Chapitre 18 : Le rendez-vous

Deux jours avaient passé depuis la venue d'Andrea. Comme prévu, Rick, Michonne et Carl étaient partis dans la ville d'origine des Grimes pour y aller chercher le nécessaire d'armement. Une guerre se préparait et Rick était décidé à agir. Ils étaient partis la journée entière, et quand le soir se profila, ils revinrent le coffre remplis à craquer d'armes et de munitions à craquer. En prime, ils avaient même récupéré un berceau pour Judith.

En observant le butin conséquent, le groupe retrouva le sourire. Ils se sentaient déjà mieux préparés à faire face aux forces du Gouverneur. Mais Rick avait refusé de leur dire où ils les avaient trouvées. Personne ne s'en soucia plus que ça. Le nombre d'armes les rassuraient suffisamment pour qu'ils dorment sur leur deux oreilles ce soir-là.

Alors qu'Holly marchait vers son poste de surveillance pour prendre son tour de garde, Rick la rejoignit sur le chemin. Il faisait nuit et Holly avait encore de l'énergie à revendre. Elle s'était donc portée volontaire pour la majorité de la nuit à surveiller les environs. Rick savait aussi se montrer très tardif, souvent le dernier à se glisser dans le lit.

"Tu devrais te reposer. Tu as eu une grosse journée." lui conseilla Holly.

"Ça va, pour l'instant."

"Comment ça s'est passé avec Michonne et Carl ?"

"Eh bien... Carl a adopté Michonne, je crois."

Ils partagèrent un petit rire. "Je l'aime bien aussi." admit-elle. "On peut pas la jeter dehors."

Grimes soupira. "Je vais y penser. Je ne te promets rien."

"Et comment s'est débrouillé mini-toi ?"

"Bien." il se frotta le menton. "Juste une fois où il m'a désobéi. Mais, en même temps, ça nous a bien aidé. Je lui ai un peu remonté les bretelles, mais rien de méchant."

Il prit soin de ne pas parler de Morgan ni des armes qu'ils lui ont pris. Il savait que Holly n'adhèrerait pas du tout, mais ça avait été nécessaire. Toutes les armes du commissariat avaient disparu, et ils en avaient plus besoin que lui.

"Ne sois pas trop dur avec lui. Il veut aider, que tu sois fier de lui."

"Je suis fier de lui. Je ne veux juste pas qu'il meurt. Et j'ai peur que ça arrive juste parce qu'il ne m'a pas écouté. Il ne se rend pas toujours compte des dangers qu'il encourt."

"Oui, je vois."

"Comment Laure se débrouille avec sa main ?"

"Elle a commencé. Mais c'est dur."

"Je me doute."

Elle se tourna vers lui quand il devint silencieux. "Tu venais me parler de quelque chose en particulier ?"

"Ouais..." il se gratta la nuque en soufflant. "J'en ai déjà parlé avec Hershel mais je voulais aussi avoir ton avis.....La proposition d'Andrea. T'en penses quoi ? Enfin, je sais déjà ce que tu en penses mais...je voulais en parler plus largement."

Holly hocha la tête et s'humidifia les lèvres en réfléchissant à sa réponse. "Je pense que c'est une chance à prendre."

Il secoua la tête avec un rictus amusé. "On ne peut pas faire confiance au Gouverneur."

"Je te demande de faire confiance à Andrea." leurs yeux se rencontrèrent une seconde. "Je ne te donne pas d'ordre, Rick. Je ne me permettrais jamais. Mais..." elle inspira. "C'est quoi ton objectif ? Celui qui est au-dessus de tout ?"

"Que tout le monde reste en vie." il répondit sans aucune hésitation. "En tous cas, le plus de monde possible..."

"Et c'est en déclenchant la guerre qu'on survivra tous ?"

Il se mordit l'intérieur de la joue. "Non. C'est sûr."

"Ça ne conclura peut-être à rien mais...si l'occasion se présente...je pense que l'ignorer serait une erreur."

Il hocha la tête pensivement puis se frotta le visage.

"Qu'est ce que je deviens, Holly ?"

"Tu es un peu perdu. Et incertain de notre futur. Mais tu devrais vraiment aller dormir."

"Tu as raison..."

Elle lui tapota l'épaule. "Je sais que tu n'es pas une bête assoiffée de sang. Et peu importe le choix que tu feras, je te suivrais. Mais réfléchis-y à tête reposée, ok ?"

"Ouais... Bonne nuit, Holly."

"Bonne nuit, Rick."

