Chapitre 18
- Tu viens. On y va, me dit doucement Breeven pour me tirer de ma rêverie.
Je me ressaisis vivement et récupère les sacs au sol. Il est temps d'arrêter d'être surprise à chaque fois que les amis de Burngan nous montrent leur prouesse technologique. Sinon, je n'aurai pas fini d'avoir une tête pas très belle à voir.
Objectif numéro 1: survivre. Le reste n'est qu'un détail.
- Je pense que le CNG ne va pas cesser de nous étonner, commente mon binôme pendant que je vérifie si les provisions n'ont pas été abîmé lors de la chute.
- On ne s'ennuie pas avec eux, j'ironise en plaçant un sac sur mon épaule droite.
Je mets délicatement la anse du deuxième sac sur l'autre épaule en grimaçant de douleur. Bien que ma blessure n'ait que cinq jours, il n'empêche qu'elle me fait toujours autant mal. Il me rappelle amèrement mes minutes d'angoisse à savoir si nous allions sortir vivant du lycée et les expressions terribles sur le visage de nos victimes.
Je ferme les yeux et secoue énergiquement la tête pour me forcer à penser à autre chose. Pensons au présent, il est inutile de ressasser le passé maintenant.
- Tu vas bien? S'inquiète Breeven, les sourcils froncés.
- Oui. Parfaitement bien, je lui réponds en reprenant la marche droite devant moi d'un pas pressé.
Je ne souhaite pas nous ralentir tout ça à cause de mes faiblesses. Breeven ne se plaint pas, alors je préfère l'imiter et rester sûre de moi. Ne pleurons pas à chaque petit pépin dans notre triste vie.
Notre refuge se situe à une centaine de mètres de notre position. Nous décidons d'avancer lentement sachant que nous ne risquons strictement rien. Que pourrait-il nous arriver à part avoir la mince chance de se tenir face à un autre élève de Première?
Au bout de quelques pas, je m'arrête devant une caméra accrochée à un poteau électrique que j'avais aperçu hier lors de ma sortie quotidienne.
Je fixe l'objectif noir braqué sur nous.
- Tu penses qu'ils nous regardent? Je demande en faisant référence à nos parents.
Quelques secondes s'écoulent avant qu'il me réponde.
- Sans doute.
Sa voix avait pris un ton nostalgique. Ses deux simples mots m'indiquent indirectement qu'il ne faut pas continuer sur ce sujet. J'en déduis que la conversation est définitivement close. Ma séparation avec mes parents a été très dure mais les siens doivent considérablement lui manquer et je comprends qu'il ne veuille pas m'en parler. Pourtant, j'ai l'impression que rien ne l'affectait. Mais maintenant, je sais qu'il masque sa tristesse tout comme je le fais pour paraître forte. Je ne saurais dire combien de temps il me reste avant de craquer. J'espère juste ne pas être filmée à ce moment-là.
Gênée par mes cheveux blonds qui se placent sans cesse devant mes yeux, je les réuni en une queue de cheval. Je sens subitement quelqu'un me regarder et lève les yeux jusqu'à se bloquer dans ses prunelles chocolat. Je le vois me fixer d'un air curieux.
- Oh toi, tu as un truc à me dire, lui dis-je en serrant l'élastique de ma coupe.
- Non... rien, se défend-il, fuyant.
- Ne me ment pas, ça se voit comme ton nez au milieu de ta figure, je rétorque.
- C'est vrai, il n'y a rien! Reprend-t-il.
Je ferme les yeux. Il me cache quelque chose, c'est évident. Je commence à mieux le connaître qu'au lycée même s'il n'est pas toujours simple de le déchiffrer.
S'il veut jouer à celui qui tiendra le plus longtemps il est mal barré pour gagner. Je le fixe également sans ciller en croisant les bras tandis qu'il soutient mon regard avec un semblant de sérieux. Il soupire quelques instants après, vaincu par mon entêtement. Son corps s'appuie contre le poteau et il passe une main dans ses cheveux en se massant la nuque.
- Je ne sais pas trop comment te le dire, commence-t-il.
- Vas à l'essentiel, je l'encourage.
