haunted

chan
tw : paralysie du sommeil, hallucinations, troubles du sommeil


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« Ça avait commencé par de simples insomnies, puis ça s'était transformé en un véritable cauchemar, un cauchemar que Chan ne pouvait éviter. »



« Alors, Chan, dites moi ce qui vous amène ici. »


Elle avait un sourire doux, presque rassurant, et son regard clair était rivé sur lui, ses prunelles calmes posées sur ses mains qui grattaient nerveusement le cuir abîmé du fauteuil dans lequel il avait pris place il y a une dizaine de minutes. Il ne savait pas comment il devait commencer son récit, par quoi, et plus cette psychologue le regardait, plus Chan se sentait nerveux. Il se forçait à respirer profondément, tentant de calmer les battements rapides de son cœur, laissant un souffle semblant lui échapper après un moment.


« Je ne sais pas vraiment par où commencer, » avoua-t-il après un moment, le silence étant devenu trop pesant. Elle avait simplement souri, quelque chose de léger où seule la commissure de ses lèvres avaient esquissé un petit mouvement.

« Peut-être par le commencement ? Ou bien par ce qui vous amène ici. »


Le brun avala difficilement, repensant à l'ordonnance que lui avait fait le psychologue de garde à l'hôpital cette nuit-là, mais aussi au regard inquiet de Jisung lorsqu'ils étaient sortis, ou bien encore de la douleur dans sa main, là où le médecin avait recousu la peau meurtrie et arrachée.


« C'est Jisung, enfin, mon copain qui a insisté pour que je vienne. Il... s'inquiète. »


Il marqua une pause, ses lèvres pincées et le regard posé sur le plancher clair du cabinet. Le silence lui semblait assourdissant dans cette petite pièce, alors quand il parla de nouveau, sa voix craqua un peu, donnant l'impression qu'il n'était pas sûr de lui, de ses mots.


« Oui, il s'inquiète pour moi parce que ça fait un moment que je dors mal.

— Un moment ?

— Euh, plusieurs mois, je crois... »


Des années, peut-être.

La femme avait froncé les sourcils à l'entente de ces mots à peine soufflés alors que Chan avait de nouveau détourné le regard, ses pupilles sombres se perdant sur le mobilier du cabinet, toujours aussi nerveux.


« Vous êtes sujet à des troubles du sommeil ? »


Sa voix était douce, calme, comme si elle parlait à un animal apeuré, mais les news de Chan ne parvenaient pas à se calmer : son corps était dans un état d'alerte permanent depuis l'accident ?


« Je suis insomniaque, avoua-t-il après un moment. Ça fait longtemps, depuis que je suis adolescent, je crois, et j'ai appris à vivre avec ! Jisung le sait, et lui aussi s'y est habitué.

— Voter partenaire, c'est ça ?

— Hm, oui, dit-il, nerveux. Il le sait, et ça ne l'a jamais trop inquiété du moment que je ne pousse pas trop mes limites. »


Il avait souri en haussant les épaules, son regard refusant toujours de rencontrer celui de la femme face à lui. Puis il avait perdu son sourire, ne laissant que cette expression nerveuse déformer ses traits.


« Mais, là, c'est... pas pareil. Je, il marqua une petite pause, je n'arrive plus à dormir.

— Vous n'y arrivez pas ? »


Il avait hoché la tête, son regard cerné posé sur l'étagère derrière elle, lui permettant de voir en partie son visage qui avait perdu son sourire, laissant alors place à une petite mine soucieuse.


« Vous vous souvenez de quand date votre dernière nuit de sommeil ? Et par-là j'entend une nuit complète où vous vous êtes reposé, pas le fait de vous retrouver dans un lit.

— Euh, il avait froncé les sourcils alors qu'il réfléchissait activement. Une vraie nuit ? Il y a peut-être un mois ? Un peu plus... Mais, j'ai réussi à dormir un peu entre temps ! Quelques heures par-ci par-là, jamais bien longtemps, mais suffisamment pour pouvoir tenir.

— Vous entendez quoi par-là ?

— Deux, trois heures ? La dernière fois, c'était... il avait baissé la tête, comptant sur ses doigts, essayant de faire fi des tremblements de ses mains, vendredi, je pense ? »


Il y eut un silence étrange qu'aucun d'eux ne souhaitait briser ; Chan avait de nouveau pincé les lèvres, ses doigts se crispant sur ses cuisses, ses ongles venant gratter son jean alors que la psychologue le regardait. Sa salive avait du mal à se frayer un chemin contre les parois sèche de sa gorge, comme si les muqueuses étaient devenues du papier ponce, alors que son géra fuyait toujours celui de la femme en face de lui.


« Chan ?

— Pardon, bredouilla-t-il en revenant à lui. Je, pardon...

— Ce n'est pas grave, rassura-t-elle doucement. Vous pouvez me dire ce qui vous empêche de dormir ? Ou, du moins, ce qui vous pousse à ne plus vouloir dormir. »


A l'entente de ces paroles, Chan avait relevé la tête, son regard venant enfin rencontrer celui de la femme. Elle souriait, toujours quelque chose de léger et qui illuminait quelque peu son regard. Elle était sincère.

Il la fixait sans rien dire, le cliquetis de l'horloge au mur venait combler le silence, rappelant à Chan que le temps continuait de passer, encore et encore, alors qu'il ne parlait toujours pas. Et elle ne semblait pas vouloir le forcer à en voir sa posture, elle attendait simplement.

Il déglutit de nouveau, et détourna encore le regard, venant cette fois-ci poser son attention sur une plante à côté d'elle.


« Je- au début, c'était juste des rêves un peu étranges : pas vraiment des cauchemars, mais je me suis dit qu'à vingt-six ans, je ne suis pas censé avoir peur de ça, donc ça allait. Oui... Au début, c'étaient de simples cauchemars, pas assez récurrent pour que ça ne me dérange plus que ça.

— Votre compagnon, Jisung ? il avait hoché la tête. Jisung, donc, il est au courant pour les cauchemars ?

— Oui, mais j'en fais rarement quand il est avec moi. On ne vit pas encore ensemble ; on voudrait, mais Sung n'a pas encore terminé ses études, mais... non, quand je suis avec lui, j'arrive à dormir correctement ces nuits-là.

— Alors, ça a commencé comment ?

— Les cauchemars, souffla-t-il en fermant les yeux un instant. Au début, ça allait, j'en faisais un de temps en temps, et je les oubliais. Mais ça a changé quand j'ai eu l'impression que quelque chose m'étouffait une nuit. »


Ça avait commencé comme ça, tout simplement, un soir étonnamment doux d'août.


Chan avait toujours eu une relation conflictuelle avec le sommeil ; que ce soit lors de sa jeunesse lorsqu'il faisait des terreurs nocturnes à une certaine période, les cauchemars étaient toujours si terrifiants qu'il ne pouvait plus dormir seul par la suite, demandant souvent à sa mère de rester avec lui, ou bien de prendre place dans le lit parental, là où il savait qu'il était en sécurité. Puis ce fut au tour des insomnies qui commencèrent lors de son adolescence, sournoisement, si bien qu'à seize ans, il arborait déjà des cernes sombres, et ce, de façon journalière, mais jamais cela n'avait entaché son grand sourire qui se voulait toujours rassurant. Il y avait des périodes où elles étaient gérables : des soirs où il arrivait à dormir quelques heures, tout au plus, mais suffisamment pour lui donner l'impression d'être vivant. Mais, parfois, il ne parvenait pas à dormir plus de quelques heures pendant des jours, lui donnant la désagréable impression que son corps agissait par automatisme, que tout allait à la fois trop vite et pas assez pour lui. Et il endurait cela plusieurs jours, parfois des semaines dans le pire des cas, jusqu'à ce que son corps ne cède enfin et lui permette de dormir des heures durant, sans jamais que son sommeil ne soit réparateur.

