Chapitre 2

A la descente du bus, personne n'ose parler. Pas même les surveillants à la grille. Comme si, à tout moment, un militaire viendrait nous coller une balle entre les deux yeux au moindre bruit.

C'est à une allure digne de la marche funèbre que nous entrons dans le hall du lycée. On aurait pu entendre une mouche voler. C'est dingue ! J'ai l'impression que seule la présence d'hommes armés chamboule tout l'équilibre de ce lieu.

Elodie nous attendait devant les portes. A notre vu, elle s'empresse de nous rejoindre.

- Salut, dit-elle, en nous faisant la bise.

Elle ne prend pas la peine de cacher son anxiété, sa manucure habituellement parfaite est désormais abîmée par des marques de dents et elle tripote le bas de son top à l'effigie de Shawn Mendes - son idole.

- Elo, je la rassure en passant sa mèche brune qui tombait devant ses yeux, derrière une oreille. S'il y a un grave problème nous ne serions pas ici, mais chez nous.

Elle hoche la tête en respirant un bon coup et resserre sa queue de cheval d'un coup sec.

- Ne soyons pas en retard en maths les filles, nous prévient Marine en serrant contre elle son cahier de leçon.

Elle s'engouffre la première dans la cours parmi le flot d'élèves. Elodie profite d'être derrière, à mes côtés, pour me lancer un regard interrogateur.

- Tu la connais, je lui réponds en étirant mes lèvres en un grand sourire. Toujours prête à se hisser sur le haut du podium des intellos de la classe. Et je te rappelle, c'est toi qui l'as comparé à Hermione Granger pas moi, j'ajoute fièrement.

Elle fait une fausse moue de dégoût.

- Mince. Tu marques un point. Méfie-toi, je rattraperai mon retard, assure-t-elle confiante.

Je m'esclaffe.

- Tu me l'as déjà sorti hier, et qui c'est qui a gagné? C'est bibi!

Elle me tire la langue. Je lui réponds de la même manière.

Nous traversons la cours pour entrer dans le deuxième bâtiment. Je suis curieuse de savoir pourquoi les soldats s'intéressent à notre lycée. Cela ne présage rien de bon. Probablement un moyen de précaution ou de prévention, je ne sais pas.

Pour éviter un mal de crâne, j'essaie de refouler ma mauvaise impression et d'éloigner mes questions loin, très loin dans mon cerveau. Provoquer Elodie sur notre score journalier me remonte le moral.

Arrivées devant la salle nous restons en mode troupeau à attendre le prof... qui est étrangement en retard. C'est l'un des surveillants, un homme roux d'une vingtaine d'années environs, qui nous ouvre la porte, nous priant d'attendre à l'intérieur dans le plus grand des silences. Puis, il repart au rez-de-chaussée. Bien sûr, les mecs turbulents ne l'entendent pas de cette oreille, nous voilà à nous installer à nos places habituelles dans un vacarme pas possible.

Telles de brillantes élèves, mes amies et moi, nous nous asseyons à l'avant: Marine à mes côtés et Elodie devant moi avec une autre fille.

L'attente du prof est longue, interminablement longue. Certains élèves dorment à même leur table. D'autres dessinent sur un bout de papier. Rare sont ceux qui révisent... comme Marine. Et moi, j'ai eu tout le temps de réfléchir au cadeau d'Emmy pour son anniversaire - c'est à dire, dans une semaine. J'ai pensé à lui acheter une peluche, Olaf, le célèbre bonhomme de neige de son film préféré. Ma mère a prévu de nous emmener à Disneyland. Alors là si ce n'est pas ce qui s'appelle "être dans le thème" ça!

J'entends des bruits de tables qui se déplacent à l'arrière de la classe. Les mecs... Ils s'étaient tous assis au fond en pensant sûrement qu'ils passeraient inaperçu avec leurs bavardages quand le prof viendra.

Involontairement, mes yeux se posent sur lui, Breeven, le mec du genre brun ténébreux (pas trop non plus), musclé, taillé tel un athlète de haut niveau avec une voix de dragueur et une ceinture noire de judo dans son CV. Mais ne nous excitons pas mesdemoiselles puisque ce jeune homme est ni loup-garou, ni vampire. C'est un humain.

Comme tous les jours, une Blonde appelée... heu. C'est quoi son prénom déjà? Ah oui! Kim. Pas Kardashian bien évidement.

