Chapitre 1

Un étrange frisson me traverse, je ne saurais exactement comment décrire ce qui se passe. J'ai l'impression de retrouver mon corps, de retrouver des sensations, de me retrouver !

Je me sens faible, je suis fatigué, pourtant j'ai l'impression d'avoir dormis durant une éternité. Je reçois des informations contradictoires. J'essaie de bouger mais je n'y arrive pas.

J'ai mal partout, mais je suis dans un état second, comme si je somnolais. Le moindre mouvement m'est impossible.

Mes sens reviennent peu à peu. Les bruits autour de moi sont sourds. Tout paraît si silencieux, mais en même temps, tout paraît si bruyant. Une odeur de fumée et de poussière de plâtre me pique le nez, mais je ne peux m'empêcher de respirer. J'ai l'impression d'être allongé, mon flanc droit est comprimé. J'ai des fourmillements un peu partout et mes muscles sont endoloris.

Derrière mes paupières, j'ai l'impression d'apercevoir des lumières qui clignotent. Des ombres et des taches dansent devant mes yeux.

Je deviens de plus en plus conscient. En dépit de mon incapacité physique, je décide de réfléchir.

Mon esprit est vide, pourtant lucide. Je suis confus, je ne sais pas trop à quoi penser, à vrai dire, je ne sais pas grand-chose tout court. Ça m'effraie : je n'ai aucune idée d'où je me trouve, de ce qui m'arrive, et plus important encore, j'ai oublié qui je suis...

Je ne connais même pas mon prénom, ni mon âge d'ailleurs. Pourquoi ne puis-je donc pas bouger ? Pourquoi je ne me souviens de rien ?

Plus j'émerge de mon inconscience, plus je regrette. La réalité me fait peur. Ce n'est pas tant mon incapacité physique qui me perturbe, mais c'est mon ignorance qui me terrifie.

J'essaie tant bien que mal de bouger, mais mes muscles ne répondent pas. Je me concentre et réunis toutes mes forces. Je dois au moins ouvrir les yeux.

Mes paupières tremblent, puis s'entre-ouvrent légèrement.

La lumière environnante m'aveugle immédiatement, je referme précipitamment les yeux. Après plusieurs clignements, je commence gentiment à m'habituer à la luminosité.

Ma vision est floue, je distingue tout de même le ciel clair. Je suis donc à l'extérieur. Je regarde partout et essai de décrypter les informations. Des ombres bougent face à moi, le sol paraît grisâtre, mais j'aperçois çà et là des tâches rougeoyantes.

Ma vue s'améliore et devient net. Je pense être allongé sur du béton, des blocs de béton plus précisément, avec des parpaings et des morceaux de ferraille. Cependant, je ne vois pas à plus de vingt mètres car une épaisse fumée blanche m'entoure. Ce n'est donc pas le ciel que j'avais cru voir quelques secondes plus tôt. Un feu se consume à une dizaine de pas de moi.

Tout ça m'inquiète de plus en plus.

Un léger coup de vent me fait frissonner. Le fait d'y penser me donne l'impression d'avoir plus froid encore. Je sens mes poils se hérisser. Mon cœur s'accélère, ainsi que ma respiration.

Au loin j'ai l'impression d'entendre des voix, mais je n'arrive pas à me concentrer et me focaliser dessus. Il y a des personnes !

Je ne suis donc pas seul. Peut-être vais-je recevoir de l'aide. Peut-être qu'on pourra me donner des réponses, m'apporter un soutien. Il faut que je montre ma présence, que je tente quelque chose :

- Je suis là ! fais-je d'une voix faiblarde et endormis.

Je suis désespéré. Je ne sais pas ce qui se passe, je me pose un tas de questions, je suis perdu. Des personnes sont là, pas loin de moi et je ne peux même pas les interpeler. A ce moment précis, j'éprouve de la haine envers moi-même, si bien que mes poings se serrent.

Ai-je donc retrouvé ma motricité ?

Je tente de me relever à l'aide de mes bras, mais je m'écroule. Je n'ai pas de forces. Je me cogne le visage contre le sol et expire fortement. Un nuage de poussière se soulève et j'en reçois plein les yeux.

Des larmes roulent le long de mes joues, je ne sais pas quoi faire. Le simple fait d'ouvrir les paupières est un effort.

Je rassemble toute l'énergie qu'il me reste pour hurler :

- Aidez-moi !

Puis je me retourne sur le dos et ferme les yeux, haletant. J'espère de tout mon être qu'on m'a entendu, car je n'aurais pas la force de recommencer une seconde fois.

Contre mes espérances, rien ne se passe.

Je me mets à pleurer, Qu'est-ce qu'il va m'arriver ? Suis-je condamné à rester là et à mourir à petit feu ?

Ce sentiment de solitude est horrible, je ne veux pas rester seul, je suis déjà assez terrifié.

Je suis à bout, ça fait à peine dix minutes que je suis conscient et je n'en peux plus déjà. Je ne me rappelle de rien, j'ai froid, j'ai mal partout, j'ai faim, j'ai soif !

Je n'ai même plus une goutte de salive dans la bouche, je n'ai à la place que de la poussière de béton et un gout âpre sur la langue.