Et Chan avait appris à vivre avec, et ces années passées à être constamment épuisé lors de son adolescence n'étaient plus qu'un souvenir désagréable. Maintenant, du haut de ses vingt-six ans, il arrivait plus ou moins à gérer son sommeil, ses insomnies ne venant que par période, et le jeune étudiant de vingt-et-un ans qu'il fut avait enfin compris que ces dernières étaient déclenchées par le stress. Alors, même si parfois son rythme de sommeil était encore trop décalé comparé à ses amis, il arrivait à gérer un peu mieux qu'avant. Du moins, il l'espérait.


Puis, un beau soir d'août, tout avait changé.


Ce jour-là, Chan ne l'avait pas oublié. Il se souvient avoir passé une grande partie de cette journée avec ses amis avant de rejoindre Jisung chez lui, passant ainsi une partie de la soirée avec le plus jeune, profitant de la soudaine fraîcheur de la nuit pour sortir avec lui. Il l'avait ensuite raccompagné chez lui, l'embrassant longuement avant de, lui aussi, rentrer chez lui. Lorsqu'il s'était couché aux alentours de deux heures du matin, il avait souri en voyant un message du plus jeune lui demandant s'il était bien rentré, lui souhaitant de passer une bonne nuit. Il lui avait rapidement répondu avant de tenter de s'endormir, appréciant cette sensation de fatigue qui parcourait son corps, sentant peu à peu le sommeil prendre le dessus sur lui. Pour une fois, Chan sentait qu'il allait passer une bonne nuit de sommeil, l'une des rare que son quotidien semblait vouloir lui offrir. C'est alors sans surprise, qu'une demi-heure plus tard, le brun se retrouvait profondément endormi dans son lit, son drap couvrant seulement ses jambes alors que les lumières de la ville venaient doucement éclairer la pièce à travers les interstices des volâtes, laissant une douce lumière bleutée venir se joindre au noir de la nuit. L'air frais de la nuit rentrait par la fenêtre ouverte, venant caresser avec légèreté sa peau nue.

Oui, Chan avait des problèmes avec le soleil, et ce, depuis toujours. Et parfois, ça allait ; la nuit le berçait confortablement et lui permettait enfin de rejoindre le royaume des songes le temps d'un instant.

Mais Chan n'avait jamais vraiment eu de chance. Alors quand il se réveilla aux alentours de quatre heures quinze, le cœur battant et la respiration rapide, il savait que cette nuit qui était pourtant synonyme de paix et de repos n'était plus qu'un vaste et inatteignable songe. Pourtant, la peur qu'il ressentait à cet instant, elle, était bel et bien présente et tangible, presque étouffante.

Le jeune homme s'était redressé dans son lit, perdu et apeuré, son drap reposant mollement contre ses jambes, le poids de ce dernier semblant l'étouffer malgré sa légèreté, et alors qu'il essayait de se dégager vivement de ce dernier, son regard terrifié balayait la pièce, passant d'un élément à l'autre sans jamais vraiment s'attarder sur ce qui se trouvait face à lui. Puis ses pupilles affolées vinrent enfin s'arrêter dans l'un des coins de sa chambre, là où, dans son rêve, cette chose l'avait regardé dormir dans l'ombre, semblant s'approcher toujours un peu plus de lui, lui donnant l'impression que sa respiration se faisait de plus en plus difficile au fil des minutes, plus erratiques, laborieuse, et ce regard se faisait toujours plus pesant, écrasant, si bien que c'est la sensation de manquer d'air qui l'avait brusquement tiré du sommeil.

Pourtant, il avait beau chercher dans la petite pièce, il n'y avait personne, pas même une ombre bougeant doucement dans l'obscurité. Rien. Chan était seul avec lui-même et sa respiration difficile.

C'est après un long moment passé à épier l'obscurité, essayant de calmer son esprit qui ne pouvait s'empêcher de recréer cette chose qui le fixait au pied de son lit, s'assurant qu'elle n'était, au final, qu'une chimère de son esprit fatigué. Une fois que la partie rationnelle de son esprit encore embrumé par la fatigue parvint à prendre le dessus, et que l'idée qu'il ait juste fait un simple cauchemar, il souffla enfin et se laissa retomber dans ses draps, son regard venant se poser sur le plafond blanc de sa chambre. Les battements erratiques de son cœur semblaient enfin se calmer ; l'une de ses mains avait pris place sur son torse qui se soulevait de plus en plus lentement, essayant de se concentrer sur ça jusqu'à retrouver un rythme normal et régulier. Et aussi simplement que ça, le sommeil l'avait fui.


Même si cet incident nocturne lui avait paru effrayant sur le moment, Chan avait rapidement fini par l'oublier. Ce n'était plus qu'une courte nuit parmi tant d'autres, un cauchemar de plus que son esprit avait fabriqué de toute pièce. Et la vie avait rapidement repris son cours ; la journée, il travaillait avec Minho et Felix dans leur petit bureau, développant sans cesse leur jeu vidéo, puis il voyait Jisung, passait certaines de ses soirées — et de ses nuits — avec lui, et quand il se retrouvait seul, il s'occupait comme il en avait l'habitude en travaillant ou en sortant.


Pendant de longues semaines, Chan vivait comme il le faisait depuis vingt-six ans : il profitait de son temps libre pour travailler, voir ses proches et son copain, faire du sport, bref : tout ce qui pouvait l'occuper.

Mais même s'il avait oublié cette peur étrange qu'il avait ressent cette fameuse nuit, il savait au plus profond de lui qu'elle était toujours là, tapie dans l'ombre, prête à revenir sournoisement.

Les jours passaient, et Chan n'avait pas revécu d'événement de ce genre, et son esprit semblait alors l'oublier, rangeant ce souvenir dans un coin sombre de sa mémoire, et lorsqu'il voyait le sourire éclatant de Jisung le soir lorsqu'il le rejoignait chez lui, il oubliait tout. Au final, il n'y avait que le petit bruit qui comptait dans ces moments-là.

Pourtant, si les ténèbres étaient restées cachées, ce n'est que deux semaines plus tard que le cauchemar revint le hanter de plus belle, et de manière bien plus effrayante que la première fois.


Ce jour-là, cela faisait quelques heures que Chan avait rapidement trouvé le sommeil, la télé ayant fini par s'éteindre il y a peu à cause du manque d'activité, plongeant alors la pièce dans le noir. Le vent frais de la nuit que les fenêtres ouvertes laissaient entrer venait caresser sa peau nue. Son début de nuit avait été paisible, lui permettant de pouvoir s'endormir plus tôt que les jours précédents, la fatigue ayant commencé à lui tomber dessus sur les coups d'une heure du matin. La lumière de l'écran télé fatiguant ses yeux de plus en plus, le forçant à les fermer le temps de quelques minutes, et à les rouvrir semblait de plus en plus difficile. Alors Chan avait arrêté de lutter et les avait fermés pour de bon, se laissant donc emporter par le sommeil.

Pourtant, il y avait quelque chose d'étrange, comme un poids sur sa poitrine qui semblait l'oppresser de plus en plus au fil des minutes. C'est alors le corps battant et la respiration courte que le bouclé avait finit par ouvrir les yeux pour tomber sur les ténèbres.

Ses yeux papillonnèrent un instant, essayant de s'habituer à l'obscurité alors que le poids sur son plexus semblait devenir de plus en plus lourd, et la panique, elle, de plus en plus présente, un peu comme une voix lointaine qui se rapprochait toujours plus, lui criant que quelque chose n'allait pas, qu'il devait faire quelque chose. Mais là était le problème : Chan ne pouvait rien faire. Il était pétrifié, son corps ne semblait pas lui obéir alors que son esprit lui hurlait encore et toujours de faire quelque chose, de bouger, n'importe quoi. Mais Chan ne pouvait rien faire, Chan paniquait, tout simplement.

Son regard balayait l'obscurité, s'adaptant petit-à-petit à la pénombre, parvenant à distinguer son plafond clair, les quelques fissures qui avaient pris place dans la peinture à travers les années commençaient à se dessiner sous ses yeux, et le simple fait de pouvoir distinguer quelque chose le rassurait un minimum, mais il y avait toujours ce poids gênant sur sa poitrine, cette masse qui semblait prendre de l'ampleur et l'empêchait toujours de bouger. Il cherchait frénétiquement et désespérément quelque chose du regard, mais quoi ? Il ne savait pas. N'importe quoi qui pourrait expliquer ce qui lui arrivait. Et plus les minutes passaient, plus sa vision s'adaptait à l'obscurité, et il pouvait maintenant voir avec une certaine netteté, en profitant pour de nouveau balayer la pièce du regard en quête d'une réponse, mais se figea de terreur ; sa respiration s'était brusquement coupée et ses yeux s'étaient écarquillés à la vue de ce visage au-dessus du sien.