Du coup, reprenons. Comme TOUS les jours, une Blonde appelé Kim est collée comme une moule sur son rocher, lui. Elle a un corps de rêve, des vêtements courts et provoquant, ses cheveux blond soleil laissaient mes cheveux blond cendré en état de choc. En gros, elle est la poupée Barbie de notre classe de première S. Mais qui dit corps de mannequin, ne dit pas forcément mentalité à en couper le souffle. En effet, ses réflexions à la con sont dignes d'enfants de primaire.

Pourquoi est-elle aussi cliché que ça ? À croire qu'elle le fait exprès. Ce qui est, en y réfléchissant bien, sûrement le cas.

On ne peut pas tout avoir dans la vie. Pourtant je me demande comment fait-elle pour avoir une meilleure moyenne générale que moi ? Cela reste un mystère.

Sans trop de discrétion, elle lance aux autres garçons qu'elle fera une fête chez elle, samedi soir. Et moi, j'ai un grand besoin de lui balancer : "Ferme ta bouche botoxée ! On s'en fout de ta vie !" Bien sûr, je me suis retenue au prix d'un grand contrôle sur moi (et oui il m'arrivait d'être gentille).

Sèchement, la porte s'ouvre sur notre prof, mr Besson. Il était rouge tomate et essuyait sa sueur avec un mouchoir pris en vrac dans une de ses poches. Il a dû courir dans les escaliers.

Cette entrée a eu comme bénéfice de faire taire tous les élèves. Je lance un regard circulaire autour de moi et vois que tout le monde fixe le prof. Je prête donc mon attention sur lui et remarque qu'il a oublié de prendre son sac de cours.

Elo se retourne en me lançant un regard qui disait.

" T'as vu ça ! Tu penses qu'il s'est fait voler son sac?"

Je hausse les épaules. Ya vraiment un truc qui cloche ici.

Un détail m'a échappé. Aucune classe de seconde et de terminale n'était dans les couloirs l'heure d'avant. Pire que ça, personne ne s'en est rendu compte.

Le prof, assis sur sa chaise, se penche sur son bureau, ses coudes en appuies sur ce dernier et les mains jointes. Il s'apprête à nous parler. Mais son regard nous assure qu'il se force à nous adresser la parole sur un thème qui ne le met pas à l'aise. Je le vois hésiter un peu. Son comportement ne me donne pas spécialement envie de connaître son discours.

Il souffle un bon coup et se jette à l'eau.

- Aujourd'hui mes enfants, nous n'allons pas faire des mathématiques. Pas plus que nous allons jouer ensemble, annonce-t-il en jetant un oeil en direction du groupe de garçons, qui boudent en grand gamin qu'ils sont.

Ne tenant plus en place, il se lève et se tient en appuie devant son bureau.

- J'ai été heureux de vous avoir comme élève. Ce fut un plaisir d'animer chacun de mes cours avec une telle classe que la vôtre. Même si parfois, les bavardages se font plus dans votre programme que votre intérêt à suivre les leçons sur les vecteurs.

- Attendez, objecte Breeven. Pourquoi nous dire ça alors que nous n'avons même pas fini l'année scolaire ? Il nous reste encore un mois.

Je suis du même avis que lui. Mrs Besson est cette fois si trop en avance. Le traditionnel discours d'au-revoir du prof ne doit nous être dédié qu'à la toute dernière heure de cours. D'après la date, quatre semaines nous séparent de notre dernier jour. Il nous reste également un contrôle de math, LE contrôle fatidique, qui jouera un rôle déterminant sur ma moyenne générale. Si je n'ai pas cette moyenne, adieu mon voyage en Espagne avec Marine.

- Malheureusement, votre jour au lycée touche à sa fin...

Quoi?!

Je retiens mon rire nerveux en serrant les lèvres. Espérons que la caméra cachée ne sera pas diffusée sur le net.

- Vous le saurez dans quelques instants. Ce n'est pas à moi de vous l'expliquer. Je suis vraiment désolé pour ce qui va suivre sur votre classe, ajoute-t-il un air peiné.

Pendant un instant il avait presque l'air d'être convainquant. Toute l'année, la prof de français ne cesse de nous rabâcher qu'il faut apprendre par coeur toutes nos lectures analytiques et maintenant nous devons tout laisser tomber ? Quel lycée peut demander une telle chose à ses élèves ?