Il partit dans le sens inverse, vers les cellules.

Le lendemain, Laure répéta le même entraînement que le jour précédent. Elle travaillait dur pour changer sa main forte. Cependant, elle n'avait même pas encore touché sa machette ou son fusil. Elle prenait un bâton et se forçait à écrire et à dessiner sur les murs en traçant des traits invisibles uniquement avec sa main gauche. Toutes ses tâches quotidiennes comme manger se réalisaient avec sa main gauche. Et elle essayait de porter de lourdes charges seulement avec sa main gauche.

C'étaient des exercices que Hershel lui avait conseillé avant de commencer à s'entraîner avec sa machette ou son fusil, il fallait d'abord s'habituer à utiliser sa main gauche. Il y en avait bien d'autres comme dribbler avec un ballon ou faire rebondir une balle de ping pong sur une raquette mais leur manque de matériel la limitait à ceux-ci. Laure avait passé sa matinée à écrire sur les murs et sur le sol avec son bâton mais, après le déjeuner, elle s'impatienta et sortit dehors avec sa machette, bien décidée à tester son travail.

Sa victime était un empilement de cagettes en bois qu'elle pensait pouvoir frapper avec sa machette. Juste par curiosité, dans l'espoir idiot que quelque chose avait changé, elle tenta un premier coup avec sa main mutilée. Mais le premier coup était si faible qu'elle peina à planter sa machette dans le bois et son arme lui glissa des mains.

Elle grimaça mais aucune surprise ne l'atteignit. Elle le savait. C'était juste stupide. Sa main gauche attrapa le manche et il lui fallut quelques secondes pour trouver une forme de confort. En portant son coup sur la cagette, elle sentit une forme de faiblesse dans son bras et planta la lame quelques centimètres à côté de sa cible. Moins précise. Moins forte.

Elle retira la lame en grognant, sentant déjà la frustration déjà la gagner.Elle devait faire vite. Un autre assaut pouvait surgir à n'importe quel moment. Un long moment passa où ses coups demeuraient faiblards et imprécis, parfois à des distances aberrantes. Dans un excès de frustration, elle jeta sa machette à terre avec un cri. Elle n'avait pas le temps, pas le temps de faire des erreurs.

"Tu en demandes trop en peu de temps."

Holly apparut à son côté, une main sur l'épaule. Dans l'espoir de ne pas l'inquiéter, Laure lui sourit et l'embrassa.

"Le temps presse."

Holly leva les yeux au ciel. "Tu sais...Rick ne t'en voudrait pas si tu ne pouvais pas combattre. Il sait que ce n'est pas facile."

"On a besoin d'autant de combattants que possible." Elle attrapa le manche de son arme.

Laure se demanda soudainement si les gens qu'ils allaient combattre étaient conscients de ce qu'ils faisaient. Elle en doutait, le Gouverneur semblait être un fin manipulateur. L'image du jeune homme qu'elle avait éliminé lui revint en flashs. Sa répulsion fût si forte qu'elle frissonna. C'était une chose de tuer un connard. Une autre de tuer des gens ignorants ou manipulés. Elle le ferait pour la survie de son groupe, pour Holly. Mais ça ne l'empêchait pas que l'idée la rebutait un peu.

Holly avait vu son frisson, et son visage se froissa d'inquiétude. Elle approcha prudemment et sortit Laure de ses pensées en frottant son dos.

"Tu vas bien ? Tu dois me le dire si ça ne va pas."

Elle entoura le visage de Laure avec ses mains et la grande femme agrippa ses poignets sans réelle force. Juste une caresse rassurante. Laure essayait vraiment de ne pas impliquer Holly dans ses soucis. Mais la blonde savait la faire craquer avec un regard.

"Quand...quand je me suis enfuie." elle commença, la voix faible. "J'ai voulu interroger un type que j'avais croisé. Pour retrouver Maggie et Glenn."

Holly hocha la tête, écoutant attentivement. Leurs mains s'étaient abaissées mais restaient entrelacées.

"C'était un petit jeune. Vingt ans, pas plus. Mais...il disait rien. A part ses supplications, il me donnait pas de réponse. Il jurait qu'il savait rien, mais je l'ai pas cru. Je l'ai tué. Et..." sa gorge était comme bloquée. "Et je me rends compte que...il ignorait vraiment tout."

Holly lui caressa le visage.

"Tu venais d'être torturée, Laure. Tu n'avais aucune idée de qui était en face. Je comprends ta culpabilité mais...tu ne peux pas défaire ton erreur. Je t'aime. Ça ne fait pas de toi une plus mauvaise personne."