Là, au-dessus de lui, se tenait ce qui semblait être une personne, homme ou femme, il ne saurait dire, ses cheveux courts et noirs comme la nuit venaient encadrer son visage, le plongeant ainsi dans sa propre obscurité la plus opaque. Pourtant, il pouvait discerner son regard clair, presque laiteux et dénué de pupille, ce regard vide et glacial qui le fixait et le terrifiait. Il pouvait discerner certains traits de son visage, deviner la courbe de sa mâchoire, de son nez droit ou bien même celle de sa bouche légèrement charnue, mais il ne parvenait pas à voir nettement son visage, les ténèbres le dissimulaient. Et c'est en voyant le visage de l'androgyne que Chan comprit enfin que ce qui l'empêchait de respirer depuis tout ce temps n'était autre que le corps de cette chose perchée sur son torse, compressant toujours plus sa cage thoracique au fil des minutes. Mais ce qui le terrifiait le plus n'était pas le fait qu'il ne pouvait plus respirer correctement ou bien qu'il n'arrivait pas à bouger, non, c'était ce regard vide de toute vie qui semblait sonder son âme qui le pétrifiait sur place.

Chan voulait hurler à plein poumon, déloger ce corps étranger du sien, mais rien n'y faisait : il était condamné à faire face à cette chose qui le fixait toujours, son regard clair toujours plongé dans le sien. Puis, soudainement, il sentit quelque chose caresser sa peau froide et humide, et son corps se tendit, la peur le submergeant tel un raz-de-marée, alors que les doigts de la créature se promenaient avec lenteur sur son épiderme, remontant le long de sa gorge, appuyant doucement contre sa jugulaire alors que son regard sans vie ne quittait jamais celui terrifié de Chan.

Il déglutit difficilement, le mouvement faisant rentrer en contact avec sa pomme d'Adam avec les ongles de la chose. Il pouvait sentir les gouttes de sueur qui avaient perlé sur son front se mettre à couler lentement contre ses tempes alors que son cœur s'emballait toujours plus dans sa poitrine, lui donnant la désagréable impression qu'il allait perde connaissance d'un moment à l'autre à cause de la peur. Et ses doigts qui continuaient leur chemin vers son visage ! La main de cette chose vint se poser sur sa joue, son regard inexpressif toujours plongé dans le sien. Mais même s'il le voulait, il ne parvenait pas à détourner le regard, à déloger ce corps et fuir loin d'ici, de cette créature qui le maintenait immobile sur son propre lit, ses draps lui collant désagréablement à la peau. Et alors que cette chose penchait légèrement le visage sur le côté, permettant au bouclé de discerner l'une de ses pommettes rondes, la main sur son visage l'empoigna soudainement et le força à tourner la tête sur le côté d'un mouvement brusque, la dureté du contact ayant fait fermer les yeux à Chan.

Lorsqu'il se réveilla dans un sursaut, il était seul.

Il s'était redressé hâtivement, sa main droite cherchant à tâtons l'interrupteur de sa lampe de chevet alors que ses yeux balayaient la pièce en panique, ce sentiment persistant au réveil, malgré le fait que, maintenant, il pouvait bouger.

Lorsque la lumière dorée de la lampe vint chasser les ténèbres, une vague de soulagement parcouru le garçon en voyant qu'il n'y avait rien ni personne avec lui. Pourtant, une voix dans sa tête lui criait que cette chose était encore là, tapie dans l'ombre, cachée dans un recoin et attendait de pouvoir remettre la main sur lui. A cette pensée, le garçon eut un frisson de terreur qui lui parcouru l'échine, les poils de ses bras se dressant sous le souvenir de la caresse glaciale de la chose sur son épiderme. Mais il n'y avait personne, rien.

Il était resté assis sur son lit un long moment, ses genoux ramenés contre son torse, attendant que son cœur ne se calme, puis il avait trouvé le courage de regarder l'heure qu'il était, son estomac se serrant étrangement lorsqu'il vit que son téléphone lui indiquait qu'il était quatre heures deux-sept du matin.

Il avait fermé les yeux un instant, se forçant à respirer calmement, expirant profondément à un rythme régulier avant de se forcer à se lever, sachant qu'il ne trouverait pas le sommeil de si tôt. Il s'était réfugié dans la salle de bain, voulant prendre une douche pour essayer de chasser les sensations étranges qu'avait laissé ce mauvais rêve avant de pouvoir se mettre à travailler sur un projet sur son ordinateur, essayant de tirer quelque chose de ces heures supplémentaires. Alors, lorsqu'il sentit l'eau tiède entrer en contact avec sa peau encore froide, il espérait vraiment que le souvenir de ce touché glacial disparaîtrait en même temps que l'eau.


Depuis cette nuit-là, Chan avait cherché à fuir le plus possible le sommeil, passant ses journées enfermé dans le petit bureau qu'il partageait avec Minho et Felix, travaillant silencieusement en buvant régulièrement l'une de ces boissons énergisantes, essayant de faire fi des regards inquiets de Felix lorsqu'il le voyait ouvrir une nouvelle cannette ou bien ceux réprobateurs de Minho par-dessus l'écran de son ordinateur. Et le soir, en rentrant, il cherchait à s'occuper comme il le pouvait, que ce soit en continuant à travailler sur son ordinateur, ou bien en regardant la télé, et quand la fatigue se faisait sentir, il se levait et forçait à bouger, et quand ce n'était pas suffisant, il se forçait à boire un café avec la petite réserve que Jisung s'était fait à force de venir ici. Puis, le jour venu, il recommençait, encore et encore, et chaque jour, ses cernes se noircissaient un peu plus, son regard se faisant de plus en plus absent alors que la fatigue le poussait toujours plus dans ses derniers retranchements.

Il ignorait les regards que lui lançait Minho lorsque ce dernier le surprenait en train de piquer du nez devant son écran, mais Chan ne voulait pas dormir, il ne voulait pas prendre le risque de revivre cela, de refaire face à cette chose qui l'étouffait. Pourtant, il lui arrivait parfois de s'endormir de fatigue sur son canapé, un épisode d'un drama quelconque en fond, et ce, jusqu'à ce qu'il se réveille en sursaut une quinzaine de minutes plus tard, perdu et désorienté, et avec cette sensation étrange qui lui tordait les entrailles, mais qui finissait par se dissiper lorsqu'il réalisait être seul dans son salon.

Chan avait réussi à tenir ce rythme infernal pendant plusieurs jours, ses micro-siestes l'aidant malgré lui à tenir, et il évitait sa chambre comme la peste, et ça lui suffisait.


Puis Jisung avait de nouveau changé ses habitudes.


Le petit brun l'avait rejoint un soir, à l'improviste, après le travail, et même si Chan était surpris de le voir débarquer, il était aussi heureux de pouvoir passer une soirée avec le plus jeune, profitant de sa présence pour se détendre un peu plus que ce à quoi il s'était habitué pendant cette petite dizaine de jours. Pourtant, lorsque le plus jeune était parti se coucher, Chan n'avait pas vraiment eu d'autres choix que de le suivre dans son lit, se trouvant de nouveau dans sa chambre qui le terrifiait tant. Mais il faisait des efforts ; il essayait de caler sa respiration sur celle calme de son copain, sa main droite caressant distraitement le dos du brun, le bout de ses doigts venant parfois s'accrocher au tissu fin de son t-shirt, le dégagement doucement de son chemin pour pouvoir découvrir sa peau chaude. Il pouvait aussi sentir la main de Jisung contre son ventre, ses doigts bougeant parfois dans son sommeil, ou bien sentir son souffle cogner contre son épaule nue. C'est en le sentant ainsi contre lui que Chan parvint à se détendre, et plus les minutes passaient, plus il avait du mal à combattre le sommeil, ses yeux peinant à rester ouverts. Et sans même le vouloir, ni même le sentir, Chan avait finit par s'endormir.

