Chapitre 5

Inspirer, expirer. Je ne tiens plus en place. J'ai beau imaginer n'importe quel paysage zen, aucun exercice ne marche. Je me répète encore et encore cette tirade mais j'ai l'impression d'avoir tout oublié. Comment est-ce possible ? Je la maitrise depuis que je suis petite !

— Stressée ?

Je sursaute à cette voix à la fois douce et rocailleuse dans mon dos. En me retournant je me retrouve littéralement hypnotisée par ces yeux d'un bleu plus clair et limpide que celui d'un océan. Le cœur dans la gorge, plus aucun son ne sort de ma bouche et je manque de m'étouffer. Je tente reprendre mes exercices de respiration et mon calme par la même occasion.

- Oui, je suis tétanisée...avoué-je, gênée.

Il hoche la tête, rabattant une mèche devant ses yeux par la même occasion. Étrangement, malgré des cils épais, il apparait en aucun cas moins masculin pour autant. Ceci est certainement dû à cette fine barbe brune qu'il arbore, rappelant ses cheveux d'un noir de jais dont j'ai l'incongrue envie de passer la main.

- Je ne me suis pas présenté, je suis Andy, tu es Kiara ?

A mon tour d'acquiescer. Un sourire franc s'esquisse sur son visage et je ressens immédiatement une sorte de confiance aveugle envers lui.

- Tu demandes Juliette, je me trompe ?

J'acquiesce sans pouvoir détourner mon regard de lui. Il m'explique par la suite qu'il postule lui-même pour le rôle de Romeo, et j'ai la certitude qu'il sera excellent. Je sens en lui ce charisme naturel des meilleurs acteurs.

Malgré mon envie irrépressible de rester avec lui, Samantha arrive rapidement. C'est mon tour. Les palpitations reprennent. Penser à un paysage paisible, une légère brise sur mon visage... J'essaye toutes les techniques antistress possibles mais rien ne marche. Il faut que je me concentre sur le rôle. Je ne suis ni Carrie, ni Kiara, je suis Juliette. Juliette, sur le point de feindre la mort pour échapper au mariage avec Paris. Juliette qui ne se doute pas que son acte causera la mort de Romeo.

Je ferme les yeux et prend une grande respiration au moment où j'entre sur scène. Je salue les 3 jurés composés de Mlle Smith, le professeur de théâtre dont j'ai oublié le nom, et Alia.

— Quelle scène as-tu choisi ? me demande l'homme aux cheveux grisonnants.

— J'ai choisi le monologue où Juliette s'apprête à boire le poison.

Les trois hochent la tête en même temps et Alia m'adresse un sourire pour me rassurer.

— Adieu !... Dieu sait quand nous nous reverrons. Une vague frayeur répand le frisson dans mes veines et y glace presque la chaleur vitale... Je vais les rappeler pour me rassurer. Nourrice !... qu'a-t-elle à faire ici ? Il faut que je joue seule mon horrible scène, commencé-je.

Je simule la prise de la fiole.

— À moi, fiole !... Eh quoi ! si ce breuvage n'agissait pas ! Serais-je donc mariée demain matin ?... Non, non. Voici qui l'empêcherait... Repose ici, toi...

Tout mon texte semble sortir naturellement de ma bouche et je me sens totalement impliquée dans le rôle. Je vis cette scène comme des années auparavant lors de ma représentation avec Theo.

— Roméo ! Roméo ! Roméo ! Voici à boire ! Je bois à toi.

Je salue mes interlocuteurs et me relève. J'aperçois à ma plus grande surprise Theo, au loin, qui semble m'avoir observé durant toute ma tirade. Je remarque par la même occasion à quel point il me parait grand. Monstrueusement plus grand qu'avant.

— Merci bien, me lance Jenna avant de continuer d'écrire un tas de choses sur son carnet.

Je soupire avant de me diriger vers la sortie.

— Attends, m'interpelle celui que je redoute, à l'autre bout de la salle de spectacle.

Il veut que je le rejoigne mais je n'en ai aucune envie. Je m'apprête à sortir.

— Carrie !

Je me retourne et lui lance un regard noir. Comment a-t-il osé m'appelée ? N'ai-je pas été assez claire la dernière fois ? Je cours vers lui comme une furie.

— Tu as déjà oublié ce que je t'ai dit ? chuchoté-je lorsqu'Andy entre sur scène.

Theo soupire. Je déteste ce sourire en coin qu'il a sur le visage. Il se fiche littéralement de moi.

