8

*corrigé le 16/02/18*

Le silence autour de moi est assourdissant. Il est lourd et pèse sur mes épaules. J'ai l'impression d'oublier quelque chose d'important, mais quoi ?

Timidement, j'ouvre les yeux, déjà consciente que je suis allongée sur un matelas un peu trop dur. Et effectivement, je suis dans une chambre. Ou plutôt, dans ma chambre. Sobre et très peu meublée. Autour de moi, il n'y a qu'une grande armoire en bois et une table de chevet de la même matière. Pas une note de couleur, pas un espace un tant soit peu personnalisé. Les organisateurs veulent nous dissuader de passer notre temps ici. Plus nous serons dans notre chambre, moins le public pourra nous voir chahuter avec les autres.

En face du lit, se trouve une porte qui je suppose, mène jusqu'à la salle de bain. Je me demande si elle est aussi sinistre que cette pièce affligeante.

Je me redresse lentement, essayant de me rappeler de la veille. Je n'ai pas le souvenir d'être venue ici, ni de m'être endormie quelque part. Mon esprit est flou, recouvert d'une brume épaisse dans laquelle je ne parviens pas à me débattre. Je ne perçois rien, comme si je devenais totalement une amnésique, devenue incapable de raviver ses propres souvenirs.

Je décide finalement d'abandonner tous mes efforts. La fenêtre, dont les rideaux sont restés ouverts, laisse entrapercevoir quelques étoiles, baignées par la douce lumière de la lune. Cette vision est agréable et bizarrement apaisante pour mon pauvre cœur affolé. Depuis quand la nuit est-elle tombée ?

Près de moi, un plateau repas est posé à même le sol, accompagné d'un morceau de papier. Qui peut bien me l'avoir déposé ?

Encore une fois, j'essaye de me remémorer les événements d'hier. Ne pas savoir comment je suis arrivée ici m'énerve, vraiment.

Récapitulons : j'étais blottie contre Peter, nous parlions avec Éthan et Jeckatarina, quant à sa soit disant stratégie. Et après ? Que s'est-il donc passé ? Pourquoi ai-je oublié ? J'ai l'impression que ce genre de chose m'arrive souvent, de plus en plus souvent.

Je secoue la tête pour éloigner toutes mes pensées, sachant pertinemment que je ne peux pas me permettre de rester là toute la nuit. Je dois rejoindre les chasseurs. Ils m'attendent peut être déjà. J'attrape alors le petit papier et lis les quelques mots écrits soigneusement, avec une calligraphie typiquement féminine.

« Je t'ai apporté de la nourriture. Tu somnolais sur l'épaule de Peter, je t'ai raccompagné jusque ta chambre, tu t'y es endormie tout de suite. Repose toi.

Jeckatarina. »

Ces quelques mots laissent un doute planer en moi. Je ne suis pas sûre de pouvoir croire en ce qu'elle me dit. Mais comme je ne me rappelle de rien, je n'ai pas le choix, je ne peux que me fier à cette version.

Des petits coups résonnent contre ma porte, avant qu'une silhouette ne s'engouffre dans ma chambre sans me laisser le temps de protester. À peine sortie de mes pensées, je n'ai même pas le réflexe de bondir sur mes pieds pour arrêter cette personne, d'autant plus que c'est la voix d'Anna, qui recouvre presque aussitôt le silence régnant dans ma chambre.

« Tu devrais te changer Éléna, c'est bientôt l'heure.

— Comment...

— Comment je sais que tu fais partie des chasseurs ? À vrai dire, c'était une simple intuition. »

L'expression de son visage est dénuée de toute hypocrisie, ses yeux ne brillent même pas de cette lueur tant inquiétante. Non, tout au contraire, elle me donne l'impression de n'être que douceur, comme une enveloppe charnelle remplit d'amitié et de bienveillance. Pour l'instant, Anna ne cherche ni à me faire du mal, ni à me manipuler.

Je l'entends parler de je ne sais qui, mais je ne fais pas attention à ce que cette intruse raconte, préférant me changer rapidement. J'ai déjà assez perdue de temps comme ça, pas la peine d'en rajouter.

Lorsque j'enlève mon tee-shirt devant elle, sans une once de gêne ou de pudeur, Anna laisse échapper un cri d'entre ses lèvres. Cri plutôt discret, mais qui pourrait tout de même nous mettre toutes les deux en danger si un joueur encore éveillé reconnaît sa voix. Agacée, je tape du pied par terre et me tourne légèrement vers elle, pour comprendre ce qu'il lui prend. Et lorsque je croise son regard, je constate avec amusement que ses joues sont teintées d'un rouge significatif. Jamais je n'aurais cru la voir gênée.

