOoOoOoOoOoOoOoO

Bip ! Bip ! BIP ! DRIIIIIIIIIIIIIING !

« - La ferme ! »

Cynthia grogna dans son lit double, son bras droit s'étirant en direction de son téléphone qui devait se trouver quelque part sous un coussin ou l'épaisse couverture. Ses doigts passèrent sur le tissu doucereux, aucune surface froide ne caressa la pulpe de ses doigts faisant que le son strident ne prenait jamais fin. L'irritation montante, la jeune fille finit par se redresser sur son matelas en ouvrant les yeux, un soupir quitta ses lèvres tandis qu'elle frottait ses paupières afin de mieux voir son lit. Ses yeux myopes parcoururent les draps en quête d'une tâche rose gold sur sa draperie blanche mais sa vision flou ne l'aidait guère.

« - Enfin ! Te voilà connard ! »

Jurant contre l'objet électronique, la jeune fille s'empressa de faire glisser ses doigts vers le haut de l'écran afin de mettre un terme au réveil cacophonique. Soufflant d'allégresse maintenant que le silence était revenu, l'adolescente se rallongea en étoile sur son matelas moelleux tout en fermant les yeux : elle pouvait bien se donner cinq minutes de sommeil supplémentaire. Son IPhone se perdant une nouvelle fois dans la couverture, la jeune fille eut à peine le temps de fermer les paupières qu'on vint bafouer sa tranquillité.

« - Debout la larve ! »

Son frère, un abruti de première, entra dans la pièce en lui lançant un coussin au visage sans aucune délicatesse. L'objet plumeux rentra en contact avec la peau graisseuse de son visage tout en la faisant se redresser de fureur : ce petit merdeux allait payer son affront. Saisissant son arme, l'aîné de la famille sauta du lit en brandissant le coussin avant de courir vers son petit frère qui riait comme un fou en dévalant les escaliers afin de rejoindre la cuisine familiale.

« - Revient ici Mathéo ! Revient là que je t'étripe !

- C'est ça ! Rattrape-moi avant !

- Je vais te tuer ! »

Déboulant dans la cuisine tout en brandissant l'oreiller au-dessus de sa tête, Cynthia se retrouva vite face à ses deux parents qui soupirèrent d'exaspération face au comportement de leur fille. Juste derrière la mère se dressait Mathéo qui avait un sourire malicieux sur le visage indiquant clairement un « Tu vas faire quoi maintenant ? » qui rendit encore plus furax l'aîné de la famille.

Abaissant son arme duveteuse, la jeune fille lança un regard foudroyant à son cadet avant de s'approcher de la table pour avaler un rapide petit déjeuner composé de céréales et de lait : rien de plus classique pour commencer la journée. La petite famille prit place autour de la table, riant, discutant, s'appréciant en demandant le programme du jour à chacun.

« - Au fait, nous sommes le 1er avril aujourd'hui. C'est demain que tu vas vivre ton switch Cynthia, affirma la mère avec une pointe d'excitation dans la voix. Tu vas devenir une véritable adulte après avoir passé cette étape ma chérie !

- Tu verras, c'est une expérience incroyable, renchérit le père. Je me rappelle que mon switch avait été avec une Américaine. Très déstabilisant mais enrichissant !

- Et toi maman, demanda le garçon. Avec qui tu as switch ?

- Oh... Je n'ai pas vraiment de souvenir, ricana un peu gênée la femme. C'était une jeune fille mais son train de vie ne m'avait pas plus marqué que cela. Du coup, j'ai un peu oublié mon switch.

- J'espère que je switcherais avec l'enfant d'une star hollywoodienne, lança tout excité Mathéo. Cela serait trop bien de vivre dans le luxe et tout pendant 24 heures !

- Rêves pas trop l'abruti, renchérit sa sœur. Tu vas te retrouver au fin fond de l'Amazonie, tu ne vas rien comprendre et flipper en faisant face à une tarentule. »

Cynthia accompagna ses paroles avec des gestes. Sa main vint se glisser sous la table afin d'imiter une araignée montant sur la cuisse de son petit frère qui poussa un cri peu viril sous l'attaque de sa grande sœur qui partit dans un fou rire tout en fuyant vers la salle de bain : elle était taquine mais l'adolescente tenait à sa vie. Fermant le verrou, la lycéenne retira son pyjama tout en se dirigeant vers la douche qu'elle actionna.

L'eau chaude, quasi brûlante, coula sur son corps encore ensommeillé. Un soupir détendu quitta ses lèvres alors que Cynthia passait de l'eau sur son visage pendant quelques secondes : que c'était bon. Attrapant sa fleur de douche, l'adolescente y versa un peu de savon avant de faire mousser le tout puis de frotter son corps. Une fine pellicule blanche recouvrit sa peau métisse, un sentiment de propreté s'ajouta à celui de la tranquillité lorsque la mousse fut rincée laissant son épiderme dénué de sueur et bactéries ayant macérés toute la nuit.

Tendant le bras pour attraper une des serviettes moelleuses, elle entoura le tissu éponge autour de sa poitrine tout en sortant de la douche afin de commencer son maquillage matinale. Cynthia appuya sur l'interrupteur afin d'allumer le plafonnier puis elle sortit son fond de teint, anticerne et bien d'autres éléments de beauté. Pendant une bonne quinzaine de minutes, l'adolescente se pouponna de A à Z jusqu'à se rendre méconnaissable.

D'une jeune fille de dix-huit ans, elle semblait en avoir vingt maintenant que ses paupières étaient recouvertes de fard pourpres et qu'un rouge à lèvre neutre recouvrait la teinte naturelle de sa bouche. Mais la métamorphose fut bien plus spectaculaire lorsqu'elle s'habilla : pantalon Lewis, croc-top moulant Pretty Little Things dévoilant son ventre parfaitement plat, veste en cuir véritable. Le fait que la jeune adulte venait d'une famille aisée se faisait parfaitement ressentir dans sa tenue aux marques populaires auprès de nombreuses personnes.

