Chapitre 23

- Pouce ! je m'exclame, essoufflée, en le tendant en l'air après avoir été une nouvelle fois plaqué au tapis.

- Encore ? s'indigne Breeven tandis que je masse d'une main mon cou endoloris. Ça fait tout juste vingt minutes qu'on commence et c'est la cinquième pause que tu me demandes !

- Tu es...

Je me stoppe, sachant que j'allais faire une bêtise : lui dire qu'il est beaucoup trop fort pour moi. Il aurait pris la grosse tête et s'amuserait à me faire des prises de plus en plus compliquées.

Haletante, je n'ai pas envie de me lever pour ne pas que Breeven me fasse revivre un enfer. Mais celui-ci me tend sa main droite avec un sourire moqueur. Sur mes gardes, je fixe sa main dont sa paume est vers le haut, puis son visage. D'après l'air sérieux de ce dernier, j'en conclu qu'il attend patiemment que je réagisse. En soupirant, je place donc ma main sur la sienne après une brève hésitation. Il me soulève sur mes pieds avec une telle facilité que j'en boude.

- Tu as chaud ? me demande-t-il avec une pointe de malice dans sa voix.

Je fronce immédiatement les sourcils, une alerte rouge enclenchée dans mon cerveau. Qu'a-t-il comploté dans mon dos ?

Sur mes gardes, je me recule très légèrement jusqu'au bord des tapis bleu pour pouvoir m'enfuir si Breeven aurait bien une idée de gamin derrière la tête.

- Oui, je lui réponds un peu réticente. Comme toutes personnes humiliées après avoir été victime de persécution de la part de son binôme, un peu trop passionné par les prises de judo.

- Tu sais que tu peux enlever ton gilet si tu le souhaites, me propose-t-il sereinement en me lançant un de ses fameux sourires en coin, trop heureux de me mener la vie dure.

Me rappelant que je ne porte qu'une brassière de sport cachée sous mon gilet, je suis fermement déterminée à ne pas le montrer.

En croisant les bras au niveau de mon ventre, je lui rétorque vivement :

- Tout compte fait, j'ai froid.

Dans un rire franc, il se met à faire craquer les articulations de ses mains. Je grimace un peu en entendant le désagréable son.

- Bien, je pense qu'il est temps que je t'aide un peu, décrète-t-il sur le ton d'un professeur.

Il ne pouvait pas me les dire avant ?!

- C'est maintenant que tu veux me donner des conseils ? je m'exclame, ahuris.

En faisant mine de ne pas avoir écouté ma plainte, Breeven reprend :

- Tu dois absolument prendre de court ton adversaire pour lui créer un effet de surprise. Je doute que tu puisses faire autrement vu ton petit gabarit...

- Fais bien attention à ce que tu viens de dire, je le coupe en le menaçant après ça dernière remarque qui ne m'a pas plu.

- Oulala j'ai peur, me provoque-t-il avec une fausse grimace de victime apeurée.

Je ferme mes yeux et me concentre pour ne pas le gifler, puis les ouvre.

- Dis-moi comment je dois m'y prendre ? je lui demande pour revenir à la conversation initiale.

Mon ton était peut-être trop désespéré car un nouveau sourire en coin se dessine sur son visage.

Ce mec est sadique...

- Tu auras une idée, m'assure-t-il. Ce serait de la triche si je te la donne.

Je bougonne, peu heureuse de me battre une nouvelle fois comme un manche sans une petite aide bienveillante. L'idée d'arrêter cet entraînement pour aujourd'hui me vient en tête, mais je me ravise en voulant absolument arracher l'expression de fierté greffée à son visage.

- Tu es prête ? me demande mon binôme en passant sa langue sur sa lèvre supérieure tout en arborant un air de défi.

Ça ne devrait pas être très difficile de le castrer d'un simple geste...

Soudain, telle une révélation, l'idée me vient. Sa remarque perverse me revient en mémoire et j'en conclu qu'il fera la meilleure diversion qui, à coup sûr, sera efficace. Surtout si un garçon plein d'hormones me fait face.

Son petit sourire sûr de lui va bientôt s'effacer quand il verra ce que je m'apprête à faire.

D'un coup, je m'approche de lui tout en relevant mon gilet par le bas, en faisant mine de l'enlever comme un pull, jusque sous ma poitrine pour lui montrer que je ne porte pas de T-shirt et ainsi lui faire croire que je n'ai qu'un soutient gorge, sans m'arrêter.

