Depuis la nuit dernière, j'ai une dizaine d'appels manqués d'Andy, qui tente encore une fois de m'appeler, mais je l'ignore toujours. Parfois j'ai l'impression que tout ceci n'était qu'un rêve. Alors, les derniers événements ne seraient jamais arrivés, ou bien je n'aurais même jamais retrouvé Theo ce jour-là dans le jardin. Cependant le nom d'Andy sur l'écran de mon téléphone a le don de me ramener à la réalité.

Je ne veux pas rompre avec lui, pas encore. Je ne me sens pas encore prête. Mais le serai-je un jour ? Après ce que j'ai fait, c'est une obligation, c'est bien ce que m'a dit Emmy, mais je m'en sens incapable. Incapable de lui faire de la peine, incapable de lui briser le cœur, mais surtout incapable de lui avouer ce que j'ai fait. N'ai-je donc aucun courage ?

Ce matin, j'ai des heures à faire au café alors je me dépêche de me préparer. Je pourrai faire le point sur mon plan d'action. Cet après-midi, nous répétons pour la première fois depuis le voyage et je me demande ce que cela va donner. En réalité, je suis terrifiée. Je sens l'avant-première qui approche et ai l'impression qu'encore hier John nous répétait à toute la troupe que nous étions médiocres. Espérons que cela ait bien changé depuis, je ne voudrais pas que notre spectacle marque les esprits comme l'un des pires jamais présentés. Mais je suis d'autant plus terrifiée à l'idée de retrouver Theo. Peut-être m'embrassera-t-il devant mon bientôt ex-petit ami, ce qui détruirait ce dernier.

Alors que j'essuie les tables, je commence à réfléchir quant à la manière d'annoncer les choses à Andy. Le plus tôt sera le mieux, il faut que je le fasse avant la répétition, l'esprit clair. C'est ce que m'a conseillée Emmy. Je suis d'ailleurs si heureuse d'avoir pu lui parler. Elle ne semblait pas rancunière, au contraire elle était compréhensive et d'après elle j'avais même fait le bon choix en poursuivant mes rêves. Lorsque je lui ai raconté que j'avais retrouvé Theo, elle a tout de suite semblée réticente. Elle m'a vue au plus bas à cause de lui. Aujourd'hui les circonstances sont différentes mais mon amie d'enfance sera la première à confirmer que je réagis outre mesure lorsqu'il s'agit de Theo. Il me pousse autant vers le meilleur de moi-même que le pire.

Avec lui, il faut que je prenne des pincettes, que je ne réagisse pas trop spontanément comme j'en suis capable. Peser le pour et le contre, penser aux dommages collatéraux... Toutes ces choses auxquelles je ne pense pas lorsque je suis avec lui. Il sera encore présent, mais ne régira cependant plus ma vie.

Lorsque je sors du café dans l'idée de me promener un peu pour me préparer à tout avouer à Andy, j'aperçois ce dernier qui m'attend au coin de la rue. Mon cœur bat la chamade. Je vais devoir improviser et lui annoncer maintenant. Les mots qu'il m'a adressés il y a peu tournent en boucle dans ma tête. « Si tu n'es pas sincère avec moi et que tu as des sentiments pour un autre je risque de ne pas pouvoir le supporter », m'avait-il dit en à peu près ces termes. C'est pourtant bien ce qu'il se passe à l'heure actuelle.

Je ne réfléchis pas à sa réaction lorsqu'il s'approche de moi les mains dans les poches, je me concentre sur ce que je vais lui balancer. « Je t'ai trompé Andy, je suis désolée... », non c'est bien trop brutal. Peut-être pourrais-je commencer doucement en lui disant simplement que j'ai développé des sentiments pour Theo, puis lorsque je m'en sentirai prête je lui avouerai tout. Cette idée me semble être la plus appropriée.

Lorsqu'il est tout près de moi le regard froid, je perds mes moyens. Ma bouche devient sèche, j'imagine la même conversation que celle que nous nous apprêtons à avoir mais entre mon père et ma mère. Je regarde alors mon interlocuteur droit dans les yeux et prends une grande inspiration.

— Je crois que j'ai fait une bêtise Andy..., échappé-je alors.

Mais non, qu'ai-je dit ? Ce n'était pas ce qui était prévu, j'aurais dû m'en tenir au plan ! Mon cœur bat de plus en plus vite lorsqu'Andy ouvre grand ses yeux bleu océan. Je sens le regard voyeur des passants sur nous et cela me paralyse.

— Tu ne préfèrerais pas qu'on parle de cela dans le calme ? me propose alors Andy, voyant mon malaise.

Même lorsque je m'apprête à lui briser le cœur, il est adorable. Comment fait-il ? Il m'emmène alors au même endroit que la dernière fois, c'est-à-dire dans sa magnifique demeure. Je ne prends pas le temps d'admirer les lieux, tant je suis préoccupée. Mon petit ami se doute certainement de quelque chose mais il ne laisse rien transparaître. Lorsque nous nous arrêtons enfin sur un canapé en cuir en plein milieu de son salon, je sens son regard sur moi. Il attend une explication de ma part. Je pousse un soupir avant de me lancer, les paupières closes par peur d'observer sa réaction. Oui, je suis lâche.