— Tu voulais me dire quoi ? soupiré-je finalement.

Je ne sais définitivement pas pourquoi je finis toujours par lui céder.

— Je voulais te féliciter, tu as fait de nombreux progrès depuis notre dernière représentation.

Qu'insinue-t-il par là ? Que j'étais mauvaise avant ? Suis-je censée être flattée par ses paroles ?

— Je dois le prendre comment ?

Il soupire, et je devine en son visage une extrême lassitude, comme s'il transportait toute la misère du monde.

— Je me suis mal exprimer. Tu étais extra, on ressent clairement de l'implication et de la maturité, et puis...

Il secoue la tête et ne termine pas sa phrase. Sa bienveillance à mon égard me projette des années en arrière lorsque je buvais chacune de ses paroles.

— Pourquoi tu as été si sèche avec moi l'autre fois ?

Mais tous mes espoirs de rédemption s'écroulent à cause de cette question. Lui avoir des remords ? Il est toujours le même que celui qu'Alia m'a décrit, pourquoi me suis-je faite duper comme ceci ? Le sentiment de trahison me fait bouillonner de colère. Je dois me faire à l'idée que j'ai en face de moi le nouveau Theo, le véritable Theo.

— Ce gars est détestable rien qu'à sa manière de jouer, marmonne-t-il en regardant Andy.

Il est si fier, comment n'ai-je pas pu déceler cela lorsque j'étais une petite fille ? Je me concentre sur le jeu du beau comédien sur scène.

— Je ne trouve pas, il est même plutôt bon je trouve !

— Princesse, je te fais le pari qu'il ne sera jamais Romeo, me coupe Theo.

Rrrh ! Il m'énerve au plus haut point. Le plus exaspérant est qu'il est réellement bon, j'en ai le souvenir. Seulement il ne fait preuve d'aucun recul et n'exprime aucunement de la modestie.

— Et j'imagine que toi tu le seras, c'est ça ? ironisé-je rouge de rage.

— Bien sûr ! Déjà lorsqu'ils verront notre complicité ils seront forcés de l'écarter !

« Notre complicité » ? Il me balance ses paroles d'un ton neutre sans aucune émotion mais malgré tout j'en ai le cœur battant. Il pense véritablement que tout va redevenir comme avant ? Il ose penser que tout va redevenir comme avant ? Il ne comprendra donc jamais.

— Je n'ai pas changé d'avis, ne te méprend pas, répliqué-je sèchement, et on m'a tout raconté à propos de toi et de la propriétaire. Je ne sais même pas comment tu peux te regarder dans un miroir Theodore.

Je jubile lorsque je le devine totalement médusé. Visiblement il ne pensait pas que cette histoire viendrait jusqu'à moi.

-Tu me dégoutes, ajouté-je méprisante.

Pour la première fois depuis aussi longtemps que je me souvienne, je perçois de la peur dans son regard. De la peur ou de la tristesse. Peut-être bien les deux. J'ai donc tapé dans le mile.

— Où veux-tu en venir ? finit-il par me demander les dents serrées.

On y vient donc.

— Ce serait dommage que ta petite famille l'apprenne, non ? Tu as bien changé depuis ton départ, ils ont dû s'en rendre compte ! J'ai la certitude qu'ils croiraient chacun de mes propos.

Je ne me reconnais pas lorsque je prononce ces mots. Je fais tout pour paraitre insensible face à lui mais le voir dans un tel état de panique me donne la chair de poule. Mais je ne dois pas céder.

— Je compte donc sur toi pour tenir ta langue face aux autres quant au fait que nous nous connaissons. Je m'appelle ici Kiara, et non Carrie, et tu m'évites à partir de maintenant. Compris ?

Il hoche la tête, pâle. S'il comprenait la raison de mon énervement je lui en voudrais moins ! Comment peut-il ne pas se douter que je lui en veux de m'avoir laissée ?

— Et je te fais moi le pari qu'Andy sera mon Romeo, lui promis-je.

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Alors, que pensez-vous d'Andy ? 

Bon, l'espèce d'affrontement entre Theo et Carrie/Kiara était obligatoire, j'adore trop nles disputes entre personnages (je me dois d'expliquer qu'écrire un roman demande un caractère particulièrement sadique, en tout cas chez moi il est très présent :p) ! 

N'oubliez pas de commenter, cela me booste et m'aide à écrire la suite ! 

Bises, 

Coralie ♥

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