Chapitre 16 : Tension
En cinq minutes, Rick, Holly, Daryl et Merle étaient de retour au sein de la prison. Glenn avait de nouveau pris le volant de sa voiture, et avait foncé dans les rôdeurs pour leur donner le temps de monter. Tout s'était passé si vite qu'Holly avait l'impression de ne pas vivre en temps réel, et ne remarqua même pas les regards de travers de Merle, dont la joue était encore rouge.
A leur retour, Carl s'était précipité vers son père, et Laure emprisonna Holly dans ses bras, aussi soulagée l'une que l'autre de se retrouver saines et sauves. Et, bien sûr, Daryl fût chaleureusement accueilli, contrairement à Merle. A une exception près.
Quand Kayla aperçut le plus jeune frère Dixon sortant de la voiture avec Rick et Holly, la joie fut la première émotion qui la traversa. Et puis, celle-ci se mua en amertume et ressentiment, ne pouvant oublier qu'il les avait d'abord abandonnés. Elle était réellement heureuse de le revoir, de constater qu'il était revenu...mais son cœur brisé gardait une flamme de colère animée dans son esprit.
Après ses retrouvailles avec les autres, le regard de Daryl se tourna vers la dernière personne du groupe. Alors que l'amérindienne et lui se fixaient, aucun ne prononça un mot. L'atmosphère entre eux n'était plus simplement maladroite. Elle était tendue.
Finalement, Kayla détourna le regard la première, préférant demeurer distante avec le chasseur. De nombreuses choses traversèrent l'esprit de Daryl, pourtant il ne bougea pas, ni n'ouvrit la bouche, la laissant s'éloigner. Le regard dur qu'elle lui avait envoyé avait été un avertissement clair. Il ne pensait pas l'avoir déjà vu avec un tel regard.
Malgré leur joie de retrouver un des membres de leur groupe, leurs retrouvailles furent courtes. Le Gouverneur avait frappé. Ils n'étaient plus à l'abri et, cette fois, c'était certain. Ils devaient préparer un plan de défense.
"On ne partira pas." affirma Rick en rechargeant son fusil, de nouveau à l'abri dans le couloir des cellules. Les vitres étaient trop hautes pour qu'on puisse les viser depuis l'extérieur. Fort heureusement, le Gouverneur et ses hommes étaient partis, pour le moment. Mais c'était une certitude qu'ils reviendraient pour finir le travail.
"Mais on ne peut pas rester." insista Hershel, assis sur les marches.
"Avec un autre sniper, les palettes de bois ne tiendront pas." fit remarquer Maggie.
"On ne peut même plus sortir !" s'exclama sa plus jeune sœur.
"Plus le jour, en tout cas." précisa Carol.
"Si Rick dit qu'on ne fuit pas, on ne fuit pas." Glenn se fit plus ferme.
Laure se massait les tempes, encore indécise sur la question. Mais après cette attaque, elle penchait de plus en plus sur l'abandon des lieux. Ils ne faisaient clairement pas le poids et ils trouveraient forcément une autre structure qui deviendrait leur maison. Ils avaient commencé à s'installer et à prendre leurs marques ici, mais ils pourraient recommencer autre part. Kayla était également partagée.
Le Gouverneur n'avait pas insisté après cet assaut, ils avaient voulu leur faire peur, leur donner un avant-goût. Ce serait pire la prochaine fois, sans aucun doute. Et même avec le retour de Daryl (avec Merle qui était malgré tout, un renfort non négligeable), ils restaient largement inférieurs en nombre. Et ils venaient de perdre encore quelqu'un...
Kayla n'avait pas non plus beaucoup interagi avec Axel, mais il s'était révélé comme une personne fiable, malgré son passé de détenu. Il n'avait pas mérité cela, pas plus qu'Oscar.
