Du paradis à l'enfer
Je passe du paradis à l'enfer,
Je m'enfonce dans la terre,
Comme ça, en un battement de cœur,
Appelez-moi Miss À-deux-à-l'heure,
Je ne tiens pas plus d'une heure.
Droite, jambes tendues et bras agiles,
Je dis adieu à cette vie triste et immobile,
J'abandonne mes regrets et toutes mes peurs,
Je n'éprouve plus aucune rancœur
Envers ces dernières années sans saveur,
Tout en espérant un avenir juste et meilleur.
Une fine brise glisse sur mon manteau,
Mon pied n'est pas pris dans un étau,
Je m'en étonne, mais m'en réjouis ;
Sur le ciel, se posent mes yeux éblouis
Par le délicat rayon de soleil qui transperce
Les nuages gris qui nous épargnent de l'averse
Et répandent sur les passants leurs douces gouttelettes ;
Elles ne me gênent pas, au contraire, toutes discrètes.
Mes béquilles en extension de mes poignets,
J'avance le long des remparts, je renais.
Voilà des années que je n'avais pas marché
Avec autant de liberté, sans le souffle haché.
La musique à mes oreilles, je n'entends rien
Je ne me traite pas comme une moins-que-rien
Et, pour une fois, je me sens si bien,
A longer les pierres sans me demander combien
De minutes de torture à supporter il me reste.
Je me mets à ressentir un soulagement manifeste
A l'idée de pouvoir me déplacer ainsi que je le désire,
Sans que mon pied n'est quelque chose à y redire.
Je passe du paradis à l'enfer,
Je m'enfonce dans la terre,
Comme ça, en un battement de cœur,
Appelez-moi Miss À-deux-à-l'heure,
Je ne tiens pas plus d'une heure.
Les remparts de la ville dans mon dos,
Le feu tricolore me fait un cadeau
Et je peux traverser sans attendre,
Seulement, je sens mon corps se tendre.
A peine suis-je arrivée de l'autre côté de la rue,
Qu'une douleur au pied, sans merci, se rue
Dans toute ma cheville et me coupe la respiration,
Je ralentis sans m'arrêter, je fais très attention.
Une douleur passagère, rien de grave,
Je ne pense pas qu'elle s'aggrave.
Tout se déroulait tellement bien,
Un contre-temps, un tout petit rien.
Je passe du paradis à l'enfer,
Je m'enfonce dans la terre,
Comme ça, en un battement de cœur,
Appelez-moi Miss À-deux-à-l'heure,
Je ne tiens pas plus d'une heure.
Sur le dernier tronçon jusqu'à chez-moi,
Les dix minutes s'éternisent, je perds ma joie,
La rue me semble longue et interminable,
Mon sourire disparaît, je me sens minable.
Pourquoi ne puis-je plus marcher droit ?
Pourquoi suis-je privée de ce droit ?
Soudain, le ciel gris n'est plus beau,
Je m'en lasse, ne le regarde plus,
J'avance à l'image d'un robot
Cassé qui ne fonctionnerait plus.
Les bras raides, les jambes fléchies,
Je teste des positions et je réfléchis
A une manière de continuer sans m'écrouler,
Mais, cette brûlure vive, je ne peux la refouler.
Je la subis sur tout le restant du chemin,
La paralysie s'installe aussi dans mes mains,
A force de me porter, elles souffrent à leur tour,
En fin de compte, ce n'est pas un bon jour.
J'arrive en bas de mon appartement ;
Trempée, je perçois le bourdonnement
Lourd et irrégulier de mon souffle erratique,
Et j'ai beau me répéter que ce n'est pas dramatique,
Que je vais me reposer et que tout ira mieux,
Ça me rappelle que mon futur n'aura rien de très joyeux.
Je passe du paradis à l'enfer,
Je m'enfonce dans la terre,
Comme ça, en un battement de cœur,
Appelez-moi Miss À-deux-à-l'heure,
Je ne tiens pas plus d'une heure.
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