21-Éthan

Cinq jours... Déjà cinq jours qu'Éléna dort à point fermé. Cinq jours pendant lesquels je n'ai presque pas fermé l'œil, observant chaque parcelle de son visage avec appréhension, espérant qu'elle se réveille, guettant le moindre signe de sa présence. Mais rien. Elle reste parfaitement endormie face à moi, comme si même son corps, son visage et son âme se jouait de moi.

Elle n'a jamais bougé. Même pas une fois. De temps à autres, l'expression de son visage changeait légèrement, comme si elle passait de rêve à cauchemar, mais son corps restait immobile. Son visage, pointé vers le plafond, ses yeux fermés avec force et ses petits poings serrés contre son ventre eux non plus n'ont pas changés. Le seul réel changement en elle doit surement être sa pâleur et sa peau qui se creuse peu à peu.

Elle me manque, horriblement et irrémédiablement. J'ai peur de la perdre, à chaque instant. Et ce sentiment me détruit de l'intérieur.

Le regard vitreux que j'ai aperçus lorsqu'elle s'est évanouie me hante à chaque fois que mes yeux se ferment. Elle était bien trop loin de moi pour que je n'ais le temps de réagir. Et même en courant de toutes mes forces, je n'ai pas pu l'atteindre. Encore une fois, je n'ai pas été là pour elle. Je n'ai pas su m'en occuper comme j'aurais dû le faire.

Les jours ont passé et sa fièvre n'a cessé d'augmenter. Jusqu'à ce matin où elle a finalement entièrement disparue. Si je perdais ce petit bout de femme je ne sais pas ce que je deviendrais. Elle rythme ma vie, mes jours et mes nuits. Sans elle, tout ça n'aurait plus aucun sens...

Alors, pendant ces cinq jours d'angoisses, je suis restée à ses côtés. Je lui épongeais le visage, je caressais ses joues et attendait qu'elle se réveille. Mais depuis cinq jours, rien ne se produit. Et plus le temps passe, plus la réalité me frappe de pleins fouets. Si tout cela continue, je la perdrais.

Lorsque je l'ai vu pour la première fois dans ce jeu, elle m'a semblé tout aussi belle que lorsque je l'ai connu. Je pensais qu'elle était resté la même. Mais elle m'avait oublié. Moi, Peter et tout ce qui faisait d'elle qui elle est réellement. Je ne faisais même plus partis de son passé. J'aurais aimé tout lui dire. Mais je n'en ai pas eu le courage. Tout lui dire aurait signé mon isolement. Je ne serai que passé pour un fou à ses yeux. Alors, j'ai fait taire mes sentiments en proclamant une relation naissante, une relation nouvelle. J'espérais qu'être proche de moi l'aiderais à se rappeler, mais pour une raison que j'ignore, dès que je pensais qu'elle allait avoir un moment de lucidité, elle oubliait de nouvelles choses, toujours plus, toujours plus importante. Je l'a perdais. Elle mourrait à petit feu sous mes yeux et je ne pouvais rien faire contre ça.

Malgré tout, même face à sa perte de mémoire, je voulais faire partie de son avenir, je voulais avoir un futur à ses côtés. Je pensais enfin avoir réussis à assurer ma place dans son entourage. Mais aujourd'hui je ne suis plus sûr de rien. Elle semble comme morte face à moi, allongés sur ce lit.

Au fond de moi, je savais qu'un jour arriverait où je risquerais de la perdre, mais ça ne peut pas se faire comme ça. Pas avant que je n'ais le temps de tout lui dire, de tout lui raconter dans les moindres détails.

Inconsciemment, j'espère au plus profond de moi que le coma dans lequel elle semble s'être plongé n'est pas réel. J'aimerais croire qu'elle récupère ses souvenirs où je ne sais quoi de presque impensable. Mais tout ça me semble irréalisable. La réalité est ici : si elle ne se réveille pas rapidement de ce sommeil, elle ne survivra pas.

Depuis quelques temps maintenant, Éléna à été placé sous perfusion. Après tout, le but de ce jeu est de nous entre tuer, pas de mourir seule, sans savoir ce qui a pus nous arrivés. Et d'après ce que j'ai compris, le public l'aime bien. Alors, les organisateurs ne peuvent pas la faire mourir. Ils doivent la maintenir en vie. Hypocritement, pour qu'elle meurt plus facilement plus tard.

Quant à Jöakim, ces cinq jours ont été tout aussi éprouvant pour lui. Voir sa petite soeur, celle qu'il s'efforce de protéger à tout prix dans cet état là le consume à petit feux. Mais il met tout en oeuvre pour ne rien montrer. Personne ne dois savoir qui ils sont l'un pour l'autre. Finalement, sa situation est peut-être bien pire que la mienne.

