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J'attache un élastique autour de ma tresse avant de suivre les garçons à l'intérieur de la station de métro. Ils sont arrivés tellement à l'imprévu chez moi que je n'ai pas eu le temps de lisser mes cheveux, j'ai donc décidé de faire deux tresses plaquées pour les rendre « potable ».
- C'est moche.
- Venant d'un panneau publicitaire « Nike », je m'en fous.
Benjamin grimace avant de passer devant moi.
Ce dernier est habillé d'un haut et d'un bas de jogging noir Nike avec des chaussures et un sac à dos de la même couleur et de la même marque. Je sais que je ne suis pas la meilleure des références dans la mode, mais je pense qu'il a quand même beaucoup à apprendre à ce sujet-là.
- Elle a pas tort. On dirait un p'tit parigot du 93 qui va chez son dealer.
La seule réponse que reçoit Privat après avoir dit cette phrase, c'est le majeur levé du brun avant que nous n'arrivions sur un quai de métro.
- Flo, Oli et Yanis vont nous rejoindre après manger. Annonce Jeremy.
- Cool, on aura pas besoin de reprendre le métro au retour comme ça. Je réponds.
- Râles pas Travis, si on avait pris la voiture on se serait tapé les bouchons, on aurait galéré pour trouver une place pour se garer et en plus Privat ne sait même pas faire de créneau donc on aurait fini chez le garagiste et on sera rentré en métro.
Je lâche un rire à l'entente de son explication avant de sentir du vent entrer dans la gare. Je me retourne lorsque j'entends un bruit vraiment désagréable pour découvrir derrière moi le métro en train de freiner.
Antoine se moque de moi lorsqu'il remarque que je regarde le métro avec, presque, des étoiles dans les yeux.
- Tu le regardes comme si c'était le « Poudlard express ».
- J'avoue, c'est juste un métro Liah. Ajoute Jeremy en riant.
Je roule des yeux avant de sentir la main d'un des gars se plaquer dans mon dos et me pousser à toute vitesse à l'intérieur du wagon en face de nous. Les garçons se placent autour d'une barre en fer qu'ils tiennent fermement, Benjamin se retourne vers moi et arque un sourcil lorsqu'il se rend compte que je ne tiens pas la barre.
- Je te conseille de la tenir, tu vas te casser monumentalement la gueule sinon.
- C'est mort, c'est pleins de microbes ce truc-là.
Il soupire et, avec l'aide de son pied, déplie un strapontin qui se trouve juste à côté de lui.
- Excuse-nous princesse. Assis-toi là.
Je m'avance vers le siège et m'assois dessus. Le métro se met à rouler et je remercie intérieurement Ben de m'avoir dit de m'asseoir ici sinon je me serai effectivement casser monumentalement la gueule.
- On descend dans combien de temps ?
- 10 minutes environ. Me répond Jeremy.
Je hoche la tête avant de prendre mon sac à main sur mes genoux pour en sortir mon rouge à lèvres ainsi que mon miroir de poche qui se trouve toujours à l'intérieur de mon sac.
- Ola, mauvais plan. Antoine lâche.
- T'inquiète, je gère.
Les trois garçons se mettent alors à fixer le moindre de mes faits et gestes.
- Ouais mais par contre si vous me regardez comme ça, je gère plus rien du tout.
Ils rient avant de détourner le regard.
J'applique le maquillage sur mes lèvres en prenant bien soin de ne pas dépasser malgré les secousses. Je finis ma bouche au bout de presque 5 minutes, et c'est lorsque je repasse sur mes lèvres pour appliquer la dernière couche que le corps de Benjamin entre en contact avec mon bras, créant alors un grand trait de rouge en dehors de mes lèvres.
Je le regarde avec la bouche grande ouverte.
- T'as pas fait ça ?
- Ça donne plus de couleur à ton visage. Il rit avec les garçons.
Je roule des yeux avant de sentir une main sur mon épaule. Je tourne la tête pour voir une femme qui n'était pas à côté de moi tout à l'heure et qui est en train de me tendre un mouchoir. Je le prends en la remerciant avant de la regarder se lever et repartir à sa place à laquelle elle a pu assister à toute la scène.
Je m'apprête à prendre la bouteille d'eau qui se trouve dans mon sac pour nettoyer la marque du faux mouvement que m'a fait faire Benjamin mais ce dernier décide de me l'arracher des mains sans raison.
- Rends le moi, je dois absolument nettoyer ça.
Il tourne négativement la tête.
- Règle numéro un de la vraie vie, ne jamais accepter ce que des gens te donne dans le métro.
- Mais regarde la, c'est une mère de famille, on n'a pas à douter d'elle.
- C'est une femme qui vit dans la rue depuis très longtemps, je le sais parce qu'elle dormait devant une station avec son chien la première fois que j'ai pris le métro avec mes parents. Son attention est adorable mais ce mouchoir a sûrement encore plus sale que ces barres de fer.