- Ce n'est pas facile à t'expliquer et je me trompe sûrement.
- Ne t'inquiète pas, je préfère être mise au courant quand même.
Il rentre ses mains dans les poches de son sweat bleu marine, qu'il avait emprunté dans la chambre du garçon de la villa, et expire par la bouche en créant de la buée avec le froid. Tient, je me demande comment la température peut être aussi basse en cette saison. Le mois de Juin n'est pas censé être gelé. Le dôme en est sûrement pour quelque chose...
- Ton visage ressemble à celui d'une personne que j'ai vu il y a quelques jours, me lance-t-il d'une voix grave.
Je souris.
- La seule personne que tu as vu il y a quelques jours c'était moi.
- Je suis sérieux, m'informe-t-il.
Je me reprends et me racle la gorge. S'il se comporte comme ça, il n'y a aucun doute que ce qu'il s'apprête à me révéler ne me plaira pas du tout.
J'inspire profondément en récupérant un peu de courage.
- C'était quand? Je lui demande.
- Le jour où nous sommes sélectionnés pour l'expérience.
Impossible que mon père soit là-bas. Il devait travailler à une trentaine que kilomètres d'ici après mon départ du sous-sol de la police le matin même.
- Je suis allé dans le bureau d'une femme lorsqu'ils nous ont posé des questions sur notre état de santé. J'ai remarqué que vous avez un air de ressemblance.
Ma mère? Non. Non, non, non! Ce ne pouvait pas être elle. Après son travail elle devait accompagner ma petite soeur à l'école. Je ne vois pas comment elle aurait pu se trouver une nouvelle fois en tenu de médecin et encore moins au service du CNG.
Me voyant commencer à m'agiter, Breeven répète:
- Encore une fois, je me trompe sûrement. C'est peut être une autre personne de ta famille...
- Sûrement pas! Mes grands-parents sont soit mort, soit en maison de retraite. Et mes parents sont tous les deux enfants uniques. Il y a eu de nombreuses disputes familiales et nous n'avons pas eu beaucoup de liens avec les autres membres de ma famille.
- Alors je... Je n'aurai du rien dire. Il ne faut pas que tu te fasses de fausses idées s'il ne s'agissait vraiment pas de quelqu'un de ta famille.
- Non Breeven. Tu as bien fait, je le remercie.
Je dévie mon regard vers le sol en béton et essais de chercher une explication rationnelle. Mes mains recouvrent mon visage et je presse les doigts sur mes tempes.
Ce n'est pas ma mère. Ce n'est pas ma mère. Ce n'est pas ma mère.
J'expire par la bouche.
Ils sont tous les trois ensemble loin d'ici et en sécurité.
- Hey, Megan, chuchote doucement Breeven.
Une chaleur englobe mes épaules. En clair, il vient de passer un bras autour de moi devant la caméra et à la vue de tous. Oh non... Kim (sa poupée barbie) va me découper en morceau pour avoir touché son mec. Je crois que je préfère vivre sous un dôme plutôt que de la revoir.
Je dois absolument m'éloigner de Breeven et faire comme si de rien n'était. Imaginer sa petite amie bouillir de rage me fait particulièrement sourire. Je ne pourrai vous énumérer le nombre de fois où je l'avais vu rouge de colère juste parce qu'une simple fille s'approchait un tout petit peu de trop de son Breevenounet. Mais cela me fait penser qu'il faut que je reste sérieuse et je n'ai pas la force de jouer la provocation.
- On doit reprendre la route, je l'informe pour stopper cette situation un brin gênante.
Par chance, il enlève son bras et se remet en marche.
- En route, dit-il en replaçant ses mains dans les poches.
Le voyant vite s'éloigner je lui rappelle à l'ordre:
- Attend-moi!
Il ne s'arrête pourtant pas.
Mon dieu, je me vengerai à la maison!
Il a intérêt à être sur ses gardes.
Ne voulant pas courir avec les sacs de nourriture pour rattraper Monsieur, je reste à quelques mètres derrière lui en cherchant toujours une explication valable sur la personne qui, soit disant, me ressemble.