Je toise le professeur avec méfiance. Il y a baleine sous cailloux dans cette histoire.

- Qu'est-ce qu'il va se passer ? demande timidement une fille dans mon dos.

- Encore une fois, je vous le répète, ce n'est pas à moi de vous l'expliquer.

Quelqu'un toque à la porte et entre sans attendre l'accord du prof.

Un homme d'une quarantaine d'années, les cheveux courts un peu grisonnants et son air impénétrable, se tient devant nos rangs. Il a une tenue de militaire sauf qu'il n'a pas d'arme. De plus, je trouve qu'il ressemble étrangement au mec dans Terminator.

Placé à côté de lui, le prof tremble toujours. Il a peur. Mais de quoi ? Du type ? Ou de la tournure de la situation ?

- Je me présente, je suis le sergent Kholanoff. C'est moi qui supervise tout ce qui va suivre pour vous. Je suis désolé de vous le dire mais pour la plupart d'entre vous, vous allez dire adieu à vos vies d'adolescents et pour certains qui n'ont pas de chance, à vos vies tout court.

Heu... nos vies tout court ? C'est une blague ?

- Mon supérieur vous donnera plus d'explication. Vous devez prendre tout ce qui va suivre au sérieux. Ce n'est pas un jeu mais une expérience.

- Une expérience ?! objecte Kim de sa voix de garce. Je ne veux pas participer à vos activités sans intérêt. Dans trois jours, je dois visiter les galeries Lafayette à Paris et je n'ai pas le temps de faire joujou dans une expérience à la con.

Pour une fois dans ma vie, je suis d'accord avec elle sur un point. On a un bac en fin de mois, c'est complètement débile de nous demander de faire autre chose que de réviser.

- Vous y êtes obligé mademoiselle et d'ailleurs toute la classe l'est.

Ah merci ! C'est gentil ça. Depuis quand on force les gens à faire des choses contre leurs grés ? Bonjour la galanterie quoi !

- Des hommes vont passer parmi vos rangs avec des sacs plastiques. Vous devriez leur remettre vos téléphones et autres moyens de communications. Vos montres aussi... et pour ce qui est de vos sac, vous les laisserez ici. Nous nous chargerons de vos affaires. Ne vous inquiétez pas si on vous passe au détecteur de métaux.

A ces mots, plusieurs soldats, pour certains armés au cas où on avait soudainement envie de s'enfuir ou que Kim les aura attaqué à coup de talon aiguille, déboulent et se séparent sur nos quatre rangs. L'un des leur se poste droit comme un piquet devant la porte.

Au fur et à mesure que les hommes s'arrêtent sur chaque table, nous leur remettons nos téléphones et montres. On nous demande également de ranger nos clés dans nos sacs et de les placer au fond de la salle.

Kim a piqué une crise quand l'un des soldats lui a ordonné de lui donner son IPhone 7 mais à contre coeur elle a cédé. Elle doit éviter de les énerver avec ses caprices.

Soudain, une sonnerie retentit dans les couloirs. C'est le haut-parleur du lycée. Nous sursautons à ce bruit, persuadé qu'il ne nous rapporterait rien de bon.

Marine tourne sa tête en cherchant mon regard que je prends de sitôt.

- Tu crois que c'est la principale ?

Sa voix se fait moins sûre. Elle est stressée et moi aussi.

- Je ne sais pas. Mais nous avoir piqué nos portables ne nous donne pas de bonnes nouvelles, je lui annonce en tripotant nerveusement mes doigts.

- J'espère quand même qu'on pourra rentrer...

Au même moment, la voix d'une femme recouvre celle de Marine.

- Nous vous prions de bien vouloir vous diriger vers la cours. Lors de votre déplacement, veuillez ne pas courir, ni crier, ni chahuter.

Comme si l'ambiance générale du moment nous donnait l'envie de faire la fête !

En sortant de la classe, des soldats, tout aussi équipés de mitraillettes, nous accueillent en faisant un couloir humain jusqu'aux escaliers nous menant aux étages inférieurs.

C'est en rang, avec un entrain digne de paresseux et un stress monumental que nous affrontons notre triste réalité.

***

Hey! Voilà un nouveau chapitre, j'espère qu'il vous plu.

Et je vous dis, à dimanche 😉

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top