Choqué par mon comportement et ce qu'il observe, Breeven ne réagit pas tout de suite et dans l'élan je me retourne légèrement et lui assène un coup de pied derrière ses genoux, tout ça en quelques généreuses secondes. Mon pseudo professeur de combat corps à corps tombe rapidement sur ces derniers juste après que je lui ai fait un croche pied. Sans lui laisser le temps de réfléchir, je lui donne un coup de genoux dans le ventre en me retenant de crier de douleur, puisque ses abdos sont durs comme du béton.

Totalement aux anges, je m'assois confortablement sur ma victime figée dans sa stupéfaction et sa douleur.

- Alors, tu sais ce qu'il te dit le petit gabarit ? je pouffe en me foutant royalement de sa poire.

Je rigole sans retenu lorsque je remarque que la bouche de Breeven forme un "O" parfait.

- Comment tu...

- C'est "l'effet de surprise" mon cher, je me moque, fière de moi en faisant les guillemets avec mes doigts.

En profitant de ma petite victoire, je lui fais un sourire narquois et "Monsieur" grogne en constatant que je lui répète ses paroles contre lui.

Son visage devient dur. Pauvre chou, je l'ai contrarié.

Mais en une fraction de seconde, je me sens partir sur le côté droit et me fais plaquer au tapis dans un bruit sec. Lorsque j'ouvre mes paupières pour comprendre ce qu'il vient de se passer, je remarque incrédule que Breeven est dans une position assez gênante. Il est comment dire... A quatre pattes sur moi ?

- Ne jamais crier victoire avant d'être sûr que l'adversaire est KO, fanfaronne-t-il en me montrant toutes ses dents blanches à la figure.

J'ai l'impression qu'il ne se rend pas compte du comment nous sommes installé sur les tapis...

- Ce n'est pas juste, je me plains. Je devais seulement te faire tomber au sol.

- Je t'ai dit qu'il fallait que tu prenne de cour ton adversaire, pas que tu t'en arrêtes à là, se justifie-t-il.

Me rappelant de la petite distance entre nos têtes, je pousse le haut de sa poitrine pour me dégager de son emprise. Breeven, qui se rend également compte de nos positions, se laisse faire et se lève également.

- On devrait faire ça plus souvent, m'informe-t'il, un petit sourire taquin aux lèvres.

Je lève les yeux au ciel en refaisant ma queue de cheval tandis que Breeven se retourne, puis se dirige dans l'autre pièce.

- Tu vas où ? je lui demande machinalement alors que nous sommes sensé se mettre au tir.

- Je vais nous chercher de quoi boire et manger, me dit-il de sa voix qui fait écho dans les vastes salles.

Je le soupçonne de fuir le moment où ce sera à lui de souffrir. C'est à lui de me montrer qu'il a une faiblesse, pour moi c'est déjà fait.

- Tu n'es pas en train de te sauver par hasard ?

- Non, pas du tout.

Je l'entends filer à travers les pièces en petites foulées, ses pieds claquant rudement sur le sol bétonneux.

Plusieurs minutes après, mon binôme ne revient toujours pas avec la collation qu'il avait prévu de nous amener. En allant dans la première pièce, je décide de laisser mes oreilles aux aguets au cas où.

Je me demande bien ce qu'il fabrique...

Pendant que Breeven fait je ne sais quoi, je ne sais où, je me mets à rechercher des petits pistolets qui nous serviront à l'entraînement de Monsieur le macho.

Étonnée que Breeven ait le courage de revenir après ce qu'il vient de me faire, ses pas s'approchent enfin de moi.

Sans attendre plus longtemps, je commence à lui expliquer, dans la salle de tir, comment bien se positionner avant de tirer tandis qu'il déverse sur une petite table les nombreux sachets de bonbons trouvés hier et quatre petites bouteilles d'eau. Voilà pourquoi il a mis autant de temps pour venir.

- Ça devrait être très simple pour toi. Tu te tiens bien droit en écartant tes pieds à la même distance que tes épaules. Lorsque tu vas pointer ton arme, tu dois gainer tes bras. Ils ne doivent pas plier pendant l'explosion parce que tu risqueras de te prendre un coup de crosse dans la figure. Et crois-moi, je sais de quoi je parle.

Ma dernière phrase le fait sourire mais je reste stoïque en prenant la même attitude que mon père le premier jour où il m'a appris à tirer.

- Ce n'est pas drôle ! je rétorque en voyant Breeven se retenir de rire.

- Quand même un peu, se défend-il en croisant les bras pour se contenir.

Je soupire en l'observant pincer ses lèvres entre elles pour ne plus s'esclaffer. Comment apprendre à ce gosse à rester sérieux cinq seconde ?

- Tu peux me montrer toi-même ? me demande-t-il en changeant de conversation.

