Chapitre 2. La naissance d'une nouvelle vie.

1er septembre 2020, Lyon

C'est le grand jour pour moi. Il est six heures du matin et je suis assise dans une salle de l'aéroport, en attendant l'avion.

Ce voyage, c'est ma chance pour réapprendre à m'aimer.

Je vais essayer d'être moins dure avec les gens en général. Toutefois, je ne dois surtout pas m'attacher profondément à une personne, j'ai connu trop de déception, autant amicale qu'amoureuse. Pour ça, il faut que j'évite un maximum le contact avec d'autres personnes. Je pourrais peut-être, un jour refaire confiance à quelqu'un. Enfin, pour la dernière partie, ce n'est pas près d'arriver maintenant, mais j'essaye de faire un minimum d'effort.

Néanmoins, si ce jour arrivait, je ne serais pas là première à me confier, à m'abandonner totalement à cette personne.

J'appréhende ma vie là-bas. Des dizaines de questions tournent dans ma tête. Mais malgré ça, l'excitation est présente.

Après des heures interminables, je pose enfin les pieds sur le sol colombien. Je cherche du regard la personne censée m'emmener vers le lieu où je vais résider, pendant une année.

C'est un bâtiment avec plusieurs chambres spécialement dédiées aux étudiants. Je n'ai pas pu choisir le lieu exact, c'est l'école qui s'en est occupée pour la sécurité de leurs élèves.

En effet, les enseignants ont effectué une liste d'établissements prêts à nous accueillir. C'est aux élèves et à leur famille de choisir parmi ces lieux composés de différents critères. Notamment la ville, ainsi que d'autres éléments tout aussi importants. Concernant le prix, j'ai reçu une bourse de l'école pour payer une partie des frais. Tous les élèves sélectionnés en bénéficient.

J'ai choisi un logement situé près du centre-ville, ainsi que de mon lieu de stage.

Durant mes recherches, j'ai remarqué qu'il y avait un taux assez élevé de délinquance, mais cela ne m'effraie pas vraiment. Le danger est partout et surtout où on s'y attend le moins.

Enfin, je dis ça maintenant, mais je ne sortirai pas la nuit pour autant. J'essaye peut-être de me prouver quelque chose en résidant dans ce quartier, je ne sais plus vraiment ce que je fais.

Après quelques minutes, je vois une femme rousse, d'âge mûr tenir une pancarte avec écrit dessus « LYANNA MORETTI ».

Je m'approche et elle me gratifie de son plus beau sourire, que je ne lui rends pas, je n'aime pas les personnes gentilles, ça sonne faux.

La dernière fois que j'ai fait confiance à une personne « gentille » j'ai été violé. Alors je préfère m'abstenir et me tenir assez éloigné des personnes soi-disant bienveillantes, même si cette vieille femme me paraît inoffensive. Je doute que son intention sois la même que mon ex mais on n'est jamais trop prudent. Les apparences sont souvent trompeuses.

Voyant mon côté peu chaleureux, elle n'insiste pas et me demande de la suivre, chose que je fais.

« Chassez le naturel, il revient au galop » Cette expression définie plutôt bien ma situation actuelle.

Finalement, ce n'est pas aussi facile que je le pensais. Il va me falloir plus de temps pour réussir les objectifs que je me suis fixés.

Ensuite, une heure plus tard, me voilà dans mon nouveau chez moi. C'est une chambre de quinze mètres carrés.

Ce n'est pas trop petit ni trop grand. J'avais demandé une chambre seule, et c'est le cas alors cela me convient très bien.

Après m'être installée, je descends pour visiter le lieu et m'y familiariser. En descendant les escaliers, une tignasse blonde me rentre dedans. Je la contemple rapidement et j'en déduis qu'elle doit avoir mon âge, à quelques années près.

— Désolée, je ne t'avais pas vu ! Ça va ? me demande-t-elle.

Cette jeune femme a de magnifiques yeux bleus. J'en avais rarement vu des comme ça.

— Merde, tu pourrais faire attention, je déteste qu'on me touche ! dis-je froidement.

Avec le temps, j'ai appris à me réadapter à certains contacts physiques. Néanmoins, lorsque je ne m'y suis pas préparée, ma réaction qui suit n'est pas des plus douces.

Je la méprise du regard tout en passant devant elle. Auparavant, je lui aurais dit que ce n'était pas grave, qu'on aurait pu devenir amies, mais je ne suis plus cette personne alors la « nouvelle moi » s'en fout de blesser les gens.

