SWEATER WEATHER




TOUCH MY NECK, AND I'LL TOUCH YOURS


Sous son large pull à motif, Maxime suffoquait.

Il était en proie à un surplus de tout : d'interactions sociales, de pensées intrusives, et de Sidjil surtout. Sidjil, qui ne cessait de le surplomber d'une dizaine de centimètres, Sidjil, avec ses yeux qui le mettaient complètement à nu, Sidjil, et sa foutu manie de lui attraper la nuque pour le taquiner. Sidjil et cette putain de soirée avec trop de monde qu'il connaissait et ne connaissait pas, trop d'amis et d'inconnus, d'alcool et de bruit. Maxime n'avait descendu qu'une bière depuis qu'il était arrivé. Lorsqu'il constata dans un éclair de lucidité l'état dans lequel il était, il ne parvint pas à savoir si c'était déjà trop ou, au contraire, pas assez. Pas assez pour passer outre, laisser couler sur lui les regards de son ami comme il savait si bien le faire auparavant, pas assez pour retrouver un semblant d'imperméabilité à ses clins d'œil et ses touchers amicaux. Pas assez pour empêcher la panique de gagner du terrain sous ses couches de tissus, invisible et coriace, fourbe au possible.

Maxime étouffait.

Il s'était réfugié dans une chambre au hasard, cherchant à tout prix à fuir la saturation de stimuli ; les lumières trop fortes, la musique assommante, la simple présence de Sidjil. Désormais, il était démuni, un peu plus ouvertement même que quelques instants plus tôt. Mais il était seul, et c'était tout ce qui comptait. Son torse se soulevait un peu plus à chaque respiration, presque douloureusement, dansant avec le tissu de son pull une valse de sensations qui le rendait un peu plus fou à chaque seconde qui défilait. Sans plus y réfléchir que cela, il s'empressa d'en saisir les pans et de le faire basculer au-dessus de sa tête avant de le laisser s'échouer à même le parquet. Lorsque l'air tiède de la pièce entra en contact avec sa peau brûlante, un frisson parcouru son échine et il put enfin laisser une longue expiration vider ses poumons. Les yeux clos, il passa une main dans ses cheveux en faisant quelques pas hasardeux pour la forme, pour faire travailler ses muscles et se donner un semblant de composition.

Il appliqua les conseils précieusement confiés par sa mère l'année dernière. Conseils qui l'avaient fait souffler du nez au début mais qu'il se retrouvait à embrasser plus souvent qu'il ne l'aurait cru. Il dessina une balle bleue dans son esprit, la fit rebondir à un rythme lent et régulier sur lequel il s'efforça de caler ses propres inspirations et expirations. Il continua ce jeu-là et y juxtaposa un nouvel exercice. Il fit le compte de ce qu'il pouvait voir dans la pièce – un lit fait à la perfection, un tapis en fausse peau de bête, une bibliothèque généreusement remplie –, entendre – les échos de la fête qui battait encore son plein, le bruit du parquet qui grinçait sous ses pieds – et toucher – sa propre peau en ébullition.

Déjà, son souffle s'était apaisé et il pouvait sentir les tensions dans les muscles de son dos et de ses épaules s'évanouir lentement. Après deux longues minutes, il constata que la panique s'était faite la malle, mais qu'elle ne l'avait pas laissé seul.

Il fit descendre sur son propre corps un regard à la fois las et tordu par l'inconfort et l'embarras. Il avait suffi de peu de chose finalement ; de quelques sourires sincères, de murmures contre son oreille et d'une main ferme dans le creux de sa nuque, restée là un peu trop longtemps. Lorsque Sidjil l'avait attiré contre lui de la sorte, comme il lui arrivait parfois de le faire, Maxime avait cru sentir le sol se dérober sous ses pieds. Il avait honte de ne serait-ce qu'admettre en pensée que les mots sortis de la bouche du toulousain avaient tiré la sirène d'alarme dans tout son corps.

— Doucement mon Maxou ! Je la ramènerais moins si j'avais ton p'tit corps. Quand je veux j'te démonte cousin.

Il en avait instantanément oublié leur sujet de discussion initial.

Le pire était certainement que, pour une fois, son ami n'avait probablement rien sous-entendu d'équivoque par là. Non, il avait été question d'une interaction sans caméra pour les filmer, sans viewers à faire frémir avec des soupçons de bromance maladroits, sans réelles arrière-pensée non plus. C'était Maxime qui n'avait pas pu s'empêcher de s'affoler à l'entente de ces mots, qui n'avait pas su combattre la myriade de pensées déplacées qui l'avaient alors assailli. Quelque part, il s'en voulait. Il avait honte de ne pas pouvoir franchement réciproquer la bribe d'amitié que Sidjil lui avait offert à travers cette taquinerie. Parce que l'électricité qu'avaient déchargé ces mots un peu partout, de la naissance de son cou jusqu'à plus bas, n'avait pas lieu d'être dans leur amitié. Elle s'était invitée, immiscée entre leur corps pour en changer la dynamique, pour en détourner chaque contact. Et Maxime était un lâche pour rejeter la faute sur une tierce entité quand, en réalité, il ne pouvait en vouloir qu'à lui-même. Pour la façon dont il avait commencé à intercepter les attentions de Sidjil, à un peu trop s'attacher à leur jeu de baisers filmés, à tout simplement vouloir plus que ce que son ami pouvait lui offrir.

Mais ce qui le foutait encore plus en rogne, c'était que la culpabilité n'était manifestement pas ce qui l'emportait sur les trois ou quatre sentiments qui l'accablaient. En tous cas, pas à en juger la bosse qui déformait le tissu de son pantalon.

Il avait honte et était à la limite de se trouver sincèrement misérable. Mais une pensée chaleureuse, apaisante bien que solitaire, lui intima de ne pas trop se flageller. Une tendance qu'il n'avait remarqué que récemment, pointée du doigt par ses proches inquiets et concernés par son bien-être. Maxime n'aimait pas qu'on se fasse du souci pour lui, pourtant il n'avait pas pu se résoudre à haïr les regards doux et préoccupés que Sidjil lui avait adressé lorsqu'il avait été témoin de ses quelques habitudes auto-destructrices. Il lui sembla, alors même qu'il s'adossait à un mur de la pièce, qu'il ne serait jamais capable de détester Sidjil, et encore moins la façon dont ses yeux rencontraient les siens. Ils le faisaient avec une franchise telle que chaque preuve de complicité, de malice et d'affection en était multipliée au centuple. En y songeant de la sorte, toute envie de blâmer son attraction sur qui que ce soit s'envola, pour ne laisser au centre de son attention que son érection, de plus en plus évidente.

Après courte réflexion, Maxime aurait aimé boire plus qu'une bière ce soir. Peut-être qu'ainsi, ses mouvements auraient connu moins de retenue, peut-être que sa main aurait fait moins de détour sur son torse avant d'enfin défaire le bouton de son jean, peut-être qu'il aurait eu moins honte en caressant son membre. Mais petit à petit, les vagues de plaisir prirent la relève, remplaçant les effets d'une potentielle boisson. Maxime sentit une chaleur caractéristique grimper de son bassin jusqu'à ses clavicules, comme si ces dernières s'apprêtaient à brûler sa peau pour enfin se libérer de leur enveloppe charnelle devenue trop étriquée. Puis, en même temps que ses mouvements se firent plus franc sur son érection, la chaleur gagna du terrain. Elle s'accrocha à ses pommettes comme pour lui faire avouer toutes ses pensées les plus inavouables, les scénarios lubriques, tous plus fous les uns que les autres, qui prenaient vie dans le confort de sa conscience la plus refoulée. Avec pour unique autre acteur que lui-même son ami et collègue, qui le surmontait de par sa taille, sa carrure, et bien des choses en réalité. Maxime imaginait, à la place de sa main, celle halée et aux doigts plus longs de Sidjil. Il explora même la sensation imaginaire de fraicheur que lui procureraient ses nombreuses bagues dont il ne semblait jamais se séparer. Il imagina le bruit de ces dernières s'entrechoquant se mêler aux sons humides provoqués par les caresses lascives. Puis, dans un excès d'imagination et de lâcher-prise, il fit renaître le souffle de Sidjil contre son oreille.

— T'es ma chienne Max.

Et il voulut répondre oui, mille fois oui, à cette doublure fantasmée de son ami. Il voulut s'accrocher aux épaules de Sidjil comme il lui arrivait parfois de le faire dans un élan de joie ou d'humour pour épater les galeries. S'accrocher à ses muscles sur lesquels il avait louché tant de fois, les griffer dans une vaine tentative de retrouver un minimum de contenance. Maxime sentit ses genoux faiblir à la pensée des mains de Sidjil encerclant sa taille, fine au point de l'avoir complexé plus jeune. Plus rien de cela ne demeurait désormais, il n'y avait plus de place pour le complexe d'infériorité ou la fragilité de sa masculinité dont il s'était débarrassé il y a un moment. À la place s'érigeait aujourd'hui cette envie dévastatrice, ce besoin de sentir Sidjil, sa force surpassant la sienne s'il décidait un jour de vouloir le plaquer contre un mur, le priver de l'usage de ses mains et le maintenir sous son emprise autant de temps qu'il le souhaitait.

Les images se superposaient, toutes plus vives et détaillées les unes que les autres, déchirant son inconscient avec un peu plus de férocité à mesure que le temps passait et que les mouvements sur son érection gagnaient en vigueur.

— Regarde toi Max... Tu m'ferais presque pitié.

Il retint un gémissement de peu, mordant avec violence sa lèvre inférieure pour extérioriser autrement l'éclair de plaisir qui venait de le foudroyer. Il ne voulait pas que le Sidjil de son esprit arrête de lui cracher sa supériorité à la figure. Il voulait qu'il continue de l'attraper par la nuque pour mieux le contraindre à la moindre de ses volontés les plus humiliantes, en tirant sur son cuir chevelu, en pressant ses doigts contre la naissance de son cou, en s'écrasant sur lui de tout son poids...

Sidjil Sidjil Sidjil Sidjil Sidjil Sidjil Sidjil Sidjil Sidjil

L'orgasme de Maxime le frappa plus rapidement qu'il ne l'avait anticipé, le privant en un instant de tout l'air contenu dans ses poumons. Il bascula sa tête en arrière dans un mouvement démesuré qui lui vaudrait certainement un hématome par la suite. Mais ça ne faisait rien, peut-être même bien qu'au fond, la douleur qui en résulta ne fit que renforcer la puissance avec laquelle toute la tension de son corps se libéra dans le creux de sa main. La sensation de sa semence recouvrant la surface de cette dernière ne le dérangea pas tout de suite, encore trop secoué par des restes de spasmes et de bruit blanc, réduisant la musique au silence pendant un court instant.

Pour la deuxième fois de la soirée, il s'efforça de retrouver son souffle, et ce ne fut qu'une fois cela fait que l'inconfort revint au galop. Maxime grimaça en constatant l'état de son sous-vêtement et de sa main. Celle-ci semblait avoir recueillit l'essentiel de son éjaculation, aussi se lança-t-il en quête d'une boîte de mouchoir. Constatant assez rapidement qu'il n'y en avait pas dans la pièce et qu'il était hors de question qu'il sorte d'ici recouvert – même partiellement – de son sperme, il fouilla dans ses poches de sa main gauche. Un mélange de soulagement et de réticence s'ajouta à la pile de ses émotions lorsqu'il en extirpa un mouchoir usagé. C'était, de toute évidence, l'unique solution qui lui restait. Il s'essuya donc, du moins autant que le permettait sa trouvaille qui retrouva sa place initiale dans une de ses poches arrière, non sans lui soutirer une nouvelle grimace de dégoût.

Maxime se refusa à accorder une pensée de plus au fait qu'il venait de vivre ce qui était probablement l'orgasme le plus fort de sa vie avec en tête des images d'un de ses meilleurs amis.

À la place, il renfila son pull et quitta cette soirée merdique.


'CAUSE IT'S TOO COLD FOR YOU HERE


Maxime portait encore un large pull à col roulé lorsque Sidjil et lui s'embrassèrent pour la première fois sans caméra pour les filmer.

