Chapitre 2A - L'annonce 1/2

Quelques jours plus tard...

— Et merde !

Lorsque j'entendis l'alarme du portique de sécurité sonner, je me rendis compte de mon erreur. Toutes les têtes se tournèrent dans ma direction et m'adressèrent un regard accusateur. Je reculai aussitôt d'un pas pour mettre un terme à ce son insupportable qui venait de me faire remarquer dans ce fichu hall d'entrée. Deux vigiles à la carrure presque aussi imposante que la mienne – du moins en apparence – s'avancèrent vers moi en me regardant de travers comme si j'étais un vulgaire voyou. Je me mis à sourire, signe que j'étais prêt à obtempérer et à me laisser fouiller sans broncher. Mais j'allais devoir user de toute mon intelligence pour expliquer ma monumentale bêtise.

C'était mal barré !

— Monsieur, ouvrez votre manteau, s'il vous plaît, m'ordonna le blondinet.

Il me faisait face, tout en restant à bonne distance, la main posée sur l'arme de service qu'il portait accrochée à sa ceinture dans un fourreau en cuir noir. L'autre gars, un grand brun qui était en retrait sur le côté se contentait de m'observer, prêt à dégainer. Les forces de l'ordre américaines étaient réputées pour avoir la gâchette facile et je venais de faire sonner le portique de détection du Pentagone ; je savais d'avance que j'allais passer un mauvais quart d'heure. Prudent, je choisis donc de lever les bras en l'air pour me déclarer coupable et indiquai la marche à suivre afin d'éviter tout malentendu.

— N'y voyez pas d'insolence de ma part, mais je préfère que vous le fassiez vous-même, répondis-je en montant davantage les mains.

Après quelques secondes de réflexion, le blond fronça les sourcils en jetant un bref coup d'œil à son collègue, probablement pour lui signifier d'être aux aguets et de tirer si je tentais quoi que ce soit de dangereux. Je vis une goutte de sueur perler sur le front de l'agent à mesure qu'il s'approchait de ma personne. Visiblement, il avait peur et faisait preuve de courage. Et pour cause, j'avais l'air sacrément baraqué sous mon long manteau noir. Je l'étais, certes, mais ce que je cachais dessous accentuait quelque peu ma corpulence.

Il resta à distance et réussit, par je ne sais quelle prouesse, à libérer le premier bouton d'une seule main, préférant laisser l'autre à proximité de son flingue. Le voir ainsi me déshabiller timidement me donna la trique. Homme ou femme, les deux étaient source d'excitation pour moi, même si un seul homme avait le droit de m'étreindre. Avec les femmes, c'était différent ; j'étais un collectionneur ou plutôt un consommateur, puisque je ne souhaitais jamais garder contact. Je ne voulais pas m'attacher à l'une d'elles. J'avais trop souffert d'avoir perdu celle qui m'avait mis au monde. Heureusement que les MST avaient toutes disparu à notre époque et que les hommes pouvaient prendre un traitement pour éviter d'avoir à se faire appeler papa par un marmot non désiré ; sinon j'aurais été dans la merde.

À mesure qu'il me déboutonnait, je voyais son visage se marquer d'incompréhension devant ce qu'il était en train de découvrir.

— C'est quoi ça ? me demanda-t-il surpris, après avoir complètement ouvert.

— Euh... une armure, répliquai-je innocemment, un rictus aux lèvres.

En effet, sous mon pardessus, une fine armure recouvrait les parties vulnérables de mon corps. Elle était composée d'un métal aussi sombre que les ténèbres et nervuré d'or par endroits. Ce qui la mettait magnifiquement en valeur. Le vigile tiqua en apercevant une épée accrochée à ma taille et qui pendait le long de ma cuisse gauche. C'était visiblement trop pour lui. Il sortit son arme et la braqua vers moi. Je dus réagir, rapidement.

— Holà ! Du calme ! Avant que les choses ne dégénèrent, pouvez-vous appeler Erik Versen que je suis venu voir ? Il est au courant de ma visite, c'est lui qui m'a demandé de passer. Je pense que si vous tentez quoi que ce soit envers moi, sans l'en avertir au préalable, il risque de très mal le prendre.