C'est difficile de changer sa manière d'agir, du jour au lendemain. Néanmoins, je devrais y arriver. Je n'ai pas le choix, je dois avancer, je ne peux plus rester bloquée dans le passé.

« Chaque personne est différente, tout le monde mérite sa chance. » C'est ce que je me répète, quand les souvenirs de mauvaises personnes refont surface.

Une fois arrivée en bas des escaliers, je me retourne lorsque je sens un regard sur moi. La fille des escaliers me fixe en souriant. Je dirais que la situation l'amuse.

Merde, elle est bizarre cette fille.

Je m'apprête à continuer mon chemin lorsqu'un groupe d'étudiantes arrive à son niveau. Elles baissent toutes, sans exception, les yeux en passant devant elle.

Je fronce les sourcils devant ce spectacle et repars vers ma destination.

Je suis de nature curieuse et ce que je viens de voir à retenu mon attention. J'espère bien la croisée de nouveau au détour d'un couloir pour me faire une idée plus poussée sur son côté mystérieux et sur les réactions plus qu'étranges de ces filles.

Moi qui m'étais dit de ne pas m'approcher volontairement des personnes, de peur de finir par m'attacher et être finalement trahie à la fin, je crois que c'est raté.

Après une mûre réflexion, je choisis de prendre le risque de m'en approcher puis finalement, je risque quoi ? De finir détruite ? Je le suis déjà alors bon.

De toute façon, parler avec une personne n'est pas synonyme de s'y attacher forcément. Je garderai mes distances quand même. De plus, je ne prends pas de gros risques puisqu'avant, j'avais une plus grande facilité à m'entendre avec les garçons que les filles. Et dire que maintenant, je les fuis comme la peste.

Je me trouve dans ma chambre à préparer mes affaires pour demain. Je commence à huit heures, je suis un peu stressée, j'espère que ça va bien se passer. Je décide de me coucher, pour être en forme demain.

***

Il est six heures du matin et mon réveil sonne. Je me prépare et descends une heure plus tard pour déjeuner dans la salle commune. Je prends mon repas et je vais me poser sur une table, au fond à gauche.

Je regarde vaguement les personnes autour de moi, avant que mon regard ne s'attarde sur une chevelure blonde, qui marche dans ma direction.

La blonde vient s'asseoir en face de moi. Je ne lui montre pas, mais finalement, j'espérais bien la voir pour appuyer ma première impression sur cette fille. Je compte percer son secret, car j'en suis sûre, elle cache quelque chose. Chaque moyen est bon pour occuper mon esprit. Et quoi de mieux que de me donner des objectifs à atteindre.

— Salut, comment tu t'appelles ? me dit-elle en souriant.

Je décide de me la jouer « gentille » pour avoir mes réponses aux questions que je me pose à son sujet. Puis, c'est une bonne méthode pour essayer d'être plus douce que d'habitude.

— Lyanna et toi ?

Je trouve que j'interprète plutôt bien mon rôle. D'habitude, c'est une tout autre réponse que je lui aurais fournie.

— Anastasia, mais appelle-moi Ana. Tu viens d'où ? Tu parles bien espagnol, mais tu as un petit accent.

— De France. Toi, tu vis ici ? Je veux dire, tu as une chambre étudiante ?

— Non, non, mais je suis souvent ici, ma meilleure amie, Mia vit ici. Dis-moi, tu n'es pas très poli comme fille ou c'était juste un mauvais jour ? demande-t-elle d'un ton moqueur.

— Oui, oui, on peut dire ça. Il y a des jours où rien ne va, ça arrive à tout le monde.

Je me retiens de lui dire que je peux compter les jours où je suis de bonne humeur sur les doigts de ma main.

Elle sourit avant de me répondre :

— Oui, tu as raison, mais je t'assure que des personnes comme mon frère sont tout le temps de mauvaise humeur, je crois que c'est sûrement à cause du travail qu'il fait.

Eh bien, je ne suis pas la seule à être dans cet état d'esprit, ça me rassure.

Je bois une gorgée de mon verre d'eau, tout en réfléchissant rapidement à ce que je pourrais répondre à ça. Ce n'est plus dans mes habitudes de faire la discussion.

Une fois la réplique trouvée, je ne perds pas plus de temps pour lui dire. Je ne voudrais pas que le moment devienne trop gênant.