Quand il s'était réveillé quelques heures plus tard, Jisung dormait toujours profondément à ses côtés. En le regardant dormir profondément, Chan réalisa qu'il avait, pour la première fois depuis longtemps, réussi à dormir sans faire aucun cauchemar.

Depuis ce soir-là, Chan avait pris l'habitude de dormir avec le plus jeune, alternant entre leurs deux appartements, parvenant toujours à dormir calmement pendant un moment, la peur se dissipant un peu plus de jour en jour jusqu'à n'être plus qu'un mauvais rêve. Il avait ainsi pris l'habitude de s'endormir en tenant le petit brun contre lui, de sentir son souffle chaud et régulier contre sa peau ou bien alors son corps contre le sien, comme une sorte d'ancrage dans la réalité.

Pourtant, rien n'empêcha cette chose de revenir, pas même ces quelques semaines de répit qui lui avaient été accordées.

Les garçons avaient passé une soirée tranquille, Chan ayant surpris Jisung à la sortie de ses cours pour l'emmener manger dans une petite pizerria pas loin de son appartement. Et quand le plus jeune lui avait demandé s'ils pouvaient flâner un peu dans les rues de leur ville avant de rentrer, Chan n'avait pas pu le lui refuser. Alors ils avaient marché et discuté un long moment avant de rentrer, leurs doigts entremêlés. Puis quand ils étaient rentrés, Jisung essayant de cacher ses bâillements, Chan avait fait en sorte de rapidement préparer sa chambre, attendant que le plus jeune se soit changé pour le rejoindre. Quand ce dernier arriva enfin, un sourire paresseux et le regard fatigué, Chan l'avait accueillit les bras ouverts sous les draps, laissant le petit brun se lover contre lui.

Alors que la pièce était plongée dans l'obscurité et que le corps de Jisung se faisait de plus en plus lourd contre le sien, il pouvait sentir son souffle calme taper contre sa peau et ses cheveux chatouiller sa joue. Et alors que Jisung s'était endormi, Chan fixait nerveusement le plafond, ne sachant pas quand le sommeil viendrait le prendre à son tour, si ce dernier daignait même arriver.

Il parvenait à distinguer ces mêmes fissures dans la peinture, le contour de sa lampe, à compter les rayons de lumière que les interstices laissaient passer dans sa chambre. Et il les comptait en boucle : une, deux, trois, quatre, jusqu'à arriver à vingt-huit. Et il recommençait.

Un, deux, trois, quatre...

Il comptait lentement, essayant de se concentrer sur ça le plus longtemps possible pour que son esprit ne dérive pas ailleurs, sur ce qui lui faisait peur. Il se concentrait sur la lumière bleutée de l'extérieur.

Un, deux, trois...

Il pouvait sentir ses paupières devenir plus lourdes, plus difficiles à ouvrir à chaque fois qu'il clignait des yeux. Son souffle aussi s'était calmé, quelque chose de lent et régulier, comme Jisung qui était toujours contre lui, sa main droite tenant mollement le tissu de son t-shirt.

Un, deux...

Chan n'osait pas tourner la tête pour regarder l'heure, ayant peur de voir que le temps était passé trop vite ou trop lentement, et son regard était plus flou, plus fatigué, et il peinait à lutter contre cette force qui lui faisait fermer les yeux de plus en plus souvent.

Un...

Alors, quand il les ferma cette fois-ci, il se laissa aller. Un souffle profond lui échappa alors qu'il gardait les yeux fermés, et étrangement, son corps se sentait plus léger, apaisé. Et ça lui plaisait de ressentir cela, lui qui n'en avait plus tant l'habitude après toutes ces années.

Pourtant, quelque chose venait perturber ce calme, cette sérénité. Il ne savait pas quoi ou bien qui était là et venait brusquement mettre fin à cette tranquillité. Il n'avait aucune notion du temps ; il était impossible de savoir si cela avait duré quelques minutes ou bien des heures, une éternité peut-être. Seule cette chose désagréable venait perturber cet état si fragile qu'il avait réussi à atteindre.

Quand il rouvrit les yeux, ses paupières papillonnant maladroitement dans le noir de la nuit, il espérait que cela ne soit qu'une création de son imagination, un mouvement que Jisung aurait pu faire dans son sommeil et donc perturber le sien. Mais quand ses yeux rencontrèrent ses paupières vides de toute vie, son corps se glaça.

La chose était de retour, le fixant de nouveau dans les ombres traîtresses de la nuit, et il pouvait sentir que cette chose, qui l'avait tant dérangé dans son sommeil, était le poids écrasant de ce regard.

Contrairement à sa première apparition, la chose n'était pas sur lui, elle ne lui comprimait pas la poitrine, l'empêchant de respirer correctement. Non, elle était comme suspendue en l'air. Il pouvait toujours discerner ses cheveux sombres et à hauteur d'épaule qui venait recouvrir son visage informe, il pouvait deviner la courbure de ses épaules nues et marquées, mais il ne pouvait pas voir au-delà, il était de nouveau incapable de bouger, comme la dernière fois.
Il tenta un regard à sa gauche, là où il savait que Jisung se trouvait, mais ce dernier s'était détaché de lui, dormant sur le côté et lui offrant alors une vue sur son dos. Et même si Chan le voulait, il ne pouvait pas parler, crier, rien.

La chose le fixait toujours, son regard vide de toute trace de vie toujours posé sur lui, et Chan voulait fuir son regard, cette lueur claire effrayante, alors il regardait autour de lui : le plafond, le dos de Jisung qu'il voyait dans la périphérie de son regard, la fenêtre entrouverte à sa droite, sa table de chevet. Et quand son regard vint de nouveau se poser là où cette chose se trouvait, cette dernière avait disparu.

Son souffle se fit soudainement plus rapide, la panique prenant peu à peu le dessus sur lui alors que la chose n'était plus là. Il voulait parvenir à s'échapper de cet état de léthargie, pouvoir bouger pour être sûr que cet humanoïde ne soit plus là. Il voulait s'assurer que Jisung n'était pas en danger à cause de cette chose, de lui. Il voulait simplement bouger. Mais rien n'y faisait : son corps ne voulait pas lui répondre.

Son regard vint de nouveau se poser sur Jisung qui n'avait pas bougé, son corps se soulevant lentement au rythme de sa respiration calme.

Il scannait la chambre du regard à la recherche de cette chose qui le terrifiait tant, mais il ne pouvait rien voir dans cette pénombre, il ne pouvait pas voir au-delà d'une trentaine de centimètres, et ce, malgré le fait que ses yeux se soient habitués au noir. Alors après de longues secondes à regarder dans la pièce sans jamais rien y trouver, il reporta son regard sur le plafond, sur un point précis sur lequel il se concentrait. Il se forçait à respirer lentement, des inspirations longues qu'il retenait, devenant presque douloureuse avant d'expirer, calmant doucement le rythme de son palpitant qui s'était emballé. Il recommença plusieurs fois l'opération, finissant même par fermer les yeux, essayant de se relaxer un minimum. Pourtant, ce n'est pas son esprit malmené par la peur qui lui faisait ressentir cette impression étrange sur son torse, ce poids léger qui avait fini par se poser sur lui, au niveau de son estomac. Puis le poids s'était doucement mis à bouger, remontant lentement le long de son abdomen, et quelque chose le glaça de l'intérieur. Parce que ce qu'il sentait était une main.