Il y a longtemps, Éléna m'avait raconté l'histoire de son frère, que je n'avais pas connu assez longtemps pour comprendre leurs liens. Mais lorsque je l'ai vu ici, dans ce jeu, j'ai compris pourquoi il avait disparue. Et dans un certain sens, je ne peux m'empêcher de l'admirer. Il faut du courage pour faire ce qu'il a osé faire. Et je ne pense pas que j'en aurais été capable. Il l'a toujours protégé dans l'ombre, alors nous l'avons regardé souffrir ensemble, en espérant qu'elle se réveille à tout moment. Mais rien, toujours rien.

Anna aussi est peiné de ne plus avoir son amie. Ici, Éléna était la seule à l'apprécier réellement, à partager des moments avec elle, sans avoir d'arrières penser, sans chercher à la manipuler. Alors, depuis qu'elle n'est plus là, la pauvre fille reste dans sa chambre, assise face à sa fenêtre, à attendre elle aussi. Bien sûr, elle sort de temps en temps, pour ne pas perdre la face, pour ne pas se montrer faible face aux autres joueurs, mais le regard vitreux qu'elle porte chaque jour ne parvient pas à convaincre le reste des adolescents. Elle n'est pas bien et tout le monde le sait.

Jayke ne lâche pas Anna d'une semelle et si je n'étais pas tant préoccupé par Éléna, je pourrais presque trouver ça attendrissant. Éléna... Je suis sûr qu'elle serait la première à rire de cette situation si elle nous voyait nous inquiéter ainsi...

La seule qui semble réellement se réjouir de cette situation est Jecka. Partout où elle passe, elle rit du sort d'Éléna et proclame qu'elle finira par mourir ici. Et Peter se fiche de tout ça. Il reste avec elle, sans parler, sans même se prononcer. Il est absent.

Je n'ai jamais aimé cet homme. Tout simplement à cause de cette rivalité que l'on a créer pour Éléna. Mais j'ai gagné face à lui. Malgré tout, Éléna n'a jamais cessé de lui parler et je l'en déteste d'autant plus aujourd'hui. Elle avait confiance en lui, elle tenait à lui du plus profond de son coeur. Mais lui ne vient même pas prendre de ses nouvelles. Il se fiche de son état. Et je le hais pour ça.

Depuis son absence, deux autres personnes sont mortes. Maintenant, nous ne sommes plus que vingt-six et les liens qui unissaient les villageois se détruisent peu à peu. Ici, il n'y a plus que peur. Plus personne ne se fait réellement confiance. Comme si la disparition d'Éléna semait le doute au sein de ce grand groupe d'adolescent.

La Éléna que j'ai connu est différente de celle d'aujourd'hui. Mais aussi bizarre que cela puisse être, je l'aime tout autant. Elle reste mon premier et unique amour. Celle avec qui je suis prêt à finir. Celle pour qui je serais prêt à me sacrifier. Elle est tout ce que j'ai de plus cher ici comme ailleurs. Et plus le temps passe, plus son absence me détruit de l'intérieur.

Soudain, Éléna émet un mouvement à côté de moi. Faible, mais bien réel.

Sans réfléchir, je me mets à courir jusque la maison de Jöakim. Ce mouvement n'était peut-être rien, mais c'est bien le premier qu'elle parvient à faire. Alors, si elle s'apprête à se réveiller, je veux que ceux qu'elle apprécie un tant soit peu l'entoure. Et de toute façon, Jöakim saura me dire si ce n'est rien.

Lorsque j'entre chez lui, son ronflement me parvient jusqu'aux oreilles. Il ne dort pratiquement plus lui non plus, alors lorsque je le secoue violemment, un sentiment de culpabilité m'envahit. Mais si sa soeur se réveille, il voudra être l'un des premiers à la voir.

" -Jöakim, je crois qu'elle va se réveiller, elle a bougé. "

Tout à coup, il ouvre les yeux et me regarde avec plein d'espoir, comme si sa seule et unique raison de vivre était sa soeur, sa petite soeur. Et avant même que je n'ais le temps de comprendre, nous courons déjà dans le sens inverse, en direction de la petite maison d'Éléna.

Lentement, je me laisse distancer, n'ayant pas assez de force pour suivre son allure. Cependant, un sentiment qu'inquiétude m'envahit lorsque je l'entends pousser un hurlement de rage. La peur grandit en moi et je m'élance de toutes mes forces dans cette maison de bois.

Et soudain, c'est comme si mon coeur se brisait en moi. Comme si tout mon monde s'écroulait.

Devant nous se trouve le lit d'Éléna. Vide.

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