"Tu penses ?" demanda Laure avec espoir.

"J'en suis sûre." Holly l'entoura de ses bras. "Tu es comme tu es. C'est comme ça que je t'aime. Tu ne peux pas tout savoir et tout deviner au bon moment."

Laure hocha lentement la tête au-dessus d'elle. "Merci..."

Holly s'éleva sur la pointe des pieds (une experte) et l'embrassa, d'un baiser d'amour et de réconfort. Laure sentait sa culpabilité atténuée par l'étreinte d'Holly. Elles se séparèrent brusquement quand Carl arriva en criant.

"Arrêtez de faire des bisous ! Il faut que tout le monde se rassemble au portail, Andrea est de retour !" et il repartit aussitôt comme une flèche.

Les deux amantes échangèrent un regard de consternation avant de prendre la direction indiquée par le petit Grimes. La plupart du groupe était déjà dans le champ, Glenn ouvrait le portail pour Andrea qui roula avec sa voiture jusqu'au chemin de terre.

La jeune femme sortit de sa voiture et Rick vint immédiatement à sa rencontre. Toujours par précaution, le reste du groupe gardait un œil constant sur les alentours avec les armes à feu en main.

"Déjà de retour ?" demanda Rick, un peu suspicieux.

Andrea hocha la tête. "Oui, j'ai du nouveau."

"On devrait en parler à l'intérieur." l'invita Rick avec sa main vers la prison.

"Inutile, ça ne sera pas long."

"J'ai dit à l'intérieur, Andrea." il insista plus fermement.

La jeune femme grimaça face à la dureté de Rick, encore un peu déstabilisée par la froideur qui les séparait. Mais elle céda.

"Bien. Je comprends."

Satisfait, le groupe repartit à l'intérieur, sûrs de ne pas être surpris par des tirs ennemis. La situation était similaire à celle d'il y a quelques jours mais, cette fois ci, le groupe semblait un peu plus enclin à l'écouter.

"Alors ?" demanda Rick, un peu impatient.

Andrea tremblait presque d'anticipation. "Voilà. J'ai réussi à convaincre Philip de te rencontrer, Rick. Dans un lieu neutre et abandonné. Nous pourrons discuter d'un accord pour que tout le monde reparte sans faire de victimes."

Hershel plissa les yeux. "Comment avez-vous fait pour le convaincre ?"

Andrea souffla. "J'ai dit beaucoup de choses.... Que ça pourrait sauver des vies à Woodbury, économiserait nos ressources pour de plus gros problèmes, que Rick avait un fils et une fille..."

"Tu as dis QUOI ?!" Rick s'emporta soudainement, la colère l'emportant. Juste par sécurité, Daryl mit une main sur son épaule.

La jeune femme sursauta mais tint bon devant le regard de braise et les poings serrés de Rick.

"Tu es folle ?!" il s'exclama. "Tu veux qu'il s'en serve contre moi ?! Contre nous ?!" il s'exclama en balança sa main dans l'air.

"J'ai fait ce que j'avais à faire, Rick. Il sait ce que c'est d'avoir des enfants auxquels on tient plus que tout. Je peux t'assurer que ça a joué gros sur sa décision. Il n'aurait peut-être jamais accepté si je n'avais pas joué sur cette corde sensible."

Rick était encore mécontent mais il ne pouvait nier qu'au moins, Andrea avait une proposition à lui faire. Il se frotta le visage, prit sur lui-même et l'invita à continuer avec un geste de la main.

Elle sortit une carte de sa poche, la déplia et l'étala sur une table. Tout le groupe se regroupa autour de cette table, Rick à côté d'Andrea. Holly écoutait attentivement et regardait avec grand intérêt la carte. C'était peut être leur chance de se tirer de cette situation sans faire couler le sang. Même si Laure essayait de ne pas trop le montrer, elle nourrissait un certain intérêt pour la proposition d'Andrea. Cette dernière sortit un stylo de sa poche de sa veste et entoura un endroit sur la carte.

"Ça serait ici. Y a une sorte de grange abandonnée là bas. Je propose qu'on s'y retrouve demain, au petit matin, chaque représentant de sa communauté peut emmener quatre personnes armées. Je ne compte pas étant donné que je suis neutre."

"Neutre, ouais..." grommela Daryl.

Andrea et Rick l'observèrent un instant mais ni l'un ni l'autre ne firent de commentaire. Le chef se redressa en inspirant, les mains sur ses hanches. Tout le monde le fixait, Andrea plus lourdement que quiconque. Il se frotta les paupières et se tourna vers Andrea.