— Mais non, le travail ne stresse pas autant !

— Oui, quand ce ne sont pas des trafics illégaux en tout cas, réplique-t-elle du tac au tac.

J'ouvre en grand la bouche sous le choc de sa révélation, tenant encore mon verre plein, dans ma main. Alors là, je m'attendais à tout sauf à ça.

Quant à elle, son visage, qui est de base bronzée, devient blanc comme un linge. Elle triture ses doigts entre eux et n'ose plus me regarder dans les yeux.

Après quelques longues secondes, où je me suis repassé ses mots en boucle, je décide de reprendre la parole.

— Vraiment ? dis-je en espérant qu'elle n'était pas sérieuse.

Elle se lève rapidement, reprenant tout à coup, ses esprits en bredouillant « je suis désolée, ce n'est pas ce que j'ai voulu dire. »

Je lui attrape le poignet quand elle passe devant moi pour l'arrêter dans sa fuite.

— Attends ! Explique-moi dans les grandes lignes. Je ne dirai rien à personne et si ton frère est aussi dangereux, je n'aurai pas le temps de raconter quoi que sois que je serai déjà plus de son monde.

Elle me regarde un instant, elle semble réfléchir. Elle finit par se rassoir. La blonde prend une grande inspiration avant de parler :

— Bien, dans le pays, presque tout le monde sait qui est ma famille, elle est dangereuse et très respectée, alors personne ne m'a jamais parlé comme tu l'as fait, hier. En fait, j'ai bien aimé être considérée comme une fille comme les autres. C'était sympa. Ici, soit mon nom de famille les faits fuir à cause de la peur, soit ils sont là pour leur intérêt personnel. Sauf, Mia. Il faut que tu fasses attention à ce que tu dis ou fait, avec les personnes que tu croises. Certains travaillent avec mon frère et sont là pour ma protection.

Je ne sais plus quoi dire sur le moment. Un silence de plomb s'est installé entre nous deux. Elle me regarde en attendant ma réaction et moi, j'hésite, je pourrais en apprendre plus ou prendre mes jambes à mon cou. Finalement, je choisis la première option.

J'ai pleins de questions dans ma tête et je ne sais pas vraiment comment formuler ça. Après tout, cette discussion n'est pas banale.

— De quel genre de trafic tu parles ? Et puis comment ça dangereuse ? Non attends comment ça se fait que beaucoup de personnes connaissent l'existence des affaires de ta famille et que personne ne les arrêtent ? questionné-ai-je précipitamment.

— On ne se connaît pas, je ne peux pas te révéler certaines choses et vaut mieux pour toi que tu ne saches pas tout. Sinon, en gros mon oncle a une entreprise qui fonctionne très bien, elle s'appelle Bancolombia. Quant à mon frère, lui il est assez influent dans la favéla de Medellin. C'est pour ça que mon nom est respecté, puisque grâce à mon frère, ses activités et l'entreprise familiale cela fait de nous une famille puissante. L'une des plus influente du pays. Même certains politiciens ou encore représentants de l'ordre sont corrompus, ça aide beaucoup ça. En plus, s'il n'y a pas de preuves, il n'y a pas de raison pour emprisonner quelqu'un, conclue-t-elle, avec un sourire flippant accroché au visage.

Oh que oui, je vois, une famille de riche qui se croit au-dessus de tout le monde et des lois. Finalement, maintenant, que je sais qui elle est, je n'ai plus besoin de jouer à la fille « gentille ». De toute façon, c'était juste pour en savoir davantage. Je n'ai vraiment pas envie d'avoir des amies, c'est la pire chose qui puisse m'arriver.

Elle est comme les autres élèves de mon école. Des gens riches qui se foutent de tout et se croient meilleurs que tout le monde.

Je ne souhaite pas me frotter à ces personnes-là. Je n'ai pas besoin d'avoir des problèmes avec la police ou pire. Je n'ai pas envie de savoir comme ils nettoient leurs traces pour qu'il n'y est « pas de preuve » justement. Et finalement, être dans la confidence ne me rassure absolument pas, forcée de constater que je pourrais être victime de leur dangerosité.

— Mmmh bon, je dois y aller, je ne dirai rien à personne. dis-je en me levant pour me diriger vers la sortie.

— Salut, dit-elle en se levant à son tour.