Ce n'est pas ma mère. Mais qui peut me ressembler?
Brusquement, je vois Breeven arrêter de marcher. Je fronce les sourcils. Il souhaite sûrement m'attendre.
Je reprends quelques pas mais je le vois toujours dos à moi.
Qu'a-t-il?
- Breeven, pourquoi tu t'es arrêté? Je lui demande, curieuse.
Il ne me répond pas. Je m'avance encore un peu vers lui et lui repose la même question.
Toujours pas de réponse.
Prise de panique, je l'appelle une nouvelle fois et entends distinctement, lorsque je me place derrière lui, le vague bruit d'un trotteur. Le tic-tac d'une horloge peut être? Je cherche du regard d'où peu bien provenir ce bruit. Mais rien ne m'aide à le situer. J'angoisse et mes mains tremblent. Notre instinct nous joue sûrement des tours. Pourtant le mien de ne dit vraiment rien de bon. Ce n'est que lorsque les bruits se font plus forts que Breeven se retourne en un éclair et me crie:
- La bombe va exploser! Megan! Cours!
Si tôt dit, si tôt fait. Je m'élance en ne pensant plus à rien qu'au seul but de sauver nos vies. Les lourds sacs de provisions me ralentissent et je les laisse tomber derrière moi. Plus légère, ma vitesse augmente mais je n'entends plus les pas de mon binôme.
Sans réfléchir aux risques qui pourrai y avoir, je m'arrête et me retourne pour voir si Breeven me suit toujours. Par soulagement, je le vois me rattraper. Pensant qu'il s'arrêterait à mon niveau, je me retourne en me préparant à taper un sprint. Mais une masse me bouscule violemment et je tombe de tout mon long au sol. Je sens toujours un poids sur moi et tourne ma tête jusqu'à remarquer que Breeven s'est placé au-dessus de moi en formant un bouclier humain vers l'extérieur. Mon sang ne fait qu'un tour. Je veux lui crier de nous laisser fuir puisque nous sommes en train de faire une belle connerie.
Soudain, une violente explosion provenant de l'une des maisons me coupe la parole tandis que je me roule instinctivement en boule sous Breeven, mes mains sur mes oreilles. L'onde de déflagration fait violemment vibrer le sol et mes os. J'entends avec horreur des craquements. Merde. Non pas Breeven!
Très vite, le sol se stabilise et de la poussière s'insinue dans nos narines. Je tousse avec l'impression de cracher mes poumons et commence à angoisser une nouvelle fois. Ma tête collée au torse de mon binôme, je perçois les battements rapides de son coeur. Il est vivant. Mais dans quel état?
- Breeven? Je l'appelle doucement.
- Oui? Me répond-il d'une voix rauque, son visage et son souffle dans mes cheveux.
Il tousse.
- Tu peux réussir à te lever? Je m'inquiète.
- Aucune idée. Je crois bien que ne me suis pris un bout de mur dans le dos.
Sa dernière phrase m'alerte et je sors immédiatement du cocon qu'il avait créé.
- Ne bouge pas, je lui ordonne, ne voulant pas qu'il aggrave ses blessures.
Je me lève difficilement en titubant avec un mal atroce aux articulations, suivi d'un petit bruit sourd qui persiste dans les tympans. Ma tête me tourne un peu mais je me focalise sur Breeven avec une vision légèrement floue. Il est sûrement en moins bon état que moi.
En levant mon regard, je remarque que de nombreux débris s'éparpillent sur la route, les maisons voisines et surtout sur Breeven. Sans attendre, j'enlève la montagne de bout de tuiles, de mur, des branchages et des objets appartenant au maisons avec la peur de trouver une grave blessure qui risquera de tuer mon sauveur.
Je m'arrête lorsque je distingue du sang suinter de son sweat. Prise de panique, je décolle le tissu de la blessure et le déchire pour agrandir le trou afin de mieux observer la plaie. Des bouts de verre sont coincés dans la chair. Je ne peux pas les enlever maintenant, on va devoir attendre d'être à la maison pour que je m'occupe de ça. Mes mains soulèvent le sweat et le remontent sur le haut du dos. Au moins les anciens points de sutures que j'avais fait ont tenu le choc. Enfin une bonne nouvelle!