"Comment peut-on savoir que le Gouverneur n'a pas piégé l'endroit ?"

"C'est trop délabré pour cacher quoi que ce soit ou quelqu'un." elle lui assura.

"Et il est vraiment à l'écoute de ce que j'ai à dire ?" son regard se durcit.

Andrea s'appuya sur la table. "Oui, il l'est. C'est pour ça que je suis ici. Je ne serais pas venue si je ne pensais pas que ça en valait le coup."

Un silence pesant s'abattit dans la pièce où Rick réfléchissait en regardant tour à tour chacun des membres de son groupe. S'il ne tentait pas un accord, cette situation se finirait en un affrontement fatal pour un des deux groupes. Et même s'il ferait tout pour qu'ils gagnent, les victimes seraient sûrement nombreuses voire la totalité de son groupe. Il se mordit l'intérieur de la joue en imaginant son groupe, sa famille à terre baignant dans son propre sang. Carl avec une arme à la main, son corps criblé de balles. Judith égorgée dans son berceau....

Il croisa un instant le regard d'Hershel. Puis rapidement celui d'Holly. Il devait penser à sa famille avant tout.

"Réduis le nombre des effectifs à deux, et je viendrais."

Plusieurs membres semblaient surpris. Laure hocha lentement la tête et Holly sourit à son chef. Andrea peinait à y croire mais sourit largement.

"Merci, Rick. Je vais le rapporter. Je vous laisse la carte. Si je ne reviens pas, considérez cela comme un accord." elle lui tendit la main.

Grimes l'observa un moment avant de lui serrer la main en retour. Ils l'accompagnèrent jusqu'à sa voiture et elle repartit, encore plus déterminée qu'avant. En observant la voiture s'éloigner, Daryl se pencha vers Rick.

"T'es sûr que c'est une bonne idée ?"

"Je dois penser à nos vies avant tout." il lui répondit en croisant les bras.

Daryl acquiesça et le groupe retourna se réfugier.

*****************

Le lendemain, le soleil n'était même pas encore levé que tout le monde était sur pieds. Daryl, Hershel et Rick étaient prêts à partir. Rick avait soigneusement choisi Daryl, sur qui il pourrait compter si les choses dégénéraient, et Hershel pour potentiellement bénéficier de ses conseils avisés.

Daryl offrit une étreinte rapide à Kayla et Carol, et un tapotement d'épaule à son frère. Hershel enlaça fort ses filles, toutes les deux très inquiètes. Le vieil homme serra également l'épaule de Glenn, lui assurant par un regard que tout se passerait bien. Enfin, Rick serra son fils fort dans ses bras. Il sentait, à la manière dont les petits doigts de Carl s'accrochaient à sa chemise, qu'il était réticent à le laisser partir. Mais il devait le faire, il n'avait pas le choix. Il embrassa sa fille dans les bras de Beth, puis ouvrit la portière de la voiture.

"Sois prudent." lui rappela Holly.

Il se retourna pour l'étreindre rapidement.

"On reviendra." il assura à son groupe.

La gorge un peu serrée, il se glissa sur le siège conducteur, Daryl à son côté, et Hershel à l'arrière. Laure était certes soulagée qu'une discussion soit possible entre les deux chefs, mais sa suspicion était aussi très forte. Elle n'était pas sereine, comme tout le monde. Le risque que ce soit un piège persistait. Laure souhaitait qu'ils leurs reviennent sains et saufs ou elle s'assurerait de faire sa fête au Gouverneur.

Pour que la journée passe plus vite et pour oublier leur anxiété, les différents membres se sont occupés comme ils le pouvaient. Maggie, Beth, Glenn, Laure, Merle, Michonne et Carl ont commencé à trier les armes, les munitions, et chargèrent les unes avec les autres. Les cliquetis du métal des lourdes armes posées sur la table en bois, et le roulement des munitions s'enchaînaient sans relâche. Kayla faisait l'inventaire du matériel médical, Carol comptait le reste de leurs réserves tout en s'occupant de Judith, Holly montait la garde.

Laure appréciait cette distraction, ça l'aidait à ne pas penser à la possibilité que Rick, Daryl et Hershel étaient peut-être déjà morts. Même si elle aurait plutôt besoin de frapper dans un sac, ça la soulagerait d'autant plus. Bon Dieu...qu'est ce qu'ils deviendraient sans eux ?