Coiffant rapidement sa chevelure crépue qu'elle avait tressé quelques jours auparavant, la lycéenne partit en quête de son sac de cours de marque, lui aussi, et elle descendit les escaliers afin d'enfiler ses New Balance pour aller en cours puisque que huit heures vingt-cinq approchaient. Lassant ses baskets, l'adolescente souhaita une bonne journée à sa famille avant de sortir dans le jardin puis dans la rue : le lycée se trouvait au bout de cette dernière.

En moins de cinq minutes, Cynthia était dans l'établissement, parcourant la cour en saluant bon nombre de personnes puisqu'elle avait une certaine popularité et traînée avec des personnes qui possédaient, eux aussi, une certaine notoriété et classe sociale. Arrivant dans la salle des casiers, l'adolescente retrouva son groupe d'amis qu'elle s'empressa de saluer en leur faisant la bise comme tout bon français. Leurs joues rentrèrent en contact tout en s'échangeant des banalités d'adolescents qui n'avaient peu d'intérêt. Du moins, jusqu'à ce que la partie « partage de ragots » ne survienne.

« - Au fait ! Vous avez vu ce qui s'est passé sur Twitter ? Chris a partagé un truc de fou après la soirée d'anniversaire d'Alexander !

- Quoi ? Non je n'ai pas vu. Vas-y racontes ! Raconte Lucie !

- Toujours là pour écouter les potins, se moqua Cynthia qui était tout aussi curieuse que son amie.

- Eh bien, vous voyez Hastia ?

- L'intello ? Celle qui traîne avec des gens bizarres et sort avec Liam ?

- Ouais, elle.

- Une ringarde, ajouta Lucie en pouffant un peu.

- Oui bah si tu savais ce qui s'est passé à la soirée d'Alexander !

- Parce qu'elle était invitée ?

- Oui et son copain aussi. Enfin bref ! Chris était aussi présent avec d'autres et tout, ils ont commencé à tout boire. Enfin, une soirée quoi ! Tout allait bien quand d'un coup Liam et Hastia sont sortis d'une pièce sans prévenir.

- Ne me dis pas qu'ils ont baisé à côté de tout le monde ! »

Lucie, d'une curiosité maladive, ne pouvait pas s'empêcher d'imaginer des idées toutes plus tordues les unes que les autres. Souvent cela était faux, à son plus grand malheur, mais cela faisait toujours bien rire Cynthia et ses potes.

« - Non, pas du tout. En fait Liam a poussé Hastia contre une table en lui hurlant dessus. Genre que c'était une salope qui le voyait uniquement comme un pervers ne pensant qu'au cul et tout. Bref, il a été super violent. Apparemment le choc était super brusque.

- Oh my god ! J'ai toujours dit que ce gars était un malade, s'offusqua Cynthia.

- Non mais clair. Il dégage trop un truc de chelou, vraiment faut pas l'approcher. Il est malade d'avoir fait ça ! Et il s'est passé quoi ensuite ?

- Hastia serait partie en courant hors de la salle puis elle aurait pleuré dehors et Rodrigue se serait occupée d'elle. Apparemment ils ont parlé dans une voiture pendant plus d'une heure. Je sais plus si Liam n'est pas directement rentré chez lui en appelant ses parents mais Hastia a fini la soirée en se bourrant la gueule et fumant.

- Elle boit et fume ? Hastia ?

- Ouais, apparemment.

- Je ne la voyais pas comme ça. L'intello n'est pas si coincée du cul.

- Ouais mais ce n'est pas tout sur la soirée. Le lendemain matin, il y aurait eu des rumeurs. En rentrant chez elle, Hastia aurait parlé avec Alexander et il se serait passé un truc dans la pièce. Genre Liam lui aurait fait un truc mais elle ne s'en rappelle pas. Genre elle a un doute s'il ne l'a pas viol...

- Chut ! Elle arrive ! Taisez-vous. »

Au bout du couloir, une jeune adolescente de dix-sept ans arpentait les couloirs la tête basse, les écouteurs enfoncés dans les oreilles. Elle portait un sweat à capuche jaune poussin avec une veste en similicuir noir par-dessus, son pantalon était lui aussi noire mais il blanchissait à certain endroit signe de son usure. Sa chevelure bouclée et brune aux reflets roux était nouée en une queue de cheval haute comme à son habitude tandis que son visage était fermé. Ses yeux, aux cernes tout de même apparents malgré la couche d'anticerne beige clair mise, étaient égarés et vides d'étincelle.

Hastia, dans son monde grâce à ses écouteurs, marchait seule dans les couloirs tandis que certains regards se posaient sur elle sans que la jeune fille ne puisse savoir la cause de ses murmures sur sa personne. Elle gravit les marches en direction de la salle de classe, son cours de science de la vie n'allait pas tarder à débuter.

Cynthia en fit de même avec ses amis puisque la sonnerie résonna dans les couloirs de l'établissement, signe qu'il était temps d'y aller. Saluant Lucie qui avait cours ailleurs puisqu'elle était en ES, la populaire arriva vite devant la porte de sa classe où se trouvait moult personnes qu'elle appréciait énormément : sa classe était composée de bon nombre de gens populaires qu'elle appréciait beaucoup. Les bises s'échangèrent, les taquineries furent donnés et Cynthia ne put s'empêcher de lancer des coups d'œil à Hastia qui discutait distraitement avec une de ses amies : Alicia si elle ne se trompait pas.

Mais, la petite « intello » semblait ailleurs, un écouteur toujours dans son oreille droite diffusant sans doute une musique tandis que la gauche écoutait son amie parler malgré le fait que la première de la classe soit ailleurs. Madame Lavandier arriva avec deux-trois minutes de retard, le bruit de ses talons sur le sol carrelé avait été le signe de son apparition et ce fut ainsi que la journée de cours débuta.