— Hier soir je suis restée coincée dans le sous-sol du théâtre avec Theo, commencé-je avant d'entrouvrir un œil.

Il serre les dents, certainement devinant la suite de mes paroles, et je ferme les yeux une nouvelle fois. Mon cœur bat la chamade tandis que je l'entends respirer de plus en plus fort. Andy semble énervé mais ne bouge pas d'un poil.

— Je suis tellement désolée ! m'exclamé-je comme une gamine prise la main dans le sac.

Je n'arrive plus à contenir mes larmes et un premier sanglot me déchire la poitrine, puis une série d'une intensité croissante montent... Je n'arrive plus à respirer. J'ai honte de moi, je me sens sale, et d'autant plus que j'ai adoré le moment passé avec Theo. J'ai honte d'avoir de telles pensées pour lui en dépit de mes convictions et de ma relation avec Andy.

— Je ne sais même pas comment c'est arri...

— Tais-toi ! hurle Andy sans me laisser finir.

J'ouvre enfin les yeux, toujours animée par les sanglots et suis monstrueusement étonnée de la vision que j'ai d'Andy. C'est véritablement un autre homme que j'ai devant moi. Son teint auparavant blanc et lisse l'apparentant à une statue grecque est maintenant rougeâtre et parsemé de gouttes de sueurs. Quant à ses yeux que je connaissais bleu azur, ils ne sont plus que des billes noires haineuses. Cette haine qui émane de lui me fait trembler de tout mon être. Je ne l'ai jamais vu dans un tel état et n'aurais jamais imaginé qu'il en arrive là. Je suis un monstre, un démon pour avoir réveillé une âme auparavant si paisible.

L'homme que je découvre aujourd'hui se lève alors, m'attrape le bras d'une poigne ferme et diablement douloureuse, et me projette contre la table en bois, me faisant tomber au sol.

Ne réalisant toujours pas ce qui se passe, je n'ose pas me relever, mais m'y vois obligée lorsque mon assaillant me l'ordonne d'un ton tranchant. Je réussis à tenir debout miraculeusement malgré le choc de mon dos sur le bord de la table que je vis encore et encore. Sans parler de la trace de sa main qui me lacère le bras de plus en plus fort. Mais malgré tout, je reste en place, raide et blême comme un pantin, ôtée cependant de toute forme de vie.

— Tu es amoureuse de lui, n'est-ce pas ?

Il me dévisage avec un tel mépris que je voudrais mourir. Mourir de douleur mais surtout mourir de honte car je suis incapable de répondre. Je voudrais plus que tout lui assurer que je n'ai aucun sentiment pour Theo mais c'est impossible. Cet homme, celui qui me sert de meilleur ami depuis tant d'année, je l'ai dans la peau. Il fait battre mon cœur et occupe quasiment toutes mes pensées depuis que j'ai croisé son regard. Toutefois, suis-je réellement amoureuse de lui ?

— Réponds-moi ! hurle-t-il d'une force quasi inhumaine.

Je réalise que j'ai pendant tout ce temps retenu ma respiration lorsque je ressens le besoin irrépressible de remplir mes poumons brûlants. Les sanglots reprennent alors de plus belle et mes pleurs se mêlent peu à peu à une crise de panique. Je suis incapable de prononcer un mot alors je secoue la tête. Mon visage se tord en une grimace tandis que je ferme les yeux. Je ne veux pas ressentir de nouveau sa main violente sur moi mais au fond tout ce qu'il me fait subir est mérité.

Alors que je m'étonne de ne pas ressentir de coup, sa main attrape la mienne et m'emmène en direction du même canapé sur lequel nous étions assis il y a ce qui me semble être une éternité.

— Maintenant tu vas m'écouter attentivement, m'ordonne-t-il d'un ton de nouveau calme et posé.

Le cœur gros, je ne cille pas mais frissonne cependant lorsqu'il met une main sur ma cuisse.

— Je ne suis peut-être pas prêt à t'excuser pour ce que tu m'as fait, mais pour autant je ne veux pas que cela mette un terme à notre relation.

Je le regarde, ahurie. Après la colère dans laquelle je l'ai mise, il voudrait que nous continuions à nous voir ? Il est décidément incernable. Je ne m'attendais pas à cela. Après un court instant d'incompréhension, il m'explique alors qu'il se sentira capable de me pardonner si je nous laisse encore une chance jusqu'à la représentation. Ensuite, je pourrai faire un choix, et lui acceptera si jamais je cours dans les bras de Theo. Mais je ne dois pas parler du plan à mon ami, c'est ce que m'a ordonné Andy.

**********************************************************

Je ne sais pas quand est la dernière fois que j'ai publié un chapitre mais ça doit faire une éternité !

Cela faisait depuis un moment que je voulais dévoiler cet aspect de lui et le voilà enfin... Qu'en pensez-vous ? J'ai tenté de faire tout ça avec le plus de cohérence possible, mais j'ai peur que le personnage d'Andy en lui-même ne soit pas cohérent... 

Bises, 

Coralie ♥