"Carl !" appela Glenn. L'enfant trottina pour venir se poster devant lui. Il lui tendit une boîte de munitions triée. "Mets ça dans le stock de chargement." il se tourna vers la cadette des Greene. "Beth, mets-en sur la passerelle. Si on se retrouve coincé, il faudra plein de munitions." il attrapa un chalumeau et le nécessaire de protection. "Je vais préparer la cage, dehors."

"Ce qu'on devrait faire..." commença Merle. "...c'est charger cet arsenal dans un pick up et rendre visite au Gouverneur. On sait où il est, en ce moment."

Glenn s'arrêta. "Tu suggères qu'on aille le tuer."

"Oui, exactement."

"On a promis à Rick et Daryl de ne pas bouger." lui rappela Michonne.

"J'ai changé d'avis, beauté. Rester sur le banc de touche avec mon frère en première ligne, ça ne me convient pas."

"Ils sont là bas avec eux. Ils ne savent pas qu'on vient." répliqua Glenn. "Ils seraient pris en otage ou tués. Mille trucs peuvent déraper."

"Et ça arrivera."

"Si tu continues à émettre cette idée, je vais t'attacher à une chaise." grommela Laure. "Pas question que tu fasses tout foirer avec tes idées à la con."

Merle se contenta de la fusiller du regard, ayant compris depuis longtemps qu'il ne fallait pas trop tenter Laure.

"Et mon père sait se défendre tout seul." dit Carl en traversant la pièce.

"Navré, petit. Mais la tête de ton père pourrait finir sur une pique."

Carl l'ignora et quitta le hall. Laure s'immobilisa pour lui lancer un regard menaçant, hésitant à prendre le premier pistolet qui lui tombait sous la main pour lui flanquer une belle balle entre les deux yeux. Mais elle ravala sa colère et continua l'assemblage de l'arme. Cependant, Maggie ne resta pas aussi muette qu'elle.

"Ne lui raconte pas ça."

Merle leva la main en signe d'innocence. Laure ne saurait dire si sa colère était aussi vive car c'était Merle qui parlait, ou parce que c'était Carl qui subissait. Aucun des deux, elle espérait. Elle en avait assez que Merle l'atteigne d'une manière qu'elle n'aimait pas beaucoup. Et Carl... n'était pas son enfant. Il n'avait pas forcément envie que quelqu'un soit toujours sur son dos. Surtout une femme qui n'était pas sa mère...

Glenn se tourna vers Merle. "Ce n'est pas le truc à faire. Pas pour l'instant. Ils risqueraient de se faire prendre entre deux feux. C'est mon dernier mot." il quitta la pièce.

"Avec ton expérience militaire, je t'aurais pensé plus stratégique."lui fit remarquer Laure. "Et si Rick a sa tête sur une pique, alors ton frère aussi. Espère plutôt l'inverse au lieu de nous casser les couilles." cracha-t-elle.

"Merde, t'as toujours du mal avec moi, hein ?" demanda Merle avec un rictus amusé.

"Quoi ? Tu croyais qu'on allait se faire des bracelets de l'amitié, tocard ?"

"Tu devrais changer de discours." il plissa les yeux. Il s'était retenu depuis le début. Laure n'avait pas l'air commode, mais il lâcha enfin une petite pique pour la titiller. "Ta petite amie aurait besoin de compagnie, tu penses pas ?"

Laure lâcha brusquement ce qu'elle tenait, et courut autour de la table pour se jeter sur lui. Il recula brusquement de plusieurs pas, mais Maggie s'interposa juste à temps entre eux, les bras tendus pour garder une distance.

"STOP ! Stop ! Stop !" elle leur cria.

Ça n'empêchait pas Laure de le fusiller du regard, les dents découvertes. Elle s'imaginait lui écrabouiller la tête contre le béton tout en l'insultant de tous les noms. Elle le détestait tellement ! La main de Maggie contre sa clavicule la sortit de ses pensées haineuses. La brune avait l'air d'avoir un peu peur d'un débordement de Laure.

"Laure...je sais qu'il est insupportable mais...on a assez de problèmes comme ça, non ?"

"Laisse-moi m'en charger, ça nous fera un problème en moins, et ça occupera Kayla." proposa-t-elle d'une voix basse et lourde.

Maggie soupira et pencha la tête sur le côté. "Il va s'excuser et tu le laisses tranquille, ok ?"

"Quoi ?!" s'écria Merle.

Maggie se tourna vivement vers lui. "Tu t'excuses ou je la retiens plus."