Sûre de moi, je stabilise mes pieds pour être certaine de ne pas être propulsée en arrière par la force du tir et réalise les mêmes gestes que toutes les autres fois où j'ai utilisé une arme. Bizarrement mon coeur bat à tout rompre mais je n'en fais rien et souffle un bon coup avant de m'apprêter à tirer.

Soudain, le bonhomme en carton prend la forme de chacunes de mes victimes. Je les vois, leur expression apeuré, leur yeux rougie par les larmes, se protégeant du mieux qu'ils le peuvent avec leur mains. Ils semblent vouloir me fuir, mais ils sont bloqués comme des rats face au félin d'une dangerosité incomparable, moi. Mes mains se mettent à trembler. Ils ne doivent pas mourir. Je ne peux pas les tuer. Je ne veux pas...

Pour me reconnecter à la réalité, mes yeux papillonnent vivement afin d'effacer ces horribles images. Puis, j'observe le mur du fond pour ne trouver que les contours de formes humaines se découpant sur la mousse grise.

Perturbée par ce qu'il vient juste de se passer, j'abaisse lentement mon arme vers le sol tout en fixant vaguement loin devant moi.

- Megan, m'appelle une voix grave en me tirant brusquement de ma transe. Tu veux qu'on arrête l'entraînement pour aujourd'hui ? me propose-t-il, avec sérieux.

Je le fixe pendant quelques secondes sans pour autant réfléchir et m'anime rapidement comme si l'on vient d'appuyer sur mon bouton "marche".

- Je tiens toujours à ma petite vengeance personnelle, je rétorque en pointant vivement le canon de mon pistolet sur ma lointaine cible accompagnée par le rire à moitié retenu de Breeven.

N'attendant pas que les mauvais souvenirs reviennent à la charge, je tire plusieurs fois en les espaçant de quelques micro-secondes. Les explosions résonnent à travers la pièce et vibrent dans toute la longueur de mes bras.

Après une minute de silence, je sens Breeven se camper à côté de moi et je le vois croiser les bras.

- Comment rivaliser avec toi ? me demande-t-il en observant les trous concentrés sur le visage de mon fictif adversaire.

- C'est simple, on ne rivalise pas avec moi, je lui lance en me baissant pour récupérer la seconde arme.

Cette fois-ci, Breeven ne se retient plus pour rire. A cette remarque, je réalise qu'il sourit tout le temps, et moi aussi par la même occasion. Moi qui pensais au début de l'expérience avoir à faire à un binôme semi-boulet et lui, à une petite fille qui ne ferait pas de mal à une mouche. Eh bien... on en a fait du chemin pour accepter que nous avons eu faux sur nos premières impressions.

Je charge l'autre arme et la tends à Breeven. Ce dernier le récupère et se place devant une nouvelle cible.

- Tu es irremplaçable, m'informe Breeven alors que je me force à ne pas sourire à mon tour.

Il tire quatre fois tandis que je bois le contenu de l'unes des bouteilles, et sur chacun de ces mêmes tirs, aucun n'ont touché la cible.

- Eh bien, on a du boulot, je remarque en soupirant.

*

Cette après-midi, Breeven souhaitait une nouvelle fois s'entraîner au tir. Décision que j'avais encouragé avec joie. C'était sous mes yeux experts qu'il m'a prouvé qu'il pouvait s'améliorer à une vitesse phénoménale. Et en même temps, avec une professeure comme moi, nul doute qu'il allait très vite grimper chaque étape. Il arrivait déjà avec un petit avantage : sa carrure. Il ne restait plus que l'apprentissage.

Après avoir dîner du riz/dinde soit disant bon pour les muscles, dont l'information est approuvée par le célèbre Breeven cuisinier sportif, ce dernier m'a proposé de partir dès demain en repérage. Mais j'ai jugé bon d'attendre encore un jour, le temps que l'on s'entraîne une dernière fois, avant de partir vers l'inconnu. En boudant un peu, Breeven avait accepté mais il m'avait menacé de se venger dans les entraînements de demain.

Sur cette pensée, je souris légèrement et m'avance pieds nu dans l'herbe jusqu'à la piscine. Malgré les courbatures, je me baisse et m'assois au bord, mes doigts de pieds touchant la surface de l'eau. En rêvassant un peu, je vois les lumières de la piscine s'allumer automatiquement en propageant dans l'eau calme une couleur qui me manquait d'observer des iris d'une personne. Le bleu clair de Carson.