Tout au long de cette dernière, Cynthia avait pu observer au loin la jeune Hastia. Les ragots tournant autour de l'intello vu comme prude et coincée rendait l'adolescente curieuse mais elle n'osait pas l'approcher et puis... Hastia restait une personne étrange à cause de son caractère très particulier. Mais une chose lui avait attiré l'attention : une dispute.

En face de la porte menant au CDI, lieu où se retrouvait toutes les personnes « ringardes » du Lycée, Hastia était en compagnie de Sophia, une fille considérée comme une gamine par beaucoup et d'une immaturité sans nom mais elle était aussi une amie de collège de l'adolescente au centre des rumeurs mais aussi de Liam. Le feu semblait au poudre, la voix montait entre les deux camarades de classe jusqu'à ce que l'intello prononça sûrement les paroles de trop.

Sophia avait les larmes aux yeux, ses prunelles montraient une profonde blessure comme si son interlocuteur avait dit LA chose qu'il ne fallait pas. Celle pleurant attrapa son sac, les perles roulant sur ses joues puis elle quitta avec haine celle qu'elle appelait amie avant et Hastia se retrouva toute seule devant le CDI. Cynthia la vit partir vers la porte menant à l'étage, l'intello était dos à elle mais sa main droite tremblait tandis qu'elle attrapait son sac contenant ses écouteurs qu'elle s'était empressé d'enfoncer dans ses oreilles avant de verrouiller son téléphone en lançant une playlist.

Le reste de la journée se passa tranquillement, la populaire vivant sa vie d'adolescente à fond tout en croquant la vie à pleine dent. Elle riait, embêtait, se moquait, discutait sans jamais se poser de questions pouvant la mettre mal au fond d'elle : non, tout allait parfaitement bien dans sa vie. Tout le contraire de la première de la classe qui avait passé la journée seule au premier rang, la tête baissée en griffonnant des notes de ce que disaient les professeurs sur des copies simples en restant toujours seule.

Puis vint la fin de journée, il était tant de rentrer chez soi, faire ses devoirs pour demain, du moins, pour les plus sérieux. Cynthia, elle, avait passé sa soirée à regarder des séries tout en discutant avec ses amies de tout mais surtout de rien. Sur son groupe Messenger tout le monde ne parlait que d'une chose : le Switch. Il ne restait que quelques heures avant que chacun ne finisse par basculer dans le corps d'un inconnu. Les paries étaient lancés, chacun proposait des personnes avec qui ils allaient échanger leur vie mais les propositions n'étaient pas très sérieuses.

« - Cynthia, il est l'heure d'aller dormir. Demain va être une journée très spéciale, donc repose toi. Cela serait triste de donner un corps fatigué à la personne avec qui tu vas switcher.

- Mais non ! Cela va le faire !

- J'espère pour lui, enfin bon, extinction des feux ! »

Les paroles furent accompagner par un geste amenant un noir complet dans la pièce faisant soupirer l'adolescente qui aurait bien voulu converser davantage avec ses amis mais sa mère n'avait pas tort. Minuit approchait, le switch n'allait pas tarder à se passer et Cynthia se mit à stresser légèrement. Est-ce que cela allait être douloureux ? Et si elle tombait dans le corps d'une star ? Ou d'une personne vivant une vie horrible à l'autre bout du monde ? Et si elle arrivait dans le corps d'un adolescent maltraité ?

L'angoisse s'installa en elle mais, rapidement, la jeune fille fut happée par le sommeil et le marchand de sable. Ses paupières se fermaient, son portable se perdit dans les draps pour une énième fois et son corps créa une étrange réaction chimique permettant la dissociation de l'esprit et de l'enveloppe permettant le switch.

Cet événement inexplicable par la communauté scientifique arrivait à chaque jeune lors de l'année de ses dix-huit ans. Son âme transvasa dans un corps inconnu et l'enveloppe de la personne parasitée pendant vingt-quatre heures était programmée comme un robot. L'adolescent, tel un observateur, vivra la journée du 2 avril dans le corps de cet inconnu en découvrant tous les petits secrets de sa vie. En cette année 2019, ce fut au tour des 2001 de vivre cette date si spécifique signant les prémices de la vie d'adulte et Cynthia était l'une de ses privilégiées. Son âme vagabondant entre les atomes, elle chercha un corps à posséder : Asie, Océanie, Amériques, Europe, Afrique... Son esprit alla de continent en continent en quête de sa cible et ce fut lorsque minuit sonna qu'une enveloppe corporelle accepta la conscience de Cynthia.





사랑하지 않기를 원해 Eh 멈출수 없는 기억 속에 Yeah eh. Everytime everywhere 머릿속에 너밖에 보여 줌의 재가 되길 바래 Yeah

Une chanson inconnue à la langue étrangère résonna dans la pièce faisant grogner la personne dormant dans son petit lit une place. Les jambes entourant un plaid, les bras serrant le bout de tissu et une étrange peluche qui avait une odeur réconfortante. Instinctivement, le corps tendit son bras vers la petite table de chevet à sa gauche où reposait son téléphone portable chargé. La musique prit fin et la première chose que ressenti Cynthia en étant dans ce nouveau corps fut cette fatigue. Ses yeux lui brûlaient, sa tête était serrée dans un étau, sa gorge était sèche mais surtout son cœur... Son cœur était douloureusement serré.

Mais, en se concentrant, l'âme ressentit autre chose sous cet éreintement intense : du désespoir. D'étranges picotements se faisaient ressentir sur ses bras, ses muscles se tendirent brusquement et un manque étrange se diffusa dans le corps perturbant Cynthia.