Oh merde, en y repassant elle a dit « Bancolombia » comme l'entreprise dans laquelle je vais passer une année. Maintenant, que je sais que c'est une famille dangereuse et qu'ils font des affaires illégales, va falloir que je me contienne pour ne pas m'énerver et finir six pieds sous terre.

Je ne dois pas m'inquiéter, avant de poser ma candidature pour cette entreprise, j'ai remarqué que beaucoup d'étudiants avaient fait un stage dans ce lieu. Tous, étaient rentrés vivants et heureux de leur expérience professionnelle.

Dès que je rentre ce soir, je me trouve une salle de boxe où je pourrais m'inscrire pour l'année et accessoirement me défouler.

***

Il est sept heures vingt-cinq et j'attends le bus pour qu'il me dépose à deux minutes de mon lieu de travail. Une demi-heure plus tard, j'arrive devant un bâtiment immense, contemporain et magnifique, j'ai hâte de pouvoir voir l'intérieur. Je me décide à avancer vers l'entrée.

Je me présente devant l'accueil et attends d'être reçue par le patron qui m'expliquera en personne en quoi consiste mon travail.

Autant dire que je suis en panique, maintenant que je sais qu'il est un homme dangereux ainsi que toute sa famille. Malgré ça, l'adrénaline que je ressens me fait me sentir bien. C'est vraiment contradictoire.

J'attends encore et encore, c'est long et la patience n'est pas mon fort. Au bout de longues minutes, je le vois se diriger vers sa secrétaire accompagnée d'un homme qui doit être à peine plus vieux que moi.

Lui doit avoir la cinquantaine. Elle me pointe du doigt et les deux hommes se tournent vers moi. Mon regard reste fixé sur l'homme le plus jeune.

Mon regard examine discrètement son allure. Il est à l'opposé du style de mon patron qui porte un costume très classe. Il est très élégant, notamment dans ses manières et sa démarche.

Lui, porte un pantalon gris avec un pull à col roulé noir, basique. Toutefois, je préfère largement le style simple du jeune homme que celui du cinquantenaire. Je trouve que ses vêtements le mettent en valeur grâce à sa musculature.

C'est seulement depuis quelques mois que j'arrive de nouveau à trouver des qualités à des homme sans y ressentir un profond dégoût derrière. J'ai bon espoir de croire qu'avec le temps mon animosité envers certains hommes s'estompe petit à petit. Toutefois, ma peur de revivre la même expérience traumatisante, elle ne s'efface pas.

Il me rappelle vaguement quelqu'un. Son regard perçant ne quitte plus le mien. Je détourne rapidement mes yeux vers le sol, en sentant mes joues chauffer. Il me met vraiment mal à l'aise. Les regards trop insistants produisent ce genre d'effet sur moi.

Les deux hommes s'approchent de moi, en voyant ses yeux de plus près, je sais. Je sais qui il est. C'est le frère de l'autre. Comment elle s'appelle déjà ? Ah oui Anastasia.

C'est celui qui trempe dans des affaires illégales. Parce que oui, je sais ce qui se passe dans une favéla. Arrivé vers moi, le patron me salue et me demande de le suivre dans son bureau.

On monte jusqu'au quatorzième étage, toujours accompagné du criminel. Dans l'ascenseur, personne ne parle, on entend que le bruit de nos respirations, dont je peine à garder la mienne régulière tellement la panique m'envahit.

Je sens le regard pesant du brun sur moi, ce qui me déstabilise fortement.

Je déteste ça,  je me sens oppressée dans cette boîte métallique. J'ai bien envie de lui envoyer mon genou dans ses parties intimes, histoire de porter son regard dans une tout autre direction, mais il vaut mieux que je ne fasse pas de vagues.

On sort enfin de l'ascenseur et entre dans une grande surface.

Une baie vitrée est visible sur ma droite, elle donne une agréable vue sur la ville. La pièce est apprêtée de vieilles pierres qui se mêlent aux éléments d'architecture métalliques pour un résultat moderne et saisissant.

De plus, le bureau est composé d'un très bel écrin boisé sur lequel trône un ordinateur. Ses larges dimensions en font un espace de travail confortable pour le dirigeant qui doit avoir de nombreux dossiers, étant donné la pile de documents posés. Des étagères bourrées de classeurs sont fixées au mur, à gauche de la porte d'entrée.

Je m'installe sur une chaise à la demande du patron, toujours sous le regard insistant de l'homme derrière moi, le dos collé à la porte.

À suivre...

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