Mes yeux se ferment lentement et j'inspire en gonflant mes poumons au maximum. Bien qu'il n'y ait pas d'air frais pour caresser mon visage, je profite du clapotis de mes pieds qui barbotent dans l'eau froide, le bas de mon jean retroussé sur mes genoux.

J'aime ce silence.

- Je peux me joindre à toi ? me demande une voix grave sans pour autant me faire sursauter.

- Bien sûr.

Les yeux toujours fermés, je l'entends s'installer à mes côtés. Nous passons plusieurs minutes à ne rien dire. Mais une gêne persiste encore dont la raison ne m'est pas inconnu.

- Je sais que tu me fixes Breeven, je l'accuse sans méchanceté. Et crois moi, ça ne m'aide pas à me détendre.

Je l'entends émettre un petit rire sincère et je décide d'ouvrir les yeux pour le voir détourner son regard vers la piscine. Mes lèvres se pincent pour m'empêcher de partager mon rire car c'est assez jouissif de voir que Breeven vient tout juste de se faire prendre la main dans le sac.

Mais après quelques secondes, son visage devient sérieux et ses sourcils se froncent. Il est sûrement en pleine réflexion. Pour le laisser tranquille, je dirige mon regard sur la piscine et observe les petites vaguelettes formées par l'eau.

- A ton avis, tu penses que tous ceux qui n'ont pas été sélectionné sont auprès de leur proche ? me demande-t-il soudainement d'une voix quelque peu inquiète.

- Je n'en ai pas la moindre idée, je soupire en abaissant mes épaules.

- Je commence à douter de leur sécurité, reprend Breeven. S'ils étaient en liberté, tu ne crois pas que l'expérience aurait pris fin depuis longtemps ?

Je hoche la tête et me tourne vers mon interlocuteur.

- Les policiers devraient être là. Tout le monde saurait ce qu'il se passe ici. Mais vu que nous n'avons aucune réaction de leur part alors personne ne le sait.

- C'est bizarre, on n'habite pas non plus dans une toute petite ville, remarque-t-il. Il devrait au moins avoir une personne qui se pose des questions.

- Je pense que nous n'aurons pas la réponse tant que nous ne sommes pas encore sortit d'ici, dis-je contrite.

- Raison de plus pour rester vivant, conclu mon binôme en se couchant dans l'herbe, ses bras croisées familièrement derrière sa tête.

Un nouveau moment de silence s'installe entre nous. J'en profite pour sortir mes pieds de l'eau et ramener mes jambes contre mon ventre tout en les nouant solidement avec mes bras un peu douloureux. Ma tête alourdie par la fatigue se pose sur mes genoux et mes yeux commencent à papillonner. Je pense avoir fait assez de sport pour une année complète. Breeven m'a tellement fatigué que je pourrai dormir dans l'herbe sans problème.

Mais c'est à ce moment-là, que l'auteur de mes courbatures perturbe le silence :

- Megan ?

- Hmm...

- Je peux te poser une question ?

- Hmm...

Pour braver le sommeil qui commence à se propager dans ma tête et pour montrer mon intérêt à Breeven, je tourne mon visage sur ce dernier et braque mon regard dans le sien tout en clignant des paupières le moins possible afin de ne pas dormir sur place.

- Je t'écoute, l'encouragé-je en me forçant à adopter un air réveillé.

- Avant l'expérience, tu avais une idée de ce que tu ferais plus tard ?

Étonnée d'avoir affaire à un Breeven aussi curieux, j'arque mes sourcils.

Voyant ma surprise, Breeven ajoute :

- Ne t'inquiète pas, je ne vais pas écrire ta biographie. Je veux juste connaître la personne avec qui je partage mon espace vital et ma confiance depuis bientôt deux semaines. Tu sais ? Comme deux êtres humains qui se parlent ?

- OK tu as raison, j'affirme en hochant la tête.

Breeven se redresse tandis que je réunis mes mots pour répondre à sa question.

- Ce n'est pas vraiment un travail. D'ailleurs je ne sais pas vraiment quel sera mon futur travail, je n'ai que quelques idées comme intégrer l'armée de terre ou la raid. Bref. J'ai une autre priorité en tête.

- Laquelle ? s'impatiente Breeven.

- Écrire un livre pour quelqu'un, je lui réponds sur un ton nostalgique.

J'observe Breeven froncer les sourcils. Le pauvre je ne lui ai donné qu'un quart des informations.