« Si tu cherches à nous faire repérer, continue comme ça, tu es sur la bonne voie.

— Tu n'es pas gênée de te déshabiller devant moi ? demande-t-elle du tact au tact pour éviter ma pique.

— Tu es une fille, qu'est-ce que je risque exactement ? On a la même anatomie.

— Oui mais...enfin..je...

— Tu n'es quand même pas embarrassée de voir mon corps parfait ? »

Je lui envoie un sourire taquin au moment où elle se retourne, en grognant des paroles peu flatteuses sur la taille de mes chevilles.

Finalement, cette petite frimousse est peut-être bien plus intéressante qu'elle n'y parait. Et bizarrement, je la trouve mignonne. Les mimiques qu'elle vient de me montrer sont attendrissantes et tranchent avec la personnalité qu'elle nous cache. Impossible de cerner cette fille. Quelle est sa véritable nature ? Bonne ? Mauvaise ? À moins que ce ne soit qu'un juste milieu entre les deux ?

Une fois prête, je sors de la petite maisonnée, une capuche sur la tête. Je sais que personne n'oserait passer un œil derrière son rideau pour nous observer, mais tant que je ne serais pas un tant soit peu habituée à ce jeu, je préfère prendre mes précautions. Par habitude, je relève mes manches jusqu'au niveau de mes coudes et avance vers le centre du village, où tout le monde semble déjà être présent.

Sans jeter un regard pour les autres je m'installe sur un rondins de bois, spécialement rapproché du feu de camp pour l'occasion. Nos semblants de chaises forment un cercle beaucoup plus intimes afin que les cinq chasseurs puissent discuter plus facilement.

« Il ne manquait plus que toi, Éléna, décidément, tu ne fais jamais les choses comme les autres. s'exclame Jöakim, complètement agacé.

— J'aime cultiver la différence, c'est un de mes dons. »

Je le provoque ouvertement pour travailler cette relation qui, d'après les rumeurs, amuse le public. Si nos perpétuels conflits me permettent de rester plus longtemps, je compte bien profiter de cette chance.

Le présentateur soupire, lassé, avant de reprendre d'une voix assurée :

« Cette soirée vous est offerte afin que vous puissiez mettre en place votre stratégie, mais aussi pour que vous puissiez apprendre à vous connaître, choses des plus importantes pour votre si petit effectif. Bonne soirée. »

Dès lors, un lourd silence s'installe et je le suis des yeux lorsqu'il s'en va, sans nous jeter le moindre coup d'œil. Parfois, je me demande s'il prend la peine d'analyser le monde qui l'entoure. Il a l'air de se moquer de tout ça, comme si la seule chose qui lui importait, était d'avoir encore et toujours une petite vie tranquille et bien rangée.

Voyant que personne ne semble vouloir prendre la parole, j'abaisse ma capuche et prend mon courage à deux mains avant de m'exclamer d'une voix claire et forte :

« Comme il faut un début à tout, je vais me présenter. Je suis Éléna.

— Ravie de te connaître beauté. Je suis Hector. »

Ce fameux Hector me scrute de ses grands yeux, presque aussi foncés que ses cheveux noirs, tout en se léchant la lèvre inférieure, dans un geste se voulant sensuel. Sa voix rauque sonne presque comme de la pierre à côté de la mienne, qui paraît finalement frêle et peu assurée. Cependant, je me rend compte que son physique est beaucoup moins avantageux qu'il n'y parait, lorsque mes yeux détaillent un peu plus son visage, dont le front, les joues et le nez sont parsemés de boutons et de comédons. Perturbée par cette drôle de vision, je détourne le regard, gênée par sa marque d'affection.

« Moi je suis Anna, même si je suppose que vous me connaissez déjà. dit la jeune fille avant de sourire timidement face à une caméra. Après tout, paraîtrait que je suis la petite préférée de cette saison. »

Et là, cette fameuse lueur apparaît dans son regard, destructrice, effrayante, cruelle et repoussante. C'est sûrement curieux, mais je suis persuadée que ce comportement lui attire toute la compassion du public, qui doit mourir d'envie de connaître une fille aussi manipulatrice qu'elle, qui doit brûler de connaître son histoire.