Ses longs doigts froids effleuraient sa peau, remontant toujours aussi doucement le long de sa peau, le long de son plexus solaire. Il pouvait sentir la paume froide et humide se poser complètement, les ongles de cette chose frôlant l'un de ses tétons quand ses doigts s'étirèrent sur son torse, son corps. Il déglutit difficilement, essayant de voir cette chose, mais rien n'y faisait : l'obscurité toute entière l'engloutissait, le rendant aveugle dans le noir de la nuit. Pourtant, la main continuait sa course, si bien qu'il pouvait sentir ses doigts venir se poser sur sa gorge, son index venant frôler sa carotide, exerçant une légère pression sur la peau, lui donnant la désagréable impression que sa respiration devenait plus difficile, plus laborieuse. Et la panique revenait, sournoisement, comme un serpent s'avançant en direction de sa proie. Son regard scannait l'obscurité, à la recherche de quelque chose, n'importe quoi, mais il n'y avait rien. Puis le visage de cette chose se fit voir, ce regard blanc sa vie venant s'ancrer au sien. Il pouvait seulement voir ce regard étrange qui contrastait avec la noirceur de ce visage, de ses cheveux noir de jais qui venaient encadrer ses traits, les rendant invisibles aux yeux de Chan qui ne savait pas quoi faire, qui ne pouvaient détourner le regard de ses yeux clairs et envoûtant, hypnotisant. Pourtant, la main continuait de serrer son sou, ses doigts s'enfonçant doucement dans sa peau, faisant que l'air avait du mal à se frayer un passage dans sa trachée, le faisant doucement paniquer. Mais quand la chose se pencha vers lui, son visage à quelques centimètres du sien, Chan paniqua réellement, mais il ne pouvait toujours pas bouger. Il luttait pour faire quelque chose, n'importe quoi, pour appeler Jisung, hurler à cette chose de ne pas l'approcher, de le laisser. Il pouvait sentir le souffle chaud et humide de cette bouche inconnue venir conter contre sa peau baignée de sueur, il pouvait voir ce regard laiteux parcourir son visage. Alors, quand la chose se pencha un peu plus, ses lèvres froides comme la mort venant frôler les siennes, quelque chose sembla se rompre en lui.

Chan se redressa d'un bond, un hurlement de terreur lui échappant alors que ses mains venaient instinctivement toucher son cou, essayant de chasser la sensation de ses doigts froids et humides de sa peau. A ses côtés, Jisung se réveilla lui aussi en panique, son regard perdu venant se poser sur Chan qui reprenait difficilement sa respiration, ses mains toujours accrochées à son propre cou, frottant la peau de manière inconsciente. Il n'avait pas fait attention à Jisung, pas attention aux mouvements à ses côtés, pas attention au fait que Jisung s'était rapproché de lui, ses mains chaudes venant se poser sur les siennes alors que son regard cherchait celui de Chan.


« Eh, hyung, ça va ? Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Tu as fait un cauchemar ? Hyung, s'il te plaît, regarde-moi, hyung... »


Il avait fini par le tirer contre lui, le prenant dans ses bras, l'une de ses mains posée dans la nuque baignée de sueur du bouclé tandis que l'autre caressait doucement son dos nu, ses doigts frôlant la peau humide de son aîné. Chan avait fini par s'accrocher aux bras de Jisung, essayant de calmer sa respiration rapide en se concentrant sur celle du plus jeune, essayant de mimer cette dernière pour se calmer. Et Jisung ne disait rien, se contentant de le maintenir contre lui, ses lèvres venant déposer des baisers appuyés sur le visage du plus vieux : son front, sa tempe, sa joue. Et la seule chose sur laquelle Chan pouvait se concentrer était la sensation de ses lèvres sur sa peau, cette sensation qui était aux antipodes de ce qu'il avait ressenti quand cette chose de ses rêves — ses cauchemars — s'était penchée sur lui ; c'était chaud, réconfortant, bien loin de cette froideur humide qui l'avait touché.


Depuis cette nuit-là, Chan ne dormait plus vraiment.


Cela faisait plus d'une semaine, et le garçon avait du dormir une poignée d'heures, une dizaine tout au plus; même la présence de Jisung ne parvenait pas à l'aider à se relaxer suffisamment pour dormir, pourtant, ils avaient essayé. Plusieurs fois Jisung c'était réveillé dans la nuit, seul dans son lit ou celui de Chan, ce dernier impossible à trouver. Ce n'est que lorsqu'il se levait pour aller voir dans les autres pièces qu'il le retrouvait : assit devant son ordinateur à travailler, un café ou une boisson énergisante à ses côtés. Parfois, il lui arrivait de dormir. Il parvenait à se poser le temps d'une heure ou deux, faisant une petite sieste éclaire dans la journée, allongé sur le canapé de leur studio où ils travaillaient avec Felix et Minho, ou alors dans son lit, les lumières allumées, les fenêtres ouvertes pour que le plus de lumière et de sons puissent venir le bercer. Il évitait plus que tout le silence, la sérénité calme et apaisante de la nuit qui le terrifiait tant. Mais même lors de ces moments de calme, cette chose ne lui laissait aucun répit. Il lui arrivait souvent de faire des cauchemars, des rêves dont il ne parvenait pas à se souvenir une fois éveillé, mais qui étaient suffisamment effrayant pour qu'il se lève d'un bon, la respiration erratique et la peau baignée de sueur. Alors quand les nuits devenaient compliquées et que le sommeil se faisait nécessaire, il se forçait à sortir de chez lui et aller dans ce convenience store au bout de la rue.

Chaque fois qu'il s'y rendait, il voyait ce même garçon fatigué aux cheveux de jais, cet air emprunt d'ennui sur le visage. Et chaque fois, il pouvait voir le regard inquiet que ce dernier lui offrait en le voyant acheter plusieurs cannettes de monsters en tout genre, ou bien de café froid. C'est lors d'une de ces nuits difficiles que Chan apprit que le jeune garçon s'appelait Jeongin, qu'il était à la fac et qu'il travaillait pour se faire un peu d'argent de poche. Et Jeongin, aussi gentil soit-il, ne faisait aucune remarque quand le plus vieux venait s'installer sur une des petites tables devant le magasin, ses achats à ses côtés et son ordinateur dans les mains, travaillant calmement alors que le plus jeune terminait son service à six heures du matin.


Il était minuit dix-neuf quand Chan appela Jisung ce soir-là.


Chan était épuisé ; rester devant la télévision ou un quelconque autre écran ne parvenait plus à le maintenir éveillé, de même que les boissons énergisantes. Il sentait ce poids peser sur son corps, sur son esprit. Il ne savait plus quoi faire, alors il avait craqué et appelé Jisung. Ce dernier avait répondu rapidement, sa voix douce se faisant entendre à travers le combiné, calmant quelque peu Chan.


« Hyung, tu vas bien ?

— Je voulais juste entendre ta voix. »

Un petit rire lui répondit de l'autre côté du cabinet, et il pouvait sentir ses lèvres s'étirer doucement en un sourire paresseux.

« On s'est eu au téléphone, il y a quoi, trois heures ? Peut-être deux ? tentât-il. Qu'est-ce qu'il y a ? »


Il hésita un long moment avant de répondre, ne sachant pas vraiment quoi lui dire. Il ne voulait plus dormir de peur de voir ce monstre, mais est-ce que Jisung le croirait s'il lui en parlait ? Ou bien au contraire, le prendrait-il pour un fou ? Il ne voulait pas prendre le risque que son propre petit ami ne le juge, il ne voulait pas qu'il le regarde différemment. Alors il soupira longuement, fermant brièvement les yeux avant de s'allonger dans son lit.


« Je te l'ai dit, je voulais entendre le son de ta voix.

— Hyung...

— Je suis fatigué, Sung, c'est tout.

— Est-ce que tu veux qu'on reste au téléphone ? Comme ça, tu essayes de dormir et je suis quand même là. Ça coûte rien d'essayé, rajouta-t-il après un moment de silence.

— Tu peux me raconter ta journée ? demanda doucement Chan en s'installant un peu plus dans son lit.

— Bien sûr. »


Même à travers le combiné, Chan pouvait entendre le sourire de Jisung. Et il continuait de l'entendre quand ce dernier lui racontait ce qu'il avait fait, comment s'était passé le travail. Mais à un moment, sans qu'il ne le sente, Chan avait fini par s'endormir ; sa respiration calme et régulière se faisait entendre à l'autre bout du fil, et Jisung avait de nouveau sourit, attendant un peu avant de raccrocher, voulant s'assurer que le plus vieux dormait bel et bien.