Il ne savait plus comment ils en étaient arrivés là. Ils étaient censés se voir pour que Maxime teste un nouveau jeu sur l'immense télévision de Sidjil, avant de rejoindre des amis pour un apéro. Naturellement, les blagues avaient commencé à remplir la pièce, et avec elles ce drôle de flirt qui ne semblait jamais pouvoir les quitter. Ce même flirt qui faisait perdre la raison à Maxime, devenu incapable d'en mener large au fil des jours, de naviguer à travers ce gag un peu trop long sans y être insensible. Puis, la suite des évènements lui avait échappé peu à peu. Un moment, il faisait son coming-out à demi-mot, la panique et l'angoisse l'enlaçant comme de vieilles amies, et l'instant d'après, Sidjil et lui s'embrassaient.

Lorsque Sidil prit son visage en coupe pour mieux cueillir ses lèvres, il faillit oublier son nom et le prétexte de ce baiser en même temps. C'était quelque chose en rapport avec le fait que « T'inquiète, ça change rien Max », le tout additionné à un défi à la con comme ils les aimaient tant. Cette fois-ci, c'était à celui qui flipperait en premier et mettrait fin à l'échange. Impossible pour Sidjil de perdre, parce qu'après tout, il aimait les filles, alors ça ne devrait pas plus l'atteindre que ça. Impossible pour Maxime non plus, parce qu'ils s'étaient déjà embrassés plusieurs fois sans que ça ait changé quoi que ce soit – ah – et que « De toutes façons t'as dû en embrasser plein d'autres des gars, t'as de l'exp maintenant c'est bon. ».

Ah, à nouveau.

Maxime n'avait pas eu à cœur de lui dire qu'en vérité, le nombre d'hommes qu'il avait embrassé se comptait largement sur les doigts d'une main, et que Sidjil en faisait partie. Il avait fait suffisamment d'aveux imprévus pour aujourd'hui. Alors à la place, il s'était contenté de faire comme d'habitude : acquiescer et aller jusqu'à surenchérir. Et comme un con, comme depuis qu'il avait découvert son attraction pour son ami sans pour autant se décider à prendre de la distance, il s'était retrouvé pris au piège par sa propre connerie. Enfin, leur connerie. Quelque part, ça le rassurait un peu de se dire qu'il n'était pas le seul idiot à créer ces jeux débiles, juste le seul à en souffrir. Parce que son cœur se mit à battre tellement fort dans sa cage thoracique que ça en devint douloureux. Il crut devenir fou à cause de la température qui augmentait de façon absurde sous son énorme pull, et fût douloureusement contraint d'accepter qu'il ne pouvait décemment pas l'enlever. Pas maintenant du moins. Mais plus le temps passait, plus les lèvres de Sidjil semblaient dompter les siennes avec un peu plus de facilité, et plus il perdait espoir de survivre à ce baiser.

Maxime ne parvenait pas à se faire ne serait-ce qu'un semblant d'idée sur ce qui pouvait bien traverser l'esprit de Sidjil en ce moment-même, alors que ses doigts bagués se perdaient dans ses mèches brunes et que sa langue happait la sienne avec appétit. Une vive pensée lui traversa l'esprit, remettant en question les motivations de son ami, ses dires quant à sa sexualité et sa vision de leurs échanges salivaires. Il eut l'espoir fugace que, de son côté, Sidjil appréciait aussi ce qu'il se passait. Peut-être pas autant que lui, qui sentait le sol se dérober sous ses pieds à chaque contact entre leur langue et retenait des larmes à chaque pression un peu plus appuyée de son pouce contre sa mâchoire. Mais un peu tout de même, il aimait s'en donner l'illusion.

Toute pensée un temps soit peu cohérente le quitta néanmoins pour de bon lorsque Sidjil tira très légèrement sur son cuir chevelu pour davantage optimiser l'accès à ses lèvres. Maxime dû s'accrocher à ses épaules pour contenir le gémissement qui aurait volontiers récompensé cette décision. Pendant un instant, il fut sincèrement effrayé de l'emprise que son ami avait sur lui. Maxime fut violemment frappé par l'évidence que, si Sidjil avait le malheur de lui demander de se mettre à genoux, là tout de suite, il le ferait sans hésiter. Cette simple idée fit exploser en lui des feux d'artifice dont les chutes atterrirent directement au niveau de son bas-ventre.

Merde.

Il ne pouvait pas bander, surtout pas maintenant, dans l'appartement de Sidjil, entre les mains de Sidjil, pendu aux lèvres de Sidjil. Il aurait cent fois plus à perdre que ce défi, qui semblait passer un peu plus au second plan à mesure que les secondes défilaient. C'était toute son amitié avec le toulousain qui était en jeu, quelque chose que Maxime se refusait à risquer pour si peu, pour ce simple coup de foudre qui finirait certainement par passer. Alors non, il ne fallait surtout pas qu'il bande, que son corps réagisse de façon un peu trop enthousiaste au toucher de plus en plus appuyé des doigts contre sa peau, à ces dents qui mordillaient parfois ses lèvres dans une nargue dangereuse, au pas que Sidjil venait de prendre et qui les rapprocha encore plus qu'ils ne l'étaient déjà. Lorsqu'il sentit le torse de son ami effleurer le sien à travers leurs épaisses couches de tissus, la panique l'assaillit en même temps qu'autre chose, et il crut revivre les exactes mêmes sensations qu'à cette soirée-là, où il s'était réfugié dans une chambre pour se masturber. Terrifié à l'idée de se retrouver dans une situation similaire, il fit un pas en arrière.

Il puisa dans tous ses talents d'acteur pour prétexter un éternuement tonitruant qui eut au moins le don de déclencher un fou-rire chez Sidjil, qui bascula sa tête en arrière sous l'amusement. Cela accorda également à Maxime quelques instants de répit avant de devoir à nouveau croiser le regard du plus grand.

Le mec à ça de m'éternuer dans la gueule, fit Sidjil en se redressant peu à peu. Tu peux l'dire si je te fais chier Max.

My bad, fit-il en rhabillant son sourire en coin et en levant les deux mains dans une mimique habituelle.

Maxime redoutait déjà les prochaines paroles de son ami. Allait-il compter cela comme un échec ? Allait-il lui proposer de continuer jusqu'à ce qu'il y ait un réel perdant ? Il fut finalement sauvé par le gong, ou plutôt par une notification d'Elian qui résonna en synchronisation depuis leurs deux téléphones. Il se rendit soudainement compte que, depuis tout ce temps – qui devait en réalité se résumer à une poignée de secondes – le jeu avait continué de tourner sur la télé de Sidjil, qui affichait désormais un terrible 'YOU DIED' en grosses lettres rouges. C'était idiot de sa part, mais il le prit personnellement.

C'est l'adresse du restau, faudrait pas qu'on tarde je pense.

Faut juste que j'aille aux chiottes.

Histoire de vraiment pas arriver à l'heure quoi, surenchérit Sidjil en posant ses yeux malicieux sur lui.

Exactement, répondit un peu trop faiblement Maxime qui ne parvint pas à soutenir le regard de son ami plus longtemps et se dirigea vers les toilettes de l'appartement sans un mot de plus.

Une fois enfermé dans celles-ci, la première chose qu'il fit fut de se débarrasser de son foutu pull qui tenait tous ses déboires contre lui. Il lui sembla que son torse se soulevait un peu plus facilement maintenant qu'il laissait s'échapper le souvenir du corps de Sidjil contre le sien, de ses lèvres contre les siennes, de ses doigts dans sa nuque. Maxime se fit violence et alla jusqu'à se passer de l'eau froide sur le visage dans l'espoir d'effacer de son esprit les images, réelles et irréelles, qui dansaient dangereusement à la barrière de sa conscience alerte. Hors de question qu'il se soulage ici, dans les toilettes du personnage principal de tous ses fantasmes. Le simple fait que l'idée lui ait traversé l'esprit lui renvoya son état lamentable à la figure. Son reflet dans le miroir de la pièce confirmait cet horrible constat.

Depuis quand était-il aussi à fleur de peau ? Depuis quand se mettait-il à bander pour si peu ? Il avait été si heureux de se défaire de cette pénible période qu'était sa puberté, à sentir l'excitation bouillir sous sa peau dès qu'une fille un tant soit peu jolie lui souriait. Maxime n'avait jamais entendu parler d'une recrudescence d'hormones à l'approche de la trentaine, mais il avait peut-être raté quelque chose. Outre le fait qu'il était, vraisemblablement, attiré par les hommes. La découverte – qui n'en était plus vraiment une depuis quelques mois – revint l'accabler de tout son poids. Dire qu'il avait cru s'y faire... il n'était vraisemblablement pas au bout de ses peines. Jamais de sa vie il n'avait regardé un homme comme il regardait Sidjil. Il avait fallu qu'il découvre au cours de l'année de ses vingt-six ans qu'il n'était pas attiré que par les femmes, leurs sourires et leurs formes qu'il appréciait toujours, mais aussi par la carrure musclée de Sidjil, le rictus malin de Sidjil, les mains baguées de Sidjil. Il en venait même à remettre en question toutes ses connaissances sur l'étendue des sexualités existantes. Il n'arrivait pas à concevoir l'idée d'être rattaché à une autre orientation que celle qu'il avait toujours cru être la sienne. Et si, en réalité, il n'était pas bisexuel, mais quelque chose d'autre ? Le terme Sidjlosexuel le fit souffler du nez. Ce qui l'amusa moins en revanche, fut le frisson de froid qui le ramena à la réalité de son reflet toujours aussi misérable, à sa présence dans les toilettes de son ami, à son torse déshabillé par ses états d'âme intempestifs.

Ses réflexions pénibles avaient au moins eu l'effet de tarir les effets des doigts de Sidjil dans ses cheveux et de sa langue contre la sienne. Le froid de la pièce vint remplacer la chaleur qui l'opprimait deux minutes plus tôt. Un deuxième frisson désagréable parcouru son échine.

Alors, Maxime retrouva son large pull à col roulé et rejoignit Sidjil qui l'attendait derrière la porte, un sourire qu'il espérait convainquant plaqué aux lèvres.


HEAD IN THE CLOUDS, BUT MY GRAVITY'S CENTERED


Maxime avait choisi l'un de ses pulls graphiques préférés pour l'anniversaire de Théodort.

Le choix lui avait semblé parfait quelques heures plus tôt, lorsqu'il avait pris un peu trop de temps pour se préparer. Désormais, il regrettait un peu. Son pull n'était pas le plus chaud, mais il faisait son job de pull, à savoir conserver toute la chaleur qu'il pouvait contre son propriétaire. Sauf que Maxime, par une suite de circonstances malheureuses, s'était retrouvé sur les genoux de Sidjil, et qu'emmagasiner plus de chaleur était la dernière chose dont il avait besoin.

Jamais de sa vie il n'aurait cru se retrouver dans une telle situation ; pas en étant sobre, du moins. Sauf qu'avec les années, Maxime avait peu à peu appris à se détacher de l'alcool et buvait en réalité très peu. Les récents événements remettaient ses convictions en question. Il n'aurait pas dit non à quelques verres de plus : ça l'aurait peut-être aidé à passer outre le souffle de Sidjil dans son cou, son torse qui entrait en contact avec son dos à chacune de ses respirations, la proximité alarmante de leurs bassins. Hélas, il était malheureusement on ne peut trop conscient de toutes ces choses qui ne faisaient qu'augmenter la température sous son pull, qui camouflait ce qu'il semblait être un micro climat. Et Maxime commençait à détester cette partie puérile de lui-même qui refaisait surface lorsqu'il était question de l'étrange tournure que prenaient les récents événements, mais il pouvait au moins rejeter la faute de son inconfort sur une tierce personne.

À vrai dire, il ne s'était pas attendu à grand-chose en acceptant de venir célébrer l'anniversaire de Théodort. Certainement pas à une soirée ponctuée par des jeux en tout genre, le tout généreusement saupoudré de gages sélectionnés à l'aide d'une application. L'idée lui avait semblé un peu futile aux premiers abords, puis il s'était souvenu de l'écart d'âge qui le séparait de Théodort et avait finit par trouver ça amusant. La difficulté des gages était très variable, allant du « Envoie 'je t'aime' par message à une personne de ton choix » à « Fait cinq squats en portant la première personne à ta gauche », en passant par « Assis-toi sur les genoux de la première personne à ta droite pendant dix minutes ». Bien sûr, Maxime aurait peut-être trouvé ça marrant s'il avait été spectateur d'un autre désarroi que le sien, qu'il commençait à connaître un peu trop bien à son goût.