« N'empêche que, si tu continues de faire ta pimbêche fragile et timide à longueur de temps, c'est mon poing dans ton joli petit nez que tu vas connaître. Au fait, je suis Jayke. »

C'est un petit roux qui prend la parole. Sa peau est aussi blanche que du nacre lorsque la lumière de la lune s'y reflète. Ses deux yeux bleus saphirs scrutent le ciel, comme s'ils étaient à la recherche d'un objet rare et convoité. Les mains enfoncées dans les poches de son jean, il a l'air de se moquer complètement du monde qui l'entoure, trop préoccupé par ses propres histoires. Mes yeux yeux louchent sur sa musculature abdominale qui est magnifiquement bien mise en valeur par le débardeur simple et noir qu'il porte. Il n'est vraiment pas si mal.

Au premier regard, il paraît calme, posé et réfléchi. Comme s'il savait exactement quoi faire pour survivre. Je le trouve impressionnant, sans aucun doute.

« Si tu t'avises de me toucher, je te jure que...

— Anna, nous ne sommes pas là pour ça. je la coupe dans son élan avant de continuer. Nous ferions mieux d'être soudés, alors ne commencez pas à vous créer des conflits. Si vous avez prévus de mourir, c'est votre problème. Mais ne ruinez pas mon aventure.

— Je crois que je vais bien t'aimer. Je suis Kyle, le futur fruit de tes fantasmes. »

Le vent s'engouffre dans ses longs cheveux bleus nuit, les faisant voler tout autour de son visage. Ses yeux verts jurent affreusement bien avec la couleur de ses cheveux. Ceci dit, sa corpulence, plutôt bien portante, dénote un peu avec son maigre visage. Une chose est certaine : quelque jours ici suffiront à lui faire fondre son ventre un peu trop rond. La pression de ce jeu fait des miracles sur le corps humain. Mais après tout, en sachant que la plupart d'entre nous mourrons, à quoi bon se préoccuper de notre physique ?

« Je crois qu'il serait judicieux pour nous que l'on se révèle mutuellement nos capacités, vous ne croyez pas ?»

Anna nous pose la question sans une once d'hésitation, mais le ton qu'elle emploie nous prouve qu'elle est ouverte à toute discussion.

Dans le même temps, une alarme hurle dans ma tête. Révéler son don est généralement, un inconvénient. Si l'un des chasseurs décident de trahir les autres, tout le monde connaîtra leurs pouvoirs. Et l'effet de surprise perdra alors tout son intérêt. Je ne suis pas sûre de vouloir prendre ce risque pour le moment.

Une idée me vient, m'aidant ainsi à reculer le moment des révélations :

« Je crois que nous devrions d'abord discuter d'une possible stratégie, avant de nous dévoiler notre atout principal. »

Le silence qui tombe est assourdissant. Mais personne ne me contredit. Prenant ça pour un accord silencieux, je reprends d'une voix mal assurée :

« J'aimerais savoir, selon vous, pourquoi vous avez été choisis ?

— Il est évident que nous avons tous un certain talent pour manipuler notre entourage et pour pouvoir attirer l'amitié de ceux qui nous entourent. Personnellement, j'en sais rien et je m'en fiche un peu en fait. Tant que je survis, le reste m'importe peu. »

Jayke est le premier à répondre à ma question et je me sens soulagée de le voir participer comme ça.

Rapidement, ils exposent les raisons qui, selon eux, font qu'ils ont été choisis. Hector, pense que tout est lié à son don, tandis que Kyle explique qu'il aime jouer avec son entourage. Anna termine le tour d'explication, en nous parlant de sa personnalité, qui attire les gens vers elle, sans éveiller le moindre soupçon.

Mais, une fois mon tour venu, je me retrouve incapable de leur délivrer une quelconque réponse. J'ai toujours pensé que, si je me retrouvais un jour ici, je serais un loup. Alors, lorsque la situation inverse s'est produite, je n'ai absolument pas compris le pourquoi du comment. Je ne pense pas avoir un don particulièrement dangereux ou effrayant, il est plus instable qu'autre chose... Est-ce une raison valable ? Ça mis à part, je n'ai aucun talent, je ne vais pas vers les autres, je refuse de donner une once de confiance à qui que ce soit, j'essaye de ne m'attacher à personne... Alors pourquoi moi ? Pourquoi les organisateurs ont jugés que ma place était ici ?