Merle et Laure se toisèrent du regard, silencieusement, durant de longues secondes, pesant le pour et le contre.

"Je m'excuse." il articula lentement, d'une voix qui faisait penser tout le contraire.

Sans dire un mot, Laure tourna les talons et se remit au travail, essayant d'ignorer la présence de Merle. Elle se moquait éperdument de ses excuses, de lui, et de ce qu'il disait.

*****************

On pourrait penser que Merle avait compris. Que son frère pouvait se débrouiller et prendre ses décisions seul. Mais, il profita qu'il n'y ait personne pendant la pause pour prendre un sac, et commencer à le charger avec des armes. C'est quand Glenn rentra qu'il l'interpella.

"Tu n'y vas pas."

"Pas besoin de ta permission."

Maggie et Laure arrivèrent à leur tour, ayant entendu leur conversation. Les deux femmes froncèrent les sourcils.

"Je ne peux pas te laisser y aller."

"Tu ne peux pas m'en empêcher."

"Si tu vis avec nous, c'est selon nos règles. Si Michonne peut les respecter pourquoi pas toi ?!" Maggie haussa le ton quand il ferma le sac, et l'attrapa. Michonne arriva à son tour, sur ses gardes.

Merle se tourna vers eux. "Parce que mon frère est là-bas, voilà pourquoi ! C'est quoi votre problème ?!"

Il gravit les marches mais Glenn lui bloqua instantanément le chemin de la porte.

"Je te laisserai pas les mettre en danger." Glenn n'hésita pas à soutenir son regard.

"Fais-toi pousser des couilles." les mots glissèrent entre les dents serrées de Merle. "Ce type tripote ta gonzesse, et tu te déballonnes comme ça ? Écarte toi de mon chemin."

"Non."

Impatient, Merle lui donna un coup dans le ventre, mais Glenn se jeta sur lui. Ils dévalèrent les marches en roulant, et Glenn se retrouva au sol, sous la menace de la lame de Merle. Maggie réagit immédiatement, et avec son bras, enserra le cou de l'homme, l'éloignant le plus possible de Glenn. Michonne arriva à son tour pour bloquer son atèle dans les airs. Soudain, un coup de feu retentit, tiré dans le plafond par Beth pour tenter de les calmer.

"Lâchez-moi ! Lâchez-moi !" cria Merle en les repoussant. Maggie et Michonne s'écartèrent, et Merle libéra Glenn.

Soudainement, Laure attrapa le col de Merle, le plaqua violemment au mur et lui asséna un coup de poing rageur dans les côtes, ce qui la démangeait depuis un temps.

"Non, on te lâchera pas ! Non ! Tant que tu seras un putain de connard qui pense qu'à sa gueule, je te lâcherais pas ! Ferme la ! FERME LA !" lui hurla-t-elle en le cognant plusieurs fois contre le mur, sans le blesser.

"LAURE !" cria Maggie.

La concernée papillonna des yeux avant de se tourner vers son groupe qui, dont les regards lui intimaient de lâcher Merle.

"Lâche-le." lui demanda plus bas Michonne.

Laure le lança plutôt contre le mur, les yeux bouillant de rage. Puis elle tourna les talons et sortit du hall à grands pas, cherchant de l'air frais pour respirer. Elle avait la migraine et elle s'en voulait d'avoir perdu le contrôle. Mais dès qu'il s'agissait de Merle, quelque chose l'atteignait particulièrement. Elle n'aurait pas dû agir comme ça, ça n'avait aucun sens... Et Merle savait maintenant qu'il avait cette capacité à la foutre en rogne.... Elle ne savait pas si c'était une bonne chose ou une mauvaise. Elle voulait juste pouvoir le sortir de sa tête.

Laure arpenta la cour avant de dégainer sa machette et de s'approcher d'un pas bien décidé vers les cagettes. Malgré son manque de précision, qui l'irritait habituellement, elle sentait la colère quitter petit à petit ses muscles tendus.

"J'allais venir te parler mais tu me fais un peu peur."

Elle se tourna vers Maggie, les mains dans les poches. Cependant, elle ne paraissait pas du tout effrayée et affichait même un petit rictus.

"J'ai eu un petit écart...." Laure se frotta le front. "C'était pas habituel."

"Il t'a juste tapé sur les nerfs." elle approcha de quelques pas. "Je veux dire....il t'a coupé les doigts. C'est normal que tu puisses pas le supporter. Je ne sais même pas comment Glenn arrive à le côtoyer."