La soirée poursuivait son cours normalement, sans que personne ne remarque le désespoir qui émanait de sa personne. Il essayait tant bien que mal de participer à la conversation entre Théo, Sidjil et lui comme il le faisait avant que le gage tombe, en vain. Il était aux premières loges de tous les verbes de Sidjil sans pouvoir le regarder, et quelque part, c'était peut-être le nœud du problème. Il entendait sa voix résonner contre les parois de sa gorge, sentait les effluves de son parfum se mélanger à son odeur corporelle, avait une conscience aigüe du moindre mouvement de ses bras ou de ses jambes. Il était condamné à sentir Sidjil sans le voir et devait, de surcroit, paraître normal. Cette tâche, à la limite de l'insurmontable, ne posait visiblement aucun problème au toulousain, qui menait allègrement la conversation. Maxime aurait voulu lancer des signes d'alerte à Théo, mais ce dernier ne pouvait de toute évidence rien faire pour lui, et il était hors de question de le mêler à tout ça. Alors à la place, il fit ce qu'il savait faire de mieux lorsqu'il sentait la situation lui échapper. Il porta ses doigts à sa bouche et commença à en mordiller les bouts. Il avait beau avoir essayé d'arrêter, l'habitude ne le quitterait certainement jamais. Le goût de sa peau déjà abîmée avait quelque chose de rassurant, l'action continue et répétée de ses dents était l'exutoire parfait pour se débarrasser du trop plein de sensations qui le traversait. Maintenant il avait aussi une raison à son silence : le bénéfice était double.

Sidjil en revanche, ne sembla pas du même avis. Sans prendre la peine d'arrêter sa discussion avec Théo, il enferma le poignet de Maxime dans sa main droite et confisqua ses doigts à ses lèvres. Le geste avait été assez doux, à l'inverse de l'incendie qu'il avait démarré en lui. Privé de sa diversion originelle, Maxime fut contraint de mordre l'intérieur de sa joue gauche avec toute la discrétion dont il était capable. Il était trop bon Sijdjil, à subtilement montrer qu'il faisait attention à lui sans ouvertement le sermonner, trop bon pour son petit cœur qui convulsait dans sa petite cage d'os, trop bon pour son inconscient déchainé. Il rit un peu trop tard au jeu de mot de Théo et crut l'espace d'un instant qu'il était foutu. Mais rien ne vint, aucune remarque aigre-douce, aucun regard suspicieux. Il n'avait définitivement pas besoin d'ajouter la paranoïa à la liste des symptômes de son attirance absurde pour Sidjil. Pourtant, il était là, à ne plus pouvoir aligner deux mots correctement, persuadé d'avoir le visage carmin, avec écrit en gros sur son front 'JE VEUX SIDJIL'. Peut-être que l'image l'aurait fait rire, s'il n'avait pas soudainement pris conscience que son ami n'avait toujours pas libéré son poignet. Quelques déglutitions pénibles plus tard, il se rendit à l'évidence : Sidjil n'allait pas le lâcher.

Le toucher des doigts de Sidjil sur sa peau le brûlait de plus en plus sans qu'il n'ose bouger sa main d'un millimètre. Il était complètement figé, torturé entre l'envie de très légèrement remuer son poignet à l'effet de faire réaliser sa prise à son ami et celle de ne rien faire du tout. Maxime se trouvait d'une stupidité affolante, impuissant face à la montagne d'excitation qui s'érigeait par-dessus sa capacité à prendre une quelconque décision. Sidjil n'avait fait que stopper sa mauvaise habitude dans une attention amicale. Mais dans son esprit à lui, il n'y avait plus que cette fixation sur la facilité déconcertante avec laquelle les doigts du toulousain faisaient le tour de son poignet, la facilité également avec laquelle ils pourraient très certainement emprisonner sa deuxième main, lui confiant un contrôle total sur son corps. La terrible réalité, c'était que Sidjil n'avait très certainement pas besoin de restreindre ses mouvements pour faire ce qu'il voulait de lui. Il n'avait qu'à demander et Maxime obéirait à chacune de ses demandes avec enthousiasme et désespoir. Mais la simple idée d'accompagner sa dévotion mentale avec une soumission physique le rendait complètement fou. Et le pire, c'était qu'il était toujours là : sur les genoux du principal concerné.

Il crut sincèrement perdre la raison lorsqu'il sentit les doigts de son ami commencer à titiller les perles de son bracelet. Ce dernier avait donc non seulement conscience de ce contact qu'il perpétuait mais l'alimentait de surcroît. Sidjil ne faisait peut-être pas cela consciemment, après tout Maxime était le premier à triturer tout ce qu'il avait sous la main quand il le pouvait. Il ne pouvait décemment pas en vouloir à son ami. Mais il ne pouvait pas non plus faire comme si cela n'ajoutait pas d'huile sur le feu qui grandissait sous son pull. Alors, il se rabattit sur son deuxième mauvais réflexe : celui de marteler le sol de son pied avec des mouvements de jambe frénétiques.

Il se rendit compte un peu trop tard qu'il s'agissait sûrement de la pire idée du siècle.

— Tranquille Max, fit Sidjil en appliquant une légère pression sur sa hanche gauche. J'sais que t'es un nerveux mais je vais bander si tu continues.

Maxime sentit son ventre faire de la merde.

Le ton moqueur de son ami ne trompait pas ; il s'agissait là d'une énième blague qui s'ajoutait à leur running gag. L'information avait beau être là, quelque part dans la conscience de Maxime, elle ne semblait pas pouvoir y trouver une réelle place. Il eut soudainement conscience de trop de chose : de la chaleur qui monta jusqu'à ses joues tout en descendant un peu trop bas, de la main de Sidjil toujours posée sur sa hanche, de son autre main collée à la sienne, du souffle dans le creux de son cou, de leurs bustes en contact, de la jonction entre leurs bassins...

— J'te laisse avec tes couilles bleues alors, je vais aux chiottes.

Il s'était peut-être levé trop brusquement, avait peut-être parlé d'un ton trop sec, mais il n'arrivait plus à s'en inquiéter. Son seul objectif était devenu d'atteindre les toilettes, et vite.

Il avait rarement traversé une pièce aussi rapidement de sa vie, mais il fallait croire qu'il ne cessait de s'étonner. Bientôt, il trouva le confort d'une pseudo-intimité dans la pièce étriquée des toilettes de l'appartement, et il n'attendit pas une seule seconde avant de retirer son pull dans un ensemble de gestes maladroits. Il le laissa s'échouer au sol sans y prêter aucune attention.

Cette fois-ci, Maxime n'avait pas besoin d'alcool pour s'atteler à défaire le bouton de son jean. Les yeux fermés, comme pour ignorer l'aberration de son acte, il n'hésita pas avant de glisser sa main dans son sous-vêtement. Il ne retint pas le long soupir de soulagement qui s'échappa de ses lèvres alors qu'il dirigeait enfin toute son attention vers le résultat de toute l'excitation qui s'était accumulée ces dernières minutes. Adossé à même la porte, Maxime laissa les visions fantasmatiques prendre le dessus sur tout le reste. De toute façon, il n'arriverait certainement plus à les dompter, pas ce soir du moins. Le toucher de Sidjil était bien trop clair dans son esprit, inscrit en lui comme une parole divine à laquelle il ne pouvait plus échapper. Imaginer toutes les situations possibles mettant en scène les doigts de Sidjil autour de ses poignets, la prise de Sidjil contre sa hanche, la langue de Sidjil contre la sienne, était comme devenu une seconde nature. La seule évidence par laquelle Maxime jurait, le temps de quelques minutes, avant de retourner à la réalité.


— Max ?

Maxime se figea, les yeux grands ouverts.

— Maxime, t'es là ? demanda à nouveau Sidjil de l'autre côté de la porte, toquant doucement contre cette dernière.

Maxime voulait pleurer, disparaître, mourir.

— Euh, ouais, ouais j'suis là. Y'a quoi ? parvint-il finalement à articuler, sa voix un peu trop fébrile résonnant lamentablement entre les quatre murs de la pièce.

— Ça va mec ?

Maxime tirait sur ses cheveux d'une main, tenait toujours son érection dans l'autre. Il peinait à laisser l'air s'échapper de ses poumons, craignant de trahir sa condition s'il respirait un peu trop fort.

— Ça va comme un gars qui essaie de chier en paix mais qui peut pas trop, je sais pas si tu vois le truc.

Il se détestait et détestait son incapacité à débander, sa sensitivité déplacée qui le faisait un peu trop réagir à la voix de Sidjil.

Il entendit un rire échapper à ce dernier.

— Ah, je crois que je vois ouais. Bon, j'suis rassuré alors, si t'arrives à me vanner c'est que ça va.

— T'es venu pour quoi en fait Sid ? À part m'empêcher de chier.

Un nouveau rire, une nouvelle vague de chaleur qui lui retourna les entrailles.

— J'sais pas, j'ai cru que j'avais dit un truc un peu border tout à l'heure.

Maxime se bafferait s'il le pouvait, mais les mots quittèrent sa bouche avant qu'il ne parvienne à connecter ses neurones.

— À propos de moi qui te fait bander, genre ?

— Ouais, ça.

À croire qu'il avait vraiment un petit côté masochiste. La réponse pourtant concise de Sidjil rendit son érection plus douloureuse encore, et il fut contraint de masquer un râle en une sorte de toux peu convaincante à ses oreilles.

— Nan t'inquiète Sid, moi aussi je banderais à ta place de toute façon. J'suis juste trop bonne.

Sidjil rit à gorge déployée cette fois-ci, et Maxime en profita pour laisser échapper un soupir d'inconfort et de plaisir un peu plus audible que les autres.

— Ouais bon, tu m'appelles si t'as besoin d'aide pour sortir avec ton gros melon, ok ?

— C'est ça ouais, tu peux me laisser chier maintenant ou... ?

Il crut réapprendre à respirer correctement lorsqu'il entendit le « Ouais, ouais. » de Sidjil s'éloigner de la porte. Il fut soudainement particulièrement reconnaissant de l'absence de miroir dans la petite pièce. Il n'avait pas besoin de voir en plus de ressentir l'embarras qui peignait assurément son visage. Maxime se trouvait misérable, légèrement horrible et peut-être un peu con aussi. Parce qu'il n'attendit qu'une poignée de seconde avant de recommencer ses caresses, se livrant à nouveau à ses fantasmes comme s'il n'avait jamais été interrompu. C'était indéniable pourtant ; la petite visite surprise de son ami n'avait fait que décupler son excitation. Il avait honte de se dire que se toucher avec Sidjil aussi près de lui, sans que ce dernier n'en sache rien, avait provoqué en lui une vague de plaisir sans pareil. Un plaisir au moins cent fois plus grand que ce mélange de honte et d'autodépréciation, largement écrasé par les images de son corps à la merci de Sidjil qui revenaient au galop.

Au fil des secondes, la discrétion perdit en importance pour laisser place au duo de choc : rapidité et efficacité. Maxime ne pouvait pas se permettre de prendre trop de temps ici, il était encore trop tôt pour qu'il puisse fuir la soirée, et il n'en n'avait en réalité pas très envie. Il fallait juste qu'il se soulage une bonne fois pour toute avant de pouvoir reprendre la célébration. Il n'aurait qu'à faire en sorte de toujours garder une tierce personne entre lui et Sidjil, et le tour serait joué. Son plan était parfait, aussi s'autorisa-t-il à laisser quelques petits gémissements s'échapper d'entre ses lèvres alors qu'il se touchait d'une certaine manière qui le ferait venir dans les plus brefs délais. Il laissa libre cours à son imagination, et en même temps qu'il stimulait son gland dans une caresse grisante, il porta sa main libre à son cou et dessina la présence écrasante de Sidjil derrière ses paupières fermées. Il appliqua une pression, légère sans trop l'être, là où il savait pouvoir restreindre sa respiration sans se mettre en danger.

T'aimes tellement ça Max, putain je pourrais te faire n'importe quoi que t'en redemanderai encore.

Une larme solitaire perla au coin de son œil gauche alors qu'il se déversait dans sa main, son orgasme frappant l'ensemble de son corps. Il eut soudainement une conscience aigüe de l'air frais contre la peau nue de son torse et de ses pommettes en ébullition. Malgré l'inconfort de sa position, il ne rouvrit pas les yeux tout de suite et laissa les bourdonnements dans ses oreilles se tarir. Lorsque la sensation du sperme recueilli dans sa main fut trop désagréable, il se décida enfin à refaire travailler ses paupières alourdies.

Cette fois-ci, il s'estima heureux d'avoir du papier toilette pour effacer toutes les traces de son acte honteux. En revanche, il allait devoir trouver le robinet le plus proche en sortant d'ici : hors de question de serrer la main de qui que ce soit sans s'être proprement rincé au préalable.