Il pouvait sentir ses lèvres se poser dans son cou ainsi que les caresses légères de ses doigts sur sa peau. Il pouvait sentir son souffle humide contre sa peau et les battements réguliers, quoi qu'un peu trop rapides de son cœur. Il pouvait sentir son corps contre le sien, ses bras passés autour de sa nuque et ses jambes maintenant fermement ses hanches en place. Il pouvait sentir la chaleur de sa peau contre la sienne, ainsi que ses doigts qui parcourait son dos, appuyant parfois sur ses muscles tendus.

Quand il se réveilla, la chaleur de la peau de Jisung avait disparu en même temps que les dernières images de son rêve se dissipèrent. Son esprit encore embrumé de sommeil mis du temps à comprendre où il était alors que son regard parcourait les lieux. Il pouvait voir son mur, la fenêtre entrouverte qui laissait rentrer l'air frais de la nuit, sa table de chevet où la lampe était éteinte. Il était allongé dans son lit, sur le ventre, ses draps recouvrant à peine ses jambes. Il pouvait sentir quelque chose se tordre dans son bas-ventre, simple réminiscence de son rêve avec Jisung. Un long soupir lui échappa alors qu'il fermait de nouveaux les yeux, essayant de se rendormir, espérant pouvoir gagner quelques heures de sommeil encore. Ses bras, qui étaient croisés sous son oreiller, se resserrent sur ce dernier alors qu'il se lovait contre ce dernier, enfouissant un peu plus son visage contre la taie d'oreiller. Mais alors qu'il commençait à se rendormir, quelque chose lui glaça le sang.

Dans son dos, il pouvait sentir la caresse légère de doigts froids contre sa peau, au-dessus de l'élastique de son short. Et ces mêmes doigts remontaient le long de sa colonne vertébrale, appuyant parfois sur cette dernière, la pression envoyant une décharge presque douloureuse dans son dos. Il ne pouvait pas bouger, quelque chose l'en empêchait encore une fois, le laissant vulnérable face à cette chose qui avait grimpé sur son lit. Il pouvait sentir son poids sur son corps, sentir là où cette chose s'était assise à califourchon sur le bas de son dos, ses cuisses froides qui encadraient ses hanches, le maintenant sur le lit. Sa respiration se faisait plus rapide, plus difficile à cause de la peur, et aucun son ne voulait le quitter. Il ne pouvait pas se lever, se tourner, se dégager de cette emprise glaciale que cette chose avait sur lui, il pouvait seulement sentir sa main remonter dans son dos, appuyant toujours plus. Il pouvait sentir ses ongles longs griffer sa peau, quelque chose de léger, une sorte d'avertissement, et ce, jusqu'à ce que sa main ne vienne se poser dans sa nuque.

Un premier sanglot vint traverser la barrière close de ses lèvres, venant perturber le silence de la pièce. Son regard se noyait doucement à cause des larmes, les meubles devenant des formes floues alors que la main dans sa nuque se resserrait doucement, la pression devenant désagréable, les ongles s'enfonçant doucement dans sa peau humide de sueur. Il pouvait sentir cette chose bouger au-dessus de lui, sentir la pression de ses hanches nues sur le bas de son dos, son poids le bloquer toujours un peu plus contre son matelas. Il sentit quelque chose derrière lui, un poids se poser à côté de son bras sur le matelas, ce dernier s'enfonçant doucement alors que le souffle chaud de cette chose vint caresser son oreille. Un frisson d'effroi parcourut son corps au même moment où la main dans sa nuque glissa vers son torse, ses doigts se frayant lentement un chemin entre sa peau et les draps. Un nouveau sanglot lui échappa, les larmes roulant silencieusement sur ses joues alors que les ongles de la chose frôlèrent son pectoral droit, ses doigts reposant contre son plexus. Le corps de l'inconnu reposait presque sur le sien, il pouvait sentir sa peau nue se coller à la sienne, sentir sa poitrine plate contre ses omoplates alors que les lèvres froides de cette chose vinrent se poser dans son cou, dans le creux de sa mâchoire..

C'est quand il sentit le souffle humide de cette chose contre son oreille que Chan parvint enfin à reprendre le dessus, le corps au-dessus de lui avait disparu. Il s'était extirpé du lit en rampant, un sanglot déchirant lui échappant alors qu'il se laissait tomber au sol, son genou venant violemment taper contre le parquet alors qu'il cherchait à s'éloigner le plus possible de son lit. Ce n'est qu'une fois qu'il fut adossé contre le mur qu'il se permit de regarder tout autour de lui, à la recherche de cette personne qui le hantait dans ses nuits. Il parcourait sa chambre du regard, essayant désespérément de voir où elle était partie, mais il n'y avait rien.

Sa respiration était chaotique : trop rapide, trop forte, lui donnant l'impression que son cœur allait sortir de sa cage thoracique, explosant tout sur son passage ; l'une de ses mains vint frotter son visage, chassant désespérément les traces de larmes sur sa peau, frottant ses joues et ses pommettes avant de venir se poser sur sa nuque, touchant de manière inconsciente là où les ongles de la créature s'étaient plantée.


Après ça, ça avait empiré.


Il fuyait sa chambre comme la peste, se bourrant de compléments alimentaires à base de caféine et de boissons énergisantes en tout genre pour éviter de dormir. Il se contentait à des petites siestes d'une vingtaine de minutes, histoire de tenir un peu plus longtemps. Et plus les jours passaient, plus les cernes autour de ses yeux s'assombrissaient, son teint devenait de plus en plus pâle, si bien que Jisung lui avait fait une remarque sur la visibilité de ses veines. Et même si rien n'allait, il faisait comme si de rien n'était pour ne que le plus jeune ne s'inquiète pas, ou bien même ses amis. Pourtant, il savait que Jisung le voyait travailler pendant la nuit lorsque ce dernier se levait pour aller aux toilettes ou boire, il entendait ses pas sur le parquet, ce dernier grinçant toujours un peu. Même s'il ne lui disait pas, il savait que le plus jeune s'inquiétait pour lui, et il lui assurait toujours que ça allait avec un petit sourire aux lèvres pour accompagner ses mots. Sourire auquel Jisung avait de plus en plus de mal à répondre.

Chan savait qu'il était fatigué, épuisé même, mais il ne voulait pas se résoudre à prendre le risque de dormir et de, peut-être, revoir cette créature. C'est pourquoi, à cet instant, il essayait de se concentrer sur son ordinateur. Les lignes de codes sur son écran semblaient se confondre les unes dans les autres, ne formant qu'un seul et même bloc que ses yeux ne parvenaient pas à lire, à déchiffrer. Il pouvait sentir ses paupières se fermer toutes seules, le poids de la fatigue essayant de les clore dans le but qu'il se repose un peu, quelques minutes tout au plus. Il savait que, de là où il était, Minho pouvait le voir par-dessus son écran, son regard félin concentré sur ce dernier, le « tap tap tap » des touches résonnant dans la petite pièce. Alors Chan luttait pour ne pas piquer du nez, se forçant à se concentrer davantage sur ce qu'il y avait devant lui. Pourtant, il lui arrivait de se redresser dans un sursaut, se sentant partir doucement.

Il tendit la main en direction de la canette de monster à moitié vide qui se tenait à ses côtés, buvant de longues gorgées de la boisson à la mangue avant de la reposer contre la surface en bois de la table, le bruit du métal tapant contre cette dernière venant combler le silence de la pièce, captant l'attention de Minho qui lui jeta un regard curieux. Chan lui sourit timidement avant de se replonger dans son travail, relisant encore et encore les mêmes lignes de code, ne sachant plus où il s'était arrêté dans sa rédaction. Et, étrangement, il semblait se concentrer de nouveau dessus, et il ressentit une étrange satisfaction face à cela. Il jetait parfois des petits regards curieux à Minho et à Felix, ce dernier dans son monde, son regard rivé sur son écran, un casque posé sur les oreilles et sa main bougeant frénétiquement sa souris.