Laure ne répondit rien. Elle détestait se rendre compte que Merle l'avait bien plus traumatisée qu'elle ne l'aurait voulu l'admettre, et que d'autres personnes le soulignent. Elle avait envie de taper les cagettes encore plus fort maintenant. Maggie comprit rapidement la gêne de Laure et que la grande femme ne se confierait sûrement pas à elle. Elle pinça ses lèvres.

"Tu veux que j'aille chercher Holly ? Elle saura sûrement mieux te parler que moi."

Les épaules de Laure s'affaissèrent, et elle y pensa un instant. Elle sentait soudainement un manque qui lui fit frotter nerveusement ses mains sur son pantalon.

"Je veux bien...s'il te plait."

Maggie tenta un sourire rassurant en hochant la tête avant de partir. Laure n'attendit pas longtemps, un peu perdue dans ses pensées, avant qu'une tête blonde s'approche d'elle.

"Hey...Désolée de te déranger pendant ton tour de garde. " la grande femme s'assit contre un mur

"Tu ne me déranges jamais." Holly se pencha pour l'embrasser sur les lèvres pour souligner son affirmation. Laure sourit dans le baiser puis sa petite amie s'assit à côté d'elle. "Pour toi, j'ai toujours du temps. Maggie m'a raconté ce qui s'était passé."

Laure acquiesça. "Il m'énervait."

"Je pensais que la période où tu tabassais les gens qui t'énervaient était révolue depuis un moment ?"

"Ouais, moi aussi." l'athlète renifla et détourna son regard vers l'étendue d'herbe. La main d'Holly agrippa son menton et l'obligea à la regarder dans les yeux.

"Tu sais que c'est parce que Merle t'as vraiment fait du mal ?"

Laure se libéra de sa prise pour se frotter le visage avec ses deux mains, fatiguée de parler incessamment de ça. Elle gardait autant que possible le silence là dessus mais le sujet revenait toujours comme un boomerang.

"Ce ne sont que des putains de doigts ! Ce n'est même pas si grave que ça ! Ca aurait pu être bien pire !"

"Mais c'est assez pour te marquer profondément." la blonde déplaça une mèche noire derrière son oreille avec beaucoup de tendresse. "Tu sais que ce n'est pas grave ? Tu as le droit de te sentir profondément mal à propos de quelque chose ?"

Laure hocha la tête. "Ouais, tu me l'as déjà répété assez de fois dans ma vie." elle ricanèrent ensemble et elle appréciait la petite note de légèreté. Les conversations profondes étaient parfois gênantes pour elle. "C'est juste..." Laure chercha les mots justes alors que Holly la regardait avec attention, sans interrompre sa réflexion. "Le monde a complètement changé, Holly. Je me dois de tenir le coup, peu importe ce qui se passe. Pour les aider, notre groupe. Je veux qu'ils puissent compter sur moi parce que...je veux tenir le coup. Pour eux. Pour moi."

"Laure....on a déjà parlé de ce genre de choses il y a des années..."

La gorge de Laure se serra en ayant le sentiment de l'avoir déçue.

"Je sais, je sais.... Mais je ne peux pas m'en empêcher."

"Aimer des gens...s'inquiéter pour eux...Ce n'est pas seulement les protéger. C'est aussi partager la charge psychologique. Tu te souviens quand tu refusais de me parler de ta famille ? Je me sentais horriblement mal parce que j'avais l'impression que je ne t'étais d'aucune aide. Et je voulais t'aider plus que tout..."

"Mais ce n'est plus la même chose. Ils ont tous déjà beaucoup à gérer, toi y compris. Je n'ai pas besoin d'aide, c'est eux qui en ont besoin. Je suis assez forte pour tout gérer."

"Rick aussi est fort. Et tu as vu comment il était après la mort de Lori ? La mort de Shane ? On a tous des moments difficiles à traverser où l'on a besoin des autres. Et ce n'est ni une honte, ni une faiblesse."

Holly et elle avaient déjà eu une conversation similaire il y a des années, quelques mois après leur rencontre. A partir de là, Laure avait été capable de s'ouvrir complètement à Holly même si cette vieille habitude de tout intérioriser revenait parfois. Mais...Laure était encore plus réticente à laisser les autres membres du groupe l'aider. Elle les aimait tous beaucoup. Mais elle avait l'impression que si elle se confiait à eux, ça pourrait se retourner contre elle. Y compris sa colère. Elle avait peur que Merle l'utilise contre elle, joue de ce qu'il lui avait fait pour la torturer un peu plus.