Ce fut avec ce nouvel objectif en tête que Maxime remit son pull avant d'ouvrir la porte des toilettes.

Lorsqu'il croisa le regard de Sidjil derrière cette dernière, il n'hésita pas une seconde avant de quitter l'appartement sans dire au revoir à qui que ce soit.


AND IF I MAY JUST TAKE YOUR BREATH AWAY


L'odieuse texture du pull de Maxime lui faisait perdre la raison.

Il peina à le retirer, faisant trop de gestes inutiles par rapport à la simple tâche que cela représentait réellement. Lorsque le vêtement se retrouva enfin par terre, Maxime le fixa et prit peu à peu conscience de ce qu'il était en train de faire. Il fuyait, encore et toujours.

Il avait évité les messages de Sidjil pendant une semaine, puis soigneusement évité tout contact avec lui pendant le tournage d'aujourd'hui, puis évité son regard pendant le débrief avec les autres invités. Et puisqu'il n'avait pas pu se dérober à son pied sous la table autour de laquelle ils s'étaient réunis, il avait trouvé un nouveau prétexte pour fuir et une pièce vide pour s'isoler. Il passa ses mains sur son visage et commença à faire les cent pas. Maxime avait l'impression de devenir fou. Il n'y voyait plus clair, entre la culpabilité qui le gangrénait un peu plus à chaque seconde qui le séparait de sa connerie, l'angoisse omniprésente qui campait de façon despotique sur sa relation avec Sidjil, et le désir électrisant que le pied de ce dernier avait éveillé en lui. Il était complètement paumé. Il s'était attendu à peu près à tout ; à ce qu'il soit froid, l'ignore ou l'écarte franchement de son cercle d'interaction. Aucun scénario n'était trop horrible après son crime répugnant. Mais il ne s'était pas attendu à ce que Sidjil le traite comme si de rien était, et encore moins à ce qu'il se mette à lui faire du pied devant tout le monde. Enfin, même si personne n'avait rien vu, c'était tout comme. Les pressions parfois plus qu'insistantes sur son pied avaient fini par le faire paniquer, alors il s'était retrouvé ici. Seul, face à son pull échoué au sol et sa montagne d'incertitudes anxiogènes.

Il se mit à ronger ce qu'il lui restait d'ongles. À quoi jouait Sidjil ? Quel genre de message avait-il voulu faire passer en allant chercher un tel contact, aussi discret qu'imprudent ? Maxime ne comprenait pas. Plus les secondes défilaient, plus il considérait cette idée sordide, selon laquelle Sidjil voyait cela comme une sorte de revanche. Comme un retour à l'envoyeur, une façon de retourner contre lui cette attirance qui n'avait pas lieu d'être. En prenant un peu de recul, cette hypothèse semblait relever de l'impossible. Maxime n'était peut-être pas son ami depuis toujours, mais il pensait tout de même pouvoir se targuer de connaître Sidjil. Au fond, il ne parvenait pas à associer le toulousain à un tel comportement d'amertume et de méchanceté. Mais c'était plus fort que lui, les pires scénarios défilaient dans son esprit sans son consentement, l'un plus récurrent que les autres. Alors qu'il imaginait une énième façon qu'aurait son ami de lui expliquer son stratagème pour se venger de sa connerie monumentale, il fut contraint de se rendre compte du pire. Cette hypothétique punition, Maxime l'acceptait les bras grands ouverts. Il était forcé de reconnaitre qu'elle le touchait là où ça faisait mal et le prenait à son propre jeu. Au fond, il le méritait.

Trop absorbé par ses pensées délétères, il n'entendit pas les pas dans le couloir se rapprocher de la pièce dans laquelle il avait trouvé refuge. Lorsque la porte s'ouvrit sur la silhouette élancée de Sidjil, il était déjà trop tard.

— Max ! J'te cherchais, je croyais que tu serais aux chiottes...

Mortifié, Maxime se figea instantanément, incapable de réagir face à la simple présence du plus grand, de traiter correctement les informations qui s'amoncelaient. Lorsque le regard de Sidjil se posa sur son pull négligemment abandonné par terre puis sur son torse dénudé, son sang ne fit qu'un tour. Ils se précipitèrent tous les deux sur le bout de tissu, mais les réflexes de Sidjil avaient toujours été meilleurs que les siens, et ce fut lui qui parvint à mettre les mains sur le vêtement en premier.

— Nan, Sid rend-le moi putain, réussit-il à dire alors que Sidjil tenait son pull hors de sa portée en levant sa main le plus haut possible.

Plus que jamais, Maxime maudissait leur différence de taille. Décidé à reprendre ce qui était sien, il fut contraint de se rapprocher de celui qu'il s'était pourtant donné tant de mal à fuir, faisant parfois des petits sauts dans l'espoir d'accrocher le bout d'une manche.

— Sid ! Par pitié je caille là !

Ce n'était pas vrai, mais le silence de Sidjil le poussait à trouver un prétexte quelconque. Il aurait voulu s'appuyer sur son bras ou son épaule pour mieux se propulser, mais une peur pâteuse l'en empêchait. C'était plus fort que lui : il craignait que le mouvement de trop sonne la fin de leur amitié.

— Arrête Max, c'est pas comme ça que tu vas réussir à le choper, fit enfin Sidjil en le repoussant légèrement d'une main sur son épaule.

Son toucher lui fit l'effet d'une piqûre de rappel et Maxime recula instinctivement. Il ne releva que secondairement le pas que Sidjil fit et qui le poussa à reculer à nouveau.

— Je te le rendrais quand on aura discuté, dit-il comme si la situation était normale.

Comme s'il ne le forçait pas à rester à moitié nu pour le bien d'une discussion qu'il ne voulait pas avoir.

— Mais discuter de quoi mon reuf ? Rends-moi juste mon putain de pull, cracha Maxime sans pouvoir accompagner sa hargne par son attitude.

Parce qu'il avait beau être celui qui parlait le plus et jetait des gros mots sans parcimonie, il était celui qui reculait, celui qui n'arrivait plus à se battre pour son haut, celui qui se retrouvait au pied du mur.
Littéralement.

— Discuter juste. De ton comportement de ces derniers jours, par exemple, lâcha Sidjil nonchalamment alors qu'il s'arrêtait à une vingtaine de centimètres de lui.

Maxime sentit sa gorge se nouer au moins une dizaine de fois. Il maudissait l'effet monstre qu'avait Sidjil sur lui et se maudissait encore plus d'y être aussi sensible dans une pareille situation. Ce n'était décemment pas le bon moment pour apprécier la façon qu'il avait de le surplomber ou de le contraindre sans rencontrer de quelconques difficultés. À la place, son corps aurait mieux fait de se préparer à l'impact qu'il allait devoir encaisser, au coup de grâce qui allait achever le travail entamé par son foutu pied quelques minutes plus tôt. Celui de sa descente aux enfers, quand Sidjil lui avouera ne plus vouloir le voir, peut-être même le trouver répugnant.

— Tu parles plus trop d'un coup, nota le toulousain d'un ton plat.

— Peut-être parce que j'ai pas envie de te parler, marmonna-t-il en baissant les yeux.

Il avait honte de son comportement, mais quitte à sombrer, il préférait encore entamer lui-même le travail et donner une raison de plus à Sidjil de l'abandonner. Peut-être qu'ainsi il aurait un peu plus l'impression de l'avoir délaissé pour son attitude désagréable et sa langue de vipère, et un peu moins parce qu'il l'avait entendu se masturber une semaine plus tôt.

— Ouais j'avais compris ça. Sauf que ça fait une semaine que tu m'évites et qu'il faut bien qu'on en parle à un moment. Sérieusement Max, fit-il d'un ton un peu plus solennel. Est-ce que j'ai fais un truc qui fallait pas ?

Maxime eut du mal à contenir un rire jaune.

— Genre me faire du pied comme un ado de quatorze ans devant tout le monde ?

Les bras croisés sur son torse plat, il releva enfin des yeux accusateurs sur la mâchoire contractée de Sidjil.

— Tu sais très bien que je parle pas de ça Max.

— Oui, mais on pourrait en parler pourtant. Je pourrais te reprocher de te foutre de ma gueule comme ça devant nos potes, mais j'le fais pas moi, alors pourquoi je devrais répondre à tes questions de merde ?

Le silence qui ponctua la fin de sa phrase l'accabla de tout son poids. Il baissa à nouveau les yeux pour ne pas avoir à croiser le regard assurément déçu de Sidjil. Maxime se demandait ce qui lui prenait, à être aussi désagréable avec quelqu'un qui lui était pourtant si cher. Il se demandait aussi pourquoi cette foutue épée de Damoclès mettait autant de temps à tomber, pourquoi est-ce que Sidjil tournait autant autour du pot au lieu de le rembarrer franchement.

Un contact avec le mur derrière lui fit courir un frisson de froid le long de son échine et Maxime enfonça plus profondément ses doigts abîmés dans la peau claire de ses bras.

— Parce qu'on peut pas avancer sinon. Je m'excuse pour tout à l'heure, je pensais pas à mal, avoua Sidjil d'une voix qu'il ne lui connaissait pas et enfonçait plus profondément en lui les lames de la culpabilité.

À cet aveu, Maxime se mordit la joue. Évidemment.

— Évidemment, murmura-t-il pour lui-même.

— Comment ça, évidemment ?

— Évidemment que tu pensais pas à mal Sid, rétorqua Maxime avec un sourire en coin qu'il détesta à la minute où il orna ses lèvres. Tu penses jamais à mal, t'es trop bon, trop gentil, trop good vibes.

La façon dont les sourcils de Sidjil se froncèrent et la lueur qui traversa ses yeux lui donnèrent la nausée.

— Pourquoi tu dis ça ?

— Mais parce que c'est vrai ! s'exclama-t-il plus haut qu'il ne l'aurait voulu. J'te le dis, t'es trop sympa comme mec. Tellement sympa que ça fait je sais pas combien de minutes que t'es là et que t'as toujours pas été foutu de m'insulter ou de me dire clairement que j'te dégoûte. Non, parce que je sais que c'est ça, appuya-t-il lorsqu'il vit que Sidjil s'apprêtait à le couper. Ça sert à rien de vouloir adoucir le truc, Sid, j'ai compris. Mais comme t'es trop bon je vais le dire à ta place. Tu voulais qu'on discute, non ? Bah voilà, on discute. Tu voulais me parler de quoi en premier ? De comment j'ai su comment j'aimais les mecs ou de moi qui me LeBron James à l'anniv de Théo ? T'sais quoi, répond même pas, je vais te donner toutes les infos ça ira plus vite. Je savais pas que je pouvais kiffer les mecs y'a même pas six ou sept mois, ok ? Oui je l'ai compris parce qu'on s'est rapproché et oui je m'en veux énormément. Ensuite, pour l'anniv, oui j'avais le barreau juste à cause de ce gage de con, oui j'étais bien en train de me masturber dans ces putains de chiottes et oui, je pensais à toi quand j'le faisais.

Essoufflé, il parvint enfin à plonger ses yeux dans les siens dans une sorte d'insouciance défaitiste. Foutu pour foutu, se dit-il. De toute façon, il n'arrivait plus à lire dans les yeux de Sidjil.

— Alors vas-y, maintenant que je t'ai mâché le travail tu peux tout me dire. Que j'te déçois, que tu te sens trahis et qu'au fond ça te répugne, que tu regrettes de m'avoir embrassé autant de fois et que si t'avais su, on serait pas devenu potes. Dis-le, lui ordonna-t-il presque, impatient d'abréger ses souffrances.

Tout devint insoutenable : le son de sa propre respiration irrégulière, la sensation de froid contre sa peau nue, le silence de Sidjil. Chaque seconde qui défilait sans qu'un mot n'ait quitté la bouche du toulousain était un peu plus douloureuse, un peu plus dévastatrice. Maxime sentait comme un étau se refermer autour de sa gorge, incapable de faire circuler l'air normalement dans ses poumons tant le silence perdurait. Il ne nota que maintenant que Sidjil avait baissé le bras, ayant visiblement abandonné l'idée de garder son pull hors de sa portée durant les dernières minutes.

— Dis-le, répéta-t-il alors que l'impatience, la peur et la tristesse le submergeaient.

Une seconde. Puis deux.

— T'sais quoi, ça sert à rien de toute façon, fit Maxime avec l'intention d'arracher son pull des mains de Sidjil et de quitter les lieux.

