Chapitre 17
Les heures passent à une vitesse incroyable et ce n'est que maintenant que je m'en rends compte. Dans deux jours c'est l'anniversaire de ma soeur, je n'ai rien à lui offrir et je n'ai aucun moyen de la voir. Son image restée dans ma tête, seule devant un gâteau me fend le coeur. Elle me manque. Si jamais elle a pu partir avec mes amies, croisons les doigts pour qu'Elodie lui ait fait enchaîner les fêtes foraines. Emmy mérite de penser à autre chose qu'au sort terrible de sa soeur. Surtout le jour censé être joyeux: ses sept ans.
Il y a un mois, elle m'avait raconté qu'elle voulait que la famille entière vienne pour son anniversaire. Je lui avais prévenu qu'il risquait, comme chaque année, que l'une de nos tantes éloignées et nos grandes cousines ne puissent venir puisqu'elles partent en vacances le mois de Juin en Australie. Ma soeur avait levé négligemment ses épaules, un peu déçue. Pas un jour elle n'aurait pensé que je ne viendrai pas. Moi non plus. Elle comptait sur moi et j'ai gâché sa fête. Je suis désolée Emmy. Je suis tellement désolée.
Debout, un couteau de cuisine en main, je le lance avec énervement au milieu de la cible, comme je le fais depuis trois jours, sous les yeux de Breeven qui a arrêté d'être étonné lorsque la pointe de mon arme de fortune reste bloquée dans le rond central rouge du carton. Depuis le premier jour qu'il s'entraîne à viser sans réussir à toucher le but, j'ai décidé de l'aider. Et force à constater qu'il apprend très vite. Mais la pro ici, c'est moi. Et je le pense sincèrement avec modestie.
Adossé négligemment dans l'encadrement de la baie-vitrée, Breeven m'observe, les bras croisés sur son torse, réaliser mon exercice quotidien. Gênée par ses yeux qui me scrutent, je lance tout de même le couteau en visant juste.
- Si tu veux ma place dis-le-moi au lieu de me fixer, je rétorque en récupérant les couteaux.
- J'essaie de mémoriser ta technique pour m'améliorer, se défend-il sérieusement.
J'arque un sourcil. Il croit vraiment que je vais gober ses salades?
- Arrête, tu viens de passer trois jours entiers à t'exercer. Et ça me déconcentre de me sentir observée pendant que je réfléchis.
Un petit sourire en coin nait sur le visage de Breeven. Oh, oh... Que va-t-il me sortir en me prouvant sa désespérante fierté?
- Tu viens de me dire que je te déconcentre? S'exclame-t-il.
Je lui donne sèchement, en levant les yeux au ciel, une partie des couteaux dans ses mains sans oublier de lui lancer un regard de tueur et entre dans le salon en direction de la cuisine.
Après avoir ouvert une dizaine de tiroirs, je trouve enfin un fusil d'aiguisage et m'installe sur une chaise design rouge dans le salon, face au jardin, afin de regarder Breeven sur sa technique pour lancer les lames, mais aussi pour surveiller s'il ne se met pas bêtement en danger (On ne sait jamais avec lui...).
Je me mets à aiguiser les couteaux tandis que Breeven se positionne correctement devant la cible et se concentre avec sérieux. Ses six premiers lancés ont atterris avec succès au bon endroit. Les pointes de ses armes arrivent presque toutes dans le petit cercle rouge.
Je réprime un sourire en évitant de sauter de joie sur ma chaise. C'est fou comment mon élève s'améliore nettement. Ça arrive presque à me rendre fière de lui!
Ayant terminé sa séance d'exercice, je vois mon binôme poser ses couteaux sur la table et s'engouffre dans la cuisine en suivant l'inévitable appel de la faim. Il ouvre la porte du frigo, puis le referme en un geste sec. Je sens déjà qu'il y a quelque chose qui ne va pas.
Breeven se retourne et s'appuie contre l'îlot central.
- Tu connais le désert du Sahara? Me demande-t-il d'un air concentré.
- Oui, je lui réponds en fronçant les sourcils.