Néanmoins, la jeune femme ignorait si fuir serait réellement la meilleure solution. Il leur avait fallu des mois entiers pour trouver un endroit aussi sûr et aussi grand que la prison. Et ils avaient maintenant un bébé et un unijambiste avec eux...
"Mais ça serait le plus raisonnable." dit finalement Laure, les yeux se tournant vers les autres. "Je suis comme vous, cet endroit me plait, mais soit on part en vie, soit on reste pour crever la gueule ouverte."
"C'est chez nous, ici. On va pas se laisser intimider par ce type !" s'emporta légèrement Glenn.
"C'est mieux que de mourir !" protesta Laure. "Et on pourra trouver un autre chez-nous."
"Ouais. Après dix mois d' errance. Encore." Il fit volte face, contrarié. Laure soupira.
"Elle a raison." Merle cala son bras dans les barreaux de la porte le séparant du groupe. Il était plus prudent de le laisser dans le hall pour le moment. Ils l'avaient autorisé à entrer pour le bien de Daryl et pour son aide, mais le groupe restait méfiant. "Votre copine a du bon sens. Vaut mieux se barrer que de vivre comme des rats !"
Laure le fusilla du regard. "Toi, ta gueule."
Merle leva les yeux au ciel, et Rick le dévisagea.
"T'as une meilleure idée ?"
"On aurait dû se tirer hier soir pour continuer le combat. Mais on a loupé le créneau. Il doit avoir des éclaireurs partout, maintenant."
"On n'a pas peur de ce connard." répliqua son frère.
Holly ne pouvait pas en dire autant. Ses mains continuaient de trembler en repensant à l'altercation précédente. Elle se sentait incapable de tuer qui que ce soit mais, eux, n'hésiteraient pas une seule seconde pour l'éliminer. Jamais, dans sa vie, elle ne s'était sentie aussi vulnérable. Laure remarqua son tremblement et lui serra la main en signe de réconfort.
"Vous devriez." répondit Merle. "Le coup du camion à travers la clôture ? C'est lui qui sonne à la porte. On peut se planquer derrière des murs épais, mais il a plus d'armes et de bras. S'il réussit à prendre position autour d'ici, il pourrait nous faire crever de faim un par un, s'il le voulait."
"Si on le mettait ailleurs ?" proposa Maggie en tripotant nerveusement l'ourlet de son haut.
"Non. Il marque un point." fit remarquer Daryl.
Et Laure l'admit mentalement aussi, mais elle se sentait capable de vomir si elle le disait à voix haute.
Maggie cria rageusement contre le plus âgé des Dixon. "C'est de ta faute, tout ça !"
"Qu'est ce que ça change ?" demanda Beth.
"Elle a raison. S'il peut nous apporter son aide, autant en profiter." admit Holly, les dents serrées.
"On fait quoi maintenant ?" continua l'adolescente.
"J'avais dit qu'il fallait partir. Et Axel est mort. On peut pas rester planté ici !" s'exclama Hershel, cherchant le regard de Rick. Mais Rick l'évita soigneusement.
Il s'approcha de la grille menant au hall, sûrement pour fuir de nouveau. Holly ne fût pas aussi rapide que Hershel pour réagir. Le vieil homme se redressa à l'aide de ses béquilles.
"Reviens ici !" cria-t-il avec autorité. Rick s'immobilisa, et Hershel le rejoignit en claudiquant. "Tu perds la tête, Rick. On le voit tous. On comprend pourquoi, mais ce n'est pas le moment. Tu as dit un jour qu'on n'était pas en démocratie. Il va falloir assumer." Rick se retourna vers lui. "Je t'ai confié la vie de ma famille. Alors, remets-toi les idées en place et fais quelque chose."
Rick cligna les yeux plusieurs fois avant de poursuivre son chemin.
"Je vais vérifier qu'il ne reste plus personne dehors."