« Il se passe quoi là ? Pourquoi mon bras me pique ? J'ai putain envie de le gratter ! »

Actionnant la lumière, Cynthia regarda le bras du corps qu'elle possédait mais elle ne vit rien d'étrange. Sa peau, habituellement métisse, était blanche et quelques lignes rouges étaient visibles mais cela ressemblait plus à des griffures de chat ce qui n'inquiétait guère l'adolescente. Puis elle se leva, du moins, le corps fit cette action. C'était très perturbant, elle savait quoi faire et quand mais en même temps non. C'étaient des automatismes qui se mettaient en place et elle les effectuait comme si c'était son quotidien qui commençait.

La jeune fille avec qui elle avait switcher – Cynthia savait pour le sexe de la personne à cause de la poitrine présente sur son torse – attrapa des vêtements traînant sur sa coiffeuse et s'enferma dans les toilettes pour se changer. Pantalon noir, t-shirt noir, chemisier à carreaux rouge et marine ouvert, une tenue bien banale sans réelle particularité. Une fois vêtu, le corps attrapa le portable en branchant des écouteurs dessus avant de les enfoncer dans ses oreilles et écouter de la musique que Cynthia ne connaissait guère.

« Oneus – Hero ? C'est quoi ça ? Je ne connais pas. Et c'est quoi cette langue ? Du chinois. Bordel je ne pige rien. »

L'enveloppe continua sa routine avec les sonorités étrangères à fond dans les oreilles, la fille s'assit devant sa coiffeuse sans croiser son reflet dans le miroir à un seul moment. Ses recherches furent placées sur les tiroirs où se trouvaient divers produits de maquillage de premier prix venant de Nocibé pour la plupart.

« Teinte 0, eh bah, tu es pâlotte toi. »

Sortant simplement un anticerne avec un beauty blender, de la poudre matifiante blanche et du mascara en plus de sa brosse à cheveux au manche cassé, l'adolescente releva finalement ses yeux vers le miroir dévoilant son identité à Cynthia. Son visage était triste, ses yeux marrons étaient rougis à cause de la courte nuit passée ainsi que des larmes qui avaient coulé : des traces de certaines séchées étaient encore visibles sur ses joues. Son visage joufflu la rebutait, Cynthia le sentait ce sentiment de dégoût de soi et de mal être. Ses cheveux bruns et bouclés tombaient tristement de chaque côté de son visage et, en poussant un soupir, la routine continua sous la stupeur de l'âme parasite.

« Putain ! Je suis dans le corps de Hastia ! »

Ses mèches chocolatées furent nouées en une queue de cheval haute et la jeune fille commença à se maquiller. Ouvrant l'anticerne, elle en mit une couche importante afin de camoufler ses cernes violacées montrant qu'elle n'avait dormi que quatre ou cinq petites heures. Le corps de Hastia faisait de son mieux pour camoufler la tristesse et l'éreintement qu'avait son visage rond, hélas, les marques étaient difficilement camouflables. Soupirant tout en écoutant continuellement sa musique, l'adolescente quitta sa chambre en traînant des pieds afin de rejoindre la cuisine qui se trouvait au bout du couloir à gauche.

Dans la petite pièce aux teintes chaudes, la lycéenne se dirigea vers le placard où se trouvaient les réserves de gâteaux sec, prit un paquet de cookies Granola déjà ouvert et à moitié entamé. Elle déposa son déjeuner sur la table puis traîna des pieds jusqu'à l'armoire contenant les verres et elle finit par chercher le jus d'orange dans le frigidaire. Son père était là, il avait salué gentiment sa famille mais pas de réel discussion se déroulait : l'une mangeait ses cookies en regardant distraitement YouTube tandis que l'autre jouait à Candy Crush sur sa tablette en buvant son thé.

« - C'est plutôt maussade comme ambiance, dis donc. »

Le silence, c'était ce qui planait dans la cuisine que le corps de Hastia occupa pendant une bonne quinzaine de minutes le temps de manger les quatre derniers gâteaux secs du paquet et boire son jus de fruit d'une traite. Ensuite, elle fit demi-tour de manière mécanique en se traînant jusqu'à la salle de bain afin de se brosser les dents tout en appliquant, pour finir sa routine, un rouge à lèvres vieux rose mettant un peu de couleur à ses lèvres fades.

Une fois prête, habillée et maquillée, la jeune fille attrapa son sac de cours préparé la veille et elle repartit dans le salon sans réel entrain : son corps était lasse. Chopant sa veste posée sur le dossier d'une des quatre chaises du salon, elle salua sa mère encore vêtue d'un pyjama portant un chapeau ne laissant dépasser aucune mèche de ses cheveux.

« - Quelle coupe particulière ? Et sa mère est fatiguée dis donc, faudrait qu'elle dorme plus parce que les cernes... Cela se trouve c'est de famille ? »

Ce questionnant sur le rythme si particulier de cet entourage, Cynthia laissa le corps attraper une paire de chaussure et les lasser mais une chose la fit tiquer : l'usure des souliers.

« - Wesh ? C'est quoi ces godasses ? Elle est les à pas depuis le collège ces chaussures ? Il serait peut-être temps de les changer là. Il y a même un trou qui se forme sous la semelle ! »

La lanière du sac passa sur l'épaule de la jeune fille la faisant légèrement pencher sur le droite à cause de la lourdeur de l'objet puis elle sortit de la maison en compagnie de son père qui souhaitait une bonne matinée à sa femme. Rentrant dans la voiture, l'adulte alluma la radio faisant tourner NRJ puisqu'il savait que sa fille n'aimait pas trop entendre les informations de bons matins.

« - Quel est ton programme du jour ?

- Pas grand-chose... Comme d'habitude, cours... »

Pour la première fois depuis son réveil, Hastia, enfin son corps, prononça des paroles d'une voix légèrement rauque puisque ses cordes vocales ne semblaient pas avoir l'habitude d'être utilisées. La conversation n'alla pas plus loin, la route continua en silence pendant les quinze minutes qui séparaient la maison familiale du lycée. Le père se gara, Hastia descendit en lui souhaitant une bonne matinée et en rappelant quand il devait venir la chercher le midi. La porte du véhicule claqua, la voiture noire s'en alla au loin laissant la jeune fille soupirer : il était sept heures cinquante-cinq et la journée commençait à peine que l'adolescente en avait déjà marre.