Il a vraiment des drôles de questions ce mec. Un jour je ne vais même plus être étonnée de l'entendre parler du sens de la vie.
- Eh bien... reprend-t-il. Le frigo c'est la même chose mais en version banquise.
- Heu... et en français ça donne quoi? Je lui demande en reposant à côté de moi mon couteau désormais affûté, ne comprenant pas ses paroles.
- C'est clairement la dèche. On va devoir visiter quelques maisons parce que nous avons plus de chance de mourir de faim que d'une balle dans le coeur.
Je soupire. Et dire qu'on doit, en plus de se battre, se réapprovisionner en nourriture. Ce n'est pas comme si les propriétaires de cette maison étaient au courant de l'expérience et qu'ils avaient prévu de mettre le plus de nourriture possible dans leur frigo.
On va devoir sortir de notre cachette et nous mettre en danger juste pour de la bouffe et ça me met en rogne.
- Cette fois-ci, je viens avec toi Megan, m'informe-t-il avec détermination. Ça me tue de te voir partir seule dehors pendant que je reste ici en sécurité. J'estime m'être assez entraîné pour pourvoir nous défendre en cas d'attaque, surtout avec les couteaux. Pas question que tu me dises que je ne suis pas assez fort pour t'aider!
Merde, il a raison. Avec les efforts qu'il a faits, je pense qu'il mérite de venir avec moi. La moitié de ses couteaux a touché le centre. Il a prouvé qu'il pouvait nous défendre un minimum. Impossible pour moi de le nier.
- Oui tu as raison, j'avoue.
Breeven me fixe complètement étonné. Je suis sûre qu'il pensait que je rejetterai sa demande.
- Tu peux répéter? J'ai mal entendu, me demande-t-il en souriant.
- Ne m'oblige pas à revenir sur ma décision, je le menace en le pointant du doigt.
- OK, OK, fait-il les mains levées. Si tu avais dit non, j'avais déjà prévu un plan pour que tu acceptes de toute façon.
Curieuse je lui demande:
- C'était quoi ton plan?
Il rigole.
- Tu ne le sauras jamais puisque je pourrai enfin sortir.
Je plisse les yeux.
- Très bien. Je suis contre que tu quittes cette maison.
- Trop tard, tu as déjà accepté! Me dit-il en reculant vers les escaliers.
Offusquée, je change de technique. Mon visage prend une moue infantile avec un petit air de chien battu. Qu'est-ce que je ne peux pas faire pour obtenir une réponse. Merci la curiosité de me rendre aussi têtue.
- S'il-te-plait, dis-le moi, je le supplie avec une voix de gamine.
Je vois sa tête s'adoucir. Il est enfin entré dans mon piège! Haha!
Soudain, il sourit de nouveau.
- T'es mignonne mais non!
Je le vois dévaler les escaliers à toute vitesse. A moitié énervée, je le poursuis, les poings sérrés.
- Revient ici! On n'a pas fini de parler!
***
- Tu es prête? Me demande Breeven pendant que je me muni de quatre sacs à dos dont deux que je lui passe.
J'espère que cette après-midi tout va bien se passer. Les dix couteaux sont prêts. Mes trois dernières balles sont encore dans mon pistolet. Nous ne devrions pas avoir beaucoup de problèmes. Et puis, nous allons quand même nous déplacer dans les maisons voisines de la nôtres. Elles devraient ne pas être habitées puisque, chaque matin, je sors à la recherche de nouvelles délimitations sans être embêtée par d'autres sélectionnés.
Breeven passe en premier le pas de la porte d'entrée vers l'extérieur.
- Les nuages sont noirs, remarque-t-il le nez au ciel. Croisons les doigts pour qu'il ne pleuve pas. Revenir avec des sacs de nourriture remplis d'eau n'est pas super.
- Alors allons-y tout de suite, je nous pousse en fermant la porte derrière moi.
Comme d'habitude les rues sont silencieuses... Enfin un peu moins vu que cette fois-ci Breeven m'accompagne. Je ne suis pas seule, ça me rassure. Voir un peu de vie à mes côtés me donne l'impression d'être vivante.