*****
Laure s'approcha de sa machette, déposée contre le mur après avoir désarmé Merle. Un rictus s'éleva en la prenant en main, heureuse de la retrouver. Sa poigne était instable à cause de ses deux doigts manquants et elle la passa dans son autre main. Elle ajusta sa position pour un peu plus de confort mais ça restait...gênant. La frustration remplaça vite sa satisfaction.
"Désolé, j'ai pas gardé tes doigts par contre." ricana Merle en l'observant depuis la porte.
Laure ne riposta pas avec une réplique cinglante comme elle le ferait d'habitude. Quand elle se tourna vers lui, la bouche prête à tirer une balle perdue, ses yeux clignèrent. Et elle se revit une seconde dans la pièce mal éclairée, les doigts à vif et pissant le sang. Elle cligna des yeux, un peu troublée, puis se contenta de le fusiller du regard avant de partir.
Elle ne supportait soudainement plus la présence de Merle, et sa vue la dégoûtait. Elle embrassa Holly sur la joue.
"Je vais aiguiser la lame et la nettoyer."
Elle lui sourit et hocha la tête. Laure se cacha dans la réserve d'armes, nettoyant et aiguisant sa machette en essayant d'imaginer comment elle pourrait s'entraîner avec sa main faible. Mais elle ne pouvait s'empêcher de repenser à cette image très précise dans sa mémoire : ses doigts séparés de leur base, baignés dans une mare de sang sur la table.
Elle laissa échapper un souffle inégal, sentant un poids lui peser sur la poitrine. Elle se sentait tellement vulnérable avec ses doigts dans cet état. Et elle n'aimait pas ça. Pas du tout. Elle n'aimait pas être vulnérable. Elle n'aimait pas être dérangée par la présence de Merle. Elle n'aimait pas ne pas pouvoir supporter son regard ou ses commentaires débiles. Elle aurait voulu frapper dans un bon punching-ball pendant des heures, mais elle n'avait que le béton en face d'elle.
Emportée par son énervement, elle lança la bouteille de vinaigre blanc contre le mur d'en face.
"Fait chier..." murmura-t-elle en sentant son coeur se calmer petit à petit.
"Vous allez toujours bien ?" demanda la voix d'Hershel, apparaissant dans le cadre de la porte.
Laure récupéra la bouteille. "Je vais bien. C'est juste Merle qui m'énerve. Mais il énerve beaucoup de monde."" Elle se remit à frotter sur la lame.
Hershel soupira. "Ou c'est parce que Merle vous a atteint d'une manière que vous détestez."
"Il ne m'atteint pas." riposta fermement Laure, ne cachant pas sa colère. "C'est juste un connard parmi d'autres connards. Je le tolère juste parce que c'est le frère de Daryl."
Et voilà autre chose qui l'énervait ! Elle ne comprenait pas pourquoi Daryl s'attachait autant à Merle. Il persistait à le garder en vie, à rester avec lui. Certes, il était revenu vers eux. Mais avec Merle. Laure se mordit la langue pour ne pas crier de frustration.
"Pourquoi vous obstinez-vous à prétendre que vous pouvez tout gérer ? Sans que personne ne vous aide ?" demanda-t-il calmement, s'avançant dans la pièce.
Laure frotta particulièrement fort sur une tâche de rouille. "Parce que...Parce que c'est tout ce que j'ai toujours fait. Et j'y arrivais très bien jusqu'ici, alors je ne vois pas pourquoi ça changerait."
"Ce n'est pas la réponse à ma question."
Les épaules de la grande femme s'affaissèrent. "Parce que y' a pire ? Si je peux me gérer seule alors on peut se concentrer sur quelqu'un d'autre, sur quelque chose d'autre." Elle secoua la tête, les sourcils froncés. "Vous m'embrouillez l'esprit avec vos questions débiles."
Il ricana et s'assit en face d'elle. "Ce fameux "Y a pire"... Ce sont vos parents qui vous ont élevé comme ça ?"
Laure se tendit. "Non. C'est juste arrivé."
