1979 Des yeux couleur myosotis
La première fois que je l'aperçois, je pense à une petite souris. Elle est menue, agile, et se faufile silencieusement et rapidement dans les rayons du magasin, à la recherche de modestes cadeaux pour ses ''amies''. Ses ''amies'' ? Les détenues de la prison ! Elle en connaît beaucoup, chacune avec son prénom et son histoire de vie. Elle n'a pas peur de la criminelle, elle respecte les toxicomanes comme aussi les ''mules'' d'Amérique du Sud ou du Nigéria qui ont transporté la drogue, elle est en souci pour la terroriste jugée dangereuse, isolée dans le quartier de haute sécurité. A la prison, tout le monde connaît la sœur Suzanne, avec son sourire désarmant et ses grands yeux myosotis : les yeux de l'enfance, les yeux de l'innocence. Les détenues ne s'y trompent pas : elles découvrent au fond de ces yeux la source d'un amour solide et sans artifice, l'amour même de Dieu. Pourtant, Suzanne passe facilement inaperçue. Elle est discrète. Elle parle peu, écoute beaucoup... Elle peut rester des heures au téléphone, à écouter les confidences de ses ''amies''. Elle reçoit un important courrier : elle écrit aux ''amies'' qui sont ''dedans'' mais aussi à celles qui ont quitté la prison et souhaitent garder contact. Suzanne est toujours à la recherche de jolies cartes, de beaux textes, pour agrémenter ses messages. Sur sa table, elle a un petit dictionnaire français-espagnol et un autre français-anglais. Elle n'oublie jamais un anniversaire. Et dans le silence de la prière, Suzanne confie à Dieu chacune de ces personnes qui lui sont devenues chères.
Quand Suzanne parle de ses « amies », ses yeux brillent et elle devient volubile. Toutes ces relations de tendresse et d'amitié bâties au jour le jour constituent un vrai trésor. C'est en partageant pendant quelques jours le quotidien de Suzanne et ses sœurs que je découvre la beauté de ces liens tissés avec les « amies » de la prison...
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