Je tourne une nouvelle fois la tête vers la femme pour la voire au même endroit que toute à l'heure. Je remarque, cette fois, qu'elle est habillée avec des vêtements sales ainsi que déchirés, les trois enfants qui sont avec elle portent également des habits de ce « style » là. Mon cœur se fend encore plus lorsque je vois, entre ses bras, un bébé qui doit être à peine âgé de trois mois.
J'ouvre une nouvelle fois mon sac à main et je commence à fouiller dedans, mais Benjamin décide, comme pour le mouchoir, de me le prendre.
- Je sais ce que tu veux faire, mais ne le fais pas. Ce serait mal vu ici et des gens pourraient même t'agresser pour te voler.
- Mais regarde la, elle a besoin d'aide.
- On ne peut pas aider tout le monde Liah. Soupire Jeremy alors que le métro est en train de s'arrêter. Aller viens.
Je me lève et jette une nouvelle fois un regard sur cette dame qui vient dorénavant d'entrer dans ma mémoire pour toute ma vie.
J'avais bien évidemment déjà vu des personnes sans domicile mais ma mère me disait de ne pas faire attention, que c'était leur choix et qu'ils aiment vivre comme ça. J'ai réussi à grandir avec cette mentalité jusqu'à aujourd'hui parce que vu l'absence de sourire et la présence de tristesse sur son visage ainsi que sur celui de ses enfants, elle n'a pas eu le choix. D'ailleurs, où est passé leur père ?
Je quitte le métro avec la seule envie de faire demi-tour pour aider cette famille mais j'y renonce car je sais que Benjamin a raison.
Nous faisons un détour par les toilettes pour que je puisse retirer ce trait de rouge à lèvres de mon visage et en réappliquer une nouvelle fois comme il le faut. Je quitte les toilettes pour rejoindre les garçons qui me regardent en soupirant.
- Tu sais que ça ne sert strictement à rien ce que tu viens de faire parce que nous allons manger et que ton rouge à lèvres va s'enlever n'est-ce pas ? Demande Antoine.
- Ce n'est pas un rouge à lèvres qui s'efface facilement. C'est d'ailleurs pour cela que ma joue est rouge et que j'ai pris autant de temps.
- Ah oui c'est vrai, Madame ne prend pas de rouge à lèvres de la marque « pêche aux canards ». Dit Jeremy.
- « Pêche aux canards » ?
- Ne me dis pas que tu n'es jamais allé dans une fête foraine ? Privat me demande, surpris.
- J'n'ai jamais mis les pieds dans un endroit comme ça.
Ils lâchent un soupire de désespoir alors que nous sortons de la station de métro.
- On part vers où ? Demande Jeremy.
- On s'prend un Subway à la place de la Trinité et on bouge sur la Daurade ?
Jeremy et Antoine hochent directement la tête à la proposition de Benjamin alors que je ne vois absolument pas de quoi il parle. Bien évidemment que je sais que Subway est une chaîne de restauration rapide mais j'ai beau être née et avoir grandie ici, je ne vois vraiment pas ce qu'est la place de la Trinité et encore moins la Daurade.
Je suis donc les garçons à travers les rues de Toulouse jusqu'à la place de la Trinité qui se trouve non loin de la station de métro. Nous entrons à l'intérieur et nous nous dirigeons vers le comptoir afin de commander à manger.
- T'as déjà mangé ici ? Fini par me demander Antoine.
Je tourne négativement la tête.
- Ah merde. Bon bah t'inquiète, on va te choisir un truc taquet bon dont tu te souviendras toute ta vie.
Je hoche la tête. Sur ce coup là, je n'ai pas d'autres choix que de lui faire confiance.
C'est après cinq minutes d'attentes que notre tour vient, les garçons s'empressent de commander leurs commandes qui doivent être habituelles avant qu'Antoine ne se mette à réfléchir à ce que je pourrais bien prendre. C'est après cinq minutes de réflexion qu'il opte pour un « Subway Melt, Chips Barbecue et 7up », la femme note tout ça avant de poser une question à Antoine que je ne parviens pas à entendre. Ce dernier se retourne alors vers moi pour me la poser.
- 15 centimètres ou 30 centimètres ?
- Hein ?
- Le sandwich couillonne.
- Ah. 15.
Il fait danser ses sourcils avant de se retourner de nouveau vers la femme qui semble saoulée de Benjamin qui ne cesse de lui parler, ou plutôt de la draguer sauf que vue l'expression faciale de la fille, ça ne m'étonnerai même pas qu'elle le recale dans les cinq prochaines secondes.
Antoine pousse légèrement Ben sur le côté pour répondre à la question précédemment posée par la femme.
- Ça sera tout ? Elle demande.
Antoine hoche la tête puis elle nous annonce le prix. Je vois Benjamin prendre son sac à dos moche « Nike » en main pour en sortir son portefeuille, et c'est à ce moment-là que je ne peux pas m'empêcher d'intervenir.
- Attendez, je vais payer ma p-
Je ne peux même pas finir ma phrase qu'une des mains de Jeremy se pose sur ma bouche et que l'autre se pose sur mon front pour me pousser à l'extérieur de restaurant, laissant les gars seuls payer au comptoir.
C'est une fois dehors que je dégage ses mains de mon visage.