Mais quelque chose glaça Chan quand il reporta son attention sur le large écran de son ordinateur, parce que, face à lui, les lignes de codes avaient disparu, laissant place à un écran totalement noir dans lequel il pouvait voir son reflet. Il pouvait voir son visage fatigué, son regard sombre et cerné, ses cheveux mal coiffés, mais il pouvait surtout voir cette main posée sur le dossier de sa chaise.

A travers l'écran, il pouvait voir cette main à la peau pâle reposer à côté de son épaule, ses longs doigts agrippés au cuir de sa chaise, les ongles semblant s'enfoncer dans ce dernier.

Il n'osait pas bouger, de peur que cette créature se montre de nouveau, mais il ne pouvait s'empêcher de fixer cette main qui ne bougeait pas derrière lui. Alors après un long moment, il tenta de jeter un regard à Minho, mais ce dernier était bien trop concentré sur ce qu'il faisait pour le remarquer, de même que Felix. Il essaya de parler, mais aucun son ne franchit la barrière de ses lèvres entrouvertes, la peur l'empêchant de prévenir ses amis. Quand il regarda de nouveau l'écran, la main n'avait pas bougé. Pourtant, plus il la regardait, plus il avait l'impression qu'elle était en mouvement, et ce n'est que quand il sentit le poids léger de cette dernière sur son épaule qu'il savait que la chose était là, encore une fois.

Chan déglutit difficilement, continuant de fixer le membre qui remontait lentement vers sa gorge. Il pouvait sentir ces derniers à travers le tissu fin de son t-shirt, les ongles se frôlant la peau délicate de son cou, réveillant une vague de frissons dans tout son corps. Puis vint la sensation de ses doigts froids qui rencontrèrent sa peau chaude, le léger choc thermique lui coupant brièvement le souffle alors que les doigts caressaient sa peau, appuyant parfois sur les muscles, les tendons, sa trachée. Son souffle se coupa de nouveau sous la pression que cette main exerçait sur sa gorge, l'empêchant partielle de respirer. Il se sentait doucement paniqué à chaque fois que cette créature resserrait sa prise sur sa gorge, rendant toujours plus difficile sa respiration, et Chan ne pouvait rien faire. Il était seulement spectateur passif de ce qu'il se passait, une simple marionnette. Alors, quand une voix rauque mais à la fois douce s'élevant pour la première fois, il se réveilla dans un sursaut au même moment où les ongles de la chose se plantèrent dans sa peau.


« Chan ! »


Face à lui, se tenait Minho qui le regardait étrangement, une lueur d'inquiétude venant ternir son regard chocolat. Depuis son siège, Felix le fixait aussi, son casque maintenant autour du cou. Chan déglutit difficilement, son regard allant du visage de Minho à son écran où les lignes de codes étaient toujours présente.


« Pardon, j'étais ailleurs.

— Ça ne va pas ? demanda le brun en continuant de le fixer.

— Si, si, t'inquiètes pas...

— Tu devrais te reposer, hyung, dit Felix.

— Mais non, ça va, il fit un vague geste de la main. Minho souffla.

— Non, ça ne va pas vraiment. T'as l'air d'un cadavre. »


Un soupir lui échappa à l'entente de cela alors que Minho retrouvait sa place, toujours cet air étrange sur le visage.

Et Chan aurait dû se douter que le plus jeune avait quelque chose derrière la tête, parce que quand quelqu'un sonna chez lui ce soir-là, il ne s'attendait pas à voir Jisung arriver, un large sourire aux lèvres et un sac avec le logo du restaurant chinois qu'ils appréciaient tout particulièrement.


« Sung ?

— Minho-hyung m'a dit que tu ne te sentais pas au top aujourd'hui, alors je suis venu. J'ai pris ton plat préféré au passage !

— Merci beaucoup, mais t'étais pas- »


Les mots moururent dans sa gorge quand il sentit la sensation des lèvres du plus jeune sur les siennes, le faisant taire de la plus douce des manières. Le bouclé répondit doucement au baiser, fermant les yeux pour apprécier ce contact qu'il chérissait tant. Alors quand il se détacha doucement de lui, Jisung souffla :


« Je sais, mais j'en avais envie. Et hyung a raison : il faut que tu te détendes. Donc, il contourna Chan pour aller dans son salon, le bouclé à sa suite, on va faire ça ce soir. On va manger en regardant un film idiot, et tu vas te poser. »


Chan ne put s'empêcher de sourire en voyant le regard déterminé du plus jeune.

Et, même s'il n'y croyait pas vraiment, Jisung avait raison.

Ils avaient passé un début de soirée tranquille, mangeant devant la télévision, Chan riant à chacun des commentaires que faisait le plus jeune quand une scène de leur film semblait invraisemblable. Puis Jisung l'avait forcé à rester assit alors qu'il avait débarrassé la table basse, amenant tout à la cuisine pour que le plus vieux puisse rester où il était. Et quand Jisung était revenu, Chan l'avait laissé se lover contre lui, si bien que les garçons avaient fini allongés sur le canapé, l'un dans les bras de l'autre, continuant de regarder leur film. Et même si ce dernier n'était pas un chef-d'œuvre, c'était tout ce qu'il lui fallait à cet instant. Alors quand les lèvres de Jisung vinrent se perdre sur sa gorge, il l'avait laissé faire, continuant ses caresses sur la hanche du plus jeune. Et une chose en amenant une autre, ils s'étaient rapidement retrouvés enlacés, leurs lèvres scellées et leurs habits au sol.

Chan se délectait des bruits que Jisung faisait, que ce soient ses souffles ou ses gémissements. Il se plaisait à le voir s'abandonner à chacune de ses caresses, à chacun de ses gestes, ses baisers, ses mouvements. Il adorait pouvoir le tenir contre lui, sentir la peau tendre de ses hanches alors que le plus jeune bougeait lentement au-dessus de lui, ses lèvres toujours scellées aux siennes, venant recueillir chaque mot, chaque son que pouvait émettre Jisung. Il le laissait faire les choses, à son rythme, à sa manière, et Chan adorait lui venir en aide quand lui seul ne suffisait plus. Il adorait pouvoir faire plaisir à l'autre, le maintenant toujours plus fermement contre lui alors qu'il accompagnait les mouvements plus rapides de son bassin, faisant gémir Jisung qui se détachait légèrement de lui, ses mains venant se plonger dans ses boucles brunes alors que ses lèvres vinrent se poser sur sa mâchoire. Et quand Jisung sembla enfin atteindre le climax, Chan le regardait émerveillé, recueillant les derniers sons du plus jeune de ses lèvres.

Ils étaient restés ainsi un long moment, enlacés, à reprendre leur souffle et leur esprit. Chan avait fermé les yeux de contentement, ses mains caressant doucement les hanches, les cuisses et le dos du brun dont les doigts jouaient distraitement avec les boucles de Chan, le maintenant toujours fermement contre lui. Il pouvait sentir le souffle chaud et régulier de Jisung venir taper doucement contre la peau humide de son cou, ses lèvres venant parfois se poser avec tendresse contre sa peau chaude, le faisant frissonner doucement. Alors quand il sentit son compagnon bouger dans ses bras, Chan rouvrit les yeux, venant plonger son regard dans celui sombre et brillant de Jisung dont les joues étaient encore légèrement teintée de rose et les lèvres rougies. Chan arrêta ses caresses, laissant l'une de ses mains reposer dans le creux des reins du plus jeune qui resserrait doucement ses cuisses contre ses hanches, le maintenant en place.


« Hyung, sa voix éraillée s'éleva doucement dans la pièce, est-ce que tu... il marqua une pause, son regard allant rapidement vers la droite avant de s'ancrer de nouveau dans celui du bouclé. Est-ce que tu as déjà pensé à aller voir quelqu'un ?

— Pour ? demanda Chan dans un souffle, presque imperceptible.