Le jour se levait à peine sur le lycée encore endormi, Hastia était l'une des premières arrivées dans l'établissement. Les internes déjeunaient dans le self en ignorant l'ombre de la jeune fille traversant la cour en fixant ses pieds avec sa musique asiatique dans les oreilles. Elle ouvrit la porte mais, puisqu'il était encore tôt, cette dernière n'avait pas encore été déverrouillée.

« - Sérieux ? Putain... J'espère que l'autre sera ouverte »

Marchant vers la deuxième entrée, la jeune fille fut soulagée en sentant la poignée tourner actionnant le mécanisme d'ouverture de la porte. La chaleur du bâtiment lui permit de se réchauffer un peu et elle se dépêcha de rejoindre son coin matinale : un espace sous le compteur électrique à côté des casiers devant la salle A 005. Arpentant les couloirs déserts du lycée, Hastia s'assit rapidement sur le carrelage frais tout en ramenant ses genoux contre son torse avec sa musique un peu plus forte.

Un nouveau soupir quitta les lèvres de l'adolescente qui avait le cœur lourd, affreusement pesant, ce qui surprit Cynthia qui n'avait jamais fait face à une telle déferlante d'émotions. Hastia fixait un point devant elle tandis que ses yeux s'humidifiaient au fil des questions qui venaient parasiter son esprit et le sentiment qui ressortait le plus était la culpabilité. Une larme coula sur la joue de la lycéenne, elle n'avait pas réussi à la retenir tant elle était fatiguée et à bout, puis, ce sentiment de picotement dans les bras revint. Ce fut à cet instant que Cynthia réalisa quelque chose.

« - Hey ! Mais je n'ai pas vu de chat chez elle ? Comment elle peut avoir des griffures sur les bras si elle n'en possède pas ? »

Les explications furent rapidement apportées à cause du sentiment d'addiction et de retenu qui se diffusait dans l'enveloppe corporel. Mécaniquement, ou instinctivement, la jeune fille vint passer ses ongles sur l'épiderme de ses avant-bras en faisant des allers-retours en effectuant une pression plus ou moins importante. Un mixte de culpabilité et de soulagement se créa mettant mal à l'aise Cynthia qui ne comprenait pas : pourquoi ?

« - Coucou Hastia.

- Oh ! Salut Astra, comment vas-tu ? »

L'adolescente cessa son activité soudainement tout en arborant un radieux sourire sur visage camouflant toute sa peine et sa souffrance interne. Ses yeux devinrent pétillants et son amie, qui possédait un casier non loin de sa cachette, sourit à son tour.

« - J'aurais bien voulu dormir plus ou être malade. J'ai un examen de philo aujourd'hui et je ne suis pas prête du tout !

- Mais si, ça va le faire Astra, l'encouragea Hastia effaçant tout ce qui bouillonnait en elle pour rendre son amie plus confiante et détendue. Je suis certaine que tu vas tout déchirer !

- Mouais, bah si ça ne te gêne pas je vais réviser un peu le temps que les autres arrivent.

- Oki ! »

La dite Astra, une fille en filière littéraire vint s'asseoir au côté de Hastia qui discuta légèrement avec sa camarade en riant tout en faisant des blagues pas vraiment drôles mais cela permettait à l'adolescente d'oublier son mal-être et le week-end dernier. Hélas, lorsque des personnes populaires que Cynthia connaissait bien arrivèrent en riant et parlant trop fort, l'âme errante ressentit cette étrange sensation d'être observé tout en ouïssant les chuchotements à voix basse. Hastia savait, elle était au courant des rumeurs à son sujet mais juste elle les ignorait, du moins, elle essayait mais cela la faisait souffrir tout en renforçant ce sentiment de malaise déjà si présent.

Le son augmenta dans ses oreilles, sa tête se baissa tandis que ses genoux se rapprochèrent un peu plus de son torse : elle voulait disparaître. Astra travaillait à côté, relisant ses fiches en jurant sur Hegel ou x philosophe, la bande d'amis de Cynthia chuchotait plus loin en rapport avec l'histoire entre Hastia et Liam puis... Le loup arriva. Chevelure brune courte, yeux bleu clair perturbant caché derrière des lunettes de vue aux branches noires, grande taille mais carrure plus que banal : Liam. Il était en compagnie d'une jeune fille à la chevelure blonde et aux yeux tout aussi bleu que lui avec des lunettes azur, puis il y en avait une autre à la chevelure lisse et châtain de petite taille : Sophia et Juliana. Le trio riait fort dans les couloirs, les populaires les dévisagèrent tandis qu'il préparait leur sac pour la journée en racontant des blagues totalement déplacées, voire un peu obscènes.

Douleur et terreur. C'était le choc chimique dans le corps de Hastia qui baissa les yeux tout en retenant ses larmes : elle ne pouvait pas faire face à ces deux personnes. L'une l'avait légèrement blessé physiquement en la balançant contre une table tout en brisant sa confiance déjà frêle, puis l'autre avait empiré sa blessure en l'abandonnant pour cet homme qui l'avait malmené : comment faire plus injuste ?

« - Ce gars est un connard. Comment il a pu lui faire ce genre de chose ? »

Cynthia gronda silencieusement contre Liam mais elle se pétrifia lorsqu'un contact visuel se passa entre Hastia et l'adolescent. C'était froid, jugeur, méchant. Le cœur de la jeune fille se serra, une angoisse monta dans son corps tandis que le bas de son dos lançait comme si une vieille douleur renaissait. Le temps sembla se figer, leurs prunelles s'ancraient et des insultes silencieuses furent échangées entre les deux mais Hastia craqua la première en sentant le regard rempli de rancœur de Sophia. Ce combat était inégal. Deux contre un... Elle ne gagnerait pas et puis... Peut-être avait-elle mérité cela.