J'entends, pas très loin de là, des pierres rouler, j'entends le bruit des chaussures sur les gravats, et je m'autorise enfin à avoir une lueur d'espoir.

- Ça venait de par-là ! Cria une voix d'homme.

Je les entends, il y a plusieurs bruits de pas, ils doivent être au moins cinq à mon avis. Il faut que je fasse un dernier effort, je ne peux pas les laisser s'en aller. Ils paraissent si près, mais la poussière en suspension dans l'air ne joue pas en ma faveur.

- Ici, je dis dans un souffle, je suis là !

Puis c'est le silence complet, j'essaie d'écouter, je me concentre à mon maximum, mais rien. Plus un bruit, comme s'ils avaient disparu d'un coup.

Mon cœur bat de plus en plus vite, ils ne peuvent pas me laisser, mais où sont-ils passé ?

- Vous avez entendu ?

J'entends le bruit des semelles contre les gravats, ils sont proche. J'entends un caillou rouler non loin de moi.

- Là-bas ! Il y a quelqu'un !

Les pas se précipitent et j'ouvre les yeux. Bientôt, au-dessus de moi, j'aperçois des ombres. Quatre personnes se penchent vers moi. Elles sont toutes vêtue de noir et de jaune, avec un casque et des gants.

- Jeune homme, vous m'entendez ? Nous sommes pompiers !

J'acquiesce lentement, c'est déjà un effort important. Enfin ils sont là, je suis soulagé.

Un des quatre hommes fait le tour de moi puis vient s'accroupir près de ma tête. Il sort un genre de tube de sa poche et enlève ses gants.

Il m'ouvre grand l'œil gauche avec ses doigts et allume une petite lampe torche juste devant. Il répète la même chose de l'autre côté, puis regarde ses équipiers.

- Il n'a aucune blessure apparente et ses yeux réagissent correctement à la lumière !

Un autre homme se retourne et se mets deux ou trois mètres plus loin. J'entends un léger grésillement puis le pompier se met à parler.

- Nous avons besoin d'un brancard de toute urgence, nous avons trouvé un survivant !

De quoi ? Un survivant il a dit ? Que s'est-il passé ici ?

Je suis perdu, je n'ai pas la force de demander des informations et en plus j'ai la bouche complétement asséché.

- Soif ! Je réussis à formuler à l'adresse de l'homme accroupis près de moi.

Le pompier secoue la tête.

- Désolé, je ne peux pas te donner à boire tant que nous ne saurons pas exactement ce que tu as. Si jamais tu dois passer rapidement au bloc opératoire, je ne peux pas te donner d'eau. Tu n'as pas l'air d'être blessé, mais c'est une mesure de précaution.

Je soupire, j'ai tellement soif !

Au bout de quelques minutes, des pas rapides approchent, deux autres pompiers arrivent avec un brancard. Ils le pause à ma droite et sortent une couverture de survie dorée.

Un des deux nouveaux hommes me prend par les pieds et le second me porte en dessous des épaules, dans le dos. Ils me posent précautionneusement sur la civière.

On me borde ensuite de la couverture dorée. Elle n'est pas très confortable, mais elle me coupe du vent. Je sens vite la température monter et je n'ai bientôt plus froid.

La chaleur est réconfortante.

Je n'ai plus peur maintenant, je suis entre de bonnes mains et tout va rentrer dans l'ordre. Mais une chose me tracasse et une question repasse en boucle dans ma tête : Si je suis un survivant, qu'y a-t-il bien pu se produire ici ?

Deux pompiers soulèvent le brancard et m'emmènent avec eux.

Je regarde autour de moi, je ne vois que des blocs de béton, et çà et là des flammes, rien d'autre.

Pendant au moins cinq minutes les soldats du feu traversent les décombres, lentement, mais sûrement. Diverses fois ils ont trébuché et faillis tomber et à plusieurs reprises j'ai manqué de glisser de la civière.

Je commence à apercevoir au loin un camion rouge. Je suis bientôt arrivé.

Ironiquement, il y a vingt minutes que je suis sortis de mon inconscience et pourtant mes paupières deviennent lourdes. Je baille.

- Non, tu restes avec nous tant qu'on ne sait pas exactement ce que tu as ! S'exclame un des hommes en me tapotant la joue.

Mais je veux dormir, je suis exténué.

Le camion de pompier est stationné en bordure des décombres, en travers d'une route. Je vois derrière une ville vide et silencieuse, d'où s'élève des grattes ciels.

J'aperçois également un coucher de soleil au loin, derrière les bâtiments.

On me pose dans le camion de pompier, et on me soulève pour me mettre sur un autre brancard avec des roulettes.

Mais je suis fatigué, mes paupières sont de plus en plus lourdes. J'ai du mal à me concentrer.

- Tu as de la chance, me dit un pompier près de moi, tu es le seul survivant...

Ces mots me marquent, mais mes yeux se ferment gentiment, je ne veux plus lutter. L'homme me parle encore, mais je ne comprends pas, je m'en fiche.

Ma vision se floute, et je me sens tiré vers le fond, au plus profond de moi, je me sens bien.

J'oublie tout : ma faim, ma soif et la douleur.

Et malgré l'agitation du pompier et ses tentatives pour ne pas que je sombre, je ferme les yeux.

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