Tout se passa très vite. L'espace d'un instant, il parvenait enfin à mettre la main sur un pan de son haut, l'instant d'après, Sidjil l'embrassait.

Cela fit perdre à Maxime bien des choses : la prise sur son vêtement, l'envie de partir, la raison. C'était comme si ses angoisses tombaient une à une à chaque mouvement des lèvres de Sidjil sur les siennes. Passé l'état de choc, un semblant de panique prit le dessus et le poussa à éloigner Sidjil d'une main un peu trop faible contre son épaule.

— J'te jure que, si tu te fous encore de ma gueule..., dit-il d'une voix vacillante.

— Jamais, lâcha enfin Sidjil.

Il prit le visage de Maxime entre ses mains et colla leur front, comme s'il voulait lui transmettre tout ce qu'il pensait autrement que par la parole.

— Je me suis jamais foutu de ta gueule Max, jamais, répéta-t-il. Je sais pas comment te le dire alors je voulais te le montrer. Tu m'rends fou bordel.

Il n'eut pas besoin d'en dire plus, Maxime fondit sur ses lèvres, poussé par une euphorie particulièrement délicieuse. Ces derniers petits mots avaient fini d'effacer le tableau d'incertitudes malsaines qui s'était dressé dans son esprit ces derniers jours. Il n'avait pas besoin de savoir ce que Sidjil pensait au-delà de cette simple phrase, s'il devait la prendre comme confession d'une attirance plus que physique ou comme l'aveu d'un crime dont il était complice. Parce que c'était précisément l'unique chose qui importait à Maxime. Que ce sentiment d'impuissance face à l'immensité de cette attraction presque terrifiante soit partagé. Il n'avait pas besoin de savoir où cela allait les amener, juste de savoir qu'ils sombraient main dans la main.

Maxime acceptait allègrement sa descente aux enfers s'il pouvait emmener Sidjil dans sa chute. Il s'agrippa à ses épaules, tira sur son haut et frémit à la sensation des muscles se tendant sous ses doigts. Lorsque Sidjil le plaqua un peu plus fermement contre le mur, la dureté de ce dernier lui rappela que tout cela était bien réel, qu'il ne s'agissait pas d'un rêve ou d'une de ces scènes qu'il montait dans l'intimité de sa conscience coupable lorsqu'il voulait se soulager. Tout était bien réel : la main que Sidjil avait posé sur hanche pour le maintenir contre le mur, le pouce qui pressait sa mâchoire tandis que ses doigts se perdaient dans ses mèches brunes, sa langue qui cueillait la sienne avec une avidité croissante. C'était le genre de réalité qui ne venait jamais sans conséquences.

Maxime n'eut même pas le temps de penser à arrêter leur échange, bien conscient quelque part dans les méandres de son esprit embrumé de la dangerosité de leur situation, que Sidjil s'éloigna. Il maudit le son qui lui échappa, trahissant son embarrassante envie de prolonger leur baiser.

— C'est ok ? lui murmura Sidjil.

Maxime hocha la tête, avant même de réellement comprendre ce que le plus grand voulait dire par là. De toutes façons, il n'avait pas besoin de savoir ce à quoi il faisait référence, et Sidjil n'avait pas besoin de lui demander quoique ce soit. À cet instant précis, Maxime était prêt à tout pour lui.

— Ça aussi ? s'enquit-il à nouveau, alors qu'il plongeait dans son cou pour déposer du bout de ses lèvres des caresses mutines.

Maxime sentit une multitude de délicieux frissons l'assaillir.

— Oui, putain fais ce que tu veux Sid, ne put-il s'empêcher de répondre alors qu'il lui offrait un meilleur accès à son cou, ses propres mains se perdant sous son haut.

Un curieux sentiment de fierté remua en lui lorsqu'il sentit la respiration de Sidjil s'alourdir contre lui à ces mots.

— Dis pas ça putain...

Maxime voulut le contredire, surenchérir sur cet élan de confiance qui soufflait en lui, porté par le toucher de Sidjil qui s'imprimait peu à peu dans son corps. De nouveaux baisers déposés à la jonction de son cou et de son épaule lui procurèrent l'ivresse et l'audace nécessaires à l'exécution de ses idées.

— Moi non plus j'me fous pas de ta gueule Sid. Tu peux pas savoir putain, tous les trucs auxquels j'ai pensé en me touchant ces derniers jours...

La prise contre sa hanche se renforça d'un coup, au point que la sensation frôla la douleur et fit monter en Maxime un besoin irrépressible de plus. Plus de doigts dans sa nuque, plus de dent dans les baisers sur son épaule, plus de pression partout sur son corps, plus de Sidjil.

— J'pense qu'à toi, tu pourrais me faire n'importe quoi.

— Arrête Max.

— J'pense à tes mains Sid, à tes mains autour de mon cou. Putain j'pense à tout ce que tu pourrais me faire contre ce mur.

La fin de sa phrase se perdit entre les lèvres hargneuses de Sidjil qui vinrent cueillir les siennes sans aucune douceur, avec pour unique but de le réduire au silence. Et Maxime les accueillit d'un gémissement surpris, heureux d'avoir eu ce qu'il voulait. Le corps de Sidjil se pressa un peu plus contre le sien, le coinçant de la plus grisante des façons contre lui. Il laissa ses mains parcourir les courbes de son dos musclé, le griffant par endroit chaque fois que son pouce appuyait un peu plus contre sa mâchoire. Un nouveau gémissement plaintif retentit dans sa gorge lorsqu'il sentit leur bassin se rencontrer franchement. Maxime crut avoir le vertige en sentant l'érection de Sidjil à quelques centimètres de la sienne à travers leurs couches de vêtements. Il eut un hoquet de stupeur qui le fit rompre le baiser lorsque ce dernier se mit à remuer contre lui. La friction alluma un incendie qui se répandit partout dans son corps alerte, si bien qu'il ne pensa plus à parler ou narguer Sidjil.

— C'est ça que tu veux Max ? fit-il contre son oreille.

Il n'obtint qu'une suite d'inspirations saccadées et de sons de gorge aigus pour toute réponse, les mains de Maxime fermement accrochées à ses épaules dans une dernière tentative de rester debout, ses genoux se mettant à trembler légèrement. 

Il quémanda un nouveau baiser à Sidjil par un ensemble de syllabes inintelligibles. Baiser qu'il lui accorda dans la seconde, leurs langues trop heureuses de se découvrir pour se quitter si vite. Une nouvelle pression de son bassin contre son érection douloureuse et Maxime crut devenir fou pour de bon.

— Euh les gars ?

La porte s'ouvrit et le sang de Maxime ne fit qu'un tour.

Son premier réflexe fut de se blottir contre le torse de Sidjil, en une piètre tentative de se cacher derrière son mètre soixante-dix-sept. Ce dernier le serra contre lui, dos à la porte et à la tierce personne qui venait de faire irruption dans la pièce.

— Sidjil ? Mais qu'est-ce que tu fous on vous entend depuis les chiottes ?

En reconnaissant la voix de Barbara, Maxime laissa échapper un léger soupir de soulagement. Son cœur battait toujours la chamade et la panique tiraillait toujours ses nerfs, mais de tous les invités d'aujourd'hui elle était probablement celle à qui il faisait le plus confiance.

Il se redressa et finit par l'apercevoir par-dessus l'épaule de Sidjil, qui tordit également le cou pour la regarder. Lorsque son regard rencontra celui de Barbara, il vit ses yeux s'écarquiller.

Elle amena ses mains à sa bouche, une expression de surprise parfaite sur le visage.

— Oh putain, laissa-t-elle échapper au bout d'un moment. Ça peut pas être vrai.

— J't'en supplie Barbara, dis rien aux autres, fit Maxime.

— Steuplait, ajouta Sidjil d'un air aussi sincère que suppliant.

Barbara passa ses mains plusieurs fois sur son visage et prit une grande inspiration avant de se reprendre.

— J'espère que vous êtes prêts à payer pour ce que vous me demandez de faire là, les prévint-elle en les pointant du bout de son index manucuré. 

— C'que tu veux, répondirent-ils en cœur.

Elle soupira.

— C'est ok, conclut-elle enfin. Mais vous avez intérêt à tout me raconter avant ce week-end. J'pense que j'ai au moins le droit à des explications.

Ils hochèrent la tête silencieusement, comme deux enfants indisciplinés face à une énième remontrance.

Elle les quitta peu de temps après, les suppliant de faire preuve de plus de discrétion à l'avenir. Une fois la porte refermée, Sidjil s'éloigna de lui et Maxime frissonna.

— Il fait un peu plus froid tout de suite, le taquina Sidjil en ramassant son pull au sol.

— Va te faire foutre, répondit platement Maxime qui se rhabilla enfin.

Sidjil quitta la pièce en premier, un petit rire au coin des lèvres. Maxime le suivit quelques temps après, l'esprit sens dessus dessous.


NOTHING THAT I WOULDN'T WANNA TELL YOU ABOUT


Maxime mourrait de chaud ; il avait beau vouloir se persuader que ses problèmes de chauffage étaient responsables de l'inconfort qu'il ressentait sous son sweatshirt, il savait qu'en réalité le tournant qu'avait pris sa discussion téléphonique avec Sidjil y était pour quelque chose.

— Tu veux vraiment que j'mette mes mains autour de ton cou Max ?

Le souffle de Maxime se coupa de lui-même.

Il ne comprenait toujours pas comment ils avaient pu en arriver là. Dix minutes plus tôt, il avait envoyé un message à Sidjil pour lui demander de se voir pour parler de « ce qu'il s'est passé la dernière fois ». Il s'était trouvé ridicule à ne même pas pouvoir poser de meilleurs mots sur le sujet de leur conversation. La légèreté de leurs discussions lui avait manqué à l'instant même où son message aussi maladroit que sérieux s'était envoyé. Puis, il avait peu à peu perdu la main sur leur échange, à commencer par le moment où Sidjil avait cru bon de répondre à son message en l'appelant directement. Sa voix pourtant pleine de bonnes intentions l'avait peu à peu dépossédé de tous ses moyens et il s'était laissé entraîner dans cette conversation qui n'avait plus grand-chose à voir avec son intention première. Certes, Maxime voulait parler de ce qu'ils avaient fait la dernière fois qu'ils s'étaient vus ; il voulait tirer cette situation au clair le plus rapidement possible. Par cela, il avait entendu apporter des éclaircissements sur les raisons profondes derrières leurs actes, du moins ceux de Sidjil. Pas vraiment sur ce qu'ils avaient fait à proprement parler, et encore moins de ce que lui avait pu dire alors que Sidjil pressait son corps contre le sien et embrassait la naissance de son cou.

Au bout d'une dizaine de secondes sans réponses, ce dernier reprit la parole.

— Maxime... tu voudrais que je t'étrangle ? demanda-t-il, le ton aussi sérieux qu'inquiet.

Les yeux de Maxime s'écarquillèrent et il manqua de s'étouffer avec sa propre salive.

— Non !

— Ah, tu me rassures, j'aurais jamais pu te faire un truc pareil.

Un sourire étira ses lèvres à l'entente de ces mots alors qu'il se passait une main fatiguée sur le visage. C'était aussi ça, l'étendue de l'effet que Sidjil avait sur lui ; il pouvait le plaquer contre un mur et se frotter à lui, lui parler sans aucune gêne des obscénités qu'il lui avait adressé, puis s'inquiéter pour lui et avouer ne pas vouloir lui faire de mal. Maxime avait presque oublié ce sentiment agréable qui l'irradiait également lorsqu'il était question de Sidjil, autre que cette attirance physique envahissante. La tendresse, simple et niaise.

— Je demandais par sécu parce que bon...

Intrigué, Maxime haussa un sourcil.

— Parce que ? demanda-t-il à son tour, jouissant d'être enfin celui qui posait une question.

— Parce que t'as l'air d'être dans ça, un peu.

Le cœur de Maxime rata un battement.