Pour une raison qui m'est inconnue, c'est Anna qui s'exprime à ma place, comme si elle avait deviné mon manque de réponse :

« Selon moi, Éléna n'est pas ici par hasard. Je pense qu'elle ne se rend pas compte du pouvoir qu'elle détient en elle. Elle attire les regards. Je la détesterais volontiers si elle n'était pas avec nous. Peut-être même qu'elle aurait été ma première victime. Elle reste naturelle, ne se donne pas un style et ne s'invente pas une personnalité. C'est ça son point fort. Elle a du charme, le public l'adore déjà et je pense que beaucoup de personnes ici voit en elle un pouvoir inaccessible. Pour certains, Éléna représente un moyen de vivre plus longtemps. C'est son atout, son point fort. »

À bout de souffle, Anna termine son discours. Jamais je n'aurais pensé qu'elle m'avait à ce point observée. Je suis presque fière du sentiment d'orgueil qui monte en moi à l'entente de ses mots qui chatouillent et flattent mon ego. Je crois que je n'ai jamais entendu quelqu'un parler comme ça de moi, avec admiration, avec respect.

Les trois autres chasseurs braquent leurs regards sur moi. Anna les a convaincus, c'est certain.

D'un simple regard, je tente de la remercier avec le cœur. Le sourire qu'elle me renvoie est resplendissant, les caméras se régalent du spectacle que nous leur offrons et je suis persuadée que le public n'en a pas raté une miette. Un sentiment, que j'essaye vainement de repousser, s'infiltre dans mon âme et me chuchote que toute résistance est inutile : un début de confiance. Petit, infime et presque inexistant, mais tout de même présent.

« Je pense qu'Anna a raison, nous devrions nous dire nos dons. »

Il y a quelque minutes à peine, jamais cette phrase n'aurait passer la barrière de mes lèvres. Et pourtant, je me sens redevable envers cette fille aux cheveux pâles. Je me dois de lui rendre la pareille.

« Dans ce cas, je me lance. Je peux contrôler le moindre fais et geste d'une personne, je peux la pousser à faire tout ce que je désire avec une simple pensée. dit Jayke d'une voix dénuée de tout sentiment.

— C'était toi, le jour de l'épreuve ? Tu m'as arrêté en dessous de cette... »

Les mots m'écorchent la gorge alors qu'une colère, maigre et faible, grandit dans mes veines. Comment peut-on vouloir attenter à la vie de quelqu'un alors même que le jeu n'a pas encore commencé ?

« Tu es là, c'est le principal, non ? "

Son regard est désolé. Ses yeux formulent les mots qu'il ne prononce pas et je parviens à me calmer, me rendant compte du stupide la situation. N'aurais-je pas fait pareil, si je ne m'étais pas retrouvée parmi les premiers arrivés ?

« Moi, je peux contrôler les sens d'un individu. s'exclame Anna avec un enthousiasme mal dissimulé. Je peux insuffler un sentiment, une hallucination, aussi bien auditives que visuelles. Le problème, c'est qu'il faut que j'ai déjà touché la personne pour pouvoir agir.

— Personnellement, enchaîne Kyle, je suis aussi capable d'invoquer des armes juste avec le fruit de mon imagination. »

Il accompagne sa parole d'un geste. En tapotant le haut de son front, des armes apparaissent autour de lui. Elles sont toutes uniques, de par leurs tailles, leurs formes et les motifs de certaines d'entre elles. Je me demande si cela peut vraiment l'aider lors d'un corps à corps. Son pouvoir n'a pas toujours l'air d'être très avantageux.

« Et toi Hector ? je demande, curieuse de savoir en quoi il pourrait nous être utile.

— Hum.. Moi c'est un peu compliqué à expliquer... Je peux ôter et rendre la vie à n'importe quel être vivant, un peu comme un aspirateur en fait. il rit nerveusement en passant sa main dans ses cheveux gras. Regarde. »

Aussitôt, il s'abaisse près d'une fleur qu'il effleure à peine. La plante se met alors faner sous nos yeux impuissants, se pliant sur elle-même jusqu'à toucher le sol. Conscient des regards braqués sur lui, il redonne vie à cette fleur qui retrouve bien vite ses couleurs, comme si rien de tout ça n'était arrivée. De tout ceux ici, Hector est celui qui m'effraie le plus. Son don est beaucoup trop dangereux. Et c'est à ce moment que je me rend compte que je suis bien contente de ne finalement pas faire partie des loups. Avoir un tel atout dans sa manche n'est pas négligeable.

« C'est... incroyable...

— Merci du compliment Éléna.

— Et toi alors ? Je suis curieux de savoir ce que tu peux faire de tes deux bras robustes. »

Je plante mon regard dans les yeux de celui qui vient de me parler. Jayke n'est pas effrayé, au contraire, il a plus l'air amusé qu'autre chose.

Je déglutis difficilement, décidant d'accepter l'inévitable.

« Je contrôle les éléments. »

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top