Erik avait été promu chef des armées américaines depuis peu, mais je supposais qu'il avait déjà dû attirer l'attention sur lui au sein du Pentagone, notamment grâce à son caractère... si particulier. Je tentais donc de miser là-dessus pour éviter un éventuel bain de sang.

Bingo ! Le vigile était tellement angoissé à l'idée de faire une boulette qu'il s'empressa de saisir le téléphone qui se trouvait sur le comptoir. Il me demanda en même temps mes papiers pour vérifier que tout était en règle, puis appela mon maître. Je ne savais pas ce que ce dernier venait de lui dire, mais il fut plutôt convaincant au bout du fil, puisque le blondinet me laissa passer sans broncher et sans que j'eusse à me débarrasser de tout mon attirail. J'en fus soulagé.

J'étais tout excité de savoir que j'allais voir Erik sur son nouveau lieu de travail pour la première fois. Le vigile décida de m'accompagner jusqu'à lui. Cela m'arrangeait dans un sens ; je me voyais mal partir à l'aventure, seul, dans cet endroit inconnu qui ressemblait à s'y méprendre à un labyrinthe.

Côte à côte, nous arpentâmes les nombreux couloirs aux murs blancs de cette immense bâtisse, sans nous dire un mot, tels deux adolescents timides. Mais soudain, contre toute attente, l'agent brisa le silence, me faisant lever le nez du sol en lino gris.

— C'est atypique... votre accoutrement, me lança-t-il en regardant droit devant lui.

— Plait-il ? rétorquai-je en tournant la tête vers lui.

— Je disais que votre accoutrement était atypique, me répéta-t-il comme si j'étais dur de la feuille.

— J'ai très bien entendu, mais voyez-vous, je ne suis pas Américain. Vous avez sans doute pu le constater à mon accent. Je suis Danois. Je parle et comprends plusieurs langues, mais il se trouve que mon anglais est limité aux mots courants.

Il me fixa l'air ahuri se demandant sûrement quel était le mot que je n'avais pas compris, et je discernai à son expression faciale qu'il n'avait pas envie de prendre la peine de m'expliquer quoi que ce soit.

— Ce n'est pas grave, nous sommes arrivés ! m'annonça-t-il pour faire diversion après avoir détourné ses yeux des miens.

Je balayai du regard l'endroit où nous nous trouvions. Sans m'en rendre compte, nous étions entrés dans un petit hall dont les couleurs étaient identiques à celles des couloirs. Où pouvait bien se cacher Erik ? Sous la plante verte ? Derrière la machine à boissons ? J'eus un petit rictus à cette idée et m'apprêtai à demander où se trouvait mon maître, lorsque mon guide me devança en me désignant une porte en teck avec son doigt.

— Derrière, se trouve son secrétariat, déclara-t-il.

Il tourna subitement les talons afin de repartir dans le labyrinthe, me laissant tout seul comme un gland tombé d'un chêne au milieu d'une prairie. Je supposai que je devais aller annoncer ma présence à la secrétaire pour pouvoir enfin voir le Saint Graal de ma quête. Ce que je fis. Mais avant, je pris soin de refermer mon manteau pour éviter de choquer à nouveau qui que ce soit. En ouvrant la porte, je m'attendais à entrer dans une petite pièce avec un simple comptoir et une belle bimbo derrière, mais c'était bien plus que cela : on se serait cru dans une salle de rédaction. Elle était remplie de bureaux couverts de paperasse ainsi que d'une dizaine de personnes en costume assises devant leur écran d'ordinateur. Je ne savais pas où donner de la tête. Heureusement, une jolie rousse, tirée à quatre épingles dans son tailleur bleu marine, vint à ma rencontre pour me sauver.

— Monsieur Jorgensen, je suppose ?

— Lui-même ! Mais vous pouvez m'appeler Sven, lui répondis-je, un sourire charmeur sur les lèvres.

Elle rougit en baissant la tête, preuve que je ne la laissais pas indifférente.

— Si vous voulez bien venir avec moi... Monsieur Versen vous attend, me précisa-t-elle avant de m'indiquer le chemin à prendre.

Les yeux rivés sur son postérieur, je la suivis avec attention. Elle m'amena à bon port rapidement, puis me quitta aussi prestement, à mon grand regret.


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