- Mais t'es dégueulasse ! Tu ne t'es pas lavé les mains après que tu as touché les barres de métro !
- Oh c'est bon, tu ne vas pas crever non plus.
- Mais bien sûr que si ! J'ai des microbes de milliers d'inconnus sur le visage à cause de toi !
Il s'assoit sur une chaise appartenant au restaurant et il me regarde, blasé.
- Parce que tu penses ne pas déjà avoir des microbes de milliers d'inconnus dans ton organisme et partout sur toi à cause de l'air qu'on respire ?
- Un point pour toi. J'admets en m'asseyant sur une chaise à côté de lui.
Il hoche la tête comme si ce que je venais dire étais une évidence.
- Tu ne vas pas payer avec eux ? Je demande.
Il hausse les épaules.
- Je leur payerai un truc plus tard, on est pas au centime près tu sais.
- Vous êtes vraiment dans cette mentalité de « tout ce qui est à moi et à toi » ?
- Ouais, depuis qu'on est gosse on est comme as. D'ailleurs la console de jeu qu'il y a chez Flo et Oli est à nous tous, on a tous participé pour l'acheter.
- Pourquoi est-ce qu'elle reste chez eux alors ? Enfin pourquoi vous ne faites pas une semaine ou un mois chaque un ?
- Parce que ça ne sert à rien. Leur maison c'est notre QG depuis toujours et puis leur mère cuisine beaucoup trop bien donc c'est tout bénéf'.
Je hoche la tête avant de lui poser une autre question.
- Et si tu as envie de jouer à la console en plein milieu de la nuit et quand ils ne sont pas là ?
- On a tous le double de chez eux, après c'est super rare qu'ils ne soient pas là sauf quand ils sont chez leur père.
- Il habite loin ?
- Non, il habite dans le même quartier qu'eux. Ils passent souvent leur dimanche avec lui et après ils y vont quand ça leur chante.
- C'est vraiment cool.
- Ouais. Il hoche la tête.
- Pouah on dirait deux vieux qui sont en train de parler de leur jeunesse ! Ressaisissez-vous les gars !
Jeremy lève son majeur en direction de Benjamin avant que nous ne nous levions pour partir en direction de « La Daurade ».
C'est après 5 minutes de marche de nous arrivons finalement à destination, sur un quai donnant vue sur le Pont Neuf.
- On s'pose là ? Demande Jerem.
Nous hochons la tête et nous nous asseyons sur le bord du quai Jeremy entre Benjamin et Antoine ainsi que moi, à côté de Benjamin. Privat déballe les deux sacs Subway pour faire passer à chaque un d'entre nous sa commande. Je me retrouve assez vite avec un paquet de chips, une bouteille de 7up ainsi qu'avec mon sandwich entre les mains.
Nous commençons à manger tout en parlant de tout et de rien avant que Flo ne fasse sonner le téléphone d'Antoine une demi-heure plus tard pour lui dire qu'il est devant « La Daurade ». Privat et Jerem sont donc partis le chercher, me laissant seule avec Benjamin.
- Alors ce Subway ?
Je bois une gorgée de ma boisson avant de lui répondre.
- C'était taquet bon, mais je préfère le McDo.
- Ouais comme un peu tout le monde. Tu avais pris quoi la dernière fois au domac ?
- Un wrap.
- Ah ouais, un bon truc de tapette. La prochaine fois laisse Privat s'occuper de ta commande.
- J'n'y manquerai pas.
Il hoche la tête avant de continuer.
- Tu sais, je me disais que tu pourrais faire une liste.
- Une liste ?
- Ouais, une liste des trucs que tu voudrais faire mais que tu ne peux pas à cause de tout ça.
- C'est une bonne idée. Je souris. Je ferai ça.
Il me sourit en retour.
Nous nous retournons lorsque nous entendons les voix des autres, mais c'est avec surprise qu'Olivio et Yanis ne sont pas de la partie. Seul Florian est là et c'est peut-être mieux comme ça.
- Tu les as foutus où les deux autres cons ? Benjamin questionne l'argentin en le tchekant.
- Ils sont restés chez moi, Den et Léo se sont ramenés.
Nous hochons la tête.
- Tu as réussi à te garer ?
Jeremy a posé cette question avec beaucoup d'étonnement et il a raison. Les vacances sont bientôt fini pour les Toulousains mais pas pour le reste des français donc quoi de mieux que de venir dans la Ville Rose en vacances et créer des bouchons aux locaux qui ne veulent pas prendre le métro ?
- Je ne suis pas venu en voiture. Il y a beaucoup trop d monde et mon père devait aller à une répét' pour son groupe de salsa, donc il m'a déposé.
Je m'étouffe avec mon 7up à l'entente de ses mots.
- Attend, ça veut dire qu'on va devoir rentrer en métro ?
- Je crois bien oui. Sourit Florian.
Je grimace avant de me mettre face à la Garonne faisant rire Benjamin, Jeremy et Privat qui savaient la joie que ça me procurait de savoir que je ne prendrais pas le métro pour rentrer chez moi mais une voiture propre.
Touriste de merde.
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