Je fais un léger sourire. Je suis toujours vivante contrairement à ce que je pensais il y a cinq jours. L'instinct de survie, le meilleur ami de l'Homme! Et aussi Breeven. Je l'ai quand même échappé belle deux fois grâce à lui.
La première maison ne contenait pratiquement rien. Les fruits ont pourris dans leur corbeille. Une grande partie des aliments ont périmé dans le frigo. Nous avons pu trouver un paquet de pâtes, du riz et quelques légumes en boîtes. Les quatre autres demeures n'étaient pas plus remplies. Nous n'avons dégoté que le strict minimum encore mangeable.
- Quatre pizzas Margarita surgelées, deux boîtes de raviolis et deux bouteilles de limonade, conclu Breeven tandis que nous nous apprêtons à sortir de la cinquième maison. Avec tout ce qu'on a récolté ici, on a de quoi faire une fiesta avec tout le monde.
- Encore faut-il que tu réussisses à les inviter sans te faire tuer, je m'esclaffe pendant que nous progressons dans la rue.
- Ne me sous-estime pas, fait-il avec un sourire charmeur.
- Non pas du tout, je me moque exagérément.
Soudain, des bruits réguliers et incessants résonnent dans la ville comme si quelqu'un s'amuse à taper sur de la taule. Ce n'est sûrement pas le brouhaha d'une arme, j'en mettrai ma main à couper.
- Tu entends ça? Je demande à Breeven pour être sûre de ne pas être véritablement folle.
Il hoche sérieusement la tête.
- D'où est-ce que ça provient? Dis-je en scrutant le périmètre autour de nous.
Tout d'un coup, le tonnerre retentit dans l'air au-dessus de nous.
- Il faut qu'on trouve vite un abri, je nous presse, peu désireuse de rentrer trempée à la villa.
Je me mets à partir avec mes sacs quand la main musclée de Breeven se pose sur mon ventre pour me retenir.
- Attend, me dit-il.
Je lève ma tête vers lui et le vois observer le ciel. Intriguée, je suis son regard et lâche un petit cri de surprise en laissant tomber notre butin au sol.
Effectivement, il pleut. Mais personne ne m'aurait cru si je leur disais que les gouttes ne tombent pas au sol. Malgré la distance qui nous sépare, je peux les voir s'arrêter à plus de cent mètres de hauteurs. Petit à petit l'eau se met à couler le long d'une barrière invisible en formant un rideau translucide sous mon visage bouche-bée.
C'est là que je comprends où nous sommes. La vérité est dure à l'admettre et surtout irréelle.
- Un dôme, je murmure, éberluée.
La paroi du dôme, désormais floutée par l'eau, est impossible à réaliser. Nous ne sommes qu'au vingt-et-unième siècle. Cette technologie pour créer des champs magnétiques est trop futuriste pour être vraie!
Je ne peux détacher mon regard du spectacle, encore sous le choc. Nous sommes donc encerclés de toutes parts, de la terre jusqu'au ciel. S'ils ont réussi à créer ce dôme qu'ont-ils pu construire d'autre?
- Au moins le point positif c'est qu'on n'a pas besoin de parapluie, relativise Breeven.
Remercions-le pour cette évidence!
- Et le point négatif? Je lui demande machinalement en observant le ciel sombre et pluvieux.
De sa voix grave, il me répond:
- L'espoir de sortir d'ici est définitivement pulvérisé.
***
Coucou tout le monde! Je sais que l'attente a dû être très longue pour enfin lire ce chapitre et j'en suis désolée. Je n'ai trouvé que très peu de temps pour l'écrire mais j'ai fait mon maximum pour sortir ce chapitre aujourd'hui. J'espère sincèrement qu'il vous a plu, parce que ça serait bête d'attendre longtemps pour qu'au final le chapitre ne vous plaise pas.
Pour l'instant que je ne peux pas reprendre le rythme initial des publications mais il se pourrait qu'à partir des vacances il y aura deux chapitres par semaine.
Encore merci d'avoir attendu deux semaines pour ce chapitre ❤ J'espère sortir le prochain chapitre dans un délait plus court.
Bisous ❤
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