— Ton sommeil. Tes insomnies. Est-ce que tu as songé à en parler à quelqu'un, ou prendre quelque chose ? sa voix s'était faite plus petite, timide. Parce que ça me fait peur de te voir dans cet état-là. »


Il ne savait pas quoi lui répondre. Bien sûr qu'il avait déjà pensé à prendre des somnifères pour espérer dormir sans rêver, une solution miracle qui l'aiderait enfin à pouvoir dormir sans avoir peur de ce qu'il peut se passer. En parler à quelqu'un ? Peut-être, mais il n'était pas convaincu qu'une personne puisse l'aider avec ce problème, l'aider à faire face à ses problèmes, ses peurs. Mais, là, il pouvait voir l'impacte que cela avait sur sa vie, sur Jisung. Parce que ce regard-là, Chan ne l'avait encore jamais vu. Alors, c'est sans grande conviction qu'il trouva la force de lui répondre :


« Je vais y réfléchir, d'accord ? Je vais essayer de trouver une solution, je te le promets. »


À ses mots, le regard du brun sembla s'émerveiller, quelque chose de discret, mais que Chan parvenait à détecter, cette petite lueur d'espoir qu'il reconnaissait tant. Puis Jisung lui sourit, quelque chose de franc et lumineux qui donnait l'impression au garçon de tomber un peu plus amoureux de lui, encore et encore. Et même s'il n'y croyait pas tant que ça, si c'était pour que Jisung lui souri de cette manière, il ferait tous les efforts du monde pour aller mieux.

Cette nuit-là, contre toute attente, quand Jisung lui demande de l'accompagner dans son lit, Chan parvint à dormir. Il avait réussi à passer une nuit complète sans rêver, et même s'il s'était réveillé bien plus tôt que Jisung, il se sentait revivre. Alors, pendant qu'il regardait la figure endormie et paisible de son brun à ses côtés, il repensait à ce que lui avait dit Jisung, et il espérait que, peut-être, quelque chose pourrait l'aider.

Pourtant, l'espoir est une chose dangereuse.

Pendant quelques jours, Jisung était resté avec lui, et étrangement, Chan arrivait à se reposer un peu, réussissant à dormir deux ou trois heures, tout au plus, mais c'était déjà ça. Ils avaient parlé de cela avec Jisung, et ce dernier avait réussi à lui trouver un rendez-vous avec un médecin pour la semaine qui suivait, et tout semblait aller pour le mieux.


Puis vint cette soirée.


Jisung était en train de dormir dans sa chambre depuis déjà trois bonnes heures, et Chan était dans le salon, regardant un programme quelconque à la télé, quelque chose qui arrivait à capter assez son attention pour ne pas qu'il s'ennui. Pourtant, il se sentait piqué du nez, et même s'il savait qu'il était fatigué, il n'arrivait pas à se résoudre à aller rejoindre Jisung dans la chambre. Il ne voulait pas prendre le risque de le réveiller s'il faisait un cauchemar. Alors il essayait de rester éveillé, regardant ce programme idiot qui passait. Mais quelque chose le dérangeait, parce que dans le reflet de la télé, il voyait une personne se tenir derrière lui. Il pouvait voir cette silhouette filiforme qui ne bougeait pas, son visage n'était pas visible, il pouvait seulement voir ses cheveux sombres qui encadraient ses traits. Quand la personne bougea enfin, Chan s'était retourné, son regard scannant le salon vide de toute présence humaine. Il savait que, s'il y avait une personne, cette dernière n'avait pas pu aller se cacher dans le couloir, le parquet l'aurait trahi. Quand il regarda de nouveau la télé, il ne voyait rien d'autre que les images colorées et son propre reflet qui se fixait.

Le bouclé soupira longuement avant de se lever, se dirigeant silencieusement vers la salle de bain, essayant de faire le moins de bruit possible pour ne pas prendre le risque de réveiller le plus jeune. Une fois dans la salle de bain, il alluma l'eau froide, laissant cette dernière couler quelques secondes avant de plonger ses mains dessous pour se mouiller le visage. Le froid mordant de l'eau le réveillait quelque peu, l'aidant à remettre ses idées en places. Il en profitait pour souffler un peu, gardant les yeux fermés pour profiter de la sensation de l'eau froide sur sa peau. Alors quand il se redressa après avoir éteint l'eau, il s'attendait à voir son reflet et non pas quelqu'un se tenir derrière lui. Il avait agi instinctivement en voyant cette personne se tenir derrière lui : elle était plus petite que lui, sa tête penchait légèrement vers la gauche, ses cheveux sombres cachant son visage. Mais Chan l'avait reconnu, il savait que c'était la chose qui peuplait ses cauchemars, cette même chose qui le terrifiait lorsqu'il fermait les yeux. Alors, quand sa main froide aux longs ongles clairs s'était posé sur son épaule, son souffle s'était coupé. Quand elle avait redressé la tête, ses yeux clairs rencontrant ceux de Chan à travers le miroir, ses cheveux s'étant écartés de son faciès avec le mouvement. Et quand, face à lui, se tenait la copie parfaite de Jisung, ses yeux sans vie ancrés dans les siens, il n'avait pas pu retenir son hurlement de terreur, ni même le mouvement de sa main.

Ce n'est que quand une vive douleur lui traversa la main qu'il comprit ce qu'il venait de faire ; ce n'était pas la vision du verre brisé dans l'évier ou bien celle de son propre sang coulant le long de ses doigts meurtris qui l'avait tiré de sa torpeur, c'était la voix de Jisung empreinte de panique qui l'avait ramené à lui. La vision de son visage paniqué et de son regard affolé ne parvenait pas à effacer la vision de cette chose, cette créature qu'il avait vue.


« Merde, Chan ! Ça va ? il s'était empressé d'attraper une serviette qui traînait là, venant rapidement enrouler la main meurtrie du plus vieux. Mais qu'est-ce que t'as fait ?

— Sung, je l'ai vu, je t'ai vu, je-

— Arrête, ça a l'air trop profond pour qu'on soigne ça. Chan, faut qu'on aille aux urgences. »


Il n'avait rien osé dire de plus, se contentant simplement de le suivre alors qu'il appelait quelqu'un. Il avait continué de maintenir la serviette claire qui s'était imbibée de sang, compressant la blessure alors que Jisung semblait toujours aussi paniqué.



Il déglutit difficilement, regardant sa main encore bandée, là où la dizaine de points retenaient encore ses chaires ouvertes. C'était arrivé il y a deux semaines, et depuis, il n'avait pas réussi à dormir plus d'une petite poignée d'heures, et ce, malgré les médicaments.


« Je ne sais pas quoi faire, avoua-t-il sans regarder la psy qui restait silencieuse. Je, j'ai l'impression de devenir timbré ; je dors plus, je mange presque plus, je, je peux pas vivre. Je vis plus. Et, il se tut, déglutit, et reprit : et c'est pas vivable. Ses yeux vinrent se poser sur la psychologue qui le regardait. Je peux pas continuer à vivre en me disant que j'ai une saloperie qui me, qui me hante. Je peux pas imposer ça à mes proches. J'ai... »


Ses yeux se détournèrent de ceux de la femme, il ne pouvait pas la regarder droit dans les yeux alors qu'il avait l'impression que sa vie entière éclatait sous ses yeux. Il pouvait sentir son regard s'embuer doucement, un voile humide venir se poser sur ses iris sombre alors qu'il se concentrait sur un point derrière elle, au niveau de son plafond, et il souffla enfin :


« J'ai besoin d'aide. »


Le silence qui suivit paraissait assourdissant à ses oreilles.

Puis elle se mit à parler, sa voix calme venant briser ce silence étrange qui avait pris place, mais Chan ne l'entendait pas. Il était figé sur place, le souffle coupé, son regard braqué sur ce pan de mur quand il avait ressenti cette présence derrière lui. Puis un frisson d'effroi lui parcouru le corps quand il sentit cette main se poser sur son épaule, le froid mordant de cette dernière l'atteignant même à travers l'épais tissu de sa veste. Il pouvait sentir ses longs doigts se resserrer sur lui, ses ongles se planter dans le tissu, la douleur se faisant tout de même ressentir. C'est quand il sentit ce souffle froid et humide cogner contre sa joue qu'il sentit une première larme rouler sur sa joue, témoin de sa détresse face à cette situation. Et c'est un sanglot douloureux qui lui déchira la gorge quand cette chose se fit entendre, sa voix rauque, presque désincarnée, prononçant son prénom :


« Chan... »

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