"Ils t'aiment, Laure." Holly lui embrassa la tempe avec un bras autour de la taille de Laure. "Tu ferais beaucoup de choses pour eux et inversement. Tu devrais vraiment commencer à leur faire confiance."

"Je leur fais confiance." riposta Laure un peu plus violemment qu'elle ne l'aurait voulu.

Mais ça ne dérangea pas Holly qui lui offrit un doux sourire. "Je sais. Mais fais leur vraiment confiance. Ne porte pas le poids du monde sur tes épaules, chérie. Je veux dire... si besoin, Rick se confierait à moi ou Hershel, Daryl à Carol et Kayla... Tu vois ce que je veux dire ?"

"Mais je t'ai toi." murmura Laure avec un regard incertain.

"C'est vrai. Mais je pense que je ne suis pas la seule à vouloir t'aider. Et tu ne fais que les repousser comme tu le faisais avec moi il y a longtemps. Et je pense qu'ils s'inquiètent d'autant plus pour toi..."

Laure ne répondit rien, et admira le paysage en face d'eux. C'était paisible outre les grognements des rôdeurs qui entouraient la prison.

"Ce que tu as fait à Merle...Tu aurais pu faire bien pire, tu le sais. Mais si tu n'évacues pas la pression d'une autre manière, un jour, ça va exploser."

Elle sentit les douces lèvres roses de sa copine lui embrasser le coin des lèvres et, pour alléger la conversation, Laure se tourna vers elle avec un froncement de sourcils.

"J'ai l'impression que t'as besoin de bisous en ce moment." elle l'embrassa en retour avant qu'Holly puisse finir de rire.

"Promets moi d'y penser." lui demanda Holly avec des yeux bienveillants et implorants.

Le sourire de Laure fondit légèrement mais elle hocha la tête. "Promis." elle pourrait tout faire pour Holly, pour la soulager.

"Merci." le sourire radieux de la blonde ne fit rien regretter à Laure. Holly se pencha pour un dernier baiser avant de se relever. Mais Laure lui attrapa la main.

"Holly... Tu aimerais toujours qu'on se marie ?"

"Bien sûr. J'attends avec impatience. Peut-être qu'un jour on aura l'occasion, j'ai bon espoir." la blonde paraissait si déterminée que Laure parvint à y croire également.

En tenant sa main, elle frotta la bague de fiançailles de Holly que Laure avait achetée quelques semaines après que sa copine l'ait demandée en mariage.

"J'espère aussi." puis elle lui lâcha la main et Holly repartit en trottinant vers la prison pour aider à finaliser le tri des armes.

****************

Le retour de leurs trois missionnaires était un sacré soulagement. Pas de morts, de blessures ou de combats à déclarer. Cependant, aucun sourire n'apparut pour autant sur le visage de qui que ce soit. Carol referma le portail derrière la voiture et la moto de Daryl sans qu'un seul mot ne soit prononcé.

Les moteurs éteints, tout le monde descendit des véhicules et, instantanément, une étrange tension apparut. Rick ne semblait pas affolé mais pas tranquille non plus. Et Holly ne saurait dire si c'était mieux ou pire que de le voir trop calme ou totalement paniqué. Impossible de savoir au premier coup d'œil si ça s'était mal passé ou non.

"A l'intérieur." il ordonna.

Sans broncher, tout le monde se réunit dans le couloir des cellules, attendant sagement le rapport de Rick. Ce dernier attrapa un fusil dans la réserve, et commença à conter son entretien.

"J'ai rencontré ce fameux Gouverneur. On a discuté longtemps ensemble."

"Juste vous deux ?" demanda Merle, et Rick hocha la tête. "On aurait dû y aller, c'était l'occasion." il s'isola à l'arrière du groupe en ignorant les regards lourds de certains membres du groupe. Mais Laure ne lui accorda pas un regard, faisant de son mieux pour l'ignorer.

"Il veut prendre la prison." déclara Rick. "Il veut qu'on parte. Et qu'on meure. Il veut qu'on meure, pour ce qu'on a fait à Woodbury."

Ils échangèrent des regards tendus, trop terrifiés pour dire quelque chose. Holly secoua la tête, déçue que malgré tous les efforts fournis pour maintenir la paix, le bain de sang allait tout de même avoir lieu. Et il n'y avait rien pour l'empêcher. Laure alterna son poids entre ses deux pieds, sentant une tension monter dans son corps. Il fallait qu'elle sache de nouveau manier une arme avant que ça n'arrive.

"Nous entrons en guerre." furent les derniers mots que Rick prononça avant de partir.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top