Il n'arrivait pas à mettre le doigt sur ce qu'il ressentait. Un curieux mélange d'embarras et d'excitation. Il était gêné de s'être si facilement oublié dans les bras de Sidjil, de lui avoir offert quelques-unes de ses pensées et envies les plus intimes sous l'effet capiteux de ses baisers et attentions. Sidjil avait été – et était encore à ce moment-même – très tendre avec lui, un peut trop peut-être pour ses fantasmes qui le menaient en bateau depuis un moment déjà. Ça avait titillé quelque chose au fond de lui, quelque chose de trop brûlant pour être contenu, quelque chose qui n'avait demandé qu'à sortir dès lors qu'il avait lâché prise. Il avait trouvé Sidjil trop bon pour ne pas aller le chercher, le taquiner du bas de sa colline de retenue. Il n'avait pas pu s'empêcher de le tirer vers le bas, de le faire réagir en lui exposant une facette de lui qui ne demandait qu'à ce qu'il se laisse aller également pour mieux satisfaire ses envies. Maintenant qu'il y pensait, il y était peut-être allé un peu fort. Maxime aimait bien se torturer dans l'intimité : il puisait son plaisir personnel dans cette mise à l'épreuve audacieuse de ses propres limites, jouissant véritablement de ce jeu au centre duquel ne régnait que son corps et son royaume de sensations possibles. Mais il ne pouvait décemment pas attendre de Sidjil une parfaite complémentarité de ses fantasmes. En dehors du fait que certains d'entre eux étaient faits pour rester dans le confort de son imagination, il demeurait ce souci nécessaire de réciprocité. Maxime n'avait certainement pas prévu de parler de ça aujourd'hui, et encore moins au téléphone, mais au fond il savait cette discussion nécessaire. Il était hors de question de mettre son ami, ou quoi qu'il fût, mal à l'aise à cause de ses tendances un peu spéciales.

— Est-ce que..., il se demanda comment formuler tous ses idées correctement, toujours un peu émoustillé par le sujet de leur conversation. Est-ce que ça te dérange ? Enfin, te dérangeait, j'veux dire.

Heureusement que Sidjil n'était pas là pour apprécier toutes les grimaces par lesquels était passé son visage en prononçant cette simple question.

— Je sais pas trop, répondit-il simplement, avec sa nonchalance habituelle.

À croire que Maxime était le seul atteint par la délicatesse de leur échange.

— Disons que ça dépend, j'pense.

— De quoi ? s'empressa-t-il de demander.

— Bah d'à quel point c'est ton truc, genre jusqu'où ça peut aller.

Et Maxime commençait doucement à sentir le truc arriver. Il voyait peu à peu s'effacer la limite qui ferait tantôt de leur discussion un sujet sérieux tantôt une nouvelle façon d'augmenter la température sous son haut. Il était, de toute évidence, bien trop sensible à tout ce que pourrait dire Sidjil regardant ses fantasmes de près ou de loin, et ne pourrait pas répondre correctement à ses questions sans se projeter un minimum dans ces derniers.

— C'est dur à dire, moi-même je sais pas trop jusqu'où ça va.

— Mais t'as bien un penchant, non ?

— Comment ça ?

— Un truc pour la violence, ou quelque chose du genre.

L'idée que Sidjil puisse penser et évoquer une telle chose le fit frissonner, sans trop savoir pourquoi.

Maxime retroussa ses manches et se mit à faire les cent pas, comme pour accompagner les rouages de sa réflexion par sa constante mobilité.

— Nan, c'est pas vraiment ça, avoua-t-il avec une certitude en demie teinte qu'il ne se connaissait pas.

C'était curieux, mais pas désagréable, de se pencher de la sorte sur une partie de lui aussi floue, personnelle et insaisissable. Pour expliquer à Sidjil ses fantasmes, il devait lui-même se replonger dedans, avec une optique différente de d'habitude mais pas plus anodine.

— Max, tu veux que je te répète c'que tu m'as dit la dernière fois ?

— Non tranquille merci, s'empressa-t-il de répondre. Je sais ce que j'ai dis Sid, juste j'te jure que c'est pas ça.

Il se mit à mordiller sa lèvre, une main nerveuse passant sans cesse sur son front.

— Genre, c'est pas vraiment la violence, mon... mon truc. C'est plus... je sais pas...

Si, il commençait à très bien savoir même. De toutes les images qui défilaient dans son esprit, il commençait à distinguer les plus agréables, celles qui remuaient quelque chose dans son bas ventre, qui faisaient court-circuiter son cerveau l'espace d'une milliseconde. C'était peut-être les mains de Sidjil autour de son cou mais ce n'était pas une prise de fer qui le violentait réellement. Ce n'étaient pas des coups à proprement parlé, mais des petites douleurs éparses, assénées çà et là sous la pression d'un pouce trop virulent. Non, ce n'était pas de la violence, c'était...

— T'aimes bien qu'on te la malmène un peu, c'est ça ?

Maxime sentit ses joues brûler. Putain. C'était con, mais il ne se lasserait probablement jamais de la facilité avec laquelle Sidjil le rendait tout chose.

— Ouais, admit-il tout bas alors qu'il fixait le trou qu'il y avait dans sa chaussette. C'est plutôt ça... Genre, j'voudrais jamais que tu... que tu me fasses du mal à proprement parler, tu vois ? Juste que... que tu te retiennes pas.

Il se mit à mordiller le lacet de son sweatshirt nerveusement, attendant une réponse qui se faisait plus désirer que les précédentes. Il n'arrivait pas à croire qu'il venait réellement de lui dire ça. D'ailleurs, toute cette conversation lui semblait de plus en plus lunaire, à l'opposé des sensations bien réelles qu'elle provoquait en lui.

Un soupir se fit entendre à l'autre bout du fil, et Maxime aurait pu avoir peur d'ennuyer Sidjil s'il ne reconnaissait pas là l'expiration qu'il avait laissé échapper dans le creux de son cou quelques jours plus tôt.

— Que je me retienne pas de quoi ? C'est pas super précis...

Oh, ok.

Sidjil voulait vraiment venir à bout de lui.

— Que tu te retiennes pas quoi, 'fin je sais pas comment dire... que tu fasses pas attention ? À pas me faire mal ou, je sais pas, être un peu brusque... J'suis pas en sucre, en gros. Tu peux y aller.

Il crut entendre du mouvement du côté de son interlocuteur, et un sourire commença à étirer ses lèvres.

Maxime ne voulait pas faire de conclusion hâtive, mais il avait l'impression qu'un motif se dessinait doucement dans cette nouvelle dimension de leur relation. Sidjil avait peut-être pour lui cet effet monstre qui le faisait frémir jusqu'aux entrailles, cette simple présence qui le mettait dans tous ses états, cette aisance naturelle qui découlait de sa confiance en lui et le rendait plus prompt à dominer sa nature plus nerveuse et angoissée. Mais dès qu'ils franchissaient un certain palier, encore un peu trop flou pour être proprement discerné, la tendance s'inversait. Quelque chose lui disait que, dans la sphère de l'intime, il devenait celui qui avait la main mise sur leur échange. Une fois passée cette frontière, la nervosité de Maxime s'effaçait pour laisser place à son envie dévastatrice. Envie de jouer avec leurs corps, leurs idées, à ce jeu du chat et de la souris où son esprit vif, impatient et cupide s'amusait à chercher Sidjil derrière ses barrières encombrantes. Il devenait celui qui prenait un malin plaisir à détruire son mur de contenance un peu trop polie.

— Si tu veux me tirer les cheveux, me coincer contre un meuble ou m'empêcher de faire quelque chose... Si tu veux m'insulter, un peu, ou... me rabaisser... que t'as envie d'me fermer ma gueule parce que j'te pète les couilles, d'me remettre un peu à ma place... tu peux. Tout c'que tu veux, Sid.

Il sut pertinemment, à l'instant ou ces six petits mots quittèrent sa bouche, que le silence du toulousain ne ferait plus long feu.

— Putain, mais c'est- c'est ça, Max. Tu peux pas juste, dire ça.

— Et pourquoi pas ?

Un nouveau soupir se fit entendre à l'autre bout du fil ; le sourire de Maxime se fit beaucoup plus franc.

— Juste parce que. Tu peux pas me dire que t'aimes pas la violence et après me dire que tu veux que j'te fasse tout ce que je veux.

— Pourquoi, t'aurais envie d'être violent avec moi ? demanda-t-il très sérieusement.

— Mais non ! Justement, 'fin ça me viendrait jamais à l'esprit de, de te faire mal ou quoi, jamais de ma vie j'te frapperais ou t'étranglerais, j'te jure Max.

Maxime éloigna le téléphone pour ne pas faire entendre le petit rire qui lui échappa. Il passe une nouvelle main sur son front, accablé par toute la tendresse que Sidjil éveillait en lui. De toute évidence, il touchait un point qui déstabilisait un peu le toulousain, et il se surprit à éprouver des idées légèrement sadiques envers quelqu'un d'autre que lui-même. C'était trop bon de le faire réagir de la sorte, de l'entendre galérer là où, pour une fois, Maxime était plus qu'à l'aise.

— Mais ? demanda-t-il après avoir rapproché le téléphone de son visage.

Parce qu'il y avait forcément un mais. Maxime n'était peut-être pas un spécialiste, et il s'étonnait d'avoir autant confiance en sa capacité à lire en Sidjil alors qu'il n'était pas en face de lui, mais il fallait croire que discuter de ce genre de chose lui venait plus facilement que le reste, en fin de compte. Il voyait bien que quelque chose coinçait chez Sidjil, une chose sur laquelle il n'arrivait pas à mettre de mots, ou même d'idée. Quelque part, c'était grisant de le voir patauger là où Maxime semblait dans son élément. Ça l'amusait, un peu, mais ça lui donnait surtout envie de le guider.

— Mais je sais pas putain... Quand tu dis ça, ça... ça me rend ouf.

— Pourquoi ?

—Parce que... Ça donne envie de te faire des dingueries.

Ah. Maxime se remit à mordiller sa lèvre inférieure ; ça devenait de plus en plus intéressant. 

— Des dingueries du genre ?

— Max, fit Sidjil sur le ton de l'avertissement.

En vain, naturellement. Il n'était plus question de reculer maintenant qu'il avait mis les deux pieds dans le plat, qu'il avait enfin réussi à trouver une ouverture dans l'esprit si hermétique de Sidjil. Lui qui avait été si curieux de connaître le détail de ses fantasmes ne pouvait décemment pas se défiler maintenant que l'attention étai tournée vers lui. Du moins, Maxime ne le laisserait pas faire.

— Faut que ça aille dans les deux sens Sid, lui fit-il en déguisant son sérieux dans cette attitude maline qui ne le lâchait plus. J'peux pas être le seul à répondre à tes questions, y'a sûrement des trucs que t'aurais envie d'me faire aussi, ou que moi je pourrais te faire, ou te dire, non ?

— Max...

— Dis-moi.

Quelques secondes s'écoulèrent sans qu'aucune réponse ne vienne, et l'espace d'un instant, Maxime se demanda s'il n'était pas allé trop loin. Après tout, Sidjil était en pause au beau milieu d'un tournage, il n'avait pas demandé à ce que Maxime le chauffe ou investigue de façon un peu trop lourde sa vie fantasmatique. La chaleur sous son sweatshirt avait disparu d'un coup.

Il était sur le point de s'excuser lorsque Sidjil reprit la parole.

— Je sais pas si j'ai un truc comme toi. Moi, tant que... que toi tu... bref.

Maxime haussa un sourcil. Il aurait donné tout l'or du monde pour savoir ce qui se tramait dans l'esprit visiblement préoccupé de son ami.

— J'y ai jamais vraiment réfléchis ou pensé. Je veux dire, comparé à toi qui a l'air d'assez bien savoir ce qui te fait kiffer, j'ai pas de fantasme vraiment, ou d'idées précises de... 'Fin, ouais ok, y'a p't'être bien un truc, mais...

— Dis-moi, Sid, répéta-t-il, avide de réponses.

— Putain, fit ce dernier tout bas. J'ai l'impression que c'est vraiment un délire de collégien, mais je... j'ai envie de te marquer Max.

Maxime frissonna ; la température sous son pull remontait peu à peu.

— J'ai envie de te faire des suçons, dans le cou, les épaules, ton ventre putain, partout Max. J'ai envie de te mordre, parfois j'ai l'impression que... que je pourrais te bouffer tout entier bordel. J'veux que t'en aies partout, qu'après quand tu te regardes dans le miroir tu te souviennes de ce que je t'ai fait. Mais c'est pas...

— C'est très bien, l'interrompit précipitamment Maxime, plus que ravi. Vraiment.

— Ouais ? fit Sidjil, comme en quête de réassurance.

— Ouais. Bon c'est peut-être un truc de collégien, ajouta-t-il avec un petit rire. Mais j'te jure que c'est tranquille Sid. Si ça te fait kiffer c'est le plus important. Et puis... On sait pas, tu pourras toujours découvrir certains trucs plus tard, si ça se trouve.