"Je pense surtout que vous n'aimez pas qu'on voit autre chose de vous que de la colère."
Laure se tût et leva la tête vers lui. Il continua.
"La colère, que vous montrez tout le temps, c'est pour donner l'impression que vous êtes dangereuse. Qu'il ne faut pas vous chercher. Votre petite carapace."
"J'aime pas comment vous me parlez." grogna-t-elle, donnant d'autant plus raison au vieil homme.
Il en sourit. "Vous pensez que les autres émotions sont des faiblesses ?"
Elle esquissa un rictus amusé. "Si c'était le cas, je ne serais pas avec Holly. Ce ne sont pas des faiblesses et on ne peut pas toujours se contrôler. Nous sommes humains, c'est ce qui nous rend humains. Ce serait inquiétant si ce n'était pas le cas..."
"Alors pourquoi les cacher derrière votre colère et quelques répliques cinglantes ?"
Laure cligna des yeux. Hershel essayait de la coincer pour la pousser à parler de ce qui s'était passé avec Merle.
"Qu'est ce que ça peut vous faire ? Qu'est ce que vous ferez de ma réponse de toute manière ?" Elle posa son regard sur sa lame, son reflet lui faisant face.
"Pour vous aider."
"Je n'ai pas besoin d'aide. Les autres ont besoin d'aide. Glenn a besoin d'aide. Maggie a besoin d'aide. Carl a besoin d'aide. Rick a besoin d'aide. Pas moi. Vous devriez aller voir Rick, vous assurer qu'il va bien et-"
"Je m'assure aussi que vous alliez bien. Je ne veux pas vous voir vous écrouler parce que vous avez accumulé tellement d'émotions refoulées que c'est devenu trop lourd à porter."
"Holly m'aide."
Elle ne mentait pas. Avant Holly, elle était bien pire. Agressive avec n'importe qui et pour n'importe quoi, et elle avait bien failli finir en prison pour mineurs.
"Et si un jour elle disparaît ?"
Laure serra la mâchoire. Elle se releva et rangea le nécessaire de nettoyage.
On peut jamais être tranquille...
"Ça n'arrivera pas. Je la protègerai."
"Et vous ? Qui vous protège ?"
"Moi. Et j'ai pas besoin de la protection des autres."
Elle sentait sa colère monter tant Hershel savait où creuser, et lisait en elle comme dans un livre ouvert. Elle pourrait lui crier dessus et l'insulter, mais ça lui donnerait raison. Laure soupira,et se retourna vers Hershel, les mains dans ses poches.
"Écoutez... Je comprends ce que vous essayez de faire. De me cerner pour pouvoir m'aider à m'ouvrir, à ne plus vivre avec ma "carapace" comme vous dites. Mais je suis bien comme je suis. Je vous assure. J'aime vivre comme ça, ça m'aide. Et si vraiment je me sens...noyée...j'en parle à Holly. C'est ma bouée de sauvetage. Et je n'en ai pas besoin d'autre."
"Mais n'est-il pas mieux de se reposer sur un bateau plutôt que de nager constamment ?" Il lui sourit.
"Vous oubliez que j'aime le sport. Et j'aime nager jusqu'à en crever s'il le faut."
Elle attrapa sa machette et repartit dans le couloir. Rick revint quelques minutes plus tard, passant son fusil à Maggie.
"Prends la garde. Ouvre les yeux et baisse la tête." Il s'approcha du reste du groupe pour leur faire son rapport. "Le terrain grouille de rôdeurs. Je n'ai vu aucun sniper, mais Maggie va monter la garde."
Kayla acquiesça en signe de compréhension, contente de voir leur leader reprendre les rênes. Elle doutait qu'il soit déjà débarrassé des fantômes qui le hantaient, mais au moins, il avait suffisamment repris ses esprits pour donner la priorité à son groupe.
