✴ Passage ✴
Pour la troisième fois de la semaine, mon uniforme trempé me colle à la peau. Mais cette fois, de la farine viens s'ajouter à l'eau qui ruisselle sur mon corps. Je pousse un soupir, tandis qu'autour de moi, des ricanements se font entendre. Je n'ai même pas besoin de me retourner pour savoir qui sont les auteurs de cette ''blague''. Kim Wonsik, ou Ravi pour les membres de sa petite bande, le leader bête et méchant. Ken, le bras droit le Ravi, aussi fade et insipide qu'un zombie. Et enfin, le plus jeune, Hyuk, mais aussi le pire et le plus diabolique. Il prend un plaisir pervers à faire souffrir les gens. Je me doute qu'il est à l'origine de l'idée d'ajouter de la farine à cette petite mascarade. Il va me falloir du temps pour tout enlever, et j'en ai partout dans les cheveux.
Une voix douce mais ferme vient stopper net le fou rire de mes bourreaux. Elle aussi, inutile de me retourner pour la reconnaître. Je sais qu'elle appartient à Cha Hakyeon.
- Qu'est ce que vous faites là ? Vous voyez pas que vous encombrez le passage ? Et puis respectez les lieux, vous avez degueulassé les toilettes....
Les 3 compères décampent le plus vie possible, ils n'ont pas envie de se faire sermonner pendant une demi heure. Je reste seul, debout, recouvert de farine et d'eau, encore plus laid et dégoûtant que d'habitude. Pourquoi, sur tous les élèves de ce lycée, fallait-il que ce soit lui qui vienne ? Je serre les poings en espérant qu'il parte vite lui aussi. Mais c'est peine perdue. Le gentil, le parfait Hakyeon s'approche de moi et, en bon camarade modèle, s'enquit de mon état. Hypocrite.
-Hey, ça va ? Il ne t'ont pas fait mal au moins?
Il se place devant moi, mais je garde les yeux rivés sur le sol. Je ne veux pas le regarder. Je ne veux pas croiser son regard qui me fait perdre le fil de mes pensées. Je ne veux pas voir ses yeux remplis de pitié, ou de suffisance, ou d'arrogance. Sa main délicatement bronzée entre dans mon champ de vision, et il essuie avec douceur de la bouille de farine et d'eau qui a coulé sur ma joue. Je tressaillis et me crispe sous ce geste. Je déteste qu'on me touche, et que ce soit lui qui le fasse est encore pire que tout. Je lui donne une tape sur la main et le repousse, avant de tourner les talons et de partir en courant, une boulle dans la gorge.
Je m'en fou d'être ridiculisé de la sorte, j'ai l'habitude. Mais pas devant lui. Pas devant Cha Hakyeon. Je ne sais pas si je l'aime. C'est plus de l'admiration ; il est tout ce que je ne suis pas : beau, attachant, charismatique. Tout le monde l'apprécie. Il sait faire rire naturellement son entourage. Apprécié également des professeurs, cité comme référence. Il est ce qu'on pourrait qualifier de ''populaire''.
En courant pour rejoindre ma ''planque'', je me cogne contre quelqu'un, que je manque de faire tomber. Je relève la tête et reconnait Hongbin. C'est mon seul ''ami'', si on pourrait qualifier notre relation un peu ambiguë comme ça, et il haï profondément Hakyeon. Il est lui aussi beau et intelligent, mais beaucoup plus effacé et a tendance a se renfermer sur lui-même. Il a un coeur en or, mais sa naïveté en fait la cible idéale des cancres qui le harcèlent pour qu'il fasse leurs devoirs. On se retrouve à traîner ensemble pour les mêmes raisons ; on est les deux mecs bizarres , pas comme les autres, ceux dont personne ne veut dans leur équipe, ceux qui n'existent pas aux yeux du monde.
Il me regarde, surpris, avant de soupirer à son tour.
- Encore... Quand vas-tu réagir et leur mettre une bonne raclée ...?
C'est vrai que je pourrais. Mais je n'y arrive pas. Pourtant je pratique le taekwondo depuis des années. Mais le simple contact physique avec une personne me repulse, et une trouille irrationnelle me serre le ventre quand je dois prendre la parole. Du coup, j'endure. Je m'y suis fait. Et puis Ravi a certes pas l'air très intelligent, mais je me doute de sa force que laisse deviner ses muscles imposants.