« - Hein ? Mais non Hastia ! Tu ne mérites pas ça ! Personne ne mérite de se faire frapper par son copain. Cela ne va pas ? Tu n'es pas en tort ! »

Se redressant, l'adolescente avait perdu sa bataille et elle monta à fond la musique dans ses oreilles tout en disant à Astra qu'elle allait devant sa classe. Son amie ne comprit pas sur le coup puis elle vit les deux ombres à moins d'un mètre d'elles et elle comprit.

« - Oh... Je vois. On se retrouve à la pause ?

- Ou-ouais... Je t'envoie un message. »

L'adolescente courut presque jusqu'à l'escalier qu'elle gravit en quatrième vitesse tandis que ses yeux s'emplissaient de larmes qu'elle peinait à retenir. Sur le chemin vers l'aile B, personne ne l'arrêta ou ne lui jeta un coup d'œil alors que sa souffrance était si visible. Cynthia vit deux-trois personnes qu'elle avait dans son cercle d'ami et elle les observa chuchoter dans le dos de la fille sans rien faire : alors c'était ça d'être de l'autre point de vue...

Un remord prit la populaire en ressentant le mixte d'émotion dans l'enveloppe de Hastia, elle sentait les larmes couler sur ses joues, son organe vitale se serrait et sa tête s'emplir d'idées bien trop sombres qui lui faisait peur. Seule dans un couloir abandonné de vie, la lycéenne alla dans un coin à l'abri des regards pour glisser le long du mur en laissant ses pleurs rouler : elle en avait marre. La vie la fatiguait et elle la haïssait. On disait que l'existence était faite de hauts et de bas mais pourquoi elle n'avait droit qu'à la bassesse de cette dernière. Où était le bonheur ? La joie ? La légèreté ?

Les picotements revinrent, les larmes s'intensifièrent et un sentiment d'injustice prédomina. Hastia tremblait, seule, dans un coin du lycée que personne n'empruntait. Ses traîtresses dévalaient sans que personne ne puisse la voir, la comprendre et c'était peut-être mieux ainsi : elle était destinée à vivre seule de toute façon. La vie l'avait maudit et elle avait fini par l'accepter.

« - Allez Hastia... Cela va aller, calme. Respire. Inspire, expire. Voilà. On se calme avant que cela sonne. Faut se battre, ce... ça va passer. Un jour ça ira mieux, la roue tourne. Elle va tourner. Enfin... j'espère. »

Se frottant les yeux avec brutalité afin d'assécher ses derniers, la jeune adulte tenta de se calmer en se parlant à elle-même. La crise de larmes s'atténua lentement, sa vue se clarifia petit à petit et l'étau serrant son cœur devint supportable puis la sonnerie résonna dans le couloir : il était l'heure d'aller en cours.

« - Cela ne va pas passer inaperçu qu'elle ait pleuré de la sorte tout de même ? Il y a bien quelqu'un qui va lui faire la remarque. »

Se redressant tout en effaçant les dernières traces de pleurs, Hastia eut à peine le temps de se remettre sur ses pieds que Sophia arriva en riant accompagnée de ses deux amis. Un temps d'arrêt s'installa, un instant où les deux ne surent pas quoi faire : la blonde l'observait durement tandis que la brune se sentait si vide qu'elle ne pouvait pas répliquer. Hastia la fixait juste sans rien faire.

« - Bonjour tout le monde ! Allez, on rentre dans la classe ! »

Le professeur de physique-chimie brisa ce moment de dévisagement en ouvrant la salle de classe et les élèves rentrèrent rapidement dans le lieu. Les places du fond furent complètes en une fraction de seconde et Cynthia se vit s'asseoir au dernier rang avec ses camarades tout en chuchotant en lançant des coups d'œil entre Sophia et Hastia : cela était bien étrange de s'observer d'un point de vue extérieur.

« - Cela me met mal à l'aise... Pourquoi j'agis comme ça ? Surtout Hastia doit avoir les yeux rouges et des traces de larmes. Pourquoi je ne vais pas la voir pour lui demander ce qui se passe ? Pourquoi personne vient la voir ? »

Légèrement perturbée, la populaire était secouée face à l'indifférence des gens alors que le mal de l'adolescente était flagrant. L'ignorée prit place au premier rang tout à gauche et, n'ayant plus d'autre place dans la classe, Sophia et ses deux amis durent s'installer au côté de Hastia qui tomba de haut : pourquoi ? Elle allait devoir tenir deux heures avec son ancienne amie qui lui en voulait à mort, qu'avait-elle fait pour qu'elle subisse tout ça ? Pourquoi devait-elle être punie de la sorte ?

Sa main gauche se mit à trembler, les picotements revinrent de plus belle dans son bras tandis qu'elle fouillait dans sa trousse en quête d'un stylo mais son regard s'ancra dans son compas. Cynthia fut surprise de ressentir la retenue qui habitait mais ce qui la choqua fut la pensée de l'adolescence qui disait « Rappelle-toi ta promesse ».