Un petit rire échappa à Sidjil, et bordel, pourquoi son cœur tambourinait-il pour si peu ? Il l'avait déjà entendu rire des milliers de fois.

— T'as raison Maxou. Si ça se trouve je kiferai étrangler ta belle gueule, qui sait ?

— Par pitié Sid, laisse ça.

Ils échangèrent un nouveau fou-rire avant que Sidjil ne doive retourner à son tournage. Maxime était sur le point de raccrocher, un immense sourire aux lèvres, lorsque ce dernier ajouta :

— Ah au fait Max, essaie de pas commencer sans moi. Je vais essayer de faire vite pour venir après le tournage, alors joue le jeu et attend-moi sagement, ok ?

Puis il raccrocha. Quelques secondes plus tard, le bruit d'un scooter traversant la rue vint briser le silence dans lequel avait sombré sa chambre. Maxime lâcha un rire nerveux, puis il balança son téléphone sur son lit et enleva son sweatshirt.

Il fallait qu'il prenne une douche. Froide.


SOMETIME THE SILENCE GUIDES A MIND TO MOVE TO A PLACE SO FAR AWAY


Maxime était resté prisonnier de son sweatshirt toute l'après-midi ; ce fut Sidjil qui l'en libéra en début de soirée.

En fin de compte, ils ne s'étaient pas dit grand-chose. Lui qui l'avait originellement contacté dans le but de s'expliquer, s'était finalement trouvé incapable de ne pas fondre sur ses lèvres dès qu'il avait passé le pas de la porte. Sidjil n'avait pas caché son étonnement mais ne s'était pas plaint pour autant, accueillant de son mieux les attentions précipitées et affamées de Maxime. « T'es sûr que tu veux pas qu'on discute d'abord ? » lui avait-il demandé au bout de quelques longues minutes passées à s'embrasser contre la porte. « Nan, j'ai juste envie de toi » avait été sa seule réponse avant qu'il replonge sur ses lèvres, manifestement contrarié d'avoir été interrompu pour une précaution qui ne lui semblait pas nécessaire. Le message était visiblement passé, puisque l'instant d'après, Sidjil les avait fait reculer jusqu'à le coincer contre un mur de l'entrée, ses lèvres prenant un malin plaisir à redécouvrir le goût que prenait la peau de son cou exposé. Les frissons que ces caresses avaient provoqué en Maxime lui avaient rappelé la pénible présence de son haut qui avait tenu tous ses envies inassouvies contre lui. Il avait suffi d'un faible geignement d'inconfort pour que Sidjil décide de lui-même de le lui ôter, l'idée traînant visiblement déjà dans son esprit depuis un moment.

Un sifflement passa la barrière des lèvres de ses lèvres lorsqu'il sentit les dents de Sidjil se refermer sur une parcelle de sa peau opaline, à la jonction entre son cou et son épaule. Ce dernier recula instantanément.

— Merde, 'scuse j'aurais dû te demander ou te dire...

Maxime passa ses mains derrière son cou et l'attira à lui sans un mot, recherchant le contact de ses lèvres sur lui.

— Continue..., soupira-t-il au creux de son oreille.

Et il sembla à Maxime qu'il aurait pu rester des heures ainsi : le corps de Sidjil tout contre le sien, ses mains sur ses hanches et ses dents autrices d'une douleur si délicieuse qu'il crut sentir quelque chose bouillir en lui. Comme si son corps répondait physiologiquement à ces caresses qui le torturaient si gentiment. Il l'attira un peu plus encore contre lui, pressant ses mains partout où elles pouvaient se glisser, d'abord par-dessus le haut de Sidjil avant d'enfin parcourir les courbes de son dos librement. Une certaine électricité remonta le long de ses bras à la sensation de sa peau sous la pulpe de ses doigts, et se déversa dans tout son corps, faisant battre son cœur avec une intensité presque alarmante à l'endroit où les baisers de Sidjil le martyrisaient.

Il aurait sûrement pu s'éterniser ainsi dans ses bras s'il ne se faisait pas constamment rappeler au désordre par ses pulsions aussi exigeantes qu'envahissantes. C'était comme si après tout ce temps, il avait appris à ne plus résister, à se laisser entièrement submerger par ce besoin qui lui bouffait le cerveau et le poussait à agir, à faire tout ce qui était en son pouvoir pour obtenir satisfaction. Maxime fit alors onduler son bassin, rencontrant celui de Sidjil dans une friction aussi grisante que frustrante, encore trop restreinte par les nombreuses couches de tissus les séparant. Cela eu au moins le mérite de faire réagir le toulousain qui, après avoir laissé échapper un soupir sensuel contre la peau meurtrie de Maxime, vint cueillir les lèvres de ce dernier. Enfin il se rapprochait de cette combinaison enivrante de sensations. La douleur à la naissance de son cou sublimait cet état euphorique que lui procuraient la langue de Sidjil contre la sienne et le frottement de leurs érections.

Mais Maxime demeurait insatiable, lui-même dévoré par cette faim caractéristique, celle qui continuerait de le tirailler tant qu'il n'aurait pas goûté au corps de Sidjil. Après quelques instants à perdurer leur jeu de bassin, Maxime parcouru le dos de Sidjil jusqu'à flatter la chute de ses reins, les muscles de ses abdominaux, puis il descendit plus bas. Lorsque sa main se referma autour de son sexe, Sidjil se tendit instantanément avec un hoquet de stupeur.

— Max, putain, souffla-t-il contre ses lèvres entre-ouvertes.

Maxime tira une jouissance très particulière en constatant l'effet qu'il avait sur lui. Il n'avait même pas eu besoin de faire plus que ça que déjà, Sidjil semblait à bout de souffle, ébranlé par la simple présence de son toucher sur son érection. Le tableau qui s'offrait à lui était exquis ; il y avait un érotisme particulièrement envoûtant dans le voile de cils qui recouvrait partiellement ses yeux sombres, dans sa carrure pourtant plus impressionnante que la sienne vacillant sous cette simple prise. Hypnotisé par cette vision mais pas paralysé pour autant, Maxime entama des caresses presque maladroites, handicapées par l'étroitesse des vêtements dans lesquels Sidjil était confiné. Le sentir aussi intimement sous ses doigts fit prendre de nouvelles couleurs à ses joues et son esprit s'enflamma.

— Putain Sid, laissa-t-il échapper entre deux respirations saccadées. J'veux t'sucer.

Il sentit Sidjil se raidir contre lui, attraper sa mâchoire d'une main et entourer son poignet de l'autre. Un frisson fit vibrer les organes de Maxime à la sensation de son pouce autoritaire contre sa gorge.

— Max, grommela-t-il d'un ton qui se voulait avertissant.

La prise autour de son poignet se resserra, contraignant davantage les mouvements de sa main toujours logée dans son sous-vêtement. Cela n'empêcha en rien son insatiable détermination d'ignorer royalement son instruction en demi-teinte. Tant que Maxime ne recevait pas de franche interdiction, il se permettait tout. Cette pensée fit apparaître un sourire narquois sur ses lèvres. Il attendait avec impatience que Sidjil se rende compte de ce défi sous-jacent qu'il lui adressait, guettait comme un affamé l'instant où il craquerait enfin et lui donnerait ce qu'il voulait réellement. Sidjil attrapa sa main gauche venue explorer son torse sous son haut et l'en priva en la plaquant sur le mur derrière lui. Cette action manifestement peu réfléchie secoua légèrement Maxime, dont le sourire trembla quelques secondes, juste le temps que Sidjil intercepte cette réponse et comprenne enfin.

De sa seule main libre, Maxime le caressa une dernière fois avant que Sidjil ne s'empare plus franchement de celle-ci et la coince à côté de sa jumelle, au-dessus de sa tête.

— Y'a que comme ça que tu comprends, hein ?

Maxime voulut répondre un pic, une nargue, n'importe quoi. Il n'en n'eut pas le loisir, sa voix soudainement réappropriée par les lèvres de Sidjil qui domptèrent les siennes sans difficulté aucune. Il se perdit corps et âme dans le baiser, mourant de chaque contact entre leurs langues, tant et si bien qu'il le laissa enfermer ses poignets d'une seule de ses mains et retrouver sa prise sur sa mâchoire de l'autre. Un éclair de lucidité frappa Maxime lorsqu'il prit pleine conscience des doigts de Sidjil qui agrippaient son cuir chevelu en même temps que son pouce gagnait en persistance contre sa joue, inclinant sa tête pour mieux le plier à ses volontés. Cet éclair fut suivi d'une vague d'ocytocine sans pareille, qui s'abattit en lui avec violence lorsqu'il sentit une opposition ferme empêcher un quelconque mouvement de ses mains. Voilà, c'était précisément ce sentiment-ci qu'il avait recherché chaque fois qu'il s'était touché ces derniers jours. Il avait tant rêvé de se sentir restreint par ces mains baguées, contraint à une soumission physique qui altérait la chimie de son cerveau de la plus délicieuse des façons.

Un gémissement lui échappa lorsque les lèvres de Sidjil se séparèrent des siennes. Il chassa leur trace vainement d'un mouvement de tête franchement misérable, tandis que la poigne qui maintenait ses mains au mur se renforçait davantage. Un léger rire échappa à Sidjil alors qu'il secouait la tête, comme s'il ne parvenait toujours pas à se rendre compte de l'effet qu'il avait sur lui. Plus encore, de l'effet qu'avait cette dynamique particulière sur lui, du plaisir évident qu'il prenait à être ainsi traité.

— C'est vraiment ça qui te fait kiffer, conclut-il en glissant à son tour une main le long de son ventre jusqu'à la lisière de son jean.

Maxime sentit tous les organes de son bas ventre frémir en réponse à ce toucher suggestif, bien qu'encore réservé en comparaison avec ce qu'il lui avait fait plus tôt. Il avait tant rêvé de sa peau, de ses doigts autour de lui, de ses murmures près de son oreille, que la moindre attention bien réelle de Sidjil le bouleversait bien plus que de raison. Pour toute réponse, il acquiesça bêtement, sa bouche toujours entrouverte laissait échapper une succession de soupirs et de plaintes encore timides. Il louchait sur les lèvres de Sidjil comme un assoiffé, remuait son bassin comme pour forcer ses doigts à s'imprimer dans sa peau jusqu'à graver les os de son pelvis.

Lorsque Sidjil se rapprocha de lui, il se déroba à nouveau à ses lèvres quémandeuses. Maxime voulut l'insulter, mais son « connard » se transforma en un une grande inspiration, suivie d'un gémissement plus aigu que les autres lorsqu'il sentit sa main se frayer un chemin jusqu'à son érection. Un violent frisson lui lécha l'échine et le poussa à se redresser d'un coup, sa tête frappant contre le mur derrière lui sous le surplus de sensations.

Du coin de l'œil, il vit Sidjil se redresser à son tour, visiblement alerté par le bruit. Son expression inquiète repartit aussi vite qu'elle était venue, remplacée par un sourire satisfait lorsqu'il apprécia le plaisir évident que Maxime semblait prendre. Il le sentit replonger dans son cou, ignorant ses lèvres tremblantes pour venir embrasser sa peau déjà amochée. Et alors que Maxime redécouvrait la sensation grisante de ses dents sur sa clavicule, il crut se sentir exploser sous l'effet de ses caresses.

— Merde, fit-il à bout de souffle. Putain, Sid.

Il sut à l'instant où sa main se referma un peu plus franchement autour de lui et qu'il titilla à nouveau le haut de son cou du bout des dents qu'il n'était désormais qu'une question de secondes. Maxime avait beau ne plus avoir de haut, il sentait la chaleur le consumer tout entier. Son sang circulait si rapidement dans ses veines qu'il crut un instant être pris de de vertige, chaque nouveau passage de ses doigts sur le bout de son sexe lui faisait l'effet d'une bombe. Et cette résistance qu'il rencontrait chaque fois que l'envie lui prenait de s'accrocher aux épaules de Sidjil ne cessait de le prendre de court, de renforcer ce sentiment étourdissant d'impuissance. Plus il se sentait submergé par tout ça, plus l'impression d'être coincé, privé de tout mouvement prenait de l'ampleur, nourrissant un cercle vicieux qui ne prendrait fin que lorsqu'il se serait enfin soulagé.

— Sid, Sid bordel.