Le cliché de la brute sans cervelle.
-Tu .. Tu pleures ?? Ils t'ont fait mal cette fois ?
Je le regarde, exaspéré. Mais de quoi il se mêle, je lui ai jamais demandé de me coller!
- ça a rien à voir, laisse tomber. Fous-moi la paix.
Il pince les lèvres, vexé.
- Tu sais que tu peux m'en parler .. Je sais que tu as du mal avec les relations avec les autres mais.... Tu sais que tu peux me considérer comme un ami !
Il veux s'approcher pour m'aider à me nettoyer de la saleté, mais je le repousse violemment et, fragile comme il est, il tombe le cul par terre.
- T'as toujours pas compris ? Qu'est-ce que tu comprends pas ? Je t'ai dit de me foutre la paix ! Dégage !
Il se relève, les yeux brillants de larmes, et me regarde avec un air de chien battu, et je sais que j'ai été trop loin et que je devrais m'excuser. Mais à la place, je continue de le regarder froidement, il finit par partir en courant. Je devrais le rattraper, m'excuser, lui dire que mes mots ont dépassés ma pensée. Mais je n'arrive pas à bouger. Les mots restent figés dans ma gorge. Je viens de perdre mon seul ami... Je ne veux pas me retrouver encore plus seul qu'avant... Pourquoi est-ce qu'on réalise l'importance des choses qu'une fois qu'on les a perdues?
Je me décide enfin a bouger, mais une main s'abat sur mon épaule, et un croche pieds me mets a terre, la joue contre le carrelage froid. J'essaye de me relever, mais un pieds m'ecrase la tête contre le sol, me contraignant a une immobilité forcée. J'essaye de me débattre, mais d'autres coups viennent me dissuader de continuer a bouger. J'entends la voix de Ravi m'injurier, mais sa voix me parait étouffée. Il doit surement être énervé d'avoir été surpris et rabaissé par Hakyeon devant ses sbires.
Soudain ken entre dans mon champs de vision réduit, me menant a la conclusion que c'est Hyuk qui me maintiens la tête. Ken s'accroupis devant moi et me regarde fixement ,sans rien dire. Je lui son regard , avec de la haine en plus. Il semble sonder mes sentiments, mes pensés, et j'ai horreur de ça. Son calme imperturbable me glace le sang. Les coups sur mon corps s'intensifient, mais je serre les dents. Ils peuvent toujours crever si ils attendent que je les supplie d'arrêter . mais peu a peu, ma vision se brouille, et je sens un liquide chaud s'échapper de mon nez. Ken se redresse et échange quelques mots que je ne saisit pas avec les autres. Des bras puissants me relèvent brutalement, et je me sens traîné comme un vulgaire sac. Une porte qui s'ouvre. On me jette dans ce qui me semble être un placard a balais. La porte se referme. Un tour de clé. Un deuxième. Je me retrouve dans cet espace exiguë seul,dans le noir. Tout ce que déteste. Mon rythme cardiaque s'accélère, et mes mains deviennent moites. Le noir et les endroits clots de ce type la m'engoissent. Le savait-ils? Ou n'est ce qu'un malheureux hasard ?
Je commence a paniquer et a perdre mon sang froid. Ma tête me vrille soudainement,et je suis pris d'une violente nausée. Je mets cela sur le compte des coups et de mon angoisse naissante,et tambourine contre la porte pour que quelqu'un vienne m'aider avant que je ne perdre connaissance. Si seulement je ne m'étais pas disputé avec Bean... Je me jure que la première chose que je ferais ,quand je sortirais de ce foutu placard,c'est d'aller m'excuser. Mes doigts se crispent sur le panneau de bois, et je sens mon esprit s'embrumer de plus en plus.
Soudain, la porte s'ouvre d'un coup sec, manquant de me faire tomber au passage. Éblouit par cette soudaine lumière, je distingue cependant le visage de Ken en plissant les yeux. Je me terre au fond du placard comme un petit animal apeuré, je n'ai pas envie qu'il me frappe a son tour. Peut-être est il venu terminer le travail de ses acolytes ...
Mais il me regarde avec surprise et prends un air étonné.
-Mais qu'est ce que tu fou la , Leo??? Ça fait des heures qu'on te cherche!
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