« - Promesse ? Quelle promesse ? Avec un compas ? On a vraiment une vie différente toutes les deux, je ne pige rien... »

Le stylo bleu sortit, la main gauche tremblante cachée sous la table, Hastia commença à prendre des notes de ce que disait le professeur tout en se battant contre le sommeil : les quatre ou cinq heures de sommeil se faisaient sentir. Ses paupières se fermaient d'elles-mêmes, son esprit se brouillait tandis que sa vision se floutait rendant le tableau illisible. La voix de l'enseignant parut lointaine et Hastia fut obligée de prendre son visage dans ses mains afin de sortir de sa torpeur. Massant ses tempes puis ses yeux, ses mains ne cessaient de trembler ce qui l'irritaient de plus en plus et une nouvelle pensée surgit dans son esprit : « Pourquoi je suis si faible putain ? Allez, du nerf Hastia ! »

« - Comment veux-tu tenir avec cinq heures de sommeil ? Surtout que ça ne semble pas ta première courte nuit miss. Je suis étonnée que tu n'aies pas fait un malaise. Comment t'arrive à tenir debout au vue de ta fatigue ? »

La journée se passa dans cette ambiance éreintante basée sur un combat entre l'appel du sommeil et le surplus d'émotions. Hastia parla avec ses amies mais aucune n'avait pris de ses nouvelles ou demandait si ça allait ou non mais, après tout, l'adolescente était une excellente comédienne. Son sourire semblait si authentique, son rire si sincère, tout ceci brouillait les pistes en camouflant parfaitement la vérité. Mais Cynthia ne pouvait pas être dupe aujourd'hui, elle savait, elle ressentait ce mélange d'émotion. Cependant, elle n'était pas prête à la crise qui l'attendait.

Le soir venu, Hastia travaillait sur son bureau avec toujours ces mêmes musiques dans les oreilles, de la Kpop apparemment. Le repas avec sa mère et son père s'était passé en silence, l'adolescente ne parlait pas, plongée dans sa musique dans l'espoir de faire taire ses pensées et noyer ses émotions dans celle amenés par les mélodies diverses. Après, elle était partie dans sa chambre afin de finir son travail : les exercices de mathématiques lui donnaient du fil à retordre. Mais, après s'être arraché quelques cheveux, elle réussit à mettre un point final et partit en direction de la salle de bain afin de se laver.

Attrapant son pyjama, la lycéenne alluma son enceinte afin de diffuser sa musique dans la pièce tandis qu'elle retirait ses vêtements en évitant le contact visuel avec l'immense miroir présent sur le mur. Dos à son reflet, les pièces de tissus tombèrent tandis qu'une vague de sentiment montait en elle de manière imprévisible. Hastia mit son premier pied dans la baignoire puis le deuxième, elle s'approcha du pommeau tandis qu'une chanson de Monsta X « Lost in the dream » passait dans la salle d'eau.

Elle tourna le robinet, l'eau commença à couler à une température plutôt élevée aux alentours de 38-40°C puis elle s'assit dans la baignoire tout en se passant le liquide chaud sur son corps tremblant de froid. Le choc thermique était brutal mais relaxant, peut-être un peu trop puisque la pression emmagasinée au cours de la journée se relâchait doucement. L'adolescente coupa l'eau, se savonna l'épiderme en observant la mousse blanche camoufler son corps de manière satisfaisante : cette idée de disparaître était une chose prédominante dans son esprit.

« - Que ferait ta famille si tu disparaissais ? Que dirais tes amis si tu les abandonnes Hastia ? »

Le liquide se mit à nouveau à couler, la mousse fut retirée et la chaleur revint l'envelopper alors que ses genoux se rapprochaient de son torse nu. Le sentiment de « ras le bol » revint plus fort, le surplus d'émotions conservés menaçait de sortir et la fille explosa en de puissants sanglots camouflés par le bruit de l'eau coulant et de la musique se diffusant dans la pièce.

You're my tear,

You're my, you're my tear (Ay yeah!)

You're my tear,

You're my, you're my tear (Ay yeah!)

You're my fear,

You're my, you're my fear (Ay yeah!)

What more can I say?

You're my –

Les paroles de la musique concordaient si parfaitement que Hastia s'effondra totalement, le pommeau de douche arrosant le mur de la salle de bain tandis qu'elle camouflait son visage inondé de larmes salées se mêlant aux gouttes d'eau douce. Son cœur se serra, sa tête se brouilla et sa respiration s'hachurait douloureusement.

« - Quand est-ce que ça prendra fin ? »

Son corps tremblait, des flash-backs de la soirée revinrent en mémoire s'ajoutant aux nombreux problèmes qu'elle possédait déjà. Cynthia fut témoin de ces images passées qui s'imposèrent à l'esprit de l'adolescente.

Elle la vit se faire projeter sur la table sous le regard de tout le monde, elle put être témoin du regard haineux de Liam qui était une personne en qui elle faisait pleinement confiance, elle entendit le hurlement déchiré de Hastia lorsque Liam se rendit compte de son erreur monumentale. Ce « Ne m'approche pas ! » tétanisé, les bras de la fille tendue en avant tandis que ses yeux étaient exorbités d'horreurs en ne réalisant pas ce qui venait de se passer. Puis la fille avait fui tant qu'elle le pouvait encore, l'adolescente avait instinctivement couru dehors en proie à une crise d'angoisse destructrice. Elle ferma la porte derrière elle totalement paniqué, son dos rencontra le mur de la maisonnée puis elle glissa tandis que le monde n'était plus que des tâches de couleurs ternes.

Des gens l'approchèrent, du moins, elle en avait l'impression. Les voix étaient étouffées, leur visage inconnu à cause des larmes les floutant : Hastia était juste horrifié. La crise d'angoisse l'empêchait de respirer, elle pleurait en tentant de se raccrocher à quelque chose, hélas, le ciel n'était pas étoilé ce soir-là. La morsure du froid l'entourait, elle tremblait, les gens s'inquiétaient mais son esprit n'était plus connecté : une espèce de traumatisme se formait. Puis il était revenu, Liam. Il s'était approché d'elle, en suppliant qu'elle lui pardonne, en répétant que tout ceci n'était qu'une erreur mais la seule chose qu'elle fit fut de lui hurler dessus « Ne m'approche plus jamais ! Ne me touche pas ! ».

On aurait dit une scène de film. Son cri était strident, profond et résonnait dans la petite forêt où se trouvait l'habitation. On l'obligea à reculer de la jeune fille qui tirait sur ses mèches brunes en répétant sans cesse que personne ne puisse l'approcher. Puis Rodrigue était venu et il l'avait amené à part, dans une voiture où tous les deux avaient longuement parlé.