Il répéta son nom comme un mantra, ses doigts engourdis se tordaient sous l'urgence de son orgasme imminent alors qu'il sentait son souffle lui échapper pour de bon. Il vit Sidjil se redresser et s'approcher. Naïvement, il crut qu'il lui offrirait sa jouissance ultime avec ce baiser qu'il lui avait trop longtemps confisqué. À la place, ses lèvres finirent leur trajectoire sur sa joue, et sa main quitta son sous-vêtement aussi rapidement qu'elle s'y était glissée. Il y eut alors un moment de latence, une seconde d'éternité durant laquelle son orgasme se consuma péniblement, s'évanouissant avec lourdeur. Son torse se soulevait avec une difficulté nouvelle, dans une douleur exquise alors qu'il inspirait de l'air sans jamais libérer ses poumons de ce dernier.

— T'as parlé d'me sucer, tout à l'heure ?

Le fils de pute.

Une larme solitaire dévala sa joue. Sidjil vint la cueillir de ses lèvres puis libéra enfin ses mains. Maxime eut à peine le temps d'expirer que déjà, il l'attirait à lui en agrippant ses épaules sans douceur, forçant enfin ses lèvres sur les siennes. Ce baiser, durement acquis, avait un léger goût de vengeance. Du moins Maxime espérait retranscrire toute l'amertume qu'avait éveillé en lui l'avortement de son orgasme dans chaque mouvement de sa langue contre la sienne, dans chaque caresse un peu trop appuyée contre la peau de son dos, dans la façon dont il le guida jusqu'à son canapé. Il ne s'en voulut pas le moins du monde lorsque les genoux de Sidjil buttèrent contre le bord de ce dernier et le forcèrent à s'y asseoir maladroitement.

Sans prononcer un mot de plus, il se mit à genoux entre ses jambes, les sourcils froncés par l'agacement. Si Sidjil voulait jouer, Maxime allait s'y donner à cœur joie. Ce qu'il s'apprêtait à faire sortait largement de sa zone de confort, mais l'envie de plus, d'enfin réaliser ces projets fantasmatiques qu'il n'aurait jamais cru possibles, surpassait jusqu'à sa dernière bribe de raison. L'envie de surprendre Sidjil aussi, ce qu'il semblait si bien faire depuis quelques temps. Il était guidé par l'envie de se surpasser, par son instinct qui, sur le moment, se résumait à des idées simplement obscènes. Ses doigts s'attelaient déjà à la tâche de défaire proprement la boucle de sa ceinture lorsqu'il osa un regard dans sa direction. Un nouveau sourire vint étirer le coin de ses lèvres en lisant l'expression visiblement troublée de Sidjil. Maintenant bien conscient de toute l'attention qu'il avait sur lui, Maxime continua son travail avec tout le sérieux du monde, prenant malgré tout un malin plaisir à le déshabiller, dans tous les sens du terme. Il embrassait une fois encore ce sentiment, grisant au possible, de le dérouter, de le prendre de court, de l'emmener dans son royaume de passion. Il jubilait de le prendre par la main pour lui faire découvrir toutes les fascinantes découvertes qu'il avait pu faire en explorant son corps et les méandres lubriques de son esprit. Plus encore, il brûlait de continuer son chemin avec lui, de faire se rencontrer leurs univers. Il était autant excité à l'idée de réaliser ses fantasmes que de découvrir ceux de Sidjil avec lui.

C'est avec ce nouvel objectif en tête qu'il se saisit pour la deuxième fois de la soirée de son sexe qu'il put enfin apprécier en dehors de sa prison de tissu. Il le caressa quelques instants avant de plonger sur lui, impatient au possible d'enfin sentir le goût qu'il prenait à la racine même de l'expression de son désir pour lui. Les yeux à demi-clos, il se noyait dans ce plaisir nouveau, souvent repêché par les bruits qu'émettait Sidjil et l'effet monstre qu'ils avaient sur lui. Au fil des minutes, il apprenait à utiliser ses mains pour occuper la partie de lui qu'il ne pouvait pas prendre en bouche, à mieux faire glisser sa langue dans les recoins qui lui faisaient pousser des grognements moins contenus. Parce qu'il était assez souvent question de ça avec Sidjil ; il se contenait. Un peu trop souvent même au goût de Maxime, qui vivait pour les dérapages et la précipitation, pour se jeter la tête la première et cueillir avidement toutes les fleurs de son plaisir personnel. Comme la dernière fois qu'ils s'étaient vus, il ferait tout pour le faire sombrer avec lui. Et il avait une petite idée de comment faire.

S'il se basait sur ce que Sidjil lui avait évoqué plus tôt au téléphone – et il s'en souvenait parfaitement –, il était surtout excité à l'idée que Maxime prenne son pied. Alors il se saisit à l'aveugle d'une de ses mains, occupée à maltraiter l'un de ses coussins, pour l'amener à l'arrière de son crâne. Il se redressa un instant, juste le temps de planter ses yeux dans les siens et de lui souffler cette simple injonction.

— Tire.

Il guida les doigts de Sidjil entre ses mèches brunes et le força à tirer sur ces dernières pour illustrer ses propos. Le geste, bien qu'encore trop partiel, fit bondir son cœur dans sa cage thoracique. Les secondes qui suivirent s'écoulèrent au rythme de ses mouvements autour de Sidjil et des agressions intempestives des mains de ce dernier sur son cuir chevelu. Et Maxime subissait l'écoulement du temps comme tous les autres supplices : avec douleur et ravissement. Sa voracité trouvait satisfaction dans l'angle douloureux que prenait son cou lorsqu'il plongeait sur lui pour mieux le sentir dans sa gorge, dans la souffrance engendrée par la prise dans ses cheveux et les hématomes fraîchement éclos qui parsemaient son épaule. Les gémissements rauques de Sidjil le guidaient aveuglément vers une jouissance dévastatrice, rendue plus puissante encore par le surplus de sensations étourdissantes, par cette saturation grisante de ses sens, ce harcèlement continus de ses nerfs à divers endroits de son corps.

— Max, laissa échapper Sidjil entre deux respirations saccadées. Maxime putain, j'vais...

Maxime pris cette mise en garde comme un feu vert, une invitation à se dépasser lui et ses limites, mais aussi à tester celles que Sidjil voulait lui imposer. Il perpétua ses mouvements, accentua les passages de sa langue sur son gland et planta son regard dans le sien avec un air de défi. Lorsqu'il sentit sa tête être tirée vers l'arrière, il s'agrippa à ses cuisses pour protester et laissa échapper des geignements de mécontentement qui firent vibrer les parois de sa gorge autour de son sexe. L'espace d'une seconde, son effort pour résister à la prise dans ses cheveux lui coûta une déglutition inconsciente. Il n'eut pas le temps de se sentir s'étouffer que déjà, Sidjil s'était saisit de l'arrière de son crâne à l'aide de ses deux mains, tirant violemment sur ses mèches pour l'éloigner de l'objet de ses caprices. La seconde d'après, le visage rougit de Maxime devenait la toile de son orgasme. Il sentit sa semence atterrir en grande partie sur ses joues et ses lèvres entrouvertes, le reste se perdit sur son menton et plus bas, sur son torse en mouvement. Mais Maxime sentit plus que tout l'air lui échapper, tous ses organes frémir alors que la vague destructrice de son orgasme le rattrapait. Elle déferla en lui sans crier gare et fit imploser tout le plaisir qu'il avait contenu jusqu'à lors. La douleur de ses genoux encore vissés au sol le ramena peu à peu à la réalité, le guidant à travers son voile de confusion.

— Merde Max', fit Sidjil alors qu'il retrouvait peu à peu ses esprits. Ta tronche...

Ce dernier, fraichement remis de son orgasme, semblait démuni face à la vision qu'il lui offrait. Maxime ne put s'empêcher de le trouver attachant, une fois de plus. Il voulut se redresser sur ses genoux pour déposer un baiser sur ses lèvres mais elles se dérobèrent à nouveau aux siennes. Un râle contrarié lui échappa.

— Désolé mon Maxou, mais j'suis vraiment pas prêt psychologiquement à goûter à mon me-sper, lâcha-t-il en guise d'explication, une expression légèrement dégoûtée sur le visage.

— Parce que moi oui peut-être, ronchonna-t-il cyniquement en allant chercher un mouchoir sur la table basse derrière lui.

— Bah en l'occurrence ouais, t'avais l'air plutôt chaud pour.

Maxime lui jeta son mouchoir usé à la figure en guise de réponse. Puis il se leva franchement, la conscience aigue qu'il avait de l'humidité de son sous-vêtement le fit grimacer. Il annonça à Sidjil qu'ils feraient mieux de prendre une douche, mais ce dernier l'attira à lui en attrapant son poignet avant qu'il ne fasse un pas. L'enchaînement de mouvement avait décuplé la désagréable sensation dans son caleçon. Mais lorsque Sidjil l'attira à lui pour enfin l'embrasser, il ne trouva pas la force de l'insulter.

— Sid Sid, tu fous quoi là ? l'interrompit-il alors qu'il sentait ses baisers se perdre de l'autre côté de son cou et ses mains caresser son ventre.

Il le vit se redresser instantanément, l'air visiblement surpris et inquiet.

— Bah je... T'as pas fini, je pensais que tu...

Ah.

Maxime laissa échapper un rire gêné.

— Si, j'ai « fini » Sid.

Il détailla avec toujours la même fascination la façon dont ses sourcils se froncèrent, dont son regard cherchait tantôt une réponse dans son œil droit puis dans son œil gauche, dont sa mâchoire se contractait sous le travail inutile de ses dents. Maxime avait envie de l'embrasser.

Soudain, son visage s'éclaircit.

— Nan..., fit Sidjil comme si son idée était trop farfelue pour être vraie. Me dis pas que quand j'ai... et que je t'ai tiré les cheveux t'as...

Maxime était tiraillé entre l'embarras et l'envie de relever cette manie qu'avait Sidjil de ne pas pouvoir prononcer certains mots. Le choix fut visiblement vite fait lorsque ce fut au tour de Sidjil de rire un peu plus franchement, une main contre sa bouche. Comme s'il pouvait lui cacher qu'il se foutait ouvertement de lui.

— Va te faire foutre, ragea-t-il en se levant à nouveau, bien décidé à prendre cette foutue douche.

Seulement Sidjil l'attrapa à nouveau et le refit chuter à ses côtés sur le canapé. Il s'était manifestement découvert une nouvelle manie, et Maxime ne savait pas encore s'il en avait déjà mare ou s'il commençait à aimer ça.

— Mais nan, j'me fous pas de toi Max, le rassura-t-il avec quelques smacks claqués contre sa bouche. Enfin, juste un peu, finit-il par avouer.

— Fais gaffe parce que ça m'excite grave, fit-il à moitié sérieux, un rictus malin au coin des lèvres.

Pour toute réponse, le rire de Sidjil vint s'écraser contre le sien. Ils s'embrassèrent un peu trop longtemps pour que Maxime se rappelle de la douche qu'il voulait prendre.





— Au fait Max.

— Hm ?

Maxime avait l'impression qu'une enclume avait été abandonnée là, dans le creux de son dos nu, à l'endroit même où la main de Sijdil le caressait. Il traçait des arabesques du bout de ses doigts depuis au moins cinq minutes. Les yeux fermés, Maxime était juste assez conscient pour se rendre compte que des bras de Sidjil à ceux de Morphée, le pas risquait d'être rapidement franchis. Le sommeil avait commencé à le traquer dès l'instant où ils s'étaient installés dans les draps de son lit, après leur douche partagée.

— On va dire quoi à Barbara ?

Son cœur s'arrêta de battre une seconde, le temps qu'il comprenne à quoi il faisait référence. Sous son oreille, il entendait celui de Sidjil battre à un rythme lent et régulier. Il rouvrit les yeux à contre-cœur, pour y voir un peu plus clair.

— Bah, j'sais pas moi... tu veux lui dire quoi toi ?

Il sentit les muscles de son torse se contracter sous son bras et regretta leur ancienne position allongée lorsque Sidjil se redressa pour le regarder dans les yeux.

— J'veux lui dire que t'es mon mec.

Cette fois-ci, son cœur rata plus d'un battement, tandis que son sang affluait à toute vitesse jusqu'à ses pommettes.

— 'Fin, si tu veux, bien sûr.

Et parce que Maxime était encore plus doué pour agir que parler, il se contenta de sourire et de fondre sur ses lèvres.

Il se fit la réflexion, un peu idiote et impromptue, que tous les pulls de son armoire perdaient leur utilité lorsqu'il pouvait se blottir dans les bras de Sidjil.

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