Le voyant vouloir connaître les détails, j'enchaîne sans perdre de temps :

- Attends, je t'explique ! Ma grand-mère était auteure. Mais pas vraiment renommée. C'est grâce à elle que j'adore la littérature. Et je ne peux pas te citer le nombre de fois où j'ai lue toutes ses oeuvres. Chaque petit moment de ma vie depuis que j'ai l'âge d'écrire, je m'amusais à inventer des histoires et à les noter sur un bout de papier, mon cahier ou mon agenda. Ma grand-mère l'avait remarqué mais on n'en a jamais discuté ensemble. Puis un jour, il y a six ans, elle m'a demandé d'écrire un livre qui dépasserait les vingt pages que j'avais l'habitude de faire. Elle voulait être ma toute première lectrice et elle avait hâte de lire les premières lignes de l'histoire.

Repenser à ces souvenirs me rend nostalgique. Pour éviter que mes sentiments reviennent à la surface depuis de nombreuses années sans y penser, je prends un petit moment de pause. Je remarque que Breeven a l'air triste. Il a dû comprendre qu'en parlant de ma grand-mère au passé, je lui apprends une chose à laquelle chaque humain souhaiterai s'éloigner.

- Elle est morte d'une insuffisance rénale quelques jours après et je n'ai encore rien écrit, dis-je en triturant mes doigts.

- Je suis désolé, murmure-t-il. Je n'aurai pas du te demander des détails qui te font revivre des mauvais souvenirs, s'excuse-t-il mal à l'aise.

- Ne soit pas désolé, je m'empresse de lui dire. C'était il y a longtemps, tu sais j'ai fait mon deuil de tout ça. Il ne me reste plus qu'à écrire une histoire mais je n'ai plus d'idées depuis sa mort.

- Tu trouveras une idée. J'en suis sûr, essaye-t-il de me rassurer sans que cela fonctionne.

- Sûrement, murmuré-je en reposant ma tête sur mes genoux.

Ne voulant pas m'éterniser sur mon sujet pas très joyeux, je lui retourne la question :

- Et toi, c'était quoi ?

Breeven réfléchit quelques instants avant de me répondre sérieusement.

- Je rêvais de faire des concours de judo.

- Genre... Comme aux jeux olympiques ?

- Absolument, m'affirme-t-il dans un sourire sans joie.

- Je suis certaine que tu les feras, je le rassure en voulant croire à mes propres paroles.

Petit à petit, je commence à me sentir partir. Mes paupières deviennent lourdes et mes cheveux glissent sur mon épaule droite jusqu'à recouvrir intégralement mon visage.

Soudain, une pluie d'eau fraîche m'arrose la tête sans que je m'y attende. Brusquement, je me lève en remettant mes cheveux humides en place tout en maudissant Breeven. Le garçon se tient fièrement devant moi et en quelques secondes, mes bras se soulèvent automatiquement et poussent Breeven dans la piscine. Durant sa chute, ce dernier bat l'air avec ses bras en cherchant une prise en vain. J'entends son corps entrer en contact avec l'eau avec un malin plaisir. Il a joué avec le feu, le voilà refroidi.

Breeven remonte à la surface et plaque ses cheveux en batailles contre son crâne. Je l'observe afficher une mine choquée.

En ricanant, je me retourne et m'avance en direction de la maison.

- C'est ça ! Prend la fuite ! Rétorque Breeven d'une voix mal assurée. Je me vengerai !

- Bonne nuit Breeven, je lui souhaite en le provoquant tout en traversant le jardin et la terrasse.

Juste avant d'entrer dans ma chambre, je traverse le couloir en forme de passerelle et me tourne face aux baies vitrées tout en m'appuyant contre la balustrade. Mon visage se lève vers le ciel et je scrute les premières étoiles luire telles des petits diamants. Ce sont ces mêmes étoiles qui fascinent ma petite soeur depuis que mon père lui ait appris le nom des constellations.

Je me souviens de ses yeux noisettes, les mêmes que notre père, qui reflètent la Grande Ourse, tandis qu'elle grimpe très haut dans mes bras en tendant ses minuscules doigts pour pouvoir "toucher le ciel". Ce souvenir ne date que de l'année dernière et je ne peux m'empêcher de penser que je risque de ne pas pouvoir reproduire de doux moment dans les années à venir.

J'ai besoin d'avoir le sentiment d'être connectée à elle. Et j'espère sincèrement qu'elle observe les étoiles en ce moment même de ses yeux curieux et fascinés.

Dans un souffle de la plus grande douceur que je puisse faire preuve, je murmure en direction des lumières scintillantes dans l'espoir succinct qu'elles lui répètent de ma part :

- Joyeux anniversaire Emmy.

***

Hey ! J'espère que ce chapitre vous a plu ! C'est pour vous informer que le prochain chapitre arrive après le bac. Sur-ceux, bonne nuit/revision ❤❤

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