Chapitre 7 : C'est fini

Instinctivement, j'avais levé mes paumes vers Lucas dans l'espoir de l'arrêter, même si je savais que ça ne servirait à rien. Ces yeux semblaient s'embraser de colère, et c'est fou furieux qu'il me hurla :

"Qu'est-ce que vous avez fait ? Qu'est-ce que Silvan vous a proposé ?"

"Ça ne te regarde pas.", déclarai-je brutalement.

Il changea aussitôt d'attitude : il paraissait maintenant choqué, bouleversé, mais surtout profondément déterminé.

"Bougez plus.", siffla t-il dans un souffle tout en continuant à pointer son arme sur nous.

Derrière moi, je sentis la vague de reproche d'Elise sans même avoir eu à la regarder. Mais je faisais ce que j'avais à faire, et je le faisais bien.

"Et sinon ?", lançai-je d'un ton nonchalant, "Tu vas faire quoi ? Tu vas tirer ?"

"Tu crois que je peux pas le faire ?", me cracha t-il de toute la puissance de ses poumons.

A l'arrière, Elise répétait doucement mon prénom, comme si ça allait résoudre la situation.

"Bien sûr que tu ne peux pas. Je suis quoi, pour toi ? Je suis tout. Si tu me supprimes, tu n'existes plus.", récitai-je, comme si mes mots étaient dictés par une conscience supérieure.

Lucas ne put rien répondre. Il nous braquait toujours, mais ses poings tremblaient nerveusement avec une ampleur quasi surnaturelle.

"On va partir.", déclarai-je, "Et tu vas rien faire. Tu vas retourner d'où tu viens, et tu vas leur dire que tu nous as raté."

"J'vous laisserais pas partir. Pas pour le rejoindre. Pas ce mec là...", bégaya t-il d'un ton confus, son regard se perdant dans le vague.

Les secondes s'égrenèrent, se transformant en minutes. Apparemment, Lucas était le seul à être capable de se déplacer après l'accident. Les autres devaient être gravement blessés. Ou pire.

Et savoir que c'était de ma faute me remplissait de haine envers ce Silvan, envers ce qu'il nous obligeait à traverser.

Mais je savais que je pourrais laisser échapper cette haine très bientôt.

La situation était bloquée, et je me risquai à jeter un coup d'oeil derrière moi. Elise et Lucian s'étaient figés, tels deux blocs de roc, dans une expression de stupeur mêlée de frayeur. C'était le moment où jamais. Laissant échapper un soupir, je fis volte-face et avança d'un pas, puis deux, lentement.

"Tu bouges pas !" hurla Lucas derrière moi.

"C'est fini.", répliquai-je d'une voix neutre, et je continuais à avancer, sachant maintenant qu'il ne tenterait plus rien. La curieuse lueur dans les yeux d'Elise m'en informa trop tard : j'entendis le coup de feu déchirer l'air, et la balle fusa...

Et se ficha dans le sol avec un bruit mat, quelques mètres devant moi. Mes muscles se crispèrent, et je jetai un rapide coup d'oeil derrière moi pour observer Lucas : ses mains serraient son arme avec tant de force que ses jointures blanchissaient, et tout son corps tremblait comme une feuille. Il semblait au bord des larmes.

Nos regards se croisèrent, et il répéta en bégayant :

"Pas toi...pas toi..."

Avant de s'effondrer à genoux. Il n'avait jamais eu ma force mentale.

J'accélérais mes pas et rejoignis Elise et Lucian, complément atterrés.

"Le rendez-vous, c'est bientôt.", rappelai-je à Elise.

"On va...on va aller chez moi se préparer, c'est pas très loin", m'informa t-elle d'une voix brisée.

Et il y avait toujours cette impression de reproche dans ses yeux. Pourtant, je venais de tous nous sauver, non ?

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Comme l'avais annoncé Elise, nous parvînmes à rejoindre sa maison assez vite, même à pieds. Elle était en périphérie de la première petite ville qu'on atteignait après la sortie de l'autoroute, et avait un aspect assez modeste, mais plutôt accueillant après les événements que l'on venait de vivre.

Dès que nous fûmes entrés, Lucian chercha à s'isoler en demandant la direction des toilettes, et partit donc à l'étage. Elise se laissa mollement tomber sur le canapé du salon et sortit son ordinateur portable.

"Qu'est-ce que tu fais ?", lui demandai-je par réflexe.

"Je vérifie mes mails", répondit-elle sans me regarder, "on ne connaît toujours pas l'endroit du rendez-vous et Silvan a sûrement du nous l'envoyer."

Je lâchai un bref "ha", avant de me concentrer sur l'intérieur de la maison. Je n'y étais jamais entré, et je satisfaisais donc ma curiosité en en observant les détails.

Le papier peint se décollait par endroits, indiquant un entretien assez négligé de la part d'Elise, et je notais de nombreuses marques claires au sol qui laissaient penser que des meubles avaient été déplacés. Je notai assez vite des indices qui laissaient penser que la maison était plutôt ancienne et qu'elle n'était pas faite pour y vivre seul. Je levai les yeux, et constatai une fine fissure au plafond qui s'étendait en ligne là où une simple ampoule était disposée pour éclairer la pièce.

"C'est mal", déclara soudainement Elise, m'interrompant dans mes observations, "ce que tu as fait à Lucas."

"Je pouvais pas lui dire la vérité.", m'excusai-je précipitamment, et aussi involontairement...ça ne me ressemblait pas : je n'ai de comptes à rendre à personne.

"Tu as été trop brutal. Tu l'as presque détruit."

"Je...", commençai-je, mais elle me coupa immédiatement :

"Entrepôt de la rue des Lilas, 2ème étage.", puis devant mon air interrogatif, elle précisa :

"Le rendez-vous. C'est à trois rues d'ici. On a sept heures devant nous."

Pris au dépourvu, je ne pus que bégayer :

"Heu...d'accord."

La situation devenait gênante. Je compris que je l'avais certainement choquée à cause de mon comportement avec Lucas, mais je n'avais pas envie de me justifier. Mon esprit vagabondait de nouveau, et machinalement, mes yeux se reposèrent sur la petite fente dans le plafond. Quand je reposai les yeux sur Elise, son regard avait changé. Un tic nerveux fit frémir ses lèvres. Je restai un instant sans comprendre, puis déclarai sans trop savoir pourquoi :

"Je ne suis jamais venu ici."

"Je sais.", dit-elle d'un ton sans réplique.

Bien sûr.

"Tu...tu te plais, ici ?", demandai-je comme pour entamer une conversation normale. Mais j'étais loin d'imaginer ce que j'avais déclenché : Elise fut prise de sanglots, apparemment contrôlables mais elle semblait plongée dans une infinie tristesse.

"J'ai dit...quelque chose qui va pas ?", demandai-je, soucieux.

"Non", parvint-elle à répondre malgré ses pleurs, "mais cette maison...cette pièce...c'est là que j'ai découvert le Swap."

Elle ne m'en avait jamais parlé. Et je la sentais sur le point de le faire. Mon esprit s'entraîna dans des tas de folles suppositions, incluant toutes cette fameuse fissure si discrète.

Mais Elise restait silencieuse, à part quand elle se laissait submerger par une nouvelle vague de chagrin.

"Et tu veux...tu veux m'en parler ?", demandai-je, sentant ma curiosité s'embraser.

"Oui...il faut que je te le dise.", fit-elle doucement.




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