Holly dessina un petit sourire en constatant que Rick n'était pas resté indifférent à la situation. Il ne s'était pas complètement perdu cette fois-ci. Mais la blonde eut un pincement au cœur en pensant au groupe de Tyreese, chassés parce que Rick n'était pas lucide. Elle espérait de tout coeur qu'ils allaient bien, et ne mourraient pas par leur faute.
"Depuis le mirador, j'en descendrais la moitié et on pourrait réparer la clôture." proposa Daryl.
"Ou pousser le bus devant avec les voitures." enchaîna Michonne.
"On ne peut pas reprendre le champ sans épuiser nos balles." constata soucieusement Hershel.
"On peut pas les gaspiller pour ça, on en aura trop besoin quand le Gouverneur reviendra." Laure croisa les bras.
"Ils n'ont pas tort." admit à contrecoeur Kayla.
"Alors on est piégés !" Glenn s'exclama. "Sans nourritures ni munitions."
"C'est pas la première fois." lui fit remarquer le chasseur. "On s'en est sorti."
"Mais il n'y avait que nous ! Maintenant, on a un serpent dans le nid." Il regarda discrètement Merle, au bout du couloir.
"Tu veux recommencer ? Merle reste ! Il est avec nous. Mets-toi ça dans le crâne. Vous tous !"
Il monta les escaliers de l'étage du dessus d'un pas ferme. La bouche de Kayla se tordit en une légère grimace. Même si Daryl était revenu, le problème Merle n'était pas résolu. A vrai dire, même si elle comprenait tout à fait les raisons de Glenn de ne pas l'accepter ici, ce n'était pas le moment pour débattre de ça. Et il représentait toujours des bras supplémentaires pour se défendre. Le Gouverneur ne voulait clairement plus de lui et, bien qu'elle ne lui fasse pas confiance, elle se fiait à son affection demeurant pour Daryl.
"Sérieusement." Glenn reprit d'une voix plus basse. "Merle ici, ça ne peut pas marcher."
"Je ne peux pas le virer." fit Rick en secoua la tête.
"Tu aurais vécu avec Shane après qu'il ait essayé de te tuer ? Laure, aide-moi !"
Laure regarda tour à tour Rick et Glenn qui la regardaient, attendant une réponse. La grande femme se frotta les paupières avant de parler.
"S'il peut nous être utile contre le Gouverneur, je suis pas contre. J'espère juste qu'il crèvera dans la bataille."
Les épaules de Glenn s'affaissèrent.
"Merle a de l'expérience dans l'armée." Hershel continua dans le raisonnement, énonçant involontairement les pensées de Kayla. "Il est indocile, mais ne sous-estimez pas sa loyauté envers son frère."
Laure leva les yeux au ciel. La famille ne voulait rien dire, ils étaient tout aussi capable de vous planter un couteau dans le dos au moment opportun.
"Ou alors, on fait d'une pierre deux coups. On livre Merle au Gouverneur pour négocier. On lui envoie son traître et on déclare une trêve."
Laure pointa le jeune homme. "J'aime bien ton idée."
"Je ne suis pas si sûre que ça fonctionnerait." déclara Kayla. "Le Gouverneur a forcé Daryl et lui à se battre à mort, à croire qu'il voulait se débarrasser de lui. Je pense qu'il ne se soucie pas du sort de Merle."
Hershel se releva avec ses béquilles. "Ne nous précipitons pas, de toutes façons. Je vais d'abord lui parler."
Holly regarda Michonne, silencieuse et cachée dans un coin contre le mur. "Qu'en penses-tu, Michonne ?"
Elle se tourna vers elle. "Je ne fais pas partie de votre groupe."
La blonde haussa les épaules. "Je ne sais pas... Un peu quand même, non ?"
"Rick ne semble pas prêt à m'intégrer de toute manière."
Elle détourna son regard. Mais, intérieurement, la femme au sabre était plus touchée qu'elle ne l'admettrait.
Holly leva les yeux au ciel. "Oui eh bien, Rick n'est pas très lucide depuis un moment donc ne prends pas toutes ses paroles au pied de la lettre."
"Heureusement qu'il t'a alors. Je vous ai vus ce matin. Tu sais y faire."
Holly laissa ses yeux s'attarder sur Laure un instant. Elle sentait qu'elle faisait des progrès avec Rick, mais Laure demeurait réticente à parler trop profondément de ses tourments. Même elle, avait parfois du mal à arracher quelques mots à Laure.
"J'aimerais pouvoir faire plus, parfois.' lui confia Holly.
"Moi aussi." Leurs yeux se croisèrent. "J'aurais voulu pouvoir faire plus."
Holly n'avait aucune idée de ce dont elle parlait. Sûrement de sa vie passée ou de ce qu'elle avait vécu pendant la chute du monde. Mais les mots pesaient tellement lourds que la blonde était persuadée que Michonne avait eu besoin de les dire. Holly observa le sabre rangé dans son étui, au dos de Michonne. Elle enviait tant sa force et son stoïcisme, semblables à Laure. Mais tout ce qu'Holly avait pu faire pour son groupe était d'avoir les mains tremblantes, incapable de tirer sur un ennemi.
"Au moins, tu fais assez pour être utile."
Michonne fronça les sourcils, confuse. "C'est-à-dire ?"
"C'est-à-dire que tu n'hésites pas à tuer s'il le faut. Pour te protéger ou protéger d'autres."
Michonne ne sut quoi répondre pendant un moment. Elle avait tellement tué qu'elle se sentait d'avantage comme une forme de monstre recouvert de sang de ses victimes. Rôdeurs ou pas. Elle fût troublée un instant par l'aveu de Holly, qui enviait sa capacité à tuer.
"Ce n'est pas toujours une bonne chose." répondit Michonne.
Holly n'avait pas encore de sang sur les mains. Elle ne savait pas ce que c'était de tuer un être humain, de lui ôter la vie, étant juge et bourreau. Elle n'était pas prête à le faire. Michonne ne voyait pas en quoi c'était une mauvaise chose. C'était même la meilleure chose qui ressortait de ce monde. Cela prouvait que la perversité et l'horreur ne l'avait pas atteinte. De son point de vue, Holly ne devait surtout pas regretter quelque chose de si pur.
"Tu penses ? J'ai l'impression de ne pas servir à grand-chose...Tout le monde a quelque chose à apporter. Rick est un bon leader. Laure, Daryl et Merle sont d'excellents combattants, Glenn est malin, Maggie est téméraire, Beth s'occupe parfaitement du bébé, Carol n'hésite pas à prendre des risques, Kayla et Hershel sont des médecins... Je ne vois pas où est ma place dans tout ça."
"Je pense..." Michonne réfléchit à ses mots. "Je pense que ta réticence à tuer est au contraire, ce qui fait de toi la plus humaine du groupe. Et c'est pour ça qu'ils se tournent vers toi quand ils sont au fond du trou."
Holly leva la tête vers elle, les yeux pleins d'espoir. Ce regard extérieur au groupe sonnait d'autant plus authentique. Cela n'était pas juste un moyen de la rassurer.
"J'espère que Rick vous laissera rester."
Michonne ne répondit rien en retour, indécise. Elle ne savait pas si elle le voulait. Mais la bienveillance et la solidarité des membres de ce groupe entre eux, leur détermination à garder la tête à la surface de l'eau et ensemble.... Elle ne pouvait s'empêcher de trouver l'idée tentante, malgré les voix réticentes dans sa tête.
"PAPA !" cria Carl, faisant sursauter tout le monde.
En un clin d'œil, les membres du groupe étaient tous dans le couloir, fixant un Carl haletant qui avait visiblement couru.
"Carl ?!" s'exclama Rick, inquiet.
