* Chapitre 1: Survivre. *
Deux semaines, trois jours, cinq heures et trente-cinq minutes.
Voilà à quoi je pense dans mon lit, les yeux tournés vers mon vieux réveil, rare objet électronique qui fonctionne encore grâce à deux minables piles AA. Je regarde les minutes s'égrainer inexorablement alors que je n'arrive pas à trouver le sommeil.
Ma petite soeur blottie dans mes bras, a fini par s'endormir. Elle parait si paisible avec son pouce dans la bouche et sa vieille peluche toute rapiécée serrée contre elle. À une époque, il représentait un petit chien qu'elle avait surnommé Boubou, allez savoir pourquoi.
Moi je n'arrive pas à dormir... Sûrement à cause de toutes ces pensées qui tourbillonnent dans mon esprit. Toutes ces questions sans réponse. Elles se bousculent dans ma tête sans que je n'arrive à les coordonner tellement elles sont nombreuses : Pourquoi mes parents, nos parents, sont morts et nous sommes en vie ? Pourquoi après ces deux semaines, trois jours, cinq heures et trente-six minutes maintenant, aucun agent WorldCenter n'est venu nous chercher ? Comment allons-nous survivre alors que nos réserves s'épuisent ?
Je suis trop perdue pour dormir et trop tourmentée pour réfléchir de façon logique. À vrai dire je n'ai pas beaucoup dormi depuis Le Jour. Je l'appelle comme ça, faute de mots et peut être par peur de savoir ce qu'il s'est vraiment passé. Mettre des mots sur l'inconnu, c'est la seule chose que j'ai trouvé pour me rassurer...
Leanne remue dans mes bras et me sort de mes pensées. Je caresse ses cheveux bruns roux tendrement en me demandant ce que je vais bien pouvoir faire d'elle. Mes doigts s'entortillent avec douceur dans sa tignasse frisée...
Elle est si jeune, si innocente...
C'est finalement sur cette pensée que le sommeil a raison de moi et m'enferme dans une douce et réconfortante inconscience, m'isolant du monde extérieur, pour seulement quelques heures.
***
Je suis réveillée par le soleil qui filtre à travers les volets de ma fenêtre, Leanne a quitté mes bras. Comme à son habitude depuis que tout a basculé, elle s'est rendue dans la chambre de mes parents pour voir s'ils sont rentrés. J'ai le coeur serré à l'idée qu'une si petite chose ne revoie plus jamais les personnes avec qui elle a le plus vécu. Celles qui lui ont donné la vie. À cinq ans on est encore materné et on ne devrait pas être obligé d'apprendre à survivre.
Je regarde mon réveil : deux semaines, trois jours, huit heures et seize minutes. Un soupir traverse mes lèvres.
Tu es trop jeune pour ça, murmure une faible voix dans ma tête.
Ma soeur revient après quelques minutes dans la chambre. Elle grimpe sur le lit et se glisse dans mes bras. Ses grands yeux bleus innocents, me dévisagent accompagnés d'un petit sourire angélique.
Mes larmes menacent de couler à la vue de cette petite frimousse.
Mais une chose que Le Jour m'a appris c'est que les émotions et les sentiments n'ont pas le droit de nous faire basculer. Je suis livrée à moi-même dans ce monde détruit, mais je suis encore en vie, alors je n'ai pas le droit de pleurer.
Un frisson me parcourt et je sens encore cette chose m'envahir, cette sensation que je commence malgré moi à connaître. Je ferme les yeux en la sentant parcourir les quelques centimètres séparant mon esprit de celui de ma soeur.
Ses pensées sont totalement désordonnées, elle ne comprend pas, tout comme moi, ce qu'il se passe. Des images de papa et maman apparaissent dans sa tête alors que je me retire de celle-ci avec un tremblement.
Je déteste ne pas pouvoir contrôler ce phénomène qui m'atteint. Et je refuse de l'utiliser. Ça me fait peur.
- Ils ne sont pas rentrés Cassie. Papa et maman. Boubou il est tout triste, me dit ma petite soeur de sa voix d'enfant.
- Je sais Leanne. Viens, on va te faire ton petit déjeuner, avec boubou évidemment.
Je me lève et la prends dans mes bras. Je me dirige vers la cuisine toute simple de notre habitation familiale sans oser lui dire qu'ils ne reviendront jamais.
Je pose ma petite soeur sur une chaise et commence à faire un petit déjeuner avec les maigres provisions qu'il nous reste. Je l'entends parler avec sa peluche et souris. Encore un peu d'innocence dans ce monde ne fait pas de mal.
Je lui sers son bol de lait chocolaté et une petite tartine de confiture de fraise. Elle fait la grimace à la vue de celle-ci. Prévisible.
- Beurk ! Sisi moi z'aime pas la contiture rose !, me lance-t-elle avec un regard de dégoût.
Elle préfère la pâte à tartiner au chocolat mais on l'a terminé hier.
- Leanne on n'a plus de confiture marron..., lui répondis-je d'un ton doux.
Elle boude mais finit par tout manger. On ne peut plus se permettre de faire des manières sur la nourriture.
Je commence déjà à réfléchir à comment me procurer des vivres. Toutes les options me tournent vers la même idée : me rendre au point de ravitaillement le plus proche. Je soupire tout en buvant mon café d'un air distrait.
Pendant que ma soeur sort de table et que je débarrasse, je repense à notre ancienne vie. Celle paisible où je me rendais au lycée chaque matin. Celle où j'avais encore des amis. Celle où on se rejoignait au parc avec Lize et où je ne devais pas m'occuper de ma petite soeur. Mais cette vie n'existe plus.
Lize est-elle morte elle aussi ? Mon coeur se sert à cette pensée mais je me ressaisis. Je ne dois plus ressasser le passé. Ne plus penser à mes parents, à ma meilleure amie, au lycée, à nos balades, aux rires et aux disputes. Non. Ne plus y penser.
Demain j'irai chercher de quoi manger. Car j'ai pris ma décision. Je ne compte pas m'abattre sur mon sort. Je pense à ma soeur qui a besoin de moi. Pour elle.
L'ancienne Cassie n'existe plus.
La nouvelle Cassie est là.
Et elle ne pense qu'à une chose.
Survivre.
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