Sortant de la baignoire en panique, Hastia tituba jusqu'au lavabo. Sa respiration qu'elle avait retenue durant l'entièreté des flash-back revint, ses bouffées d'air était puissantes, ses battements de cœur erratiques et elle ne réussit pas à tenir debout plus longtemps. S'agenouillant au sol, rampant jusqu'au mur de la salle de bain afin d'avoir un support, elle continua de pleurer alors que la musique emplissait toujours la pièce. Nue sur le carrelage, elle tremblait de tout son corps, la crise était forte et difficilement contrôlable. Ses yeux larmoyant se fermaient pour se rouvrir dans la seconde d'après car lorsque ses paupières étaient closes la scène revenait la hanter.

Les ongles de sa main droite vinrent gratter frénétiquement son bras gauche, un geste nerveux se voulant libérateur mais tout ceci n'était pas assez. Il fallait plus de souffrance physique, plus de douleur pour faire taire ces images qui tournaient dans sa tête : son mental se disloquait et elle perdait pied. Chancelante, elle réussit à s'appuyer sur le lavabo en quête des ciseaux pour couper les ongles qui devaient se trouver quelque part. Hélas, dans son redressement elle tomba sur son reflet. Son visage inondé de larmes, son expression tordue par un mal silencieux.

Ses cheveux bruns et ondulés tombaient de chaque côté de son visage, ses bras pendaient le long de son corps et des marques rouges se dessinaient sur celui gauche : en quelques heures cela partirait, elle le savait. Mais elle voulait plus, elle avait besoin de plus. Observant son reflet, un sentiment amer se propagea en elle et avec déception Hastia chuchota ces quelques mots à elle-même.

« - Je suis désolée Marie... Juste une fois. »

Observant la petite paire de ciseau, la jeune fille les attrapa avant de les ouvrir pour soulager ces maux. C'était mal, elle le savait et elle s'en voulait de faire une telle chose mais... Quand on était seul et ignoré de tous, arriver à de telles extrémités était bien trop courant. Elle n'en finira pas, elle n'avait pas le droit, cela serait égoïste et ses proches ne devaient pas souffrir par sa faute. Dessinant par-dessus les lignes rougeoyantes causées par la griffure de ses ongles dans sa chair, elle marqua du creux de ses coudes jusqu'à la moitié de l'avant-bras. Hastia n'alla pas profondément, elle ne voulait pas créer de marques indélébiles qui pourraient trahir ses actes. Non, toujours la première ou deuxième couche de derme, jamais plus loin.

« - Juste 5... Ou 10... »

Le chiffre augmenta sans qu'elle ne se rendit compte. Un soupir malsain quitta ses lèvres, sa tête se vida et elle continua ce geste mécanique en allant plus loin que prévu : le contrôle, elle le perdait. Et ça, elle s'en rendit compte trop tard. Lâchant la paire de ciseau de peur, l'adolescente comprit son erreur bien trop tard. Brisant sa promesse, les remords vinrent lui jouer des tours en la faisant culpabiliser de ses actes. Sur son bras gauche quinze lignes étaient présentes, quinze traces témoignent de sa faiblesse. Elle avait échoué, elle avait loupé son sevrage, elle était retournée au point de départ.

Évitant les ciseaux du regard, elle s'empressa de les ranger afin de ne pas recraquer. Son bras lui lançait un peu, l'addiction la rappelait en lui demandant de continuer mais elle ignora ce sentiment si dominant. Enfilant son pyjama, elle s'empressa de mettre sa robe de chambre pour camoufler son bras avant d'aller s'enfermer dans sa chambre après avoir souhaité un rapide bonne nuit à sa famille.

Hastia alla sous la couette, se roulant en boule tout en attrapant son téléphone. Elle brancha les écouteurs, lança YouTube puis se perdit sur le réseau en quête de distraction pour oublier ce qu'il venait de se passer. Les heures passèrent, minuit approchait signant la fin de ce 2 avril et donc de ce Switch. Cynthia était choquée par la scène dont elle avait témoin, jamais elle n'aurait pensé qu'une personne comme Hastia puisse arriver à de telles extrémités.

Fixant l'écran de son portable, l'adolescente eut un moment d'absence lorsque la journée se termina. L'âme parasite fût arrachée du corps afin que la conscience originelle de Hastia puisse retrouver sa place. Et tout devient noir pour la populaire du lycée.





Le lendemain matin, Cynthia était venue au lycée avec de grands cernes sous les yeux : sa nuit avait été agitée par de nombreux cauchemars. La jeune fille avait rejoint ses amis qui parlaient de leur journée de Switch et de ce qu'ils avaient vécu. Tous étaient enjoués par leur expérience enrichissante mais la populaire n'arrivait pas à prendre part à la discussion.

« - Et toi Cynthia ? Comment c'était ton Switch ? Tu as vécu quoi de...

- Je reviens. »

L'adolescente mit un énorme vent à Lucie, sa conscience l'avait naturellement poussé à aller là-bas. Ses pas la guidèrent vers un coin sous un compteur électrique prêt des casiers non loin de la salle A005, elle vit une jeune fille à la chevelure brune avec des cernes marqués. Son sourire dessinait sur son visage se voulait enjoué mais maintenant Cynthia voyait combien il était faux.

« - Hastia ?

- Oui ? Oh, salut Cynthia ?

- O-on... On peut parler deux secondes s'il te plaît ?

- Heu... D'accord ? »

La brune se redressa avec un peu de réticence mais le petit rictus et le regard de la populaire l'avait rassuré. Le duo s'éloigna un peu de tout le monde, les filles virent Liam au loin avec Juliana et Sophia et Hastia se contracta en fixant la zone avec des yeux larmoyants. Sans hésiter, Cynthia posa sa main sur l'épaule de la jeune abandonnée tout en l'obligeant à se concentrer sur elle. Puis, une fois son attention captée, elle murmura simplement ces quelques mots.

« - Tu n'es pas seule Hastia. »

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