- Verdict? Me demande Breeven avec une pointe d'impatience.
- Je vais devoir enlever le verre qui est dans ta blessure quand on serra à la villa. Tu auras de nombreux bleus, ça c'est certain. Mais je ne sais pas si tu as quelque chose de cassé. Ça c'est à toi de me le dire. Tu as mal quelque part?
- A part sur tout le corps, non ça va.
Je lève les yeux au ciel.
- Breeven je ne rigole pas.
- OK je vais bien, ronchonne-t-il. Je ne vais pas mourir maintenant et te laisser seule ici. C'est bon, je peux me lever?
Je soupire.
- Si tu meurs tout de suite parce que tu es têtu, je ne te creuserai pas de tombe et je te laisserai moisir là.
- Tant mieux, j'aurai la vue sur le ciel étoilé chaque nuit, s'exclame-t-il.
- Qu'est-ce que tu peux être...
Je suis cette fois-ci interrompu par une nouvelle secousse provenant des maisons en miettes. Encore?! On ne peut plus avoir un moment de tranquillité ici! J'aide Breeven à se lever en un éclair et nous reculons jusqu'à toucher la rangée des clôtures de maisons encore intactes. Apeurée, je me colle au portail en bois tandis que Breeven se place devant moi, ses couteaux en main. Je me muni de mon arme et pointe ce qu'il restait des maisons.
Mon souffle se fait rapide. J'appréhende beaucoup la suite. Qu'est-il en train de se passer? Une chose va-t-elle sortir du sol? Je crois que la réponse ne va pas tarder à arriver.
Sous nos yeux ébahis, les demeures en ruines s'effondrent d'un coup et le sol s'ouvre en creusant un énorme trou. Le creux s'étend vite en grignotant la route. Voyant le danger arriver, j'attrape le bras gauche de Breeven et le tire sur le côté pour lui éviter de tomber dans le vide.
Le boucan de l'effondrement des habitations s'estompe nous laissant de nouveau dans le calme complet. Breeven se retourne et me regarde. Je crois que nous avons assez eu d'ennui pour aujourd'hui et personne ne viendra ici pour l'instant, les bruits perçant leur ont normalement fait fuir sur plusieurs mètres à la ronde.
Subitement, ma peur se change en agacement. Je commence sérieusement à être énervée. Je ne peux plus me contenir.
- Stop! S'en est trop! La mort, les armes automatiques, le dôme, les bombes! Et puis quoi encore? Les tanks pendant qu'on y est!
- Megan respire ne t'inquiète pas ça va aller, essaie de me calmer Breeven.
- Je n'ai pas peur, j'en ai ma claque c'est tout! Je crie comme une demeurée en reprenant furieusement la route vers la villa.
- Megan, calme toi nous sommes encore vivants!
- Comment veux-tu que je me calme alors que nous venons d'échapper deux fois à la mort!
- On va rentrer à la maison et tu vas te reposer.
Je me tourne vers lui, les yeux écarquillés.
- J'y crois pas, tu es plus amoché que moi et c'est toi qui m'ordonne de dormir?
C'est le monde à l'envers? Malgré la douleur, Breeven tente de me faire un sourire en coin qui ressemble surtout à une grimace.
- Peut-être bien oui, murmure-t-il d'un ton joueur.
Après avoir levé les yeux au ciel, je lance un dernier regard derrière nous. Désormais nous ne pouvons plus traverser cette route qui est condamnée. Il ne nous reste que l'autre bout de la rue encore libre.
- Il est temps de rentrer à la maison, je déclare, impatiente de retourner en sécurité.
Breeven me lance un regard entendu, puis nous nous remettons enfin en route.
***
Je remercie très sincèrement tous ceux qui ont attendu impatiemment durant 3 semaines la publication de ce nouveau chapitre. C'est vrai, je devais le sortir en même pas deux semaines mais j'ai eu des petits problèmes qui ont fait que je ne le pouvais pas. En tout cas, j'espère qu'il ne vous a pas déçu!
Mille bisous à vous tous et à bientôt! 😉
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