"C'est Andrea ! Elle est revenue ! Elle arrive vers la prison avec un rôdeur !"
Bien sûr, en rentrant de Woodbury, tout le monde avait été mis au courant de la situation d'Andrea dans la communauté. Mais cela semblait si irréel et lointain que ça n'avait pas réellement percuté dans l'esprit de plusieurs d'entre eux. Une sidération s'installa dans l'esprit de Holly. C'est seulement quand le groupe s'agita pour attraper des armes et se précipiter vers la sortie, qu'elle reprit ses esprits.
Laure attrapa un fusil. Elle ne pourrait pas l'utiliser correctement, mais mieux valait partir en éclaireur avec une arme qu'y aller à poil. Rick, Maggie, Michonne, Laure, Daryl et Merle avancèrent petit à petit dans la cour en s'assurant qu'aucun sniper ne les attendait. Carol, Kayla, Glenn et Holly accoururent dans la passerelle pour y avoir une vue plus dégagée, mais c'était tout aussi calme et vide.
Enfin, ils arrivèrent devant le portail. Andrea atteignit également celui-ci, ayant réussi à traverser la cour envahie par les rôdeurs. Le mort sans bras ni dents qu'elle tenait avec une perche devant elle devait y être pour quelque chose.
"Tu es seule ?" demanda Rick alors qu'Andrea approchait petit à petit avec son rôdeur, qui semblait la camoufler parmi les autres morts.
"Ouvre le portail !"
"Tu es seule ?" insista Rick plus fermement.
"Rick !"
Holly accrocha nerveusement sa main au grillage, apeurée que Rick ne lui accorde pas l'asile. Elle peinait à croire que cette blonde encore trop éloignée pour lui attribuer un visage était bel et bien Andrea... Kayla était également un peu tendue, se demandant ce que ferait Rick. Malgré tout, elle espérait qu'il la laisserait entrer. Malgré sa nouvelle allégeance au Gouverneur, Andrea avait été tout de même une des leurs. Elle avait du mal à imaginer qu'elle puisse accepter la torture de Glenn, Laure et Maggie. Peut-être qu'elle ignorait ce que faisait réellement le Gouverneur.
Enfin, Rick craqua et lança le trousseau de clés à Daryl, qui ouvrit le portail et le referma juste derrière elle, laissant son rôdeur à l'extérieur. Kayla laissa échapper un léger soupir de soulagement.
"Mains en l'air, et tourne toi !" lui ordonna Rick.
Andrea se figea sous la surprise. "Quoi ?!"
Laure continua de viser Andrea avec son arme. Elle croisa un instant le regard confus de cette dernière, mais elle ne céda pas. Elle revenait du camp adverse, et ils ne connaissaient pas ses intentions. Elle pouvait être devenue une ennemie.
"Tourne toi tout de suite !" lui cria de nouveau Rick.
Il la plaqua contre la clôture, la fouillant puis la tira pour la mettre à genoux sur le sol. Alors qu'il lui fouillait les poches de pantalon, les autres balayaient chaque centimètre de paysage du regard, à l'affût de n'importe quelle présence ennemie.
"Je t'ai demandé si tu étais seule !"
"Oui, je le suis !" s'exclama-t-elle comme si c'était une évidence. Cependant s'en était loin d'en être une pour eux.
Rick lui arracha son sac et le lança à Maggie, loin d'elle. Comme si elle était une étrangère. Comme s'ils ne connaissaient rien d'elle. Enfin, elle fit face à Michonne. Leurs regards échangés exprimaient une forme d'ironie. Michonne était plus à l'aise, et acceptée par un groupe qu'elle avait rencontré il y a quelques jours, qu'Andrea qui avait passé des mois avec eux. Et même Michonne avait cette étincelle de méfiance envers elle. Andrea ne s'était jamais sentie aussi exclue.
Rick lui attrapa le bras pour la redresser